Interview de M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, à Public Sénat le 5 février 2020, sur le congé parental pour le décès d'un enfant, la réforme des retraites, le communautarisme, les centres-villes et la politique du logement.

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Média : Public Sénat

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Et notre invité politique ce matin c'est Julien DENORMANDIE, bonjour.

JULIEN DENORMANDIE
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Merci d'être avec nous. Ministre chargé de la Ville et du Logement, on est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse quotidienne régionale représentée par Stéphane VERNAY, bonjour Stéphane.

STEPHANE VERNAY
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Stéphane qui dirige le bureau parisien de Ouest-France. On va commencer avec ce rejet d'une proposition de loi centriste qui rallongeait le congé pour un parent ayant perdu un enfant, ce rejet qui crée des tensions au sein de La République en marche, est-ce que le fossé se creuse entre les députés « marcheurs » et le gouvernement ?

JULIEN DENORMANDIE
Non, il ne faut pas dire ça, je pense que c'était un épisode compliqué, qu'on vient de vivre, pourquoi ? Parce que d'abord on parle d'une proposition de loi qui touche à l'intime, moi je suis père de quatre enfants, je ne connais pas plus grand malheur que de celui de perdre un enfant, et malheureusement chaque année il y a des milliers de parents qui vivent ce drame. Et d'un drame, et de ce qui relève de l'intime, est venue une proposition de loi où il y a eu des incompréhensions, il y a probablement eu des maladresses, il y a même eu des erreurs, et je crois qu'il faut faire très attention parce que, la grandeur de la politique, aussi, c'est quand il y a des maladresses, quand il y a des erreurs, savoir les reconnaître et les corriger de suite, c'est ce qui a été fait.

ORIANE MANCINI
Mais comment le gouvernement a pu en arriver à de telles erreurs ?

JULIEN DENORMANDIE
Parce qu'après vous avez aussi toute la question de savoir comment est interprété le vote qui a eu lieu. Moi je connais très bien Muriel PENICAUD, je connais très bien des députés qui siégeaient, je peux vous dire que ce sont eux aussi des pères et des mères de famille, avec une très grande sensibilité dessus, après, quand vous rentrez dans le détail la question c'est, par exemple, est-ce que ce qui était proposé dans cette proposition de loi était financé ou pas, est-ce que ce qui était proposé apportait l'accompagnement ou pas. Au final, est-ce que ce qui était proposé, dans cette proposition de loi, était le cadre suffisant ou pas.

ORIANE MANCINI
Mais quand même, le MEDEF vous dit qu'il faut revoter, qu'il n'aurait pas voté ça.

JULIEN DENORMANDIE
Non, mais après coup, il a été considéré que ce sujet était d'une importance cruciale, qu'il fallait aller beaucoup plus loin, sur le jour de congé, mais pas que, j'insiste dessus. Songez, par exemple, que le président de la République, il y a 1,5 an, a voulu nommer au sein du gouvernement un ministre, Adrien TAQUET en l'occurrence, exclusivement chargé de ces questions de l'enfance, exclusivement, ça faisait bien longtemps qu'au sein d'un gouvernement il n'y avait pas quelqu'un qui, à temps plein, était chargé de la question de l'enfance, et Adrien TAQUET, ça fait des semaines et des semaines, avec Muriel PENICAUD, qu'il travaille sur justement cet accompagnement. Aujourd'hui, où est-ce qu'on en est ? cette PPL, cette proposition de loi reviendra au Sénat début mars, puis à l'Assemblée, et les consultations ont repris avec les associations, avec les partenaires, pour pouvoir aller plus loin, et je crois que c'est ça qui importe, c'est aujourd'hui d'aller plus loin sur ce sujet.

STEPHANE VERNAY
Autre sujet d'actualité, la réforme des retraites, 22.000 amendements déposés, 360 examinés hier en commission, il va vous falloir combien de temps pour arriver à épurer les 22.000 amendements, comment ça va se passer ?

JULIEN DENORMANDIE
Surtout moi je trouve que le comportement de la France Insoumise, parce qu'on parle de quoi, on parle…

STEPHANE VERNAY
19.000 amendements déposés par la France Insoumise.

JULIEN DENORMANDIE
Exactement, sur les 20.000 amendements qui restent il y en a 19.000 de la France Insoumise. La France Insoumise est clairement dans une obstruction parlementaire.

STEPHANE VERNAY
Et elle le revendique.

JULIEN DENORMANDIE
Et elle le revendique, et moi je pense que c'est tout sauf un reflet de ce que doit être le débat parlementaire, ça nuit à la grandeur du Parlement de faire de telle obstruction.

STEPHANE VERNAY
On avait Damien ABAD à votre place hier, qui disait que finalement ça faisait le jeu du gouvernement, qu'il y avait une espèce de collusion objective entre la France Insoumise et La République en marche sur ce sujet.

JULIEN DENORMANDIE
Non, mais il faut raison gardée, il faut que Monsieur ABAD ne tombe pas, là aussi, dans de l'interprétation politicienne, et puis il faut surtout pointer du doigt ce comportement, à la fois irresponsable, et je pense même irrespectueux de la grandeur du Parlement, qui est ce comportement d'obstruction de la France Insoumise. Pourquoi ? parce que je ne crois pas que, aucun des citoyens qui ait voté pour la France Insoumise n'ait voté pour des personnes qui déposaient 19.000 fois le quasi même amendement, c'est-à-dire des amendements qui changent juste par une virgule, par un chiffre, par un mot, tout ça pour faire de l'obstruction et pour empêcher le débat. Parce que quand vous avez 20.000 amendements à faire, eh bien les amendements les plus importants ils ne peuvent pas être débattus de manière sereine, et donc vous nuisez à la qualité du débat parlementaire, et ça, objectivement, ce n'est pas responsable.

STEPHANE VERNAY
C'est surtout qu'il ne sera pas possible d'examiner les 22.000 amendements, même en allant extrêmement vite, dans le délai imparti, d'ici le 17 février.

JULIEN DENORMANDIE
En tout cas ce qui est sûr c'est que le gouvernement…

STEPHANE VERNAY
Qu'est-ce qui va se passer techniquement, quel est votre recours ?

JULIEN DENORMANDIE
Ce qui est sûr c'est que le gouvernement fera tout son possible. Vous avez dû, je suis sûr que ça ne vous a pas échappé, hier il y a eu tout un débat pour faire en sorte que les amendements soient présentés plus rapidement que d'habitude, parce qu'au fur et à mesure, quand on vous présente pour la X millième fois le même amendement…

STEPHANE VERNAY
D'ailleurs la France Insoumise crie « au scandale ! »

JULIEN DENORMANDIE
Et la France Insoumise crie « au scandale ! », mais vous voyez bien là, une nouvelle fois, le comportement irresponsable, avec en plus des procès, et je les vois venir, qui sont des procès en leçons de démocratie, que la France Insoumise va oser faire au reste des parlementaires, mais où est-on ? Des procès en leçons de démocratie alors qu'il y a un blocage ici, qu'il y a une revendication de ne pas suivre des processus démocratiques habituels là, voire même, et ça on en a l'habitude, des contestations des juges ou des qualificatifs à l'encontre des forces de l'ordre qui sont absolument odieuses.

STEPHANE VERNAY
Et la porte de sortie c'est quoi ? Techniquement vous allez faire comment pour surmonter cet obstacle ?

JULIEN DENORMANDIE
Moi je fais confiance au pilotage des chambres parlementaires, comme les décisions courageuses qui ont été prises hier pour pouvoir faire en sorte que ça aille plus vite lors de la commission.

ORIANE MANCINI
Mais si ça ne va pas plus vite, si la commission ne réussit pas à examiner, finalement c'est le texte du gouvernement qui sera examiné en séance le 17 février, est-ce que ça ne vous arrange pas finalement ?

JULIEN DENORMANDIE
Non, ah non, moi je crois profondément au débat parlementaire, profondément, et je crois d'ailleurs que c'est une attente, et je pense que c'est nécessaire. Et force est de constater, c'est un reproche qui a été fait au gouvernement, que nous avions passé beaucoup de temps à discuter de ces textes, beaucoup, qu'on avait beaucoup concerté parfois, certains nous l'ont reproché trop, toute cette concertation elle ne vise pas être balayée d'un revers de la main parce que la discussion au Parlement n'aurait pas lieu.

STEPHANE VERNAY
Donc vous pensez vraiment que les 22.000 amendements vont être examinés d'ici le 17 février ?

JULIEN DENORMANDIE
En tout cas, moi ce que j'espère c'est que…

STEPHANE VERNAY
Vous êtes le seul.

JULIEN DENORMANDIE
Non, mais ce que j'espère c'est que, parmi ces 22.000, le temps nécessaire soit pris sur les amendements les plus importants, et que sur le reste la mécanique parlementaire permette, à défaut de mettre fin à ce comportement irresponsable, au moins à pouvoir le surpasser pour toutes celles et ceux qui veulent un débat. Mais j'insiste, je pense qu'il est important de pointer du doigt, de dénoncer, ce comportement à la fois irrespectueux des institutions, mais aussi des Français, parce que c'est de ça dont il s'agit, quand le débat parlementaire, qui est si important sur un texte aussi fort pour notre démocratie, ne peut pas avoir lieu, et malheureusement je constate que ce sont toujours les mêmes qui font ce blocage.

ORIANE MANCINI
Autre sujet d'actualité, avant de passer à vos dossiers, c'est cette proposition de loi constitutionnelle déposée par la majorité sénatoriale pour armer la Constitution face au communautarisme. Vous avez entendu Dominique ESTROSI SASSONE, la sénatrice les Républicains, dire que le président de la République était mal à l'aise sur ces sujets, est-ce qu'elle n'a pas raison ?

JULIEN DENORMANDIE
Non, pas du tout, et pour, non seulement bien connaître le président de la République, et depuis longtemps, et de l'entendre depuis longtemps s'impliquer et évoquer ces sujets, mais en plus en tant que ministre du Logement et de la Ville je suis confronté à ces sujets au quotidien dans mes responsabilités, et je peux vous dire deux choses. La première c'est que, bien au contraire moi je pense que nous avons un président de la République qui affronte le sujet, sans nier aucunement les difficultés, aucunement, les difficultés qu'on observe sur certains territoires, avec des sécessions qui peuvent être faites, des difficultés qui peuvent donner lieu ensuite à des comportements qui n'ont rien à faire dans notre République…

ORIANE MANCINI
Mais de quelle manière il affronte, on attend un discours, on entend des propositions, ça ne vient toujours pas ?

JULIEN DENORMANDIE
Non mais alors… des choses ont déjà été faites par le passé, et un engagement a été pris, dans les prochaines semaines, de pouvoir annoncer…

STEPHANE VERNAY
Avant les municipales, on est sur ce calendrier-là ?

JULIEN DENORMANDIE
Je laisserai le président le faire, mais moi ce que je peux vous dire…

STEPHANE VERNAY
Et c'est lui qui s'exprimera sur le sujet ou ce sera un plan qui sera présenté par quelqu'un d'autre ?

JULIEN DENORMANDIE
Lui ou le gouvernement, mais moi ce que je peux vous dire c'est que nous avons déjà fait, autour du président de la République, et j'y étais, de nombreuses réunions sur ce sujet, de nombreuses…

STEPHANE VERNAY
Mais vous n'avez aucune précision sur ce qui va se passer ?

JULIEN DENORMANDIE
J'ai, en tout état de cause, moi dans les domaines qui sont les miens, avec mes collègues, que ce soit sur comment mieux accompagner les associations, comment faire en sorte que le sujet de l'école, qui est si important dans beaucoup de territoire, puisse être mieux appréhendé, avec ces écoles hors contrat, ou parfois des enfants de notre République qui ne sont plus scolarisés, ça peut arriver, mais quand vous voyez que ça augmente de façon très importante, toujours dans les mêmes territoires, ce sont des signaux d'alerte à prendre avec énormément d'importance, ou que ce soit aussi, très important à mes yeux, d'avoir une lutte contre les discriminations. Parce que, qu'est-ce que nourrit le communautarisme ? Il y a beaucoup de facteurs, il y a des facteurs d'endoctrinement, il y a des facteurs d'idéologie, mais il y a aussi des facteurs de ce sentiment de ne plus appartenir à la même République parce que nous sommes discriminés. Eh bien voyez, sur tous ces aspects-là, ça fait des semaines et des semaines que, des réunions se tiennent, des propositions très concrètes sont faites, pour faire en sorte que, eh bien au moment où le Président, le Premier ministre s'exprimeront, ce soient des mesures fortes qui sont prises. Mais, je vous le redis de manière très claire, le président de la République il est très au fait de ce sujet, mais très clair dans ce qu'on veut faire. Il a eu des mots très forts en disant que le communautarisme était un poison dans notre République, pourquoi ? Parce qu'une République, par définition, il n'y a qu'une seule communauté, c'est celle qui nous unit les uns aux autres, c'est celle des lois de la République, c'est celle qui fait que, à quelconque moment, dans quelconque endroit, qui que vous soyez, à chaque fois ce qui doit être mis au-dessus de tout ce font les lois de la République, à chaque fois, et ça nous sommes très clairs dessus.

ORIANE MANCINI
Allez, on va passer à vos dossiers Julien DENORMANDIE, ils sont nombreux, on va commencer par cet événement que vous lancez aujourd'hui, « Habiter demain », ce sont deux jours de réflexion autour du thème comment rendre les villes de demain plus durables, sobres, résilientes et solidaires. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus, quel est l'objectif ?

JULIEN DENORMANDIE
Aujourd'hui moi je pense qu'il y a quelque chose qui est face à nous, qui nous interroge et qui nous oblige, c'est la question de faire la ville. Qu'est-ce que ça veut dire faire la ville aujourd'hui ? dans un contexte où cet été on a vécu la canicule, un épisode très dur pour notre société, où cet hiver on a vécu des inondations, qui étaient des inondations meurtrières, où beaucoup de nos concitoyens se disent mais au final est-ce que la ville dans laquelle je vis elle me permet de faire face à ces événements et elle me donne l'espace dans lequel je veux évoluer, c'est-à-dire une société solidaire où les uns vivent avec les autres, et pas contre les autres… la discussion que nous avions tout à l'heure, et quand vous faites la ville, vous avez une responsabilité sur tout ça. Les inondations par exemple, moi je suis ingénieur agronome, c'est un sujet que je connais depuis longtemps, sur lequel j'ai travaillé depuis longtemps, les inondations, eh bien quand vous artificialisez le sol, très concrètement, quand vous faites des grands parkings en périphérie des villes, eh bien vous empêchez quoi, l'eau de s'infiltrer dans les sols, et donc vous participez à l'inondation. Quand vous avez ces grands événements de canicule et que vous n'avez pas une once de verdure dans une ville, ou que vous n'avez pas des points de fraîcheur dans une ville, ou même vos bâtiments n'ont pas été bien pensés, eh ben ça devient invivable. Et donc, pendant ces deux jours, et je fais aujourd'hui, ce matin avec vous, des annonces fortes en ce sens, on va se poser la question de savoir comment, moi ministre, mes équipes, on peut être des artisans de cette ville durable, de cette ville de demain, en accompagnant les élus locaux. Comment on peut faire en sorte par exemple que, vous savez ce modèle de développement dans beaucoup de villes, pas partout, mais souvent, qui consiste à avoir cette grande zone pavillonnaire périphérique, avec ses grands supermarchés, avec toujours le plus XXL, en périphérie, et à l'intérieur de votre ville un centre-ville qui meurt, avec des logements qui deviennent vacants, avec des commerces qui disparaissent, eh bien comment on peut faire pour lutter contre ça, parce que moi ce modèle-là…

ORIANE MANCINI
Alors, concrètement comment on fait ?

JULIEN DENORMANDIE
Eh bien concrètement, on prend des dispositions, qu'on est en train de mettre en oeuvre avec force, c'est des dispositions que j'avais prises par exemple dans la loi Elan. Aujourd'hui j'ai donné la possibilité, dans la loi Elan, à un maire de surseoir à un projet de supermarché en périphérie, s'il le décide. Depuis 2 ans, et vous m'avez souvent entendu le dire, je me bats pour rénover les centres-villes, une grande opération qui s'appelle « Coeur de ville », qu'on a lancée, 5 milliards d'euros, et on a fait un décompte, on est déjà plus d'1 milliard d'euros d'investis. J'ai créé un dispositif fiscal, qui porte mon nom, qui vise à dire moi j'arrête de faire de l'incitation à l'investissement locatif dans le neuf dans ces zones-là, pour l'orienter vers la rénovation dans le centre-ville. Et puis on va aller plus loin, aujourd'hui on va annoncer par exemple, que toutes ces initiatives, toute cette vision, on va les rassembler dans une association qui s'appelle France Ville durable, qui va permettre de créer cette dynamique, de capitaliser sur tout ce qui existe. Aujourd'hui on va labelliser près de 90 nouveaux éco-quartiers, pour aller plus loin là aussi. Et puis aujourd'hui on va se dire, on va se poser une question aussi qui est très importante, qui est de se dire la végétalisation c'est important, mais moi je crois qu'on peut aller encore plus loin, il faudrait créer de vraies fermes agricoles, des fermes urbaines, des quartiers fertiles, parce que j'y crois profondément, et parce que moi je préfère en tant, encore une fois, de père de famille, que ce qu'il y a dans l'assiette de mes enfants, dans la cantine, ça vienne de ces circuits courts plutôt que d'une importation par avion. Et donc, on va lancer un appel à projets pour créer 100 fermes urbaines, mais des véritables fermes dans la ville. Il y a beaucoup d'expériences déjà dans notre pays où on voit que ça marche, et on va le faire précisément dans les quartiers prioritaires de la ville, donc dans les quartiers les plus compliqués, créer des banlieues vertes, où il y a une demande particulière. Donc, on fait ça avec l'ANRU, on va investir 20 millions d'euros, pour ce faire, et on lance aujourd'hui cet appel à projets pour dire à tous les élus locaux qui le souhaitent, rejoignez-nous dans cette dynamique. Moi, mon rôle, c'est d'être cet artisan de la ville durable, en accompagnant les élus locaux, pour ce faire.

ORIANE MANCINI
Et vous en avez déjà parlé avec les élus locaux ou la discussion s'engage aujourd'hui ?

JULIEN DENORMANDIE
Bien sûr.

ORIANE MANCINI
Les concertations ont déjà été faites avec les élus locaux concernés ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors, c'est un travail que moi je porte depuis maintenant plus de 2,5 ans, mais que, aujourd'hui, nous permet de donner une autre dimension parce qu'on a structuré ces différentes actions, on crée donc cette association France Ville durable, on labellise de nouveaux éco-quartiers, on revoit les éco-quartiers pour qu'ils soient plus simples, on lance ce grand appel à projets pour les 100 fermes urbaines, qui sont extrêmement importantes à mes yeux, et on va pouvoir également accompagner les élus locaux dans ce qu'ils font au jour le jour. Et puis dernier point là-dessus. Vous savez, trop souvent moi je trouve que l'Etat a été un Etat qui, peut-être donnait des leçons, vous l'avez vu, moi j'ai une vision très claire sur comment on fait pour rénover le centre-ville plutôt que toujours développer ces zones pavillonnaires périphériques et ce grand supermarché, mais je le fais avec pragmatisme, c'est-à-dire que je dis aux maires, le jour où vous voulez surseoir, eh bien maintenant je vous donne la possibilité, vous avez maintenant la possibilité de surseoir à un supermarché, et je vais vous accompagner aussi pour revitaliser, par exemple les grands parkings, c'est quelque chose qu'on annonce aujourd'hui, comment vous faites pour ces grands parkings, ou friches industrielles, les revitaliser. Voilà des sujets très concrets où les élus locaux peuvent bénéficier de notre expertise.

STEPHANE VERNAY
C'est très concret, c'est intéressant, mais c'est très ciblé non, parce que, en fait, « Action Coeur de ville », qui est qui est un dispositif intéressant, ça concerne 220 villes moyennes en France, à peu près, là vous parlez de quartiers fertiles, une centaine de fermes urbaines, mais dans des quartiers prioritaires de la ville, donc vous êtes sur des actions qui concernent des territoires donnés très particuliers. Par exemple, les fermes urbaines, les quartiers qui seront concernés, ils sont complémentaires des « Action Coeur de ville », ou c'est des territoires qui se regroupent ?

JULIEN DENORMANDIE
Non, ils sont complémentaires, ils sont complémentaires, parce que c'est vraiment des quartiers prioritaires de la ville, et c'est les projets qui vont nous remonter, on n'a pas identifié où seront ces lieux, on dit aux élus locaux…

STEPHANE VERNAY
Pas encore.

JULIEN DENORMANDIE
Exactement, on dit aux élus locaux nous on met des financements, on met de l'ingénierie, on sait que plein de modèles existent, faites-nous remonter les projets. Moi j'en ai vu déjà plusieurs dizaines lors d'un grand événement qu'on a organisé il y a quelques jours, pour leur dire appropriez-vous le dispositif qu'on lance aujourd'hui, le 5 février, pour vous.

ORIANE MANCINI
Sur le financement, est-ce que vous pouvez nous en dire plus, vous nous avez parlé de ces 20 millions, est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur la manière dont ça va être financé ?

JULIEN DENORMANDIE
Ça va être des financements qui viennent de l'Etat ou de la CAISSE DES DEPOTS, principalement, avec un peu de financement également de l'ADEME, et tout ça piloté par cette formidable agence qui est l'Agence nationale de la rénovation urbaine, je salue le travail qu'ils ont fait parce que, il y a un an je suis allé voir ces équipes, c'est une agence que je pilote, en disant je veux que nous devenions, avec l'Agence nationale de rénovation urbaine, l'un des plus grands fermiers de notre pays…

ORIANE MANCINI
Les collectivités aussi vont devoir financer ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors, les collectivités pourront décider de compléter ces financements, mais ce qui est sûr c'est que moi je veux être l'accompagnateur de ces collectivités locales, ce n'est pas moi qui vais faire le projet, c'est moi qui vais dire aux collectivités je vous accompagne dans ces projets, et force est de constater qu'il y a beaucoup de projets aujourd'hui qui existent. Et je vais le faire aussi avec une façon qui est, pour moi importante, c'est-à-dire que l'Etat se doit d'être exemplaire, et songez, par exemple, qu'aujourd'hui j'annoncerai que dans les constructions de l'Etat, faites par les établissements publics de l'Etat, les établissements d'aménagement par exemple, il faudra désormais que 50 % de ces constructions soient des constructions en bois ou en matériaux biosourcés. C'est des choses que nous avions, des engagements que nous avions pris par exemple pour les Jeux Olympiques, il n'y a pas de raison que ce qui est possible pour les Jeux Olympiques ne soit pas possible pour les constructions habituelles. Moi je crois beaucoup dans la construction bois, de la construction des nouveaux matériaux, et donc maintenant l'Etat sera exemplaire, 50 % des constructions…

STEPHANE VERNAY
A partir de quand ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors, ça va monter en charge, il y a 2 ans j'avais fixé déjà 10 %, et aujourd'hui 50 %, et je veux que ces 50 %…

STEPHANE VERNAY
A quel horizon ?

JULIEN DENORMANDIE
A la fin des deux prochaines années, à chaque fois que ce soit automatique.

STEPHANE VERNAY
Le secteur du BTP, les filières sont prêtes ?

JULIEN DENORMANDIE
Oui, non seulement elles sont prêtes, elles savent faire, mais c'est ça le rôle de l'Etat, de donner cette impulsion. Si moi je ne donne pas une impulsion, si moi je ne dis pas je crois dans ces constructions nouvelles, et comme j'y crois je fais en sorte que moi je sois exemplaire - c'est quand même très difficile dans ce cas-là d'emmener une filière - et donc moi j'ai cette vision politique, et donc j'ai cette exemplarité, et donc 50 % des constructions de ces établissements publics seront en bois, en biosourcés.

STEPHANE VERNAY
Alors rapidement, à propos de constructions nouvelles et d'impulsion, où est-ce qu'on en est du nombre de logements neufs construits en 2019, il y a une il y a une baisse ?

JULIEN DENORMANDIE
On est à précisément 409.000 constructions neuves.

STEPHANE VERNAY
Est-ce que c'est suffisant par rapport aux besoins ?

JULIEN DENORMANDIE
En tout cas c'est des années qui restent… c'est quasi la même chose que l'année dernière, c'est moins de 1 % de variation, et ça reste une année très haute par rapport à la moyenne de ces cinq dernières années.

STEPHANE VERNAY
Mais par rapport aux besoins ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors force est de constater aujourd'hui qu'il y a toujours beaucoup de nos concitoyens qui sont mal logés, et ça, ça nécessite quoi ? Ça nécessite de construire plus là où c'est nécessaire, donc il faut maintenir cet effort de production, il faut aller encore plus loin, moi mon objectif c'est d'aller plus loin que ce chiffre-là, pour être très clair et répondre à votre question, mais ça nécessite aussi d'agir avec beaucoup de doigté sur d'autres territoires, où là le sujet n'est pas la construction, mais la rénovation. Et donc, pour moi c'est deux sujets que je veux porter, à la fois construire plus là où c'est nécessaire, mais rénover plus. Quand vous voyez qu'on a lancé « Coeur de ville », qu'on a lancé ce dispositif Denormandie dans l'ancien, qu'en 2 ans les chiffres de l'Agence nationale de l'habitat ont été multipliés par deux, en 2 ans, eh bien vous savez, dans le monde de l'économie on appelle ça une licorne, quand vous faites fois deux votre activité en 2 ans, eh bien sauf que cette licorne c'est l'ANAH aujourd'hui, c'est l'Agence nationale de l'habitat.

STEPHANE VERNAY
La présidente de l'Agence nationale de l'habitat c'est Nathalie APPERE, que la maire de Rennes, qui a annoncé qu'elle arrêtait en avril, est-ce qu'on sait qui va la remplacer ?

JULIEN DENORMANDIE
Non, non on ne sait pas, et vous savez c'est…

STEPHANE VERNAY
Ce sera quand ?

JULIEN DENORMANDIE
Ça va être des discussions qu'on aura avec l'Association des maires de France, et donc on va attendre les municipales et puis on verra qui…

STEPHANE VERNAY
Après les municipales ?

JULIEN DENORMANDIE
Bien sûr.

ORIANE MANCINI
Une question sur un sujet qui va intéresser de nombreux Français, ce sont les banques qui durcissent leurs conditions de prêt, en 2020 il sera plus difficile de contracter un prêt immobilier, il faudra plus d'apport, la durée du prêt sera moins longue, et ce sous l'impulsion du gouvernement. On a du mal à comprendre ce choix qui va compliquer l'accès à la propriété, pour les jeunes, pour les primo-accédants, pour les personnes modestes.

JULIEN DENORMANDIE
Non, il faut être très précis, parce que souvent c'est présenté comme ça, alors que ce n'est pas le cas. Qu'est-ce qu'on a vu dans l'accès au prêt pour devenir propriétaire d'un logement ? C'est que parfois on avait des dispositions qui étaient, par exemple des durées extrêmement longues, jusqu'à présent, en gros le maximum c'était 25 années, et aujourd'hui on a observé que ce plafond de 25 années pouvait être…

ORIANE MANCINI
Etait passé à 30 ans.

JULIEN DENORMANDIE
Exactement, pouvait être dépassé. Souvent, et je suis sûr que vous en avez déjà entendu parler dans les repas dominicaux, on vous dit qu'une banque ne prête pas plus d'un tiers de vos revenus, eh bien aujourd'hui on observait des comportements où vous aviez des banques qui prêtaient beaucoup plus qu'un tiers de vos revenus. C'est quoi la conséquence de ça ? C'est que certaines personnes devenaient étranglées par les prêts qu'elles contractaient, parce que quand vous contractez avec des énormes mensualités sur une énorme durée, eh bien vous pouvez avoir des grandes difficultés. Et donc, ce n'est pas du tout une réduction de l'accès à ces prêts, c'est simplement de limiter des dérives que nous avions pu constater, et d'ailleurs les banques ont tout de suite indiqué, à la demande du Gouverneur de la Banque de France, et donc également du gouvernement, que ceux qui soient le mieux accompagnés soient les primo-accédants là-dessus. Donc, je persiste et signe, aujourd'hui l'accès des crédits bancaires pour le prêt immobilier reste incroyablement bon dans notre pays et c'est certainement très bien ainsi.

STEPHANE VERNAY
Vous avez participé la semaine dernière à la présentation du rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le mal logement, au cours de cette présentation vous avez pu mettre en avant un certain nombre de bons chiffres, notamment 110.000 logements sociaux agréés en 2019, dont 34.000 logements dits très sociaux, c'est un niveau qui n'avait pas été atteint depuis 2016, le problème c'est que la fondation en même temps, dans son rapport, insiste sur le fait que les villes moyennes font preuve d'un engagement illégal en matière de logement social et que l'Etat dont le rôle est d'impulser la politique du logement, l'Etat, dit la Fondation Abbé Pierre, parle beaucoup, mais n'agit pas, ou en tout cas pas suffisamment. Ils sont un peu durs ou… ?

JULIEN DENORMANDIE
Oui, ils sont un peu durs, mais…

STEPHANE VERNAY
Ils sont dans le vrai.

JULIEN DENORMANDIE
Non. Vous savez, enfin moi je travaille beaucoup, vraiment je les salue parce que…

STEPHANE VERNAY
Ils attendent de vous plus en fait.

JULIEN DENORMANDIE
Oui, mais je pense que, d'ailleurs ils l'ont noté, beaucoup de fois lors de ces présentations ils ont mis en avant le fait que le gouvernement faisait bouger un certain nombre de lignes, après on n'est pas d'accord sur tout, et ils sont dans leur rôle, parce que la situation elle reste très difficile pour des centaines de milliers, voire des millions de nos concitoyens. Sur le cas que vous évoquez, l'impulsion vis-à-vis de la production de logement social, moi je note deux choses. La première c'est qu'il y a 1 an personne ne croyait qu'on pouvait atteindre 110.000 agréments, personne, et souvent on me tapait dessus en me disant ils ont détruit le logement social. Eh bien force est de constater que non seulement ce n'est pas le cas, que ce que j'avais porté dans la loi Elan, aujourd'hui plus personne n'en parle, si ce n'est beaucoup se disent en fait peut-être qu'il avait raison, et que l'objectif qu'on s'était fixé en termes d'agréments, on l'a atteint cette année, et c'est très bien. Et puis le deuxième, j'ai signé il y a quelques jours le décret qui permet d'exempter un certain nombre de villes de la loi SRU, pour la première fois ce chiffre est aussi bas, pour la première fois, il est encore plus bas que les villes qui avaient exemptées, parce qu'on le fait tous les 3 ans, il y a 3 ans quand nous venions d'arriver au gouvernement. C'est extrêmement bas. Et pourquoi j'ai voulu que ce chiffre soit très bas ? Parce que je crois que cette pression, dans la production de logement social, via la loi SRU, elle est nécessaire dans notre pays, et donc c'est très concret là aussi, et je sais que la fondation en a bien conscience.

ORIANE MANCINI
Il nous reste 30 secondes, on voudrait vous entendre sur cette proposition de Benjamin GRIVEAUX de donner un apport de 100.000 euros aux parisiens qui voudraient acheter une résidence principale, est-ce que ce n'est pas le meilleur moyen de faire grimper les prix à Paris ?

JULIEN DENORMANDIE
Alors, c'est toujours une question compliquée parce que, la question est, effectivement, dès que vous donnez des soutiens financiers, par définition vous augmentez la demande et donc vous faites une augmentation du prix de l'offre, mais c'est vrai aussi dans tous les dispositifs fiscaux que je gère, mais là où la question elle est très compliquée c'est que, inversement, si vous ne le faites pas, vous chassez complètement une partie de la population de l'accès à la propriété. Dit autrement, si vous ne faites rien pour aider celles et ceux qui aujourd'hui ne peuvent atteindre ces prix-là, la conséquence c'est que uniquement les classes…

ORIANE MANCINI
Mais il vous a demandé votre avis Benjamin GRIVEAUX avant de sortir cette proposition ?

JULIEN DENORMANDIE
Uniquement les classes les plus riches ont accès à la propriété, donc il faut trouver ce juste équilibre et c'est ça que chercher à faire Benjamin GRIVEAUX…

ORIANE MANCINI
Mais est-ce que là c'est le juste équilibre ?

JULIEN DENORMANDIE
Moi je pense que c'est très important, dans son projet politique sur le logement pour Paris, il met en avant une boussole qui est l'accès des ménages intermédiaires à la propriété, et ça je crois que c'est une bonne chose, de viser cette population. Après, il faudrait rentrer dans le détail technique de la proposition…

ORIANE MANCINI
Et vous allez l'aider ?

JULIEN DENORMANDIE
Moi je le soutiens depuis longtemps, mais ça je crois que c'est un secret de Polichinelle.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup.

JULIEN DENORMANDIE
Merci à vous.

ORIANE MANCINI
Merci Monsieur le ministre d'avoir été avec nous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 février 2020