Texte intégral
Je vous remercie pour la qualité du travail réalisé par votre commission. Son utilité est indéniable : il permet au gouvernement de porter des exigences lors des négociations avec ses partenaires européens en se prévalant du soutien du Parlement, même si nous ne sommes pas dans un régime parlementaire. De fait, nous accordons une grande importance au suivi de vos résolutions.
Le CFP pour la période 2021-2027, qui ne fait pas à proprement parler l'objet d'une résolution déjà adoptée par le Sénat, sous-tend la majorité des thèmes que vous avez évoqués : la politique d'asile, la réforme de la PAC, le Plan Juncker et le programme InvestEU. Sa discussion sera donc décisive. Les sherpas du président du Conseil européen, Charles Michel, reçoivent actuellement, à Bruxelles, les représentants des Etats membres - la France y a été entendue le 20 janvier - dans la perspective de pouvoir trouver un compromis lors d'un Conseil européen extraordinaire qui se tiendrait à la fin du mois de février. Nous soutenons cette initiative, même si le compromis ne sera pas aisé à établir. Il apparaît nécessaire de rassurer sur les ambitions de l'Europe, dans le contexte du Brexit.
Le budget européen doit équilibrer les principes de souveraineté et de solidarité, et répondre aux enjeux que constituent la sécurité, la compétitivité, l'innovation, l'immigration, la transition climatique. Nous sommes attentifs à la question du Fonds européen de la défense et à celle d'un budget de la zone euro. Il convient de ne pas opposer les défis contemporains et les politiques traditionnelles. La France est particulièrement attentive au développement économique et culturel des régions - régions en transition, outre-mer -, ainsi qu'au soutien aux agriculteurs, pour garantir leur compétitivité et assurer une transition environnementale viable.
Le nouveau budget européen ne peut s'envisager sans une réforme de son volet recettes, en supprimant les rabais et en créant des ressources propres, liées notamment à l'environnement, afin de limiter les hausses des contributions des Etats membres - il s'agit d'une revendication centrale des pays du nord de l'Europe - et de présenter une politique budgétaire cohérente. Les possibilités de nouvelles ressources propres qui pèseraient sur des personnes ne contribuant pas à la hauteur de ce qu'elles retirent du marché intérieur sont multiples : sur le marché du CO2 ou sur le plastique, majoritairement importé par l'Europe, mais aussi la taxe digitale ou celle sur les transactions financières.
Le budget européen constitue un outil politique qui doit refléter nos valeurs en encourageant la convergence sociale, notamment en favorisant l'égalité salariale et, par une clause de conditionnalité, l'Etat de droit. Il doit enfin apparaître cohérent au regard de nos ambitions climatiques : 30% des dépenses devraient concerner l'environnement, dont 10% la défense de la biodiversité.
Il existe un lien intrinsèque entre la réforme de la PAC et son financement, bien que les deux dossiers se négocient dans un cadre et selon un calendrier différents. Dans ce domaine, le gouvernement approuve la majorité des recommandations du Sénat. Il faut maintenir le budget de la PAC en euros courants sur la période 2021-2027 à 27 Etats membres. Je comprends la logique de ceux qui réclament un maintien en euros constants, mais cette exigence ne me semble pas réaliste. La France, sur ce sujet, est soutenue par la majorité des Etats membres. Une vingtaine d'entre eux a exigé une augmentation de l'enveloppe prévue par la Commission européenne pour la nouvelle PAC, avec succès : la présidence finlandaise a proposé une rallonge de 10 milliards d'euros supplémentaires pour le deuxième pilier, selon le souhait de la majorité des Etats membres.
La France souhaite un rééquilibrage en faveur du premier pilier. De fait, les outils de dépenses doivent permettre de créer une architecture équilibrée pour la PAC, entre production agricole et démarche écologique avec des éco-dispositifs "ecoschemes" obligatoires dans le premier pilier et la mise en place de mesures agro-écologiques dans le second pilier. Les deux commissions concernées du Parlement européen, traitant l'une d'agriculture, l'autre d'environnement, risquent de s'opposer l'une à l'autre, or nous devons trouver un compromis crédible pour un accord sur la PAC.
Concernant la mise en oeuvre de la nouvelle PAC, le système envisagé par la Commission européenne apparaît effectivement complexe. Pour autant, il ne porte ni risque de distorsion de concurrence ni menace de renationalisation. La France a choisi de sécuriser le principe et prône désormais sa simplification afin de faciliter la mise en oeuvre concrète de la réforme en 2021. Hélas, peu de mes homologues saisissent l'enjeu d'une telle simplification, et la France a un important travail de conviction à mener. En interne, l'Etat français mène des discussions importantes avec les régions pour simplifier l'accès aux fonds européens.
S'agissant des règles de concurrence et des pratiques commerciales déloyales, nous partageons votre objectif. Il convient d'organiser les filières, ainsi que le prévoit le règlement Omnibus, et de réglementer les pratiques déloyales. Sur ce second point, la France a soutenu la directive entrée en vigueur au mois d'avril 2019, bien qu'elle ne couvre hélas pas l'ensemble des entreprises du secteur. Au niveau national, des progrès devraient également être constatés grâce à la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Egalim. Il convient cependant de rester vigilant sur les pratiques des centrales d'achat installées hors du territoire national.
Les outils de gestion des risques doivent être modernisés, ainsi que le Sénat le propose, par le biais des observatoires des marchés et des seuils d'alerte. Les menaces commerciales américaines rappellent combien ces outils sont nécessaires. Les agriculteurs sont soumis à un triple risque : climatique, de marché et de production. La France est donc favorable au maintien de la réserve de crise pour le secteur agricole. Elle est également attachée au soutien aux zones défavorisées et aux régions ultrapériphériques par le maintien des dispositifs les concernant, à l'instar du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI).
Vous le voyez, nous sommes mobilisés en faveur de la PAC. N'hésitez pas à faire pression, de votre côté, auprès de vos collègues parlementaires des autres Etats membres. Au-delà de l'aspect budgétaire, nous devons obtenir des améliorations des outils également.
J'en viens au deuxième sujet. Le Plan Juncker vise à répondre aux préoccupations centrales des citoyens européens que sont la croissance et l'emploi, et à rendre le policy mix plus efficace. La France en a été le premier bénéficiaire en volume. Il faut désormais faire davantage en faveur du climat et des petites et moyennes entreprises (PME).
La France soutient le programme InvestEU, plus ambitieux, bien que les allocations précises n'en soient pas encore connues. Le président de la République, convaincu de la nécessité, pour l'Europe, de disposer de capacités d'investissement élevées, est particulièrement mobilisé sur le sujet.
Le Sénat a émis des recommandations précieuses, dont la plupart ont été défendues par la France dans le cadre des discussions au Conseil. Un accord a été trouvé au printemps dernier entre le Parlement européen et le Conseil pour maintenir le fonds de garantie qui, avec l'appui de la Banque européenne d'investissement, permet de soutenir les investissements et de créer un effet de levier. Ce dispositif a fait le succès du Plan Juncker. La France a obtenu que l'outil reste guidé par la demande, sans contrainte d'équilibre géographique, et que la garantie de l'Union européenne soit ouverte à hauteur de 25% aux banques nationales de développement, à l'instar de la Caisse des dépôts et consignations.
En France, le Plan Juncker permet, avec 15 milliards d'euros d'investissements approuvés, d'envisager 78 milliards d'euros d'investissements pour deux cents projets, dont soixante-trois concernent des PME. Dans sa nouvelle mouture, le fonds de garantie financera au moins 10% d'opérations à caractère social.
Le programme InvestEU comprendra un compartiment "Union européenne" et un compartiment "Etats membres", permettant d'affecter de manière volontaire une partie (au plus 5%) des fonds structurels nationaux au provisionnement d'une garantie supplémentaire de l'Union européenne. Le nouveau programme jouera aussi un rôle majeur dans la mise en oeuvre du Pacte vert, puisque 30% de ses crédits seront consacrés à des investissements en faveur de la transition énergétique.
Troisièmement, la politique d'asile et d'immigration représente également un défi majeur. Il s'agit, pour l'Europe, d'assurer la libre circulation des personnes dans un cadre maîtrisé. Il convient de ne pas bâtir une Europe forteresse, mais d'organiser notre politique d'accueil. En 2019, l'Europe a comptabilisé 139.000 entrées irrégulières sur son territoire, soit le niveau le plus bas depuis six ans. Nous devons toutefois être en mesure de faire face à une crise migratoire comme celle de 2015. C'est pourquoi la France porte une proposition de refondation de l'espace Schengen.
Nous espérons beaucoup du nouveau Pacte sur l'immigration et l'asile, qui sera présenté par la Commission européenne au mois de mars. Il permettra de discuter de la refonte du régime d'asile européen qui constitue l'un des objectifs de la présidence allemande. Il s'agira d'un test important pour la crédibilité politique de l'Union européenne.
Le nouveau Pacte devra respecter les principes de responsabilité et de solidarité. En matière de responsabilité, la France soutiendra l'inclusion de procédures d'asile et de retour à la frontière, la réforme des critères de Dublin afin de répondre aux besoins des pays d'entrée comme de destination, la limitation de l'octroi des conditions matérielles d'accueil au pays chargé de l'examen de la demande d'asile et la mise en oeuvre d'une politique de retour efficace et respectueuse des droits humains. Sur ce dernier point, des accords de réadmission sont nécessaires. Nous avons négocié pendant six ans avec la Libye et avec la Tunisie : des accords européens sont préférables à des accords binationaux, quitte à y ajouter des clauses spécifiques. S'agissant du principe de solidarité, la France prône un soutien à la réinstallation et un dispositif de réponse en cas de pression migratoire disproportionnée sur un Etat membre. Les chiffres doivent cependant être relativisés : durant l'été 2018, seules 1.500 personnes ont débarqué en Europe et ont été prises en charge par une dizaine de pays, dont la France, l'Allemagne et le Luxembourg.
Nous devrons travailler sur la convergence des systèmes d'asile nationaux, mais aussi renforcer le Bureau européen d'appui en matière d'asile européen afin de le faire évoluer vers une véritable agence européenne aux prérogatives élargies et d'avancer sur la reconnaissance mutuelle des demandes d'asile. Si ce travail aboutit, la fiabilité de nos frontières extérieures sera renforcée et elles deviendront des lieux de contrôle des flux. Nous devrons aussi renforcer nos mécanismes d'évaluation. Nous sommes très attachés à la libre circulation dans l'espace Schengen, que nous devons optimiser et préserver.
Enfin, le règlement relatif à l'équité et à la transparence pour les entreprises utilisatrices des services d'intermédiation en ligne est un premier pas. Votre ligne ambitieuse est également celle qu'a adoptée le gouvernement tout au long des négociations qui furent difficiles. Le maniement de l'argument du secret des affaires a limité nos ambitions. Nous avons abouti à un compromis final satisfaisant, qui préserve, lorsqu'elles existent, les dispositions de droit français plus protectrices que le droit européen. Nous avons obtenu de nombreuses avancées, notamment sur le RGPD et l'élargissement aux moteurs de recherche. De nouvelles initiatives dans le champ du numérique seront prochainement proposées dans le cadre d'un futur Digital Services Act. Thierry Breton est très mobilisé sur ce sujet.
(Intervention d'un parlementaire)
La présidente de la commission, Ursula von der Leyen, a chargé son vice-président Valdis Dombrovskis d'une mission pour améliorer la résilience de l'Union européenne aux sanctions extraterritoriales, en lien avec Josep Borell : la prise de conscience est donc très forte.
C'est une opportunité pour réviser le règlement de blocage de 1996 de façon à le rendre plus crédible et plus dissuasif ; nous nous appuierons sur les propositions de votre résolution pour ce faire. Aujourd'hui, les entreprises sont face à un dilemme : elles doivent choisir entre le risque de sanctions européennes ou américaines... C'est une situation baroque ! Même si le droit à l'indemnisation existe, le risque financier est entièrement porté par l'entreprise tant qu'elle n'a pas obtenu réparation devant les tribunaux : nous proposerons donc de mettre en place une mutualisation du risque et un mécanisme d'indemnisation efficace pour les entreprises européennes sanctionnées par les Etats-Unis. Nous sommes favorables à la désignation d'un Haut représentant de l'Union pour les sanctions, qui puisse engager un dialogue avec l'Office of Foreign Assets Control (OFAC) afin que nous disposions d'un négociateur en chef. Au niveau national, nous travaillons à la modernisation de notre propre loi de blocage, la loi du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères. Nous suivrons aussi les meilleures recommandations de votre collègue député, Raphaël Gauvain qui a remis son rapport au Premier ministre en juin dernier.
Sur l'Iran, nous sommes déterminés à poursuivre les initiatives en cours au travers d'Instex, même si le dispositif n'est pas encore totalement opérationnel. Le nombre de pays prêts à y participer a été élargi à la Belgique, la Norvège et le Danemark, et d'autres pays - les Pays-Bas, la Finlande et la Suède - ont annoncé leur intention de rejoindre ce dispositif. Les premières transactions sont identifiées, mais nous sommes maintenant en attente des autorisations iraniennes. Ce mécanisme pourrait être aussi développé avec Cuba et la Russie, où les échanges européens sont entravés par des comportements de surconformité bancaire liés au rôle du dollar. Le rôle international de l'euro est essentiel et nous devons parachever l'Union économique et monétaire (UEM). Ce sujet est discuté dans l'enceinte des G7 et des G20.
(Interventions des parlementaires)
Soyons lucides sur la faiblesse actuelle de nos moyens sur l'intelligence artificielle, comparés à ceux d'autres puissances. Nous partageons votre position et il s'agit d'une grande priorité sectorielle, de même niveau que les enjeux climatiques. Ursula von der Leyen l'a bien montré en attribuant ce portefeuille à Margrethe Vestager. Il ne s'agit pas de verser des aides d'Etat, mais de mettre des ressources publiques et privées au service d'une ambition partagée et tous les acteurs doivent être mobilisés : la Commission, les Etats membres et les industriels, sur le modèle de ce que nous avons fait pour les batteries - en regroupant sept pays et dix-sept entreprises de toutes tailles. Nous y réfléchissons actuellement.
Sur l'éthique et la transparence des algorithmes, des experts travaillent actuellement auprès de la Commission européenne. Thierry Breton a publié hier un article dans lequel il répond largement à vos questions. Nous ne sommes pas en retard, mais nous devons créer une réserve de données non personnelles afin de favoriser l'innovation. C'est ce qu'il appelle le hub européen des données, qui seraient accessibles aux PME, aux acteurs industriels et aux centres de recherche. Nous avons avec le RGPD une stratégie pour les données personnelles, il faut maintenant que nous ayons une stratégie pour les données non personnelles : c'est bien ce que propose Thierry Breton, il s'agit donc bien d'une stratégie éthique des données économiques et industrielles.
Sur l'idée d'un cloud européen, nous devons nous assurer que les données produites par les Européens bénéficient aux entreprises européennes. La plupart de nos données sont stockées dans les terminaux, nous aurons donc besoin de la 5G et d'édicter d'exigeantes conditions de sécurité. Nous avons des fournisseurs européens - Nokia ou Ericsson qui vient de faire un investissement majeur à Massy pour travailler avec l'écosystème français. Thierry Breton considère que l'hydrogène et l'internet des objets sont aussi des secteurs-clefs.
Aujourd'hui, en France, 80.000 postes demeurent non-pourvus dans le domaine du numérique : l'enjeu de la formation est immense. Nous avons notamment besoin de qualifications intermédiaires sur le traitement des données. La création d'un label européen sur les formations devrait permettre de créer un véritable marché commun des compétences. Votre résolution est donc bien dans l'esprit du gouvernement et de notre commissaire européen.
(Interventions des parlementaires)
Votre appui est déterminant dans nos négociations. Nous avons de vrais atouts ; il serait paradoxal et critiquable de les affaiblir. Nous sommes pleinement en soutien du programme spatial dont nous souhaitons sécuriser la base juridique. Nous souhaitons également lancer de nouveaux programmes en matière de surveillance de l'espace et de communications sécurisées.
Pour aboutir, il nous paraît indispensable de revoir la gouvernance entre la future Agence de l'Union, l'acteur historique ESA (European space agency - Agence spatiale européenne) et la nouvelle Direction générale DEFIS de la Commission européenne. Il s'agit de ne pas dupliquer les compétences, mais de favoriser l'implication progressive de la nouvelle Agence.
Nous avons obtenu d'importances avancées à Séville : la capacité autonome d'accès à l'espace de l'Union et de ses Etats membres a été inscrite dans le programme spatial européen et il a été décidé d'agréger nos services de lancement. L'accord franco-allemand de Toulouse a acté le principe de la préférence européenne dans le secteur spatial. Cela nous permet de réaffirmer notre soutien à Kourou comme port spatial européen. Cela a été permis grâce au travail très méthodique de Frédérique Vidal, ministre chargée de la recherche, et aux talents diplomatiques de Jean-Yves Le Gall, le président du Centre national d'études spatiales.
Nous avons plaidé pour un budget ambitieux en faveur du programme spatial européen et pour que le budget de recherche prévu dans "Horizon Europe" soit en ligne avec ce que nous avions dans "Horizon 2020". Je me suis donc opposée aux propositions de coupes budgétaires dans le programme spatial et Thierry Breton a annoncé qu'il serait intraitable sur cette question. En matière de recherche, notre objectif est de préserver la part du spatial dans "Horizon Europe", avec un minimum de 2,5 milliards d'euros - alors que la proposition finlandaise était de 1,5 à 2 milliards.
Il est indispensable que les opinions publiques comprennent les retombées quotidiennes de ces programmes. Nous comptons déjà un milliard d'usagers de Galileo, mais qui le sait ? Les applications de Galileo et de Copernicus sont multiples, notamment dans le domaine agricole de précision. Il y a là un vrai sujet de communication que vous pourriez porter dans vos territoires.
(Interventions des parlementaires)
La protection des citoyens et des libertés est au coeur de l'Agenda stratégique 2019-2024. Nous aurons ce semestre une discussion au Conseil européen sur l'Etat de droit, le renforcement de la confiance mutuelle, la formation des magistrats, la coopération judiciaire et l'adaptation de la justice aux nouvelles technologies, etc. La création du Parquet européen est une étape décisive. Mme Kövesi a fait son premier déplacement à Paris, car elle sait à quel point la France a été moteur sur la création de ce Parquet européen. Il faut maintenant que les procureurs européens soient nommés, ainsi que des procureurs délégués dans les Etats membres. Il faut également mettre en place un Case management system, système de gestion des affaires, comme à la Cour européenne des droits de l'Homme. Et nous préparons, avec Nicole Belloubet, les adaptations nécessaires de notre droit national.
L'extension du champ de compétences du Parquet européen au-delà de la fraude aux intérêts de l'Union - terrorisme, criminalité transfrontalière - est actuellement en débat ; c'est un objectif de moyen terme.
En matière de cybercriminalité, il existe une coopération forte avec Europol et il existe un réseau européen de transmission d'informations. Nous souhaitons créer un centre européen dédié afin de faciliter leur traitement. La sécurité du réseau 5G sera ici essentielle.
N'oublions pas non plus la question des ingérences dans les élections : le président de la République défend la création d'une Agence européenne de la démocratie. La protection des institutions européennes contre les attaques est également un enjeu majeur car s'y concentrent de nombreuses données stratégiques. Dans le domaine bancaire, nous avons fait beaucoup de progrès, même si des améliorations sont encore nécessaires sur les questions transfrontalières. Le dialogue entre Europol et Eurojust facilite le traitement des affaires. Je crois qu'il n'y a pas de dissensus sur ces sujets. Il faut maintenant que nous puissions être opérationnels.
M. Jacques Bigot, rapporteur. - Il n'y a pas de dissensus, mais les Etats sont attachés au respect de leur souveraineté. Nous l'avons constaté lors de la constitution du Parquet européen. C'est pour cela qu'il nous paraît intéressant de penser dès maintenant la question de la cybercriminalité avec cette stratégie.
R - Le commissaire Didier Reynders porte ces questions. Il s'agit d'un sujet concret qui a des répercussions dans la vie quotidienne. Les citoyens comprendront très bien que, dans ce domaine, les actions n'ont pas de frontières.
Toutes les propositions que nous pourrons faire seront bienvenues. Nous devons sortir d'une forme de naïveté qui nous conduit à tolérer collectivement beaucoup de choses dans le domaine numérique que l'on ne tolérerait pas dans la vie réelle. Par exemple, on s'accommode de contenus terroristes sur les réseaux sociaux dont on ne tolérerait pas qu'ils soient relayés par un média classique. Il nous semble essentiel que la France s'oppose à cette forme d'affadissement dont les conséquences sur la démocratie sont certaines.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 février 2020