Texte intégral
ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Jean-Michel BLANQUER.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être ce matin sur LCI. On va évidemment commencer par l'évocation de Jacques CHIRAC, que vous avez eu l'occasion de côtoyer à la fois personnellement, enfin dans un cadre privé et dans un cadre passionnel depuis plusieurs dizaines d'années. Depuis jeudi, c'est vrai que l'on voit monter l'hommage populaire, qui s'est traduit notamment par de ces milliers de personnes, au moins 7 000 je crois qui ont fait la queue pendant des heures pour voir Jacques CHIRAC, le cercueil de Jacques CHIRAC aux Invalides. Qu'est-ce que ça traduit, selon vous, ce recueillement, cette, on ne peut pas dire ferveur, mais en tout cas ce moment où les Français prennent du temps pour saluer l'ancien président ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien ça traduit un attachement à sa personne, et puis a traduit aussi un attachement à l'homme d'Etat. Je crois qu'il y a la double dimension à chaque fois, c'est-à-dire qu'il y a une dimension affective qui s'est construite au fil du temps, qui n'existait pas au début de la vie publique de Jacques CHIRAC et qui s'est construit par un lien avec les Français, ce qui fait que les gens ont l'impression de le connaître personnellement, et sa personnalité est très attachante. En même temps, c'est l'homme d'Etat qui est salué, et vous savez il y a cette vieille théorie des deux corps du roi, quand on exerce la fonction suprême, on est à la fois soi-même avec son corps, et puis on habite un corps institutionnel. Je pense que c'est à ces deux corps que les Français sont en train de rendre hommage, et c'est le fait que les deux étaient si estimables, qui fait qu'il y a un tel engouement populaire aujourd'hui.
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui. Vous, vous aviez consacré un livre à sa promotion de l'ENA, je crois, promotion…
JEAN-MICHEL BLANQUER
La promotion Vauban.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça vous avait donné l'occasion de visiter son existence. Alors, il a été président, il a été surtout conquérant, on se souviendra surtout du candidat CHIRAC, mais vous, quel souvenir de sa biographie vous voudriez mettre en avant ce matin, finalement ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je pense que c'était quelqu'un de généreux. C'est intéressant de voir que lorsqu'il était... qu'avant de passer l'ENA et au moment où il est à l'ENA, son ambition n'apparaît pas de manière si forte que cela, et en tout cas il a déjà beaucoup d'originalité dans son parcours, déjà cet intérêt par exemple pour la langue russe, cet intérêt pour l'anthropologie, et puis je crois que est quoi cette générosité dans l'engagement, je crois que c'était finalement, quand on regarde sa jeunesse, quelqu'un un qui n'était pas calculateur. Ça peut sembler surprendre ensuite quand on sait que…
ELIZABETH MARTICHOUX
Parce que c'était un manœuvrier hors pair, par ailleurs.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, mais je pense que l'on connaît les gens par leur enfance et leur adolescence, d'abord, et là on voit quelque chose d'assez pur en fait.
ELIZABETH MARTICHOUX
D'assez pur.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui je trouve, lorsqu'on voit cette son parcours d'enfants et d'adolescents oui.
ELIZABETH MARTICHOUX
Jean-Michel BLANQUER, à propos d'enfants, Sibeth NDIAYE, vendredi à la sortie du Conseil des ministres, a annoncé qu'il y aurait un hommage, en ce jour de deuil national, une minute de silence dans toutes les administrations, à 15h00 et également dans les écoles et au caractère obligatoire. A 15h00, toutes les écoles vont s'arrêter pour une minute de silence, quelle que soit la classe, je veux dire, du CP à la terminale ? Comment ça va se passer ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, c'est ce que nous avons demandé. C'est tout simplement une minute de silence, c'est d'ailleurs ce qui se passera dans une bonne partie de la France, c'est tout à fait normal pour un homme d'État, un ancien président de la République, et je pense que c'est important même pour les enfants de l'école primaire puisque ça montre que ça va sans doute frapper leurs esprits et souvent on se souvient après, dans 10 ans, dans 20 ans, il se souviendra... ils se souviendront qu'à un moment donné ils ont... il y a eu cette minute de silence et ça fait un jalon dans leur existence. Jacques CHIRAC fait partie de notre vie collective et c'est vrai aussi pour les enfants et adolescents.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ça vous semble tout à fait normal que l'école, de la plus petite classe à la plus âgée si je puis dire, s'associe à cet hommage, sachant que pour les tous petits c'est compliqué quand même de leur expliquer le sens de cet évènement.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Après, il faut du pragmatisme, et à l'école primaire les maîtres et les maîtresses ont beaucoup de pragmatisme, donc je leur fais confiance sur la façon de faire, mais…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça peut ne pas être, à proprement parler, une minute de silence par exemple, ça peut-être un moment d'échange ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Un temps de recueillement, bien sûr. Alors, de toute façon nous avons mis sur le site Eduscol, qui est le site des professeurs, mais que chacun peut voir, les ressources pédagogiques sur la vie de Jacques CHIRAC, ce qui fait que ceux qui ont envie d'aller plus loin pour expliquer finalement qui est cette personne qui maintenant est entrée dans l'histoire désormais, eh bien ils ont tous les outils pédagogiques pour le faire.
ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais je crois que chacun doit le faire avec…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ce sera un moment dédié à Jacques CHIRAC, pas forcément une minute de silence, c'est ça que vous voulez dire.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ah non non, enfin, alors, non, il y a d'abord une minute de silence, ça c'est partout.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ah ça, on ne peut pas y déroger.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non. Et puis par ailleurs il y a un temps pédagogique pour ceux qui le souhaitent, a fortiori si vous êtes professeur d'histoire géographie et éducation civique, vous pouvez le faire, mais ça ce n'est pas obligatoire.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors il y a des profs qui ne sont pas d'accord, Jean-Michel BLANQUER, je ne sais pas si vous avez vu le tract de SUD…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça peut arriver.
ELIZABETH MARTICHOUX
De SUD Education, qui parle d'indécence même, d'indécence, à propos de cette consigne que vous avez donnée, estimant que le parcours politique de Jacques CHIRAC ne justifie pas du tout que l'école s'associe à cet hommage. Comment est-ce que vous prenez ce tract ? Minute de silence, lundi.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous savez, écoutez, là on est un jour de recueillement et d'unité nationale, même pour le baptême de la Belle au bois dormant il y a une Fée Carabosse, donc ce n'est pas... On ne va pas se…
ELIZABETH MARTICHOUX
Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien que…
ELIZABETH MARTICHOUX
Que c'est marginal et que ça vous parait…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, voilà, c'est ce que je veux dire par là, bien sûr. Même le jour…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous le prenez un peu par le mépris, ce...
JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous savez, SUD Education c'est ultra-minoritaire, ultra-radical, donc je crois que ça ne vaut pas la peine d'en parler un jour d'unité nationale.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc, et si au-delà de ça il y a des enseignants qui n'ont pas envie de s'associer à cet hommage, qu'est-ce que vous leur dites ce matin, s'ils s'interrogent ? Est-ce que c'est notre rôle ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous savez, non mais il faut avoir le sens des institutions. Peu importe les options politiques de Jacques CHIRAC il a été le chef de l'Etat, le président de la République, comme ça a été le cas pour François MITTERRAND, pour le général de GAULLE ou pour Georges POMPIDOU, il est tout à fait normal de rendre hommage à un chef de l'Etat. Nous sommes un grand pays, nous sommes une Nation, du jour où nous votons pour un chef de l'Etat, même si c'est seulement une majorité de Français qui le votent, il devient le chef de l'Etat de tous les Français, lorsqu'il meurt il est tout à fait normal de rendre hommage à ces... on doit absolument éviter toute polémique sur ce genre de sujet.
ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord. Pour conclure c'est une consigne républicaine, c'est un geste républicain…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Absolument.
ELIZABETH MARTICHOUX
...auquel vous ne comprendriez pas que l'on ne se soumette pas dans le cadre de sa mission à l'Education nationale.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est ce que vous dites aux profs aujourd'hui. Direction Rouen, Monsieur le Ministre, parce qu'il y a beaucoup d'inquiétudes dans cette rentrée. D'abord une information : est-ce que toutes les écoles, toutes les écoles, collèges, lycées, primaire, ont rouvert effectivement ce matin, sont rouverts ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, ce matin les écoles, les collèges et lycées publics et privés sous contrat de Rouen rouvrent, et de l'agglomération réouvrent. Il y avait une condition préalable qui était qu'il y ait le nettoyage des suies, des dépôts de suie qui ont pu se succéder à la fumée de pollution qui a eu lieu jeudi, et ceci a été fait, y compris durant le week-end, et je veux rendre hommage à tous ceux qui se sont mobilisés pour cela, aux équipes qui ont travaillé le week-end, des collectivités locales, de l'Education nationale, et qui font que ce matin tous les enfants peuvent entrer à l'école parce qu'il n'y a plus ces suies qui évidemment étaient contradictoires avec l'idée de pouvoir ouvrir les écoles.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors c'est vrai qu'il y a eu ce nettoyage, mais il reste de l'inquiétude, on écoute cette maman hier soir devant les caméras de LCI. Ecoutez.
DIXIE CHAILLE DE NERE, MERE D'UN ELEVE SCOLARISE A ROUEN
Vu les conséquences de l'incendie, et le fait qu'on soit retourné à Rouen hier et qu'au bout de 5 minutes on avait tous la tête qui tournait, et particulièrement Elias, qui a eu envie de vomir, on s'est dit, si au bout de 5 minutes mon fils ne se sent pas bien, je ne vois pas comment en 24 heures ce phénomène va partir. Tant qu'on a, d'un point de vue olfactif, des signes de présence d'hydrocarburants, il n'y a pas de raison que mon fils retourne à l'école c'est aussi simple que ça.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc quatre jours après l'incendie de l'usine LUBRIZOL, à quelques centaines de mètres de Rouen, vous entendez l'inquiétude, il y a encore des signes notamment olfactifs de cette catastrophe industrielle. Qu'est-ce que vous dites aux parents ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien d'abord je vois très bien ce qu'elle veut dire, puisque j'étais à Rouen vendredi donc j'ai pu moi-même sentir l'odeur, et je comprends qu'une odeur mauvaise postes pose question à ceux qui la sentent, c'est tout à fait normal, je pense qu'elle est en train de s'estomper et que par ailleurs l'odeur ne dit rien en réalité sur le caractère nocif ou pas de la fumée. Donc là je comprends que ça inquiète mais en même temps on a les analyses très claires aujourd'hui, sur la fumée d'une part, sur les suies d'autres pas, qui permettent d'éloigner les inquiétudes et le préfet l'a très bien dit.
ELIZABETH MARTICHOUX
Les parents peuvent être complètement rassurés.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr. Vous savez, nous avons attendu l'avis de l'ARS, l'Agence Régionale de Santé, pour évidemment prendre toutes les précautions nécessaires et nous avons su assez vite que c'était le nettoyage des suies qui permettait d'assurer cela. Aujourd'hui, la seule restriction qu'il va y avoir c'est les cours d'éducation physique et sportive dans les installations extérieures aux établissements, parce qu'elles n'ont pas pu être complètement nettoyées.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous êtes rassurant, parce que c'est vrai que j'entendais encore hier un responsable d'Europe Ecologie-Les Verts de Normandie, madame BEREGOVOY, secrétaire régionale du mouvement, qui disait qu'il y avait eu chez vous collectivement une volonté de minimiser les conséquences de cette catastrophe industrielle.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non pas du tout, au contraire, il y a eu la volonté de lucidité dès les premières heures, c'est-à-dire dans la nuit de mercredi à jeudi il y a eu mobilisation, la rectrice, l'inspecteur d'académie, l'ensemble des services ont fait ce qu'il y avait à faire, c'est comme cela d'ailleurs qu'on a demandé aux enfants et aux adolescents de ne pas aller à l'école…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vendredi.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Et le vendredi c'est par principe de précaution qu'on a continué cette mesure, mais donc on n'a pas du tout cherché à minimiser, si nous avions voulu minimiser, nous n'aurions pas fermé les écoles, les collèges et les lycées, nous avons attendu les analyses et j'y suis allé moi-même pour m'assurer de la coordination de tous ces éléments, et c'est ce qui nous a permis de dire vendredi que nous ouvrions lundi si nous réussissions dans l'intervalle à faire tout le nettoyage. Ce qui a eu lieu.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et qui est fait ce matin. Et si les enfants, dernière question, si les enfants sont absents, puisque manifestement il y en a, il n'y en a pas qu'un, il y en a plusieurs, ils ne seront pas sanctionnés malgré tout ? Il y aura une forme d'indulgence à l'égard de ces craintes que l'on peut comprendre ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, mais vous savez, il y a une relation entre les deux sujets que nous abordons ce matin, c'est les enjeux d'unité, dans des moments comme ceux-là, il faut à la fois être unis et pragmatique. Pragmatique ça signifie être lucide, regarder si pollution il y a, et bien sûr il y a eu quelque chose de grave qui s'est passé, il ne s'agit pas de le minimiser, prendre les mesures. Moi je veux rendre hommage aux institutions, aux élus, au maire de Rouen, l'ensemble des responsables concernés qui ont été d'une solidité, d'une unité face à cela, non pas pour cacher les problèmes, pas du tout, au contraire, pour les traiter, parce que problème il y a eu, et maintenant ça ne sert à rien de chercher à créer des polémiques autour de ça. Par contre, là où je pourrais être tout à fait d'accord avec cette personne, c'est qu'il faut évidemment continuer à être vigilant pour la suite et puis il y a tout ce que Barbara POMPILI disait juste avant sur votre antenne, c'est-à-dire que bien entendu il faut être attentif pour la suite à nos installations industrielles dans une ville comme Rouen, ou dans d'autres villes, on doit évidemment regarder avec un oeil très vigilant cette question.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est un dossier que vous souhaitez qu'on regarde, la distance d'installation notamment des unités de production de produits toxiques…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr.
ELIZABETH MARTICHOUX
... de produits toxiques par rapport à la distance des riverains.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça nous renvoie à nos enjeux de société aujourd'hui de transition écologique et donc pour avoir des industries propres, pour les installer au bon endroit, pour avoir évidemment toute garantie contre les accidents et c'est évidemment ce sur quoi le gouvernement va faire avancer les choses.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et quand les élus de gauche réclament la création d'une enquête parlementaire sur la façon dont a été gérée par le gouvernement cet accident, vous y voyez quoi, un souci de polémique ou un réflexe…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Disons un réflexe politique classique, on va dire.
ELIZABETH MARTICHOUX
Politique classique, que vous réprouvez ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ils sont dans leur rôle d'opposition de réclamer une chose pareille, mais en tout cas vraiment, quand j'ai vu de très près ce qui s'est passé, je vous dis, j'y suis allé moi-même, j'ai vu le travail du préfet, de la rectrice et bien entendu de l'ensemble des services de l'Etat, je pense qu'il y a eu vraiment au contraire le modèle de ce qu'est un Etat moderne, la France peut être fière de ses institutions administratives dans ces moments-là. Nous étions capables, même s'il le fallait, d'évacuer Rouen, il y a eu une capacité à faire dans ces cas-là qui est bonne, et je pense qu'il est normal aussi qu'en démocratie, il y ait des débats autour de cela, mais il faut faire attention à ce que tout ceci ne rompe pas la nécessaire unité qui est gage d'efficacité que l'on doit avoir en cas de crise.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes aussi allé à Rouen, à Pantin, pardon, région parisienne parce qu'il s'est produit sur place dans une école un drame absolu, le suicide d'une directrice sur son lieu de travail, il y a quelques jours, ça a provoqué une énorme, évidement émotion dans la communauté scolaire. Les parents d'élèves, eux-mêmes, vous ont écrit vendredi, je cite quelques phrases, nous vivons l'événement comme un dramatique cri d'alerte sur les conditions de travail des directeurs d'école. Est-ce qu'il y a une difficulté aujourd'hui pour les directeurs d'école, une forme de détresse à laquelle vous êtes sensible ou pas ou est-ce que c'est, alors pour le coup, un drame personnel et complètement individuel ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Moi, je pense que j'y suis très sensible au drame en lui-même évidemment qui est toujours…
ELIZABETH MARTICHOUX
Christine RENON, cette dame s'appelait.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Christine RENON en effet qui s'est donné la mort, il y a maintenant 8 jours. Je suis allé donc à Pantin pour rendre visite à l'équipe de ses collègues, d'ailleurs des personnes avec beaucoup de dignité, avec qui on a aussi analysé la situation, comme pour tout suicide, je crois qu'il faut se garder aussi de commentaires excessifs sur les raisons. Mais au-delà de ça, il est certain que d'abord il faut rendre hommage à cette dame, parce que tout simplement les circonstances sont dramatiques, mais aussi il faut bien sûr avoir une réflexion sur la direction d'école. Mais c'est quelque chose…
ELIZABETH MARTICHOUX
Elle a témoigné de sa solitude dans l'exercice justement de son travail de directrice d'école. Elle en souffrait.
JEAN-MICHEL BLANQUER
De façon générale la question de la solitude pour tous responsable est un sujet qu'on doit toujours regarder de très près, parce que, je le dis souvent, c'est vrai pour un professeur qui peut parfois se sentir seul dans certaines situations, c'est vrai pour un chef d'établissement, c'est vrai pour une directrice d'école, la solution à beaucoup de nos problèmes, c'est le travail d'équipe, c'est la capacité à être ensemble, c'est la capacité à donner un soutien de l'institution dans toutes les circonstances. Cette directrice a eu le sentiment qu'elle était un peu seule et si elle l'a éprouvé c'est qu'il y a quelque chose à regarder puisque par définition ce sentiment l'a mené très loin.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc est-ce qu'il y a une réflexion que vous allez mener sur le statut de directeur ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui bien sûr, alors je n'ai pas attendu ce drame, je pense que ce n'est pas un drame qui doit nous faire, qui doit déclencher toutes les choses, mais on a, vous avez une députée qui s'appelle madame Cécile RAILA qui à ma demande depuis plusieurs mois travaille sur le sujet des directeurs d'école qui rendra des conclusions dans peu de temps.
ELIZABETH MARTICHOUX
Par exemple, comment ça pourrait évoluer, quelle est la mesure qui pourrait aider ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Si vous prenez le cas de Pantin par exemple, une chose dont elle se plaint explicitement et le maire de Pantin m'en a parlé aussi, c'était le fait que l'inspecteur de l'Education nationale depuis plusieurs années, depuis d'assez nombreuses années même changeait chaque année.
ELIZABETH MARTICHOUX
L'instabilité.
JEAN-MICHEL BLANQUER
L'inspecteur local, il faut savoir à l'école primaire, c'est lui le véritable responsable des écoles d'un territoire et donc le fait que ça changeait chaque année faisait qu'il ne pouvait pas y avoir une vraie personnalisation du suivi de la direction, même si l'inspecteur en l'occurrence avait vu madame RENON, il y a peu de temps et il lui avait dit son soutien. Donc…
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ça c'est quelque chose que vous identifiez effectivement, d'avoir un interlocuteur stable avec lequel on peut engager une relation un petit peu suivie dans le temps, ça vous paraît quand même être une réponse actuelle à la solitude qu'éprouve le directeur d'école ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Absolument et dans le cas de Quentin nous allons évidemment nous assurer de cette stabilité. Et par ailleurs d'un point de vue plus structurel la direction de l'école, il faut le savoir, n'est pas quelque chose de hiérarchique, un directeur d'école n'est pas le supérieur hiérarchique de ses collègues, ça peut pas de parfois poser un problème parce que quand on assure cette direction on ne peut parfois pas tout simplement avoir une mise en oeuvre des décisions qu'on prend autant qu'on le souhaiterait. Ce sujet ne fait pas l'unanimité jusqu'à présent, c'est un sujet où les différents syndicats de l'école primaire par exemple ont des points de vue différents. C'est pourquoi ça prend autant de temps d'arriver à dégager le consensus nécessaire.
ELIZABETH MARTICHOUX
Il faudrait qu'il y ait justement un petit lien hiérarchique à votre avis, qu'il y ait une forme d'autorité qui soit écrite.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Les choses doivent changer.
ELIZABETH MARTICHOUX
De ce point de vue-là ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
J'en suis persuadé et je ne suis pas persuadé depuis la semaine dernière, j'en suis persuadée depuis assez longtemps et je pense que c'est typiquement le genre de sujet sur lequel on ne peut avancer que si on réussit à dégager un certain consensus.
ELIZABETH MARTICHOUX
Un consensus et il n'y en a pas pour l'instant et vous dites le syndicat, c'est un problème.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ecoutez, je vois, comme je vois que chacun m'écrit pour dire que les choses doivent changer, je pense qu'il y a un consensus sur le fait que ça doit changer. Donc nous allons déjà partir de cette base, nous aurons dans quelques temps, très peu de temps les conclusions de ce que propose madame RIALA et donc j'espère que nous pourrons faire avancer ce dossier. Et par ailleurs sur ce qui s'est passé à Pantin…
ELIZABETH MARTICHOUX
Dans l'année qui vient vous souhaiteriez par exemple que ce sujet soit négocié avec les syndicats et avance ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui bien sûr c'est un sujet vous savez…
ELIZABETH MARTICHOUX
2020 ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
De façon générale nous avons mis sur la table beaucoup de sujets de gestion des ressources humaines à l'Education nationale, puisque je suis le premier à dire qu'il y a beaucoup d'améliorations à faire et donc celui-ci en fait partie.
ELIZABETH MARTICHOUX
A propos de RH tient, transition toute trouvée il y a un décret paru, certains disent en catimini le 8 septembre dernier qui autorise les enseignants, enfin qui autorise, qui oblige les enseignants à se former pendant leur période de vacances en contrepartie de quoi ils recevront 120 euros par jour brut. Vous confirmez ? Je dis vous confirmez, ce n'est pas la question mais qu'elle est l'idée de ce décret ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
L'expression décret en catimini a tout de l'oxymore puisque par définition, c'est publié.
ELIZABETH MARTICHOUX
Disons qu'on n'en a pas beaucoup parlé…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Parce que je ne pense pas que ce soit non plus un sujet qui passionne les foules, c'est un sujet par contre avec lequel, sur lequel on a beaucoup…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ne croyez pas ça, la formation obligatoire pendant les vacances et non pas pendant qu'ils font classe normalement, tous les parents y sont sensibles.
JEAN-MICHEL BLANQUER
c'est un sujet, là où c'est pas en catimini non plus, c'est que nous avons discuté avec les organisations syndicales pendant de nombreux mois, donc il n'y a pas eu d'effet de surprise à aucun titre, maintenant sur le fond chacun voit bien l'intérêt d'une chose pareille, c'est-à-dire c'est à la fois qui nous permet de remédier à un certain absentéisme puisqu'il parfois paradoxal que l'institution provoque elle-même l'absentéisme qu'elle a du mal ensuite à gérer par du remplacement au travers de sa formation continue. Donc nous voulons évidemment mettre fin à cela. En même temps c'est une occasion d'améliorer le pouvoir d'achat des professeurs puisque nous payons cette formation continue réalisée en dehors du temps scolaire.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est obligatoire ou c'est volontaire ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est-à-dire que sur trois années un professeur a eu forcément de la formation continue, ce qui est une bonne chose et pour lui et pour l'Education nationale.
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce qu'il n'y en a pas suffisamment d'ailleurs…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui bien sûr, ça fait partie, quand je vous disais tout à l'heure qu'on améliorait les ressources humaines, j'ai pris le sujet par tous les bouts, y compris celui-là.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais ce sera obligatoire, c'est ça que je voudrais être sûre, le professeur saura qu'il a une formation obligatoire pendant ses vacances.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Certaines formations sont obligatoires, certaines ne le sont pas et quand ensuite au moment où ça se passe, vous pouvez aussi choisir différents moments, mais ce qui est certain c'est que c'est un mélange, la formation continue, c'est un mélange de choses que vous devez désirer en tant que professeur parce que vous avez des désirs de formation et puis de choses qui doivent arriver aussi parce qu'il y a des adaptations à différentes choses, par exemple de nouvelles approches dans telle ou telle matière. Donc nous nous sommes organisés pour qu'il y ait plus de formations continues, ce qui est une demande des professeurs et qu'aucun professeur ne puisse ne pas en avoir pendant une période de 3 ans.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et donc 120 euros brut quand ce sera effectivement obligatoire.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Voilà ce qui est aussi une rémunération supplémentaire et puis ce qu'il faut c'est que la formation continue soit de qualité et ça aussi nous voulons le garantir bien davantage, ce qui fait que ce sera un plaisir pour le professeur, ce sera le double avantage et de l'avoir et d'être rémunéré.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci Jean-Michel BLANQUER. Vous allez bien sûr un hommage aux Invalides de 11h30 comme la totalité, j'imagine, du gouvernement.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien entendu.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci d'avoir été ce matin sur LCI, bonne journée à vous.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci à vous, bonne journée
source : Service d'information du Gouvernement, le 3 octobre 2019