Texte intégral
MARC FAUVELLE
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Marc FAUVELLE.
MARC FAUVELLE
La France va donc lancer cette semaine le rapatriement de ses huit cents ressortissants actuellement placés en quarantaine dans la région de Wuhan en Chine à cause du virus. Qu'est-ce que vous dites aux Français et aux entreprises françaises qui sont là-bas ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne fais que leur répéter des consignes qui sont passées par Agnès BUZYN, la ministre de la Santé. C'est-à-dire grande vigilance, limiter les déplacements et puis si jamais on a le moindre symptôme, appeler le 15 et ne pas se déplacer aux urgences. Je ne suis pas ministre de la Santé, Agnès BUZYN fait un travail tout à fait exceptionnel. Je crois que les consignes qui sont passées sont des consignes de vigilance qui sont extrêmement claires.
MARC FAUVELLE
PSA et RENAULT notamment ont des usines dans cette région. Vous leur demandez de rapatrier tout le monde. Pour l'instant, c'est sur la base du volontariat ce qui se passe. Vous leur demandez de faire les valises et de rentrer au pays ?
BRUNO LE MAIRE
Le choix qui a été fait par le gouvernement, c'est le choix du volontariat. Mais je crois que c'est le rôle de l'Etat de protéger tous nos compatriotes à l'étranger. C'est-à-dire que tous ceux qui veulent revenir volontairement pourront revenir. Il y aura évidemment une période de quarantaine pour protéger les Français qui sont sur le territoire mais je crois que l'Etat remplit pleinement son rôle de protection vis-à-vis des citoyens français.
RENAUD DELY
L'un de ces Français, un dirigeant d'entreprise qui se prénomme Jacky, témoignait ce matin. Un de ces dirigeants d'entreprise qui est donc à Wuhan témoignait ce matin sur l'antenne de Franceinfo.
JACKY RAIMBAULT, DIRIGEANT D'ENTREPRISE FRANÇAIS A WUHAN
On attend qu'ils prennent en charge un rapatriement des personnes françaises qui souhaitent être rapatriées en France et puis ensuite qu'on nous décrive dans quelles conditions en fait. C'est-à-dire quand, comment, en passant par où.
RENAUD DELY
Jacky RAIMBAULT donc dirigeant d'entreprise en Chine. On voit que nos ressortissants attendent des consignes précises.
BRUNO LE MAIRE
Je crois qu'il y a des consignes précises qui ont déjà été passées, aussi bien par le Ministère des Affaires étrangères que par la ministre de la Santé. On peut toujours faire mieux donc s'il y a des précisions à apporter, des compléments d'information à donner, nous le ferons bien sûr. Agnès BUZYN, une fois encore, est totalement mobilisée vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elle fera un point, elle l'a dit, quotidien. Je pense que ça permettra de répondre à toutes ces inquiétudes qui sont évidemment des inquiétudes très légitimes et que chacun partage.
MARC FAUVELLE
Il y a des contrôles en ce moment à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle pour les passagers qui arrivent de Chine, Bruno LE MAIRE. Est-ce qu'il y en aura aussi ou est-ce qu'ils seront renforcés sur certains produits vivants notamment importés de Chine ?
BRUNO LE MAIRE
Ça, c'est une fois encore la ministre de la Santé qui le décidera. C'est à elle d'évaluer ce qui est utile, ce qui ne l'est pas. Je pense qu'il faut avancer exactement comme le fait la ministre de la Santé au quotidien, en étant capable de prendre chaque mesure lorsqu'elle est nécessaire, en évitant aussi des mesures qui seraient des mesures d'affichage. C'est-à-dire la multiplication de contrôles par exemple sur la fièvre alors que l'on sait que la période d'incubation peut être de plusieurs jours.
MARC FAUVELLE
Ou qu'il suffit de prendre un comprimé pour que la fièvre passe.
BRUNO LE MAIRE
Nous ne sommes pas là pour faire de la figuration, nous sommes là pour apporter les réponses précises, solides et garantir la sécurité sanitaire des Français. La seule ligne de conduite du gouvernement là-dedans, une fois encore c'est Agnès BUZYN qui pilote ça, c'est la sécurité sanitaire des Français.
RENAUD DELY
Et est-ce qu'une telle épidémie, Bruno LE MAIRE, si elle se poursuivait pourrait avoir des conséquences sur la croissance et sur la croissance mondiale ?
BRUNO LE MAIRE
C'est beaucoup trop tôt pour le dire donc je ne m'engagerai pas là-dessus mais c'est vraiment beaucoup trop tôt pour le dire.
MARC FAUVELLE
Bruno LE MAIRE, on connaîtra à la mi-journée les tout derniers chiffres du chômage en France pour le quatrième trimestre de l'année 2019. Ils sont bons ou pas ?
BRUNO LE MAIRE
Vous les saurez ce soir.
MARC FAUVELLE
Vous les connaissez ?
BRUNO LE MAIRE
Mais ce qui est bon, c'est les résultats de notre politique économique, Marc FAUVELLE. Je pense qu'au bout de près de trois ans de quinquennat du président de la République Emmanuel MACRON, c'est bien de faire le point. Qu'est-ce que donnent nos choix de politique économique ? 1,3 de croissance, c'est une des meilleures croissances de la zone euro. Deux cent soixante mille emplois créés selon l'INSEE en 2019 ; quatre-vingt-six mille pour le premier semestre 2020 prévus par l'INSEE ; un taux de chômage qui va être un des plus faibles des quinze dernières années. Moi, j'en tire une conclusion simple : la politique économique que nous menons depuis près de trois ans donne des résultats. Elle donne des résultats pour les Français, elle augmente leur pouvoir d'achat, elle fait enfin baisser le chômage qui est le vrai problème économique et social de notre pays. Elle rend notre pays attractif. Je rentre tout juste de Davos, ça fait plaisir de voir que la France est désormais le pays le plus attractif en Europe pour les investissements industriels de tous les pays européens. Elle est en train de réussir son pari de devenir la première place financière en Europe. Enfin, est-ce qu'on aurait pu imaginer il y a dix ans ou vingt ans de voir Paris prendre la place de Londres comme première place financière en Europe ? C'est ce qui est en train…
MARC FAUVELLE
Merci au Brexit.
BRUNO LE MAIRE
Merci aussi au Brexit. Mais vous savez, Marc FAUVELLE, en politique il faut aussi savoir tirer le bénéfice des circonstances. Oui, le Brexit doit profiter à notre économie et doit profiter au secteur financier français qui va faire de la France le premier centre financier en Europe.
MARC FAUVELLE
Et merci, pardon Bruno LE MAIRE…
BRUNO LE MAIRE
Je termine juste là-dessus, Marc FAUVELLE, si vous le permettez. Tous les choix que nous avons faits, et je le dis parce qu'ils ont été parfois critiqués et c'est normal : nous sommes en démocratie, les choix sur la fiscalité du capital, les choix sur la simplification du marché du travail, les choix engagés par Muriel PENICAUD sur la formation et la qualification. Au bout de trois ans, nous pouvons dire aux Français : "Ça donne des résultats." Et donc nous allons continuer pour que les résultats soient encore meilleurs et surtout pour que tous les Français sans exception, en particulier les plus faibles et les plus modestes, puissent en profiter.
MARC FAUVELLE
Cette politique de baisse des charges, elle a été initiée sous le quinquennat précédent par François HOLLANDE. Est-ce que lui aussi vous le remerciez ?
BRUNO LE MAIRE
Je remercie toutes les politiques qui font preuve de constance. Et je crois que c'est la preuve, et c'est vrai en particulier pour les baisses de charges, que les seules politiques économiques qui donnent des résultats, c'est des politiques économiques qui ne changent pas tous les quatre matins. Il faut garder les directions qui ont été choisies sur la baisse des charges. C'est pour ça que je suis opposé à toute nouvelle hausse des charges salariales soient rares soient patronales.
MARC FAUVELLE
On va en reparler notamment avec les retraites, oui.
BRUNO LE MAIRE
Sur l'allègement de la fiscalité du capital, sur la politique de l'offre, sur la montée en gamme sur tous les choix que nous avons faits avec le président de la République et le Premier ministre sur l'innovation sur lequel nous allons encore annoncer des choses nouvelles avec le Pacte productif pour que nous restions une grande nation technologique qui réussir XXIème siècle sur le calcul quantique ou sur l'intelligence artificielle ou sur le stockage des batteries électriques. Nous inaugurons dès cette semaine l'usine pilote de création de batteries électriques. C'est cette détermination à poursuivre une politique de l'offre qui crée des emplois sur tous nos territoires qui nous permettra de réussir.
RENAUD DELY
Vous évoquiez le chiffre, Bruno LE MAIRE, de deux cent soixante mille emplois créés sur l'année. Est-ce que ce sont des CDI ? Quelle est la proportion de CDI ? Ou est-ce que ce sont surtout des emplois précaires ou est-ce que la situation s'améliore aussi sur le front des CDI ?
BRUNO LE MAIRE
C'est une question fondamentale. Ce que nous dit la note de l'INSEE, c'est que la qualité des emplois s'améliore aussi. C'est-à-dire qu'il y a plus de CDI, ce n'est pas encore suffisant. Il y a encore trop d'emplois précaires, trop de périodes hachées, trop de femmes seules sans qualification qui ont des emplois qui ne permettent pas de construire une vie digne. Donc c'est là-dessus aussi qu'il faut se battre mais la qualité des emplois s'améliore aussi et ça, je pense que c'est une excellente nouvelle. Est-ce qu'il reste des choses à faire ? Oui. Sur l'emploi des plus de cinquante ans, il reste beaucoup de choses à faire parce que ce n'est pas normal qu'on exclut du marché du travail des personnes qui ont de l'expérience. Sur la question des jeunes qui sont le plus éloignés de l'emploi, c'est l'objectif de la politique qu'a lancée Muriel PENICAUD, il reste aussi du travail. Mais nous sommes, je veux le dire aux Français qui parfois doutent, nous sommes dans la bonne direction.
RENAUD DELY
C'est toujours 7% de chômeurs à la fin du quinquennat ? C'est ça l'objectif que vous vous êtes fixé ? Il est toujours atteignable, cet objectif.
MARC FAUVELLE
On est à 8,56 aujourd'hui.
BRUNO LE MAIRE
Je vais vous dire, mon objectif c'est le plein emploi. Alors je ne sais pas à quelle échéance. Est-ce que c'est 2025 ? Est-ce que c'est un peu plus loin ? C'est-à-dire autour de 5%, ça doit être ça notre objectif partagé. 7 % d'ici la fin du quinquennat, c'est l'objectif qu'a fixé le président de la République.
MARC FAUVELLE
Vous êtes déjà dans le quinquennat d'après.
BRUNO LE MAIRE
Oui, il faut être encore plus ambitieux pour les Français et se dire : "Dans le fond, la France elle peut enfin atteindre le plein emploi qu'elle n'a pas atteint depuis un demi-siècle." Etre à 5% de taux de chômage et que chaque Français puisse se dire : "Mes enfants auront un emploi, je conserverai mon emploi et je n'ai plus d'inquiétude pour mon emploi.".
MARC FAUVELLE
La taxe GAFA, on va en parler dans un instant, est-elle enterrée, suspendue ? Vous nous direz ce qui se passe exactement avec les Etats-Unis.
BRUNO LE MAIRE
Je peux tout de suite vous dire non mais je vous répondrai plus dans le détail. (…)
MARC FAUVELLE
Bruno LE MAIRE, vous avez annoncé il y a quelques jours que face aux menaces de sanctions américaines, la France repoussait à plus tard la taxation des géants du Net, la fameuse taxe GAFA, le temps qu'une solution internationale soit trouvée. Est-ce que la France a plié face aux injonctions de Donald TRUMP et de la Maison Blanche ?
BRUNO LE MAIRE
Non. Au contraire, la France a tenu bon, Marc FAUVELLE, et je veux être très clair sur ce sujet. Les entreprises numériques, les plus grandes entreprises du numérique, paieront une taxe en 2020 comme elles l'ont fait en 2019. Car je rappelle que la France a été le premier pays à mettre en place une taxation du numérique en 2019 et à percevoir cette taxe.
MARC FAUVELLE
Le chèque, ce sera quand ?
BRUNO LE MAIRE
En 2020, les entreprises du numérique paieront aussi une taxe. Alors soit nous arrivons à un accord international, parce que nous avons accepté de repousser la perception de cette taxe à la fin de l'année pour laisser sa chance à la négociation, et dans ce cas-là nous serons au bout de notre objectif et nous pourrons remplacer la taxe nationale par la taxe internationale, et c'est la taxe internationale qui s'appliquera en 2020. Soit il y a un échec des négociations, c'est toujours possible, et dans ce cas-là je veux une fois encore être très clair. Dans ce cas-là, les entreprises numériques qui sont dans le champ de notre taxe nationale seront taxées comme cela a toujours été prévu. Il n'y a donc ni retrait, ni suspension de la taxe sur les activités numériques en France. Et c'est notre fermeté qui a payé, notre fermeté parce que nous avons mis en place une taxe nationale qui a fait bouger les Américains. Notre fermeté en disant : "Il n'est pas question de retirer la taxe" La seule avancée que nous sommes prêts à faire, c'est de dire : "On va laisser du temps à la négociation donc la perception du 15 avril, ce qui est dû au 15 avril va être reporté au 15 décembre pour que nous puissions négocier sereinement à l'OCDE.
RENAUD DELY
Vous n'encaissez pas donc le produit de cette taxe en attendant un éventuel accord international ?
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr. Mais la taxe n'est ni suspendue ni retraitée. C'est ce qui veut dire pour être très clair qu'au 15 décembre 2020, il y a un accord international : il s'applique, il n'y a pas d'accord international : c'est la taxe nationale qui s'applique.
RENAUD DELY
Elle a rapporté combien en 2019 cette taxe ?
BRUNO LE MAIRE
Alors je ne peux pas vous donner le chiffre exact, mais c'est plusieurs centaines de millions d'euros, donc c'est une taxe qui rapporte, qui est efficace. Nous avons toujours dit que ce n'est pas l'idéal parce qu'avoir une multiplication de taxes nationales en Europe, ce n'est pas la meilleure solution. Mais si on ne veut pas de cette solution, c'est ce que j'ai dit à nos amis américains : « Si vous ne voulez pas de cette solution, dans ce cas-là il faut que d'ici la fin de l'année 2020, il y ait un accord international. » Une fois encore, c'est notre fermeté, la fermeté du président de la République qui a payé.
RENAUD DELY
Et s'il n'y a pas d'accord international, Bruno LE MAIRE, la France appliquera donc cette taxe, vous le dites, en 2020 même si Donald TRUMP met en oeuvre ses menaces de surtaxer un certain nombre de produits français, notamment le vin français ?
BRUNO LE MAIRE
En tout état de cause il y aura une taxation. Et pourquoi est-ce que les choses peuvent bouger, Renaud DELY ?
RENAUD DELY
Quitte à déclencher une guerre commerciale avec les Etats-Unis ?
BRUNO LE MAIRE
C'est ce que nous avons voulu éviter. La guerre commerciale n'est dans l'intérêt de personne. C'est bien pour ça qu'il vaut mieux un accord sur des bases solides comme celui que nous avons conclu à Davos avec le secrétaire américain au Trésor, Steven MNUCHIN, que se lancer dans une guerre dont ensuite il est très difficile de sortir. Mais nous avons aujourd'hui deux leviers supplémentaires qui sont importants. Le premier levier, c'est que ce que nous proposons aux Etats-Unis, ce n'est pas uniquement une taxation digitale à l'OCDE : c'est un paquet global de refondation de la fiscalité internationale qui inclut la fiscalité numérique mais aussi la fiscalité minimale à l'impôt sur les sociétés pour éviter de l'évasion fiscale, éviter le dumping fiscal. Et sur ce sujet, les Etats-Unis sont aussi motivés que nous. Donc si on veut le paquet, il faut adopter les deux. Et le deuxième levier que nous avons, qui a été très précieux à Davos, c'est l'unité de l'Union européenne. Parce que ce que voient bien les Américains, c'est qu'aujourd'hui la France n'est pas la seule à vouloir une taxe digitale ou à en avoir mis une en place.
MARC FAUVELLE
Les Allemands hésitent parce qu'eux, ils ont peur de se faire taxer leur industrie automobile.
BRUNO LE MAIRE
Mais il y a les Britanniques, il y a les Autrichiens, il y a les Espagnols, il y a les Italiens…
MARC FAUVELLE
Mais il n'y a pas les Allemands.
BRUNO LE MAIRE
Et donc si jamais fin 2020 il n'y a pas de taxe internationale, ce n'est pas simplement la taxe française qui sera rétablie. Il y aura une multiplication de taxes européennes qui pénalisera tout le monde.
RENAUD DELY
On peut avancer sans les Allemands ?
BRUNO LE MAIRE
Mais les Allemands ont toujours dit qu'ils soutenaient la taxe digitale. Nous avons un accord avec le ministre des Finances Olaf SCHOLZ sur cette taxation digitale.
MARC FAUVELLE
La conférence sur le financement des retraites, Bruno LE MAIRE, va s'ouvrir en fin de semaine. Il s'agit, on en rappelle les enjeux, de trouver environ douze milliards d'euros chaque année pour financer notre futur système de retraites. Or il se trouve qu'une mesure de la réforme va plomber davantage les comptes des retraites françaises, c'est une mesure qui concerne les Français qui gagnent plus de dix mille euros par mois. Après la réforme, si elle se fait bien sûr, ils ne cotiseront plus qu'à hauteur de 3 % pour la somme qui est au-dessus de dix mille euros par mois.
BRUNO LE MAIRE
2,8, oui.
MARC FAUVELLE
2,8. Pardon d'être un peu technique mais c'est important. Et tout cela va provoquer un manque à gagner d'environ trois milliards et demi, trois milliards sept cents millions pour être très précis qui s'ajoutent donc aux douze milliards de déficit chaque année. Cette mesure, est-ce que vous êtes prêt à y renoncer si les partenaires sociaux le décident ?
BRUNO LE MAIRE
Laissons à la conférence de financement toute la liberté nécessaire. Si chaque ministre commence à dire : « Ecoutez, c'est parfait cette conférence de financement, mais ça il faut le retirer, ça il faut le rajouter »…
MARC FAUVELLE
Ça ne fait pas partie des lignes rouges que vous fixez.
BRUNO LE MAIRE
Ce n'est plus une conférence de financement. Moi je n'ai fixé qu'un seul principe, c'est celui de l'équilibre - c'est le principe qui a été fixé par le Premier ministre - et celui de la cohérence. Et celui de la cohérence, c'est ce qui m'amène à dire : l'idée d'augmenter les cotisations salariales ou les cotisations patronales pour financer les retraites me semble une mauvaise idée. Parce que si vous augmentez les cotisations salariales, c'est moins de pouvoir d'achat pour les salariés ; et si vous augmentez les cotisations patronales, c'est moins de compétitivité pour les entreprises. Or nous voyons chiffres à l'appui que je viens de vous donner, que cette politique de baisse des charges a permis de créer des emplois et de faire baisser le chômage dans notre pays. Donc c'est les deux seuls principes que je tiens à fixer, pour le reste soyons très ouverts.
MARC FAUVELLE
Donc sur ce point précis, celui des Français aux plus hauts revenus, il n'y a pas de dogme du gouvernement. Ce n'est pas inscrit dans le marbre de la loi aujourd'hui.
BRUNO LE MAIRE
Nous ne sommes pas là pour fixer des dogmes. En revanche, je voudrais rappeler à quel point cette mesure… Cotisations supplémentaires, 2,81% au-dessus de dix mille euros par mois sans aucun droit supplémentaire à la retraite, c'est de la justice. Comme le fait d'avoir une meilleure pension dès le premier enfant, 5% de plus, c'est de la justice. Comme le fait de pouvoir dire à tous ceux qui aujourd'hui partent à la retraite à soixante-sept ans, qui sont de manière très majoritaire ceux qui ont les revenus les plus modestes parce qu'ils ont eu des carrières hachées, qu'ils ont eu peu de qualifications, qu'ils ont eu des salaires qui sont faibles, c'est de la justice. Comme le fait que chaque heure travaillée vous ouvre le droit à une meilleure pension de retraite et à une pension de retraite, alors qu'aujourd'hui dans le système actuel tant que vous n'avez pas travaillé cent cinquante heures par trimestre au niveau du SMIC, vous n'avez pas droit à une pension de retraite. Vous ne cotise pas pour votre retraite. Tout ça c'est de la justice et vous me permettrez de faire part ce matin de mon étonnement de voir tous les partis de gauche, tous les syndicats brandir leurs étendards contre une transformation de notre système de retraite qui est une transformation de justice, qui sauve le système par répartition et qui permet d'aider les plus modestes à avoir enfin un niveau de retraite digne dans notre pays. Moi j'aimerais entendre les arguments de ceux qui aujourd'hui disent : "On veut protéger les plus faibles, on veut protéger les plus modeste mais on ne veut pas d'une réforme qui garantit la retraite à mille euros par mois pour tous ceux qui ont aujourd'hui un niveau de retraite plus faible. "
RENAUD DELY
Justement, est-ce que ce qui ne plombe pas en partie votre réforme, ce sont les nombreuses incertitudes qui demeurent ? Vendredi le Conseil d'Etat a publié un avis extrêmement sévère, critiquant en tout cas la méthode, le manque de temps qu'il avait eu pour étudier les deux avant-projets de loi et aussi les multiples modifications, six modifications. Est-ce que ce n'est pas une forme d'improvisation ou d'amateurisme qui suscite effectivement ces craintes dans l'opinion ?
BRUNO LE MAIRE
Les incertitudes, je pense qu'on les lève dans le débat. On les lève dans le débat parlementaire, on les lève dans la conférence de financement.
RENAUD DELY
Pourquoi le Conseil d'Etat est-il aussi sévère ?
BRUNO LE MAIRE
On ne les lève pas dans l'opposition systématique et de principe.
RENAUD DELY
C'est le cas du Conseil d'Etat ? C'est une position d'opposition ?
BRUNO LE MAIRE
Moi ce que je regrette.
RENAUD DELY
Le Conseil d'Etat est dans l'opposition ?
BRUNO LE MAIRE
Je vais vous dire ce que je pense du Conseil d'Etat. Permettez-moi juste de dire à quel point je regrette cette attitude d'opposition systématique qui ne mène nulle part et qui fragilise un projet qui est fondamentalement un projet de justice pour ceux qui ont les niveaux de retraite les plus faibles. Ensuite le Conseil d'Etat, il est dans son droit. C'est vrai qu'on on lui a demandé de se prononcer rapidement donc…
RENAUD DELY
Trop rapidement dit-il.
BRUNO LE MAIRE
Il est dans son droit de dire : "L'étude d'impact aurait pu être plus poussée." Donc acte. Nous, notre responsabilité maintenant, c'est d'apporter les réponses à toutes ces questions. La conférence de financement et le débat parlementaire vont nous permettre de le faire mais j'aimerais entendre des arguments un peu plus convaincants de la part de ceux qui aujourd'hui ne s'opposent à la réforme des retraites que par principe, sans proposer quelque chose qui permettrait de garantir aux revenus les plus modestes, aux salariés les moins qualifiés, à tous ceux qui ont des pensions de retraite de cinq ou six cents euros une retraite digne. (…)
MARC FAUVELLE
Bruno LE MAIRE, quand vous voyez les sondages qui tombent jour après jour sur les municipales dans moins de deux mois maintenant, est-ce que vous ne vous dites pas que la majorité est en train de se préparer à une très grosse claque ?
BRUNO LE MAIRE
Non. Je me dis qu'il faut faire campagne et donc je vais faire campagne auprès des candidats de La République en Marche qui le souhaitent. J'irai notamment chez Gérald DARMANIN à Tourcoing. Il faut toujours soutenir aussi ses amis, surtout quand ils sont dans l'étage du dessous au Ministère de l'Economie et des finances.
MARC FAUVELLE
Vous irez soutenir aussi Benjamin GRIVEAUX à Paris par exemple ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, j'irai soutenir Benjamin GRIVEAUX à Paris. C'est prévu.
MARC FAUVELLE
Vous trouvez qu'il est bien parti ?
BRUNO LE MAIRE
Mais j'ai fait beaucoup d'élections. Des élections municipales, des élections régionales, des élections législatives parce que je ne conçois pas la vie politique et l'engagement politique sans le suffrage universel. Et d'ailleurs, j'ai été élu député en 2017, je suis passé par le suffrage universel avant de rentrer au gouvernement pour justifier cette place au gouvernement et lui donner toute sa légitimité. Mais c'est toujours difficile, c'est toujours incertain, et vous pouvez passer un jour d'un très bon sondage à un mauvais.
MARC FAUVELLE
Pour l'instant, c'est plutôt la deuxième hypothèse.
BRUNO LE MAIRE
J'ai connu aussi des défaites cinglantes donc je sais ce que c'est. Mais il faut se battre jusqu'au dernier jour et les Français, en général, vous son gré de vous battre jusqu'au bout avec la plus grande détermination.
MARC FAUVELLE
Il y en a un qui se bat en tout cas, qui était reçu hier à l'Elysée.
RENAUD DELY
Voilà. Ce qui complique notamment la situation de Benjamin GRIVEAUX, le candidat officiel de La République en Marche à Paris, c'est le fait que Cédric VILLANI, le candidat dissident, se maintienne. Il a été reçu hier pourtant en fin d'après-midi à l'Elysée par Emmanuel MACRON et voici ce qu'il a déclaré en sortant.
CEDRIC VILLANI, CANDIDAT DISSIDENT LA REPUBLIQUE EN MARCHE A LA MAIRIE DE PARIS
Comme toujours avec le président de la République, la conversation fût agréable. Nous partageons une vision sur bien des enjeux mais aujourd'hui j'acte une divergence majeure. Entre l'appartenance à un appareil politique et la fidélité, l'engagement pour la ville qui m'a fait, je choisis de rester fidèle aux Parisiennes et aux Parisiens en maintenant ma candidature librement.
RENAUD DELY
C'est un camouflet pour Emmanuel MACRON.
BRUNO LE MAIRE
J'aurais préféré le rassemblement à une conversation agréable, donc moi je regrette la décision de Cédric VILLANI. Je la regrette parce qu'elle nous affaiblit tous collectivement et que s'il y a bien une certitude, c'est que les divisions en général nourrissent la défaite.
RENAUD DELY
Tous y compris le président de la République.
BRUNO LE MAIRE
Je regrette une décision qui n'appartient qu'à Cédric VILLANI. Vous pouvez être président de la République, Premier ministre, ministre…
RENAUD DELY
Vous dites qu'elle affaiblit… "Elle nous affaiblit tous collectivement" avez-vous dit.
BRUNO LE MAIRE
Mais bien sûr que ça nous affaiblit tous collectivement comme majorité. Quand on est rassemblé, on est fort. Quand on est divisé, on s'affaiblit. Ça, c'est une règle politique. Et quand il y a division, ça doit être justifié par de vraies raisons de fond, de vraies divergences. Je ne vois pas suffisamment de divergences dans les projets entre Cédric VILLANI et Benjamin GRIVEAUX qui justifient cette décision. En revanche, c'est un cadeau que nous faisons à nos adversaires politiques, oui. Disons les choses simplement. Je ne vais pas vous dire que c'est une bonne nouvelle, que ça ne pose aucune difficulté. La division est toujours une difficulté en politique et elle nous affaiblit.
MARC FAUVELLE
Et donc on vire Cédric VILLANI comme le dit ce matin le patron de La République en Marche Stanislas GUERINI qui va demander au bureau exécutif du parti d'exclure de fait Cédric VILLANI. Avant La République en Marche, c'était le parti de la bienveillance ; maintenant c'est les coupeurs de têtes comme dans l'ancien monde.
BRUNO LE MAIRE
Mais ce n'est ni coupeurs de têtes, ni virer. C'est une question De cohérence. Vous ne pouvez pas à la fois partir en dissidence en disant : "Je n'appartiens plus à ce parti, je ne soutiens pas le candidat du parti…"
MARC FAUVELLE
Emmanuel MACRON n'a pas été élu comme ça à l'Elysée ?
BRUNO LE MAIRE
Mais il n'y a aucune difficulté, on reste à l'intérieur de sa famille politique.
MARC FAUVELLE
Bruno LE MAIRE, Emmanuel MACRON a gagné l'Elysée comme ça. En dehors des partis, sans étiquette et vous êtes derrière lui aujourd'hui.
BRUNO LE MAIRE
A l'époque il n'y avait pas La République en Marche. C'est lui qui l'a créé. Je crois à la cohérence en politique.
MARC FAUVELLE
Ce n'est pas le MACRON parisien, VILLANI ?
BRUNO LE MAIRE
Non, pas du tout. Je crois que cette comparaison ne tient absolument pas. Je vous dis à quel point je crois à la cohérence en politique. Quand j'ai quitté Les Républicains en 2017, je l'ai fait parce que j'estimais que les choix qui étaient faits par mon parti politique n'étaient pas cohérents et ne correspondaient pas à ce qui avait été dit aux Français. Mais ensuite quand j'ai rejoint Emmanuel MACRON et que je l'ai soutenu j'ai demandé le suffrage universel, le soutien des Français et je l'ai fait dans le cadre d'une formation politique. Il faut être cohérent dans les choix politiques que l'on fait.
RENAUD DELY
A propos de cohérence en politique, Bruno LE MAIRE, il y a une autre ville, c'est dans les Pyrénées-Atlantiques, la ville de Biarritz, où deux ministres membres du gouvernement à vos côtés s'affrontent aujourd'hui : Jean-Baptiste LEMOYNE contre Didier GUILLAUME. Est-ce que ça c'est cohérent ?
BRUNO LE MAIRE
Non, ce n'est pas…
MARC FAUVELLE
Il y en a un de trop ou les deux ?
BRUNO LE MAIRE
Ce n'est pas cohérent mais je crois que le Premier ministre a été très clair. Il serait préférable qu'au bout du compte, il y ait un seul candidat qui porte la famille politique à laquelle j'appartiens et qui porte ses idées et qui porte ses valeurs.
MARC FAUVELLE
Alors laquelle, pardon ? Parce que là il y a deux familles.
BRUNO LE MAIRE
Non mais chacun est libre donc…
MARC FAUVELLE
Il y en a un qui vient de la droite et l'autre qui vient de la gauche. Didier GUILLAUME à gauche, Jean-Baptiste LEMOYNE Les Républicains. Vous souhaitez que quel candidat reste ?
BRUNO LE MAIRE
Mais il y a une majorité dans laquelle vous avez La République en Marche, vous avez le MoDem, vous avez Agir. C'est ce qui constitue l'ossature aujourd'hui de cette majorité.
MARC FAUVELLE
Donc c'est Jean-Baptiste LEMOYNE qui doit rester candidat.
BRUNO LE MAIRE
Je regrette qu'il y ait deux candidats qui se présentent surtout dans une ville que je connais bien et que j'aime beaucoup. Je préférerais qu'il y ait un seul candidat, le Premier ministre a été extrêmement clair sur le sujet. Nous verrons ce qui se passe dans les semaines qui viennent.
RENAUD DELY
Le ministre de l'Agriculture, Didier GUILLAUME, doit retirer sa communauté.
BRUNO LE MAIRE
Mais je n'ai pas à dicter la conduite de qui que ce soit. Ce n'est pas mon rôle. Je dis juste ce qui me paraîtrait cohérent dans ces élections municipales et la cohérence, c'est que lorsqu'il y a deux ministres qui appartiennent à la même majorité, qui appartiennent au même gouvernement, au bout du compte on ne présente aux électeurs qu'un seul candidat.
MARC FAUVELLE
Un mot, et ça aurait sans doute mérité qu'on s'y attarde beaucoup plus longuement, pardon on est très en retard, sur le Brexit en fin de semaine. L'acte un du divorce avec l'Union européenne. Cyniquement parlant pour l'économie française, c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense que ça peut être une bonne nouvelle au bout du compte. Il faut évidemment que la période de transition se passe bien. Il ne va rien se passer jusqu'à la fin de l'année puisqu' aujourd'hui on a une période de transition, mais je pense que ça peut être une bonne nouvelle si nous sommes fermes sur nos principes. Il y a un principe qui est absolument essentiel, c'est qu'on ne prenne aucune décision qui affaiblisse le marché unique européen. Cinq cents millions de consommateurs avec des règles de production, des règles environnementales, des règles fiscales qui sont très strictes. L'accès au marché européen, le libre accès au marché européen doit être réservé à ceux qui souscrivent exactement à ces mêmes règles environnementales, sociales ou fiscales. Ça pour moi, c'est le pilier de toute la négociation avec les Britanniques. Bien sûr que nous voulons une bonne relation avec les Britanniques. Bien sûr que nous voulons conclure un bon accord commercial avec eux mais que les choses soient claires : rien ne doit être fait qui puisse affaiblir le marché unique européen qui nous protège, qui protège nos compatriotes, qui protège les consommateurs et qui nous donne notre puissance économique.
MARC FAUVELLE
Merci à vous, Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Merci Marc FAUVELLE.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 janvier 2020