Texte intégral
RENAUD BLANC
Bonjour Nicole BELLOUBET.
NICOLE BELLOUBET
Bonjour.
RENAUD BLANC
Vous avez écouté avec beaucoup d'intérêt le billet de Guillaume TABARD. Vous avez admis une maladresse. Nicole BELLOUBET, très franchement, c'est plus qu'une maladresse, c'est une faute ?
NICOLE BELLOUBET
Ah, mais la phrase prise en tant que telle, c'est une erreur, évidemment, il n'y a aucun doute là-dessus. La France est une République laïque, ça, c'est le premier point. Ensuite, deuxième point – au-delà de l'affaire Mila, parce que je ne commente pas l'affaire Mila qui est une affaire en cours, donc mon propos, il était et il est forcément général – deuxième élément qui est tout à fait essentiel, on ne peut pas en France être menacé de mort ou être insulté pour la liberté d'expression. Ça, c'est un point très important…
RENAUD BLANC
Mais vous avez le sentiment d'avoir – pardonnez-moi – donné presque une définition modérée du blasphème avec cette phrase.
NICOLE BELLOUBET
Mais non, mais, on ne rétablit pas le blasphème, jamais, jamais, ni dans ma pensée, ni dans mes propos, on ne peut lire ça. C'est très clair. En France, je le redis, on a droit à exprimer ses opinions, et on ne peut pas recevoir des menaces de mort pour cela, on a le droit de critiquer une religion, on ne rétablit pas…
RENAUD BLANC
On a le droit en France aujourd'hui d'injurier, de critiquer une religion, Nicole BELLOUBET…
NICOLE BELLOUBET
Bien sûr. On a le droit de critiquer une religion, c'est très clair, ça, ça fait partie de la liberté d'expression, et il n'est pas question de revenir là-dessus. Et ces points-là, ils sont très forts et ils sont très clairs.
RENAUD BLANC
On a quand même le sentiment qu'on a un peu peur de rappeler justement la loi, comme vous venez de le faire, de peur de passer pour islamophobe.
NICOLE BELLOUBET
Non, non, je pense que ces principes-là, qui sont cardinaux…
RENAUD BLANC
On a un petit peu le sentiment que l'islam est intouchable…
NICOLE BELLOUBET
Non, ce n'est pas ça du tout. Je pense qu'on a des principes très clairs, qui sont ceux que je viens d'énoncer, on a le droit de critiquer, on n'a pas le droit d'être menacé, parce que, sinon, c'est : on n'est plus dans une démocratie, et évidemment, il n'y a pas de rétablissement du blasphème. Par ailleurs, et ce n'est pas à rapporter à l'affaire Mila, par ailleurs, parce qu'on est en démocratie, il faut également respecter l'autre, et dans ce cadre-là, vous le savez, on ne peut pas opérer des discriminations, on ne peut pas insulter des personnes à raison de leur appartenance…
RENAUD BLANC
Ce qui n'était pas le cas dans l'affaire Mila, c'était une critique de la religion, des religions, d'une manière générale…
NICOLE BELLOUBET
Je ne commente pas l'affaire Mila…
RENAUD BLANC
Et de l'islam…
NICOLE BELLOUBET
Je ne commente pas l'affaire Mila. Je dis de manière générale les principes de la République.
RENAUD BLANC
Mais, Madame BELLOUBET, quand le délégué général du Conseil français du culte musulman déclare, concernant cet adolescente, 16 ans : "qui sème le vent récolte la tempête", comment réagissez-vous ?
NICOLE BELLOUBET
Je viens de vous le dire. Je viens de vous le dire, on ne peut pas de cette manière-là, on ne peut pas menacer ou menacer de viol ou de mort, comme, je crois, elle a subi de telles insultes, on ne peut pas faire ça dans une République.
RENAUD BLANC
Vous avez dit qu'être menacé de mort – et vous le redites – est inacceptable, c'est plus qu'inacceptable, c'est condamnable de trois ans de prison aujourd'hui.
NICOLE BELLOUBET
Mais, non, mais, il n'y a pas de doute là-dessus, si vous voulez, je le redis clairement.
RENAUD BLANC
Deux enquêtes sont ouvertes, l'une pour chef de menaces de mort contre Mila, l'autre pour provocation à la haine raciale. Vous avez le sentiment que ces enquêtes doivent être placées sur le même point…
NICOLE BELLOUBET
Je suis désolée, je suis Garde des sceaux, je ne peux pas commenter cette affaire-là, c'est la raison pour laquelle les réponses que je vous ai faites sont des réponses générales, et tout ce que j'ai dit hier était déjà réponse générale, y compris dans l'erreur de formulation…
RENAUD BLANC
Erreur, erreur et pas faute, pour vous, Nicole BELLOUBET, sur cette phrase en particulier ?
NICOLE BELLOUBET
Si vous voulez, il faut écouter l'ensemble de la bande, et honnêtement, je n'avais pas à dire ça, c'est sûr.
RENAUD BLANC
Alors, vous aviez plutôt commenté une autre affaire, qui était l'affaire Sarah Halimi, je voudrais qu'on revienne justement sur les propos d'Emmanuel MACRON il y a une semaine, il était en Israël, il s'est ému finalement qu'il n'y ait pas de procès ; on a besoin d'un procès. Est-ce que le président de la République n'est pas sorti de son rôle au nom de l'indépendance de la justice, d'ailleurs il a été – pardonnez-moi – rappelé, entre guillemets, à l'ordre par de très hauts magistrats ?
NICOLE BELLOUBET
Oui, le président de la République, il est le garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire, c'est dans la Constitution, il est profondément conscient et attaché à cette garantie, et évidemment…
RENAUD BLANC
Sauf que là, dans ce cas présent, il a un petit peu commenté une décision de justice.
NICOLE BELLOUBET
Je ne dirais pas cela. Il a simplement dit qu'il était important que les parties puissent s'expliquer, il y a eu devant la cour d'appel, devant la Chambre de l'instruction de la cour d'appel, une audience, qui était une audience publique et contradictoire où les parties civiles ont pu s'exprimer par le biais de leurs avocats, qui a conduit à la reconnaissance de l'irresponsabilité pénale de l'intéressé. Il y a aujourd'hui un pourvoi en cassation sur cette affaire-là. Je suis sûre que la Cour de cassation saura trouver les voies pour régler cette affaire.
RENAUD BLANC
Mais est-ce que le chef de l'Etat et même vous, Madame la Ministre, quand vous en avez parlé, n'avez pas confondu, j'allais dire, émotion, colère et justice ?
NICOLE BELLOUBET
Alors, moi, je ne crois pas que je l'ai confondu, je ne crois pas que le chef d'Etat ait confondu non plus, on peut avoir une émotion républicaine au regard de cette affaire-là, c'est très clair ; elle a ému, je crois, toute la France, d'une part, on peut avoir cette émotion, on peut la dire, et d'autre part, on peut respecter l'indépendance des juges et ce qu'ils disent.
RENAUD BLANC
Nicole BELLOUBET, en début de semaine, un individu s'en est pris à un élève surveillant à la maison d'arrêt de Nîmes au cri de Allah Akbar, même scénario, il y a deux semaines, à Beauvais, où une surveillante a pris des coups de la part d'une détenue incarcérée pour radicalisation ; on attend entre 150 et 200 djihadistes, le retour de 150 à 200 djihadistes rapidement dans les semaines, voire les mois qui viennent en France, des femmes aussi et des enfants.
NICOLE BELLOUBET
Ce retour-là, actuellement, il n'est pas acté, il n'est pas acté, non il n'est pas acté, puisque, si vous voulez, les personnes qui reviennent actuellement, ce sont celles qui reviennent par la Turquie et qui bénéficient du protocole Cazeneuve, mais pour le reste, les personnes sont – et c'est la doctrine française, vous le savez – les personnes sont détenues au plus près des lieux de combat.
RENAUD BLANC
Mais vous aviez promis, je crois, 1.500 places spécifiques pour accueillir les personnes radicalisées. Les syndicats estiment que le compte n'y est pas, et que ce chiffre n'est pas certain…
NICOLE BELLOUBET
Mais nous avons une politique de traitement des personnes, soit des terroristes islamistes, soit des personnes qui se radicalisent en prison, nous avons une politique de traitement qui est très claire et qui, je crois, est assez au point. Ce qui ne signifie pas qu'elle entraîne un risque 0, mais vraiment, ils sont pris en charge, d'abord, une évaluation du degré de leur dangerosité, pendant 4 mois, puis, ensuite, ils sont placés soit à l'isolement, soit dans des quartiers de prise en charge spécifiques, soit en détention normale, mais là, ils sont accompagnés, et puis, quand ils sortent, ils sont suivis spécifiquement par les services de renseignements, par le contrôle judiciaire. Donc on a une politique de prise en charge extrêmement rigoureuse. Et je crois que cela répond aux objectifs de protection de la société.
RENAUD BLANC
Donc ce chiffre de 150 à 200 personnes qui reviendraient du Kurdistan, vous ne le confirmez pas ?
NICOLE BELLOUBET
Non, je ne le confirme pas, parce que si vous voulez, aujourd'hui, la situation politique qui est instable je le reconnais devant vous mais la situation politique fait que ces personnes-là sont dans des camps en Syrie et elles sont sous contrôle dans ces camps-là. Donc je ne confirme pas évidemment le retour aujourd'hui.
RENAUD BLANC
Le manque de dialogue avec le gouvernement, c'est ce que ce que disent aujourd'hui les avocats concernant la réforme de la retraite, on en est où, puisqu'ils ont le sentiment de ne pas être entendus, et surtout de ne pas pouvoir dialoguer avec vous ?
NICOLE BELLOUBET
Non, ce n'est pas le cas. Hier encore, il y avait une réunion à la Chancellerie sur ce sujet-là avec des représentants des avocats. La semaine dernière, 9h de dialogue avec eux. Donc on ne peut pas dire qu'il n'y a pas de dialogue, et je rencontre fréquemment les représentants…
RENAUD BLANC
Mais est-ce qu'on peut dire qu'ils seront parmi les grands perdants de la réforme ?
NICOLE BELLOUBET
Ah non, je ne crois pas, puisque nous faisons, si vous voulez, dans le système universel, puisque c'est notre objectif, dans le système universel, qui est un système qui apporte des éléments positifs pour tout le monde, y compris pour les avocats, nous avons fait des études, des cas types, et nous montrons 1°) : que leurs pensions augmenteront, leurs pensions augmenteront. 2°) : que la hausse des cotisations, qui est liée à l'entrée dans le régime universel, puisqu'eux passeraient de 14 à 28%…
RENAUD BLANC
A 28 %, oui, le double…
NICOLE BELLOUBET
Cette hausse de cotisations est très largement compensée par une baisse des cotisations hors retraites, et donc si vous voulez, cette compensation fait que la hausse ne sera pas celle qui est affichée, ils ne peuvent pas dire que les cotisations doubleront.
RENAUD BLANC
Madame la Ministre, votre actualité, c'est également la création du d'une procédure de plaider coupable dans le domaine de l'environnement, l'idée, c'est de mieux combattre les délinquants écologiques, si je puis dire, et d'aller plus vite ?
NICOLE BELLOUBET
Oui, c'est ça, c'est-à-dire que nous souhaitons, l'environnement, l'écologie, c'est une priorité du gouvernement, donc nous souhaitons réorganiser nos juridictions pour être plus efficaces et pour prendre en compte la diversité de ces infractions écologiques, et d'autre part, nous instaurant de nouveaux outils, la convention judiciaire écologique dont vous venez de parler, le travail d'intérêt général vert pour les plus petites infractions qui nous permettront de mieux répondre à ces délits.
RENAUD BLANC
L'actualité politique, ce sont bien sûr les municipales. Emmanuel MACRON a tapé du poing à plusieurs reprises, aussi bien à Biarritz, où il a renvoyé dos à dos les deux ministres en compétition, l'exclusion également de Cédric VILLANI ; pour vous, elle est normale, elle devait avoir lieu, il ne pouvait pas y avoir d'autres possibilité que d'exclure Cédric VILLANI à Paris ?
NICOLE BELLOUBET
Je crois que c'est important de clarifier les situations des uns et des autres, on ne peut pas avoir plusieurs candidats d'un même mouvement ou d'un même parti dans une même ville, et donc il est important qu'il y ait, de ce point de vue-là, une clarification.
RENAUD BLANC
Edouard PHILIPPE au Havre ?
NICOLE BELLOUBET
Vous lui poserez la question.
RENAUD BLANC
Mais pour vous, c'est une bonne chose que le Premier ministre, qui a quand même pas mal de travail, mène une campagne au Havre ?
NICOLE BELLOUBET
Le Premier ministre fera ses choix en temps venu.
RENAUD BLANC
Petite et dernière question, vous allez regarder François FILLON ce soir à la télévision ?
NICOLE BELLOUBET
Ce n'est pas impossible si je n'ai pas de débat au Parlement.
RENAUD BLANC
Mais ça pose quand même une question, j'imagine, à la Garde des sceaux, de voir une personne dont le procès va commencer le 24 février, finalement, passer pendant une heure et demie à la télévision sur le service public.
NICOLE BELLOUBET
La liberté d'expression…
RENAUD BLANC
Oui, mais il n'y a pas plus de questions, justement, sur la vitesse de la justice et la politique, puisque…
NICOLE BELLOUBET
Vous savez, l'affaire Fillon, enfin, là encore, cette affaire est en cours, donc je ne rentre pas dans le détail de l'affaire, que d'ailleurs, je ne connais pas dans son détail. L'affaire Fillon, il a fallu conduire une information qui a été longue, c'est normal, la justice doit apporter des preuves, doit vérifier toutes les données d'une affaire, et donc cela prend du temps.
RENAUD BLANC
Mais imaginons qu'il ne soit pas condamné, on va dire : l'élection de 2017 a été faussée.
NICOLE BELLOUBET
Nous verrons.
RENAUD BLANC
Nous verrons. Merci beaucoup Nicole BELLOUBET d'avoir été ce matin mon invitée…
NICOLE BELLOUBET
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 février 2020