Texte intégral
MARC FAUVELLE
Bonjour Julien DENORMANDIE.
JULIEN DENORMANDIE
Bonjour.
MARC FAUVELLE
Pour la première fois le gouvernement dévoile donc ce matin une liste de sept grandes entreprises soupçonnées de discrimination à l'embauche, 40 entreprises ont été testées, 10.000 CV envoyés, je vais citer AIR FRANCE, le groupe ACCOR, RENAULT, on aura l'occasion d'en reparler. Pourquoi le faire aujourd'hui ?
JULIEN DENORMANDIE
Parce que je crois que c'est extrêmement important, je crois qu'il y a une réalité dans notre pays, c'est que la discrimination à l'embauche elle perdure. Vous le direz ce n'est pas nouveau, malheureusement…
MARC FAUVELLE
Il y avait vraiment besoin d'une étude pour le savoir ?
JULIEN DENORMANDIE
Moi je crois que ça fait partie, vous savez, de cet éveil des consciences également, cette prise de conscience, que, ce que certains peuvent dénoncer depuis longtemps, eh bien dans la réalité ça se confirme. Cette étude c'est 10.000 CV qui ont envoyés, avec par exemple, d'un côté, Nicolas LEROY et de l'autre côté Mohamed CHETTOUH, c'est deux noms qui ont été employés, eh bien quand vous prenez ces deux noms, il y en a un, Mohamed CHETTOUH, qui a 25% de chances de moins d'avoir une réponse.
MARC FAUVELLE
Dans ces sept entreprises.
JULIEN DENORMANDIE
De manière générale, et c'est ça que moi je veux mettre en avant, c'est que de manière générale cette discrimination, cette réalité, parfois elle dérange, parfois elle est difficile, mais c'est important d'en parler, d'en discuter, pour faire avancer les choses, et c'est ça aussi le rôle d'un gouvernement.
RENAUD DELY
Alors maintenant, qu'est-ce qui va se passer, Julien DENORMANDIE, pour ces entreprises en question, celles qui dont enfreignent la loi si elles pratiquent de la discrimination à l'embauche, est-ce qu'il va y avoir des sanctions, est-ce que le gouvernement va déposer des plaintes ?
JULIEN DENORMANDIE
Alors, il faut être très précis. En fait cette étude elle constate des présomptions de discrimination, elle ne conclut pas à la discrimination confirmée, elle constate des présomptions de discrimination…
RENAUD DELY
Dès lors que vous nommez ces entreprises, ces sept groupes, évidemment…
JULIEN DENORMANDIE
Oui, mais parce que moi je pense que c'est très important de tout rendre transparent, ce n'est pas que ces entreprises que nous nommons, c'est toute l'étude qu'on rend publique, parce que je crois que c'est important de montrer les choses. Alors, quand vous avez ce type d'étude vous avez toujours des biais méthodologiques, c'est pour ça qu'on constate des présomptions de, mais ce qui est très important c'est de montrer que, par ce faire, on pointe du doigt une situation, cette discrimination, et on fait avancer et bouger les lignes. Concrètement ça veut dire quoi ? Ça veut dire que ce testing qu'on a fait l'année dernière, on le relance cette année, avec à nouveau 40 entreprises tirées au sort parmi les 120 plus grandes de France, on va continuer. Et, deuxièmement, on embarque toutes les entreprises, et je dis bien toutes les entreprises, qui le souhaitent, dans une grande initiative, qui s'appelle PAQTE.FR, qui en fait donne tous les moyens de lutter concrètement contre la discrimination, et tout ça n'empêche pas les contrôles de l'Inspection du travail, ou autres, qui sont les faits habituels, je vais dire, du ministère du Travail.
MARC FAUVELLE
Julien DENORMANDIE, vous parlez de la méthodologie de cette enquête, six des sept entreprises que vous avez épinglées la contestent assez fortement, voici ce qu'en dit par exemple AIR FRANCE, qui est l'une des entreprises citées. Laetitia NIAUDEAU est la directrice de l'emploi, de la formation et de la diversité, au sein de cette entreprise.
LAETICIA NIAUDEAU, DIRECTRICE DE L'EMPLOI, DE LA FORMATION ET DE LA DIVERSITE A AIR FRANCE – LE 7 FEVRIER SUR FRANCE INFO
Les 44 candidatures qui ont été envoyées, pour AIR FRANCE, sont toutes des candidatures spontanées, et uniquement sur sept on relève une différence de traitement, mais on ne sait pas à qui elles ont été envoyées, et elles sont envoyées en tous cas en dehors de notre canal unique de recrutement.
MARC FAUVELLE
Qu'est-ce que vous lui répondez ?
JULIEN DENORMANDIE
Il y a toujours des biais méthodologiques quand vous faites de telles études, quand vous envoyez 10.000 CV, vous répondez, par exemple, forcément à des offres, mais aussi des candidatures spontanées. Moi ce que je dis c'est que cette étude elle a été faite par l'un des chercheurs les plus réputés sur la question, qui est en plus un chercheur totalement indépendant, ce qui, à mes yeux, est extrêmement important…
MARC FAUVELLE
Je vais prendre un autre exemple si vous permettez…
JULIEN DENORMANDIE
Pardon, juste pour terminer ; et ce que je dis aussi c'est que, on peut toujours améliorer ces situations, et d'ailleurs la publication de ce rapport a été faite en précisant, de manière très exhaustive, la méthodologie, pour que tout le monde puisse constater ce qui a été fait. Et lors de ce nouveau de testing, qu'on lance à partir de maintenant, la deuxième phase, on va améliorer encore et encore le dispositif pour que, à chaque fois ce soit toujours plus efficace.
JULIEN DENORMANDIE
Je vais prendre un autre exemple, c'est celui du groupe RENAULT, qui fait partie encore de ces sept entreprises. RENAULT reçoit chaque année 100.000 CV, vous en avez envoyés, pour votre étude, 76, si on faisait des sondages comme ça on nous dirait que l'échantillon n'est absolument pas représentatif, il suffit de deux CV acceptés ou refusés pour tout changer.
JULIEN DENORMANDIE
Justement non…
MARC FAUVELLE
Soixante-seize par rapport à 100.000.
JULIEN DENORMANDIE
Justement non, ce n'est pas le cas, en tout et pour tout on en a envoyés plus de 10.000 pour 40 entreprises, pour 40 entreprises, plus de 10.000. A la fin, qu'il y ait des biais méthodologiques, moi je le dis d'ailleurs en toute transparence…
MARC FAUVELLE
Il y a peut-être des erreurs dans cette liste.
JULIEN DENORMANDIE
Mais qu'il y ait des biais méthodologiques, je le dis en toute transparence, mais à la fin des fins ce qui est sûr c'est que ces résultats ils nous interpellent, quelles que soient les entreprises, les résultats nous interpellent, parce que, que vous ayez plusieurs dizaines, voire centaines de tests, avec des différences, un Nicolas LEROY n'est pas traité de la même façon qu'un Mohamed CHETTOUH, il y a des différences, quel que soit le process dans lequel s'est intégrée la réception de ce CV, il y a une différence. Mais ce qui m'importe, moi, c'est que de ces résultats, qui nous interpellent, comment on change les choses, c'est ça aujourd'hui qui est important. Et comment on change les choses ? eh bien, ce qu'on constate par exemple, c'est qu'évidemment il n'y a pas de politique de discrimination délibérée dans ces entreprises, évidemment, et je veux dire, c'est même peut-être ça qui est encore plus difficile, c'est qu'en fait la discrimination, dans notre pays, parfois elle s'installe, elle s'installe parce qu'il y a une forme d'habitude qui vise à ne pas faire suffisamment d'efforts pour diversifier les talents, et c'est, moi, ce contre quoi je me bats pour trouver ces solutions.
RENAUD DELY
Comment on change les choses, dites-vous Julien DENORMANDIE, précisément dans votre enquête il y a un contre-exemple, il y a une entreprise, qui est le groupe AIR LIQUIDE, qui pratique une forme de discrimination positive, c'est-à-dire que ce sont les noms à consonance maghrébine qui reçoivent davantage de propositions d'embauche que les autres, est-ce que ça, est-ce que c'était un hasard, d'après vous dans cette enquête, là aussi un biais méthodologique, ou est-ce que cette discrimination positive, qui fut défendue par certains responsables politiques il y a quelques années en France, eh bien c'est une piste, selon vous, pour changer les choses ?
JULIEN DENORMANDIE
Moi je pense surtout… faites un test ici, c'est souvent un exemple que je donne parce qu'il concerne chacun d'entre nous. Regardez les stagiaires de 3e, vous en avez…
RENAUD DELY
Beaucoup.
JULIEN DENORMANDIE
Ces stagiaires de 3e c'est toujours des enfants, d'amis, de copains, d'oncles, de tantes, pourquoi ? Parce que c'est votre réseau le plus proche. Jamais vous allez chercher, quand vous prenez un stagiaire de 3e, un jeune issu d'un quartier prioritaire de la ville, qui plus souvent est issu de la diversité. Et pourquoi je donne cet exemple ? Parce que, un, ça nous concerne tous, et deux surtout, ça veut dire que la façon efficace de lutter contre ces discriminations c'est d'aller chercher des talents là où on n'a pas l'habitude d'aller les chercher, et c'est ça l'initiative qu'on a lancé, PAQTE.FR que j'évoquais, c'est donner de l'outil, par exemple une plateforme qui s'appelle « diversifiez vos talents. »
RENAUD DELY
Donc vous instaurez une forme de discrimination positive liée aux territoires par exemple.
JULIEN DENORMANDIE
Ce n'est pas… je n'aime pas ce terme de discrimination positive, c'est de donner à chacun la capacité d'aller chercher des talents là où ils n'ont pas l'habitude d'aller les chercher, c'est ça qu'il faut mettre en place, c'est ça que je mets en place depuis 2,5 ans, et c'est ça que je fais avec beaucoup de force, avec des partenaires, j'en cite un, Mozaïk RH, une plateforme qui s'appelle « diversifiez vos talents. »
MARC FAUVELLE
Julien DENORMANDIE, dans un instant vous nous direz s'il y a une forme de discrimination dans une autre grande entreprise française qui s'appelle ENGIE, dont la patronne, qui était la seule femme dirigeante du CAC40, a été débarquée, avec l'accord du gouvernement, hier soir.
- Julien DENORMANDIE, la patronne du groupe ENGIE, Isabelle KOCHER, a donc été débarquée hier soir de son titre de directrice générale du géant français de l'énergie avec l'accord du gouvernement. Vous trouvez que c'est un bon message ?
JULIEN DENORMANDIE
Mais il faut faire très attention parce que madame Isabelle KOCHER, on ne va pas juger son travail à l'aune de savoir si c'est une femme ou un homme.
MARC FAUVELLE
Evidemment, au fait qu'elle est une femme. Mais elle est aussi une femme dans un monde d'hommes.
JULIEN DENORMANDIE
Oui, d'accord. Mais enfin moi ce que je constate aujourd'hui, c'est que le débat il porte là-dessus. Mais franchement, on parle d'une entreprise où il y a plus de 100 000 salariés. On parle d'une entreprise où les décisions stratégiques qui sont à prendre sont essentielles. Pour quoi ? Pour l'approvisionnement en électricité ou encore pour la constitution de ce qu'on appelle la ville de demain.
MARC FAUVELLE
On parle aussi d'une entreprise qui a pris un virage risqué, c'est celui de la transition énergétique, dont le cours en Bourse a monté ces dernières années depuis qu'Isabelle KOCHER en a pris les rênes alors que son prédécesseur Gérard MESTRALLET, qui lui est resté huit ans à la tête du groupe, avait vu le cours plonger de 70%. Personne ne l'a débarqué en cours de route.
JULIEN DENORMANDIE
Oui mais ça, c'est la décision du conseil d'administration.
MARC FAUVELLE
Avec l'accord du gouvernement.
JULIEN DENORMANDIE
Enfin c'est les décisions du conseil d'administration avec l'accord du gouvernement sur la vision stratégique de l'entreprise et ce vers quoi les actionnaires veulent emmener l'entreprise. Et donc pour moi, les décisions sont à prendre uniquement à cette aune-là, à l'aune de l'intérêt de l'entreprise et pas de savoir évidemment si c'est une femme ou un homme. Après aujourd'hui où est-ce qu'on en est ? Le président du conseil d'administration, monsieur CLAMADIEU, a aujourd'hui la mission d'identifier une nouvelle directrice générale ou un nouveau directeur général pour faire en sorte que non seulement l'entreprise puisse être portée et que cette vision stratégique soit mise en place. Mais je pense qu'il ne faut surtout pas avoir de faux débats, surtout quand vous êtes face à un gouvernement qui a modifié la loi pour faire en sorte que les différences de salaires entre les femmes et les hommes, on puisse enfin y répondre. Quand on voit qu'aujourd'hui on travaille beaucoup… J'ai lu par exemple mon collègue Adrien TAQUET sur le congé des parents, des pères de famille pour changer les habitudes etc, etc. Pour faire en sorte au final que cette égalité entre les femmes et les hommes portée par exemple par Marlène SCHIAPPA soit une réalité.
MARC FAUVELLE
Vous imaginez qu'avec le discours que vous venez de tenir, c'est-à-dire sur la nécessaire présence des femmes partout à parité et notamment dans les conseils d'administration, aucune grande entreprise, aucune des quarante plus grandes entreprises françaises ne soit aujourd'hui en France dirigée par une femme. Est-ce que c'est possible ?
JULIEN DENORMANDIE
Non, je suis d'accord avec vous. Mais je suis totalement d'accord avec vous ! Et comment on fait pour changer les choses ? C'est à chaque échelon. Parce que ce que vous voyez dans les grands patrons, vous le constatez aussi dans ce qu'on appelle le management intermédiaire qui sont demain ceux qui deviennent les grands patrons. Et pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui quand vous êtes une femme et que vous partez en congé maternité, vous n'avez pas ensuite les mêmes chances de progresser dans l'entreprise. Et donc il faut prendre le problème à la racine, c'est ce qu'on essaie de faire depuis deux ans et demi, et pas simplement être dans le constat même si le constat aujourd'hui, il n'est pas du tout satisfaisant. Pas du tout. Et donc il nous oblige encore plus à mettre en oeuvre ce qu'on a lancé depuis deux ans.
RENAUD DELY
Vous dites à tous les niveaux, Julien DENORMANDIE. Votre cabinet ministériel, il n'est pas paritaire ?
JULIEN DENORMANDIE
Non, il n'est pas paritaire. Il n'est pas encore paritaire. Et vraiment, moi je ne me cache jamais. Vous savez, tout à l'heure on parlait de la discrimination à l'embauche. L'Etat n'est pas du tout exemplaire, pas du tout. On a poussé avec mon collègue Olivier DUSSOPT pour que toutes les administrations puissent avoir…
RENAUD DELY
Concrètement, qu'est-ce qui vous empêcherait, vous, de rendre votre cabinet paritaire et d'avoir autant de femmes que d'hommes dans votre cabinet ?
JULIEN DENORMANDIE
Mais là où vous avez raison, c'est que ce sont des habitudes à changer et qu'aucune raison - aucune raison - n'explique aujourd'hui qu'on n'ait ni les parités ou qu'il y ait encore des formes de discrimination. Et rien, rien dans ma bouche ne consistera à dire : ce n'est pas bien chez les entreprises et c'est parfait dans l'Etat. Non ! Les efforts, ils doivent être portés des deux côtés. Par contre ce qui est sûr, c'est que toutes ces habitudes ne sont pas changées du jour au lendemain mais que la direction qu'on prend, la force qui est la nôtre c'est de les changer au fur et à mesure.
MARC FAUVELLE
Question au ministre du Logement, Julien DENORMANDIE. A Paris votre candidat, Benjamin GRIVEAUX, propose d'offrir cent mille euros à vingt mille ménages qui souhaitent acheter un logement dans la capitale. La ville récupérerait cet argent ensuite à la revente, donc quelques années plus tard. Voici comment le candidat officiel de La République en Marche à Paris défendait cette mesure sur ce plateau il y a quelques jours.
BENJAMIN GRIVEAUX, CANDIDAT LA REPUBLIQUE EN MARCHE A LA MAIRIE DE PARIS
Ce n'est pas une mesure farfelue. Il y a un grand pays qui s'appelle le Canada qui a mis ça en place dans des villes comme Toronto notamment où ils ont ce problème-là. Ce que je propose, c'est que la ville co-investisse avec vous et à l'issue, quand vous vendez votre bien, la ville récupère les cent mille euros et une part de la plus-value si plus-value il y a.
MARC FAUVELLE
Alors il se trouve qu'à Toronto, c'est un désastre cette mesure qui a été annoncée il y a quelques mois. Je crois que ç'a permis de faire acheter trois mille appartements. Deux milliards d'euros pour vingt mille logements, est-ce que ça vous semble être une bonne idée tout simplement ?
JULIEN DENORMANDIE
Alors la question fondamentale, et c'est ça la question que pose Benjamin GRIVEAUX, c'est qu'aujourd'hui dans une ville comme Paris ce qu'on constate, c'est que les classes moyennes intermédiaires ont de plus en plus de mal à devenir propriétaires.
MARC FAUVELLE
Oui.
JULIEN DENORMANDIE
Et c'est véritablement quelque chose qui nuit ensuite à ce que c'est qu'une société qui vit dans une capitale comme Paris.
MARC FAUVELLE
Et c'est un phénomène qui touche de très nombreuses villes en France mais c'est plus accentué à Paris sans doute évidemment.
JULIEN DENORMANDIE
Exactement. Et donc la question, c'est qu'aujourd'hui on a des dispositifs par exemple à pousser comme les logements sociaux. On a un encadrement des loyers que j'ai réintroduit en modifiant la loi dans une ville comme Paris ou comme Lille. Et Benjamin GRIVEAUX ce qu'il propose, c'est d'aller encore plus loin avec un accompagnement dédié à ces profils de ménages, c'est-à-dire sous conditions de ressources évidemment, pour qu'elles aussi puissent devenir propriétaires dans la capitale. C'est ça le sens de sa proposition. Et comment ça passe ? Eh bien ça passe par donner un coup de pouce à l'achat. Voilà. Et après techniquement, on pourrait en parler des heures…
MARC FAUVELLE
Ça fait cher le coup de pouce, non ?
JULIEN DENORMANDIE
Mais est-ce qu'aujourd'hui avoir une mixité sociale dans nos villes, ça ne nécessite pas d'avoir des coups de pouce qui parfois coûtent cher ? Ou d'avoir des décisions comme l'encadrement des loyers qui parfois peuvent être critiquées par dogmatisme mais qui, moi je pense, sont nécessaires ? Vous voyez, parce qu'il n'y a pas de recette miracle, magique très certainement, mais ce qui est sûr c'est que laisser des villes où en centre-ville vous n'aurez que des personnes très riches et en périphérie des personnes beaucoup moins riches…
MARC FAUVELLE
Sur le constat, presque tout le monde est d'accord. C'est sur les moyens d'y arriver.
RENAUD DELY
Les solutions, il faut aller plus loin dites-vous. Vous vous félicitez d'avoir réintroduit l'encadrement des loyers. Est-ce qu'il faut aller plus loin et par exemple aller jusqu'au gel des loyers qui est envisagé à Berlin par exemple ?
MARC FAUVELLE
Qui est même voté, ça y est, à Berlin.
JULIEN DENORMANDIE
Oui. Berlin est une ville très différente de la nôtre, que de Paris, pardon. Parce que Berlin est une ville avec beaucoup de foncier par exemple, beaucoup moins dense que Paris.
RENAUD DELY
Donc pas que des loyers à Paris ou dans les grandes métropoles françaises.
JULIEN DENORMANDIE
Moi je pense que la politique consistant à faire cet encadrement des loyers est une politique qui va dans le bon sens à Paris.
RENAUD DELY
Est-ce qu'il faut l'introduire dans d'autres grandes agglomérations françaises où il y a aussi des zones de tension ?
JULIEN DENORMANDIE
Je l'ai réintroduit également à Lille et moi je suis prêt, à ce que tous les maires qui m'en font la demande, de les accompagner et de l'analyser. Il faut que ça soit justifié au regard de la tension des marchés mais, encore une fois, vous savez moi je n'ai aucun dogmatisme là-dessus. J'ai un seul objectif : c'est de produire du logement abordable pour les Français. C'est mon seul objectif. Et donc si ça doit passer par des mesures très libérales ou par des mesures qui sont d'un encadrement du marché, les deux me vont.
RENAUD DELY
Si les maires des grandes villes vous le demandent, vous êtes tout à fait favorable à une généralisation de l'encadrement des loyers dans toute la France.
JULIEN DENORMANDIE
Exactement. Il faut que ce soit justifié pour nos concitoyens. On ne peut pas faire n'importe quoi.
MARC FAUVELLE
Mais comment on juge si c'est justifié ou pas ?
JULIEN DENORMANDIE
C'est est-ce que vous êtes un marché sous tension par exemple ? Est-ce que vous êtes un marché, une ville avec beaucoup de demandes et avec peu de logements disponibles ? Et donc il y a un certain nombre de critères. Et c'est normal parce qu'encadrer des loyers, ça revient à demander à des propriétaires de faire un effort et vous savez que dans notre Constitution, l'acte de propriété est l'un des plus importants, et donc il faut justifier de l'intérêt pour la communauté nationale lorsque vous faites un tel acte d'encadrement des loyers.
MARC FAUVELLE
Dans certaines grandes villes ou dans certains secteurs touristiques, cette tension sur les loyers et sur les prix de l'immobilier elle est accentuée par la mise sur le marché de nombreux logements qui sont réservés à des touristes sur AIRBNB. Est-ce que vous souhaitez aujourd'hui, Julien DENORMANDIE, qu'on aille plus loin que ce que dit aujourd'hui la loi pour permettre que ces appartements ou ces maisons soient remis sur le marché ?
JULIEN DENORMANDIE
Non. Moi je pense que ce qu'on a fait pendant deux ans a été vraiment la bonne solution. La loi vient d'être mise en oeuvre. Concrètement, ça veut dire quoi ? C'est qu'aujourd'hui on a la possibilité de lutter contre ceux qui font de la spéculation avec AIRBNB. C'est-à-dire que vous, si vous utilisez votre appartement, là où vous vous vivez pendant l'année pour faire du AIRBNB, moi ça ne me pose aucun problème.
MARC FAUVELLE
La limite actuelle, vous pouvez la rappeler ?
JULIEN DENORMANDIE
C'est cent vingt jours.
MARC FAUVELLE
Et qui peut quitter son logement pendant cent vingt jours par an ?
JULIEN DENORMANDIE
Vous avez des personnes qui ont plusieurs mois de vacances l'été.
MARC FAUVELLE
Cent vingt jours ?
JULIEN DENORMANDIE
Oui. Vous avez des personnes par exemple qui, au centre de Paris aujourd'hui…
MARC FAUVELLE
Ça fait un jour sur trois dans l'année.
JULIEN DENORMANDIE
Oui. Mais vous avez des personnes qui peuvent jusqu'à cent vingt jours par an ne pas être dans leur logement. Mais encore une fois, si le reste de l'année, si c'est votre résidence principale, que vous la louiez soixante, quatre-vingt-dix ou cent vingt jours, ça ne me pose aucun problème parce que c'est votre résidence principale, donc ce n'est pas un logement que vous mettrez sur le marché.
MARC FAUVELLE
Vous avez le sentiment qu'AIRBNB joue le jeu ? Qu'il n'y a pas de détournement aujourd'hui ?
JULIEN DENORMANDIE
J'ai modifié la loi pour faire en sorte qu'on ait les listings précis de toutes les adresses avec le nombre de nuitées qui est en face et qui…
MARC FAUVELLE
Alors quelle est la part d'appartements ou de propriétaires qui mentent ?
JULIEN DENORMANDIE
Aujourd'hui vous avez à peu près soixante mille annonces sur Paris et ce que dit AIRBNB, c'est qu'il y a à peu près plusieurs milliers, aux alentours de quatre mille qui dépassent ces nuitées. Mais j'insiste sur un dernier point….
RENAUD DELY
Vous avez suffisamment de moyens de contrôle en termes d'effectifs ?
JULIEN DENORMANDIE
C'est ça que j'ai modifié dans la loi. Ce que j'ai fait dans la loi, c'est qu'aujourd'hui les plateformes ont l'obligation à tous les maires qui les demandent de transmettre la liste précise des appartements loués avec le nom, le prénom, l'adresse est de savoir si la personne c'est son logement - là où il habite - ou si c'est un logement secondaire. Parce qu'encore une fois, il y a de la démagogie politique. La municipalité de Paris sur ce sujet est démagogue.
MARC FAUVELLE
Pourquoi ?
JULIEN DENORMANDIE
Parce qu'elle fait croire à tout le monde que la question, c'est la question des nuitées. Mais ce n'est pas ça la question. Encore une fois que vous vous louiez là où vous habitez pendant l'année, ça ne pose aucun problème. Ceux qu'il faut taper, c'est ceux qui achètent un cinquante mètres carrés dans le coeur de Paris, ne l'habitent pas et le louent toute l'année sur AIRBNB. C'est eux, c'est ça la spéculation. Et moi par la loi, ce que j'ai modifié et maintenant toutes les mairies peuvent l'utiliser, c'est la liste de ces personnes-là pour aller les contrôler.
MARC FAUVELLE
Dans un instant une autre question qui vous intéresse directement, Julien DENORMANDIE, et qui intéresse également des millions de Français, c'est l'accès au crédit immobilier. (…)
- Toujours avec le ministre de la Ville et du Logement, Julien DENORMANDIE, et ces questions sur les crédits immobiliers, est-ce qu'il sera plus difficile à l'avenir d'en décrocher un ?
RENAUD DELY
Julien DENORMANDIE, la BANQUE DE FRANCE veut durcir les conditions d'octroi du crédit immobilier, limiter les crédits les plus longs, de l'ordre de 25 ans, stopper le niveau d'endettement maximal à 33 % des revenus, voici ce que le président de la région des Hauts-de-France, Xavier BERTRAND, qui était notre invité ici même hier à votre place, dit de cette décision.
XAVIER BERTRAND, PRESIDENT DE LA REGION HAUTS-DE-FRANCE
Pour à peu près 100.000 ménages, ils ne pourront plus emprunter pour acheter leur logement cette année, vous vous rendez compte, 100.000 ménages, qui en plus travaillent, à qui on dit « non, mais pour vous c'est terminé, vous resterez locataires, vous ne pouvez pas devenir propriétaires. » Le ministre de l'Economie et des Finances doit s'opposer à cette décision et doit dire à la BANQUE DE FRANCE de revenir là-dessus.
RENAUD DELY
Ce sont ceux appelle les primo-accédants, ceux qui veulent acheter un premier logement, et qui ont un apport personnel assez faible, qui vont être les premiers concernés, les premiers touchés par cette décision.
JULIEN DENORMANDIE
Oui. Enfin là, moi ce que je note, vous savez, Xavier BERTRAND, là ça fait 10 jours qu'il est parti dans un concours Lépine des chiffres ou des informations les plus fausses qu'il divulgue.
MARC FAUVELLE
Qu'est-ce qui n'est pas exact dans ce qu'il dit ?
JULIEN DENORMANDIE
Parce que, aujourd'hui qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce qu'on remarque ? C'est que, quand vous avez accès au crédit immobilier, et je suis sûr que vous l'avez déjà entendu, traditionnellement on dit il ne faut pas que vous remboursiez plus de, un tiers de ce que vous gagnez. Pourquoi ? Mais pas pour limiter votre capacité d'achat, mais jusque que parce que, ce qu'on voit dans la vie de tous les jours c'est que si vous avez. Des mensualités qui sont beaucoup trop importantes, vous vous mettez en risque, en risque. Et qu'est-ce que c'est, à ce moment-là, ce risque ? C'est que vous tombez dans des procédures de surendettement et parfois dans des spirales infernales. Qu'est-ce que fait le gouvernement ?
MARC FAUVELLE
Vous pensez que les banques aujourd'hui prennent ce risque, sachant que l'intérêt d'une banque c'est quand même qu'on la rembourse à la fin ?
JULIEN DENORMANDIE
Oui, mais enfin quand vous voyez, par exemple aujourd'hui, que de temps en temps vous n'aviez plus un tiers, mais vous aviez par exemple 40% de vos revenus mensuels, que vous aviez non pas 25 ans, mais ces mêmes remboursements pendant une durée de 30 ans, qu'est-ce qui se passe à ce moment-là ? C'est que vous mettez, vous pouvez mettre des personnes en risque, ça c'est la première chose. Et la deuxième chose, là où je ne suis pas d'accord avec Xavier BERTRAND, et je conteste ce qu'il dit, c'est que moi je suis très attaché notamment à l'accès à la primo-accession, c'est-à-dire l'accès à la propriété…
MARC FAUVELLE
Le premier appartement.
JULIEN DENORMANDIE
Le premier appartement.
RENAUD DELY
Ce sont ces personnes-là qui vont être les premières touchées.
JULIEN DENORMANDIE
Non, justement, justement, ce que dit le Gouverneur de la BANQUE DE FRANCE, et le ministre de l'Economie, c'est qu'il faut réguler pour éviter ce que je viens d'indiquer, pour éviter que certaines personnes soient mises en difficulté, et en même temps dire aux banques il faut avoir une attention particulière pour les primo-accédants, c'est-à-dire que pour les primo-accédants vous pouvez avoir un accompagnement particulier qui, parfois, peut dépasser les nouveaux critères qu'on fixe, pour faire en sorte, pour faire en sorte, que ces primo-accédants puissent continuer à avoir accès à la propriété.
RENAUD DELY
Les primo-accédants pourront rembourser au-delà de 33% de leurs revenus, ce seuil de 33% ne s'appliquera pas aux primo-accédants ?
JULIEN DENORMANDIE
Dans des limites, c'est-à-dire que…
RENAUD DELY
C'est-à-dire ?
JULIEN DENORMANDIE
C'est comme tout dans la vie, vous donnez une règle, une cible, vous dites aujourd'hui, par définition il ne faut pas que ce soit plus de 33%, sauf cas particulier, notamment dans ces cas particuliers, une attention particulière est donnée aux primo-accédants.
RENAUD DELY
Donc il faut… quand on vous écoute ?
JULIEN DENORMANDIE
Pas aux banques, au Gouverneur de la BANQUE DE FRANCE, et au gouvernement, qui eux sont garants de deux choses, l'accès à la propriété, moi je le défends tous les jours, et en même temps faire en sorte que nos concitoyens ne puissent pas tomber dans des spirales infernales de surendettement.
MARC FAUVELLE
Mais en revanche les prêts sur 30 ans, comme on a pu en voir ces dernières années, c'est terminé, il n'y en aura plus, le risque est trop grand ?
JULIEN DENORMANDIE
C'est la même chose, c'est-à-dire que si pendant une période donnée courte vous faites un effort parce que vous connaissez les revenus que vous aurez sur les 5, les 10, les 15 prochaines années, pourquoi pas, mais quand vous vous dites dans 30 ans, dans 30 ans, je vais rembourser la somme sur laquelle je m'engage aujourd'hui, ne connaissant pas votre situation, vous pouvez avoir des difficultés. Encore une fois, on a aujourd'hui des accès au crédit immobilier qui sont particulièrement favorables, l'enjeu du gouvernement n'est en rien…
MARC FAUVELLE
…ce n'est pas grave Julien DENORMANDIE, parce que de toute façon l'immobilier monte et monte toujours, donc au final il n'y aura pas de souci. Est-ce que vous avez des indices, vous, dans votre ministère, qui montre qu'un jour, peut-être, prochainement ou pas, les prix pourraient se retourner, c'est déjà cas dans certaines villes, et qu'on va vivre, comme toutes les générations, un jour un krach ?
JULIEN DENORMANDIE
Aujourd'hui non, aujourd'hui c'est un marché qui se porte bien, c'est un marché qui est très dynamique, c'est un marché où l'accès au crédit est très bon, mais force est de constater qu'à travers le monde on a connu, parfois, des crises de ce type, liées justement à l'endettement, donc il faut faire attention.
MARC FAUVELLE
Et la dernière c'était les subprimes aux Etats-Unis il y a une dizaine d'années.
JULIEN DENORMANDIE
Exactement, donc il faut faire attention, et encore une fois, moi, beaucoup de détermination à l'accès à la propriété pour les jeunes ménages, mais il ne faut pas faire n'importe quoi, c'est ça le message que nous portons.
MARC FAUVELLE
Merci à vous Julien DENORMANDIE.
JULIEN DENORMANDIE
Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 février 2020