Texte intégral
SONIA MABROUK
Bonjour Jean-Michel BLANQUER.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour Sonia MABROUK.
SONIA MABROUK
Un cri de détresse et un appel à l'aide qui vous est directement adressé, on l'a entendu dans le journal, celui de la sœur d'un adolescent poignardé en Seine-Saint-Denis devant un stade municipal sous les yeux d'élèves qui avaient cours d'EPS, trois adolescents ont été mis en examen pour assassinat en bande organisée, quel sursaut face à cela ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
D'abord la fermeté, c'est une évidence, la fermeté qui va s'appliquer aux assassins de ce jeune homme bien entendu. Ils ont déjà été arrêtés, ils sont évidemment incarcérés et ils seront poursuivis pour assassinat, c'est évidemment l'autorité judiciaire mais qui mène cela désormais, mais dans le cadre du plan violence que nous avons, le lien entre l'éducation nationale, police et autorité judiciaire est complet, total et bien entendu c'est la fermeté qui s'impose. Cet événement s'est déroulé en dehors de l'enceinte scolaire et même en dehors du contexte scolaire, c'est donc un événement de rue d'une certaine façon de la part d'une bande et ça nous renvoie aux violences de notre société qui sont évidemment inacceptables, encore plus insupportables quand il s'agit d'un jeune, d'un adolescent et je comprends évidemment complètement sa sœur, d'ailleurs je proposerai de la recevoir, ainsi que les membres de sa famille, puisqu'en effet elle a raison, il faut du sursaut. Ce sursaut il dépend de nous bien sûr, l'État, et c'est ce que nous faisons par des mesures de fermeté. Il dépend aussi l'ensemble de la société et c'est pourquoi il est important toujours d'en parler avec les jeunes, avec les lycéens, ce que je fais d'ailleurs. J'en parlerai d'ailleurs prochainement dans le Conseil national de la vie lycéenne qui m'avait fait des propositions très intéressantes sur l'environnement, il y a peu de temps et avec qui je voudrais parler de sécurité de façon à ce que chaque élève aille en confiance, je dirais dans la rue déjà et aussi à l'école, sur les sujets de la rue, c'est le ministère de l'Intérieur, sur l'école c'est moi et c'est la fermeté qui s'imposera.
SONIA MABROUK
Justement Jean-Michel BLANQUER, vous dites événement de rue, ça s'est quand même passé sous les yeux d'élèves qui avaient cours d'EPS et les enseignants du collège et lycée voisins il est vrai de l'agression demandent exigent des moyens pour sécuriser les lieux et même un classement d'urgence de leur établissement en zone prévention violence.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, je pense qu'ils…. je comprends tout à fait ce qu'ils demandent et c'est ce que, d'abord le ministre de l'Intérieur a fait ce qu'il fallait pour envoyer des forces de la police. Il faut que d'ailleurs tout le monde contribue à ce que cette présence des forces de police soit à la fois bienvenue et efficace.
SONIA MABROUK
Mais est-ce qu'elle sera maintenue parce que après l'agression…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr il faut maintenir, vous savez, je parlais encore de cela hier avec Christophe CASTANER et bien entendu… mais il faut aussi que tous ceux qui nous interpellent sur ce sujet contribuent à ce que cette présence de la police soit souhaitée, soutenue par la population et qu'ainsi nous puissions faire avancer les choses. Mais ce qui est certain c'est que nous voulons une République ferme, une République sereine et c'est ces deux choses que vous aurez.
SONIA MABROUK
Et ça passe par des actes le classement, j'insiste d'urgence de leur établissement en zone prévention violence. Est-ce qu'il est envisagé ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est tout à fait envisageable, évidemment ça ne se décide pas au débotté, il faut que l'on regarde pour l'ensemble des éléments.
SONIA MABROUK
Mais vous y êtes favorable ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je suis favorable à ce qu'il y ait la sécurité maximale pour évidemment tout le monde, ça va de soi et a fortiori pour nos élèves et donc pour la jeunesse, que ce soit en milieu scolaire ou en dehors du milieu scolaire et c'est évidemment ce que nous allons pousser. Mais encore une fois il faut que l'ensemble la société soit cohérent et donc encore une fois que lorsque nous envisagions une présence policière accrue, ce soit aussi sur le terrain avec le soutien à la police de la part de la société.
SONIA MABROUK
C'est important, ça fait deux fois que vous répétez justement qu'il faut que ça concerne plus largement la société, les menaces, les violences, les agressions, Jean-Michel BLANQUER, se multiplient sur les élèves, sur les enseignants, les proviseurs.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Quand vous dites multiplient, ça n'est pas exact d'après les chiffres que j'ai, par contre ça elles sont graves, ce n'est pas la même chose, c'est-à-dire nous n'avons pas eu plus de violences ces derniers jours, simplement nous avons eu des cas très graves.
SONIA MABROUK
Comme le cas d'un proviseur sauvagement frappé au Kremlin-Bicêtre.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Tout-à-fait.
SONIA MABROUK
Mais quand vous dites justement que c'est la société qui doit s'en saisir, est-ce qu'il y a véritablement un soutien de la hiérarchie scolaire, ces professeurs, ces élèves parfois dénoncent justement une forme d'abandon et d'omerta ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je sais, c'est ce qu'on a dit pendant plusieurs années.
SONIA MABROUK
Ce n'est plus le cas ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous savez que je souhaitais mettre totalement fin à ça, il n'y a strictement aucun abandon de personnes en situation de victimes, au contraire c'est le soutien total de l'institution, si d'aventure il y a une exception à ce que je suis en train de dire, chacun peut même saisir du cas concerné, mais bien entendu la solidarité est totale avec les personnels, c'est vrai de ce chef d'établissement qui a été agressé et donc je suis évidemment…
SONIA MABROUK
Vous y veillez personnellement, ce n'est pas de l'incantation…
JEAN-MICHEL BLANQUER
J'y veille personnellement.
SONIA MABROUK
Parce que certains, on n'est pas entendu, on n'est pas soutenu.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, qu'il y ait des faits de violence, on ne peut pas tous les empêcher avant qu'ils ne se produisent bien entendu, chacun le comprend, en revanche chaque fois qu'il se passe un fait violence, petit, moyen ou grand, d'abord il est signalé, il fait l'objet d'un suivi, c'est le sens du plan violence que l'on a fait, s'il y a une exception à ce que je suis en train de dire, il y a un numéro de téléphone et un site dédié pour les personnels de l'Éducation nationale pour signaler les problèmes et je m'assure personnellement dans le cadre de réunion quotidienne du suivi de ces enjeux. Donc bien entendu je ne prétends pas résout tous les problèmes de violence du jour au lendemain, mais plus personne ne peut dire que nous soyons dans une logique du pas de vague ou dans une logique d'une non soutien au personnel, ça n'est absolument pas la logique que j'imprègne et toute exception à ce que je viens de dire doit m'être signalée puisque je ne l'empêcherais. Et donc c'est un message très clair contre la violence et contre les violences, un message républicain, encore une fois de fermeté et sérénité.
SONIA MABROUK
Après le suicide de Christine RENOM, directrice d'école maternelle qui s'est donnée la mort dans son établissement en Seine-Saint-Denis, vous avez annoncé Jean-Michel BLANQUER, un comité de suivi sur le statut et la fonction de ces directeurs d'école, mais concrètement c'est ce que vous disent ces directeurs d'école, qu'est-ce que vous allez faire face à cette urgence ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
On va faire évoluer la fonction de directeur d'école en les aidant davantage, c'est ce que je souhaite depuis que je suis arrivé d'ailleurs et j'avais commencé les travaux en la matière, même un rapport parlementaire sur le sujet. C'est un sujet qui n'a pas été consensuel jusqu'à présent parce qu'il n'y a pas…
SONIA MABROUK
Entre les syndicats eux-mêmes.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Entre les syndicats, eux-mêmes entre les différents acteurs de terrain, certains veulent qu'on installe un pouvoir hiérarchique du directeur d'école, d'autres non, par ailleurs ils ont besoin d'une aide pour le quotidien notamment dans certains secteurs. Cette aide, elle va venir, nous allons y travailler simplement nous devons le faire en bon ordre dans une vision globale de ce qu'elle a la fonction de directeur d'école. Nous devons alléger leurs tâches administratives aussi, il y a donc un chantier de la plus haute importance…
SONIA MABROUK
Avec des éléments concrets par rapport à ce comité de suivi que vous pouvez…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr.
SONIA MABROUK
C'est pour les rassurer surtout.
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est justement au travers du comité de suivi que nous allons faire ce travail, vous savez c'est très important d'avancer de la manière la plus consensuelle possible, parce que si on prend des mesures qui ensuite sont contestées, on ne peut pas avancer.
SONIA MABROUK
Mais vous le dites, Jean-Michel BLANQUER, avancer de manière consensuelle mais dans l'urgence également, est-ce que vous avez le temps d'être consensuel sur ce sujet ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, il faut construire, vous savez il y a quand même beaucoup de sujets de l'Education nationale, il n'y a pas que celui-là, il y en a des dizaines, donc nous avons avancé très fortement sur bien des points y compris pour l'école primaire. Vous savez quand on a divisé par 2 les classes de CP et de CE1 en REP et en REP +, on a sacrément amélioré les conditions de travail des professeurs concernés, même d'ailleurs des directeurs d'école, parce que ça crée un meilleur climat scolaire et parce qu'on a développé le nombre de classes et quand vous développez le nombre de classes, vous avez plus de décharges pour les directeurs. Donc il y a bien sûr eu des choses très concrètes de ce type, je n'ai jamais prétendu qu'on réussissait à tout améliorer du jour au lendemain, mais j'y suis très disposé, je considère comme légitimes les attentes qui existent en la matière et je le dis depuis longtemps d'ailleurs et donc oui nous allons avancer et j'ai un message vis-à-vis de l'école primaire qui est un message de priorité complète, c'est ma première priorité, nous y mettons plus de moyens, alors qu'il y a moins d'élèves et nous allons évidemment soutenir la fonction de directeur d'école parce que c'est une fonction essentielle dans notre République.
SONIA MABROUK
Toujours à l'école Jean-Michel BLANQUER, lorsque le président de la République appelle à une société de la vigilance, concrètement à l'Education nationale, il y a des cas de radicalisation, combien avez-vous de signalement à la fois de personnels et d'élèves ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors je m'étais engagé dès le début, c'est-à-dire depuis 2 ans, à faire un point sur ces enjeux-là chaque trimestre, j'en ai fait un il y a d'ailleurs deux semaines dans lequel j'indique à la fois le nombre de signalements que j'ai d'atteinte à la laïcité de la part des élèves et puis aussi ce qui se passe au titre des personnels. Au titre des personnels fort heureusement, ça reste limité, c'est …
SONIA MABROUK
C'est-à-dire ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Dans la période récente, nous avons eu 10 cas qui ont été signalés et ce sont des cas qui peuvent être d'intensité variable, simplement c'est quelque chose qui fait naître une première vigilance de notre part, qui peut aller jusqu'à la radiation d'un personnel et c'est peut-être quelque chose que je ferai d'ailleurs évoluer juridiquement de façon à nous permettre d'avoir davantage de radiations quand quelqu'un atteint un tel stade de radicalisation.
SONIA MABROUK
Faciliter donc la procédure de radiation pour un enseignant radicalisé ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Nous devons être sur deux pieds très clairs en la matière, l'école c'est l'école de la République, la République est ce qui vaut sur le territoire de la France, à partir de ce moment-là il y a des valeurs qui sont à respecter à l'école et quand on ne respecte pas ces valeurs, quand on a des discours anti-républicains, on n'a pas sa place comme adultes encadrant des enfants
SONIA MABROUK
Ça vaut évidemment aussi pour les élèves et là les signalements sont plus…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce n'est pas exactement pour les élèves, c'est un petit peu différent quand même, c'est des enfants et des adolescents.
SONIA MABROUK
Mais quand même des cas de signalement…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Nous devons prévenir la radicalisation avec les élèves d'où toutes les mesures que nous prenons en matière de laïcité, vous savez que nous avons maintenant des équipes laïcité ; dans chaque rectorat de France qui interviennent à la demande de tout professeur qui le demande.
SONIA MABROUK
Plus d'un millier d'élèves, vous confirmez ce chiffre ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, c'est autour de cela et nous avons à peu près 900 cas par trimestre de signalement d'un problème lié à la laïcité, nous réagissons chaque fois qu'on nous le demande, encore une fois on ne passe pas d'une situation qui a été dégradée au cours des années antérieures à une situation pure et parfaite, je ne prétends pas ça. En revanche ce que j'affirme c'est que nous sommes maintenant organisé pour faire face à cela et que la force doit être du côté du droit, c'est-à-dire de la République.
SONIA MABROUK
Jean-Michel BLANQUER, nous parlons là de signaux de radicalisation, vous avez évoqué à plusieurs reprises, quand je vous ai posé la question, la laïcité, vous faites une différence entre des signes, des signaux de radicalisation et des atteintes à la laïcité ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, c'est pour ça, il ne faut pas confondre tous les sujets. Il y a d'abord le respect de la laïcité, c'est-à-dire c'est le fait d'abord qu'on enseigne les valeurs de la République et que la laïcité qui signifie d'abord la neutralité politique et religieuse à l'intérieur de nos établissements, qui signifie que quand un élève conteste un enseignement ou cherche à faire du prosélytisme, à faire pression sur les autres, eh bien il doit en être empêché tout simplement. Donc ça, c'est le respect de la laïcité, c'est voilà les règles du quotidien et il peut arriver qu'il y ait des problèmes, mais qui peuvent être de petite taille ou de grande taille, ça dépend des cas et puis après il y a le sujet de la radicalisation, c'est quelque chose à distinguer, qui est encore, je dirais, un autre degré et même d'une autre nature et là, dans ces cas-là, c'est un enjeu même de sécurité, mais il faut savoir le prévenir.
SONIA MABROUK
On va conclure sur les atteintes à la laïcité parce qu'il y a quelques semaines vous aviez réagi vivement autour de l'affiche de la FCPE, Fédération des Conseils de Parents d'Elèves, vous avez regretté une telle affiche, cette affiche montre une femme voilée accompagnant un élèves en sortie scolaire avec la mention, “oui, je vais en sortie scolaire et alors”, et alors que s'est-il passé depuis ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous savez, quand c'est arrivé, j'ai dit que je pensais que c'était une erreur et une erreur ça se corrige, elle n'a pas été corrigée, c'est donc devenue une faute, je pense que c'est une faute de part d'une fédération…
SONIA MABROUK
Appelé à se reproduire, ils n'ont pas l'air de vous écouter.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ecoutez c'est significatif, oui mais écoutez, que chacun prenne ses responsabilités, nous voyons là une fédération qui a été créée après-guerre sur des bases totalement laïques. Nous sommes dans un contexte où, là c'est un contexte électoral puisque c'est les élections de parents d'élèves, dans quelques temps on aura les élections municipales, on voit bien qu'il y a des gens qui veulent jouer sur la corde communautariste.
SONIA MABROUK
En dehors, ça y est, j'allais dire, nos valeurs républicaines, pour vous la FCPE ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr à partir du moment où vous êtes en dehors de la laïcité, vous êtes en dehors des valeurs républicaines, donc c'est évidemment une faute qui est commise là et je regrette qu'ils ne l'aient pas corrigé. Je vois d'ailleurs qu'il y a beaucoup de gens à l'intérieur de la FCPE qui ne sont pas d'accord avec ce qui s'est passé, ils ont, je pense, bien raison et c'est normal que les parents d'élèves soient conscients de la gravité de ce que de ce qui s'est passé là.
SONIA MABROUK
En dehors donc des valeurs républicaines, merci Jean-Michel BLANQUER, d'avoir été notre invité ce matin sur Europe 1.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 octobre 2019