Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bruno LE MAIRE, bonjour.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous devez vous réjouir, forte baisse du taux de chômage au quatrième trimestre, on est à 8,1% en France, contre 8,5 au trimestre précédente, forte baisse, de 0,4, ça veut dire quoi, ça veut dire qu'en 2022 vous serez à 7% objectif fixé ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, c'est l'objectif, et oui, je vous confirme Jean-Jacques BOURDIN, que je me réjouis, d'abord je me réjouis pour les Français, je me réjouis pour les entreprises, les entrepreneurs, qui ont créé ces emplois, et puis je me réjouis parce que c'est un succès décisif, c'est un succès décisif pour la France, et c'est un succès décisif de la politique économique que nous menons depuis maintenant près de 3 ans. Parce que nous avons fait, il y a 3 ans, un certain nombre de choix stratégiques, qui ont été très critiqués à l'époque, et qui pourtant nous permettent d'avoir ces bons résultats sur le front du chômage. Baisser la fiscalité sur le capital, ça crée des emplois industriels parce que l'industrie a besoin de capital pour investir. Faire le choix de l'apprentissage, qui est un choix qu'a fait Muriel PENICAUD, qui est un choix que la France n'avait jamais fait, avant l'apprentissage c'était dévalorisé, aujourd'hui ça décolle l'apprentissage, presque plus de 16 % de nouveaux apprentis l'année dernière. Et puis le choix que nous avons fait, qui est structurant, depuis 3 ans, le travail doit payer. On a augmenté par exemple la prime d'activité pour que tous ceux qui cherchent un emploi, qui se disent "tiens, entre prendre un travail et rester chez moi, j'ai peut-être plus intérêt à rester chez moi", se disent maintenant "j'ai intérêt à reprendre un travail, parce que le travail paye davantage, parce que le travail est mieux rémunéré." Et c'est aussi une incitation à poursuivre cette politique et à voir tout ce qu'il reste à faire pour améliorer la situation des Français. Quand vous regardez sur tout le territoire, 26 départements qui sont quasiment au plein emploi aujourd'hui, mais moi je pense à tous ces départements qui se disent « mais, chez nous, le chômage il reste à près de 10%, qu'est-ce que vous allez faire pour nous, comment est-ce que vous allez réindustrialiser », donc il nous reste encore beaucoup de pain sur la planche.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire quoi, ça veut dire que vous allez continuer cette politique et continuer à baisser le coût du travail, Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Ça veut dire quoi ? Ça veut dire d'abord qu'on va poursuivre cette politique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Baisser les charges des entreprises ?
BRUNO LE MAIRE
Ça veut dire qu'on va poursuivre cette politique qui donne de bons résultats, c'est-à-dire une politique de l'offre, de la qualification, de la formation, du soutien aux entreprises. Et ça veut dire que nous allons l'accentuer, là où il faut l'accentuer, je pense à tout ce qui concerne la formation et la qualification. Vous avez aujourd'hui plein de personnes qui cherchent des emplois, qui n'arrivent pas à en trouver, dans la restauration, dans l'hôtellerie, on va s'attaquer à ça avec Muriel PENICAUD. Il y a encore des coûts qui sont trop importants pour l'industrie, je pense aux impôts de production, je continue à penser qu'avoir des impôts de production qui sont 3 fois plus élevés en France qu'en Allemagne…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils vont baisser ?
BRUNO LE MAIRE
Moi je souhaite qu'ils baissent, et je souhaite qu'ils baissent dès 2021, parce que quand on est sur la bonne trajectoire, il faut accélérer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quel ordre ?
BRUNO LE MAIRE
Alors, on ne va pas pouvoir, dès 2021, baisser massivement, parce qu'il y a aussi des contraintes de finances publiques, mais je pense que si on pouvait amorcer, dès 2021, la baisse des impôts de production, pour inciter encore plus les entreprises à innover, à investir et à créer des emplois, ce serait très bien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien, ce qui serait bien ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne peux pas vous donner de chiffre exact…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais un pourcentage.
BRUNO LE MAIRE
Ce qui compte c'est que nous démarrions en 2021 et que nous puissions…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les impôts des entreprises baisseront…
BRUNO LE MAIRE
Les impôts de production des entreprises…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Baisseront en 2021.
BRUNO LE MAIRE
Une fois que nous aurons trouvé un accord avec les collectivités locales, qui bénéficient de ces impôts, c'est très important d'avoir un accord avec les régions, avec les maires, sur ce sujet, eh bien engageons, dès 2021, une baisse des impôts de production.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le coronavirus ou Covid-19, Bruno LE MAIRE, l'OMS redoute une très grave menace pour la planète, même si les experts chinois espèrent que l'épidémie sera terminée au printemps, au mois d'avril, ces experts qui avouent ne pas savoir pourquoi ce virus est si contagieux, ce qui nous inquiète. Est-ce que la Chine, est-ce que vous pensez que la Chine nous cache la vérité ?
BRUNO LE MAIRE
Moi je ne suis expert de santé publique, Jean-Jacques BOURDIN, et je ne vais pas prétendre l'être ce matin, je suis comme n'importe quel citoyen qui suit avec beaucoup d'attention la situation sanitaire, qui salue la manière dont Agnès BUZYN, tout le gouvernement aujourd'hui, assure la protection sanitaire des Français, parce que c'est la priorité absolue, et je trouve qu'Agnès BUZYN fait un travail tout à fait exceptionnel pour rassurer les Français et garantir cette sécurité sanitaire, mais je n'ai pas d'information particulière à vous donner là-dessus. La seule chose que je peux vous dire, c'est que ce virus aura évidemment un impact, un impact réel, sur la croissance mondiale et sur l'économie française, bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quel impact sur l'économie française ?
BRUNO LE MAIRE
Si on estime que le pic est atteint, ou près d'être atteint, je ne peux pas le confirmer, une fois encore je ne suis pas un spécialiste de sécurité sanitaire et de santé publique, mais admettons que nous ne soyons pas trop loin du pic, nous, notre évaluation, c'est que l'impact sur la croissance chinoise sera de l'ordre de 1 point sur l'année, c'est-à-dire un chiffre important, 1 point de croissance en moins pour la Chine.
JEAN-JACQUES BOURDIN
De 6 on passe à 5 quoi !
BRUNO LE MAIRE
A peu près, ce qui voudra dire 0,2 point de croissance en moins au niveau mondial, et 0,1 point de croissance en moins pour la France, c'est notre évaluation, donc vous voyez que c'est un impact réel, 0,1 point de croissance ce n'est pas rien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Evaluation aujourd'hui, si ça dure…
BRUNO LE MAIRE
C'est l'évaluation que nous faisons aujourd'hui avec mes services, si jamais ça dure, ça persiste, voire que l'épidémie prend une plus grande ampleur, bien entendu que l'impact sera plus important. Alors on me dit mais pourquoi est-ce que l'impact est aussi fort aujourd'hui, mais tout simplement parce que, en 2003, quand il y a eu l'épisode de SRAS, la Chine c'était à peu près 8% de la richesse mondiale, aujourd'hui c'est près de 20% de la richesse mondiale…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est l'usine du monde, l'atelier du monde.
BRUNO LE MAIRE
Vous avez toutes sortes de chaînes de valeur qui dépendent directement de la Chine. Prenez l'industrie automobile, qui est un des sujets aujourd'hui de préoccupations, quand vous voulez vous fournir en câblage, en pédales de freins pour être très concret, eh bien vous vous adressez à des entreprises qui sont installées en Chine, et donc le fait que l'économie chinoise tourne au ralenti pose des problèmes sur beaucoup de chaînes de valeur, dans beaucoup de secteurs industriels. Donc je le redis, 1 point de croissance en moins pour la Chine, c'est notre évaluation aujourd'hui, avec un impact de 0,1 point de croissance en moins pour la France. Pour moi, je vais vous dire Jean-Jacques BOURDIN, c'est une fois encore une incitation à tout faire pour libérer l'économie française, libérer la croissance en France, et nous permettre d'avoir, au niveau français, comme au niveau de la zone euro, une meilleure croissance que celle que nous avons aujourd'hui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, puisqu'on parle de la Chine, parlons de la 5G, du champion chinois HUAWEI, quels sont les équipementiers qui seront retenus pour la France, la 5G ?
BRUNO LE MAIRE
Mais, il n'y a pas de discrimination vis-à-vis de HUAWEI…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ?
BRUNO LE MAIRE
Non, il n'y a pas de discrimination.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les Chinois s'inquiètent, ils vous ont même alerté, ils vous ont même presque menacé.
BRUNO LE MAIRE
Je vais vous dire, j'aurai au téléphone mon homologue chinois pour le rassurer sur ce sujet, lui tenir les mêmes propos que ceux que j'ai tenus au vice-Premier ministre chinois à Pékin en janvier, il n'y a pas de discrimination contre aucune entreprise.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que HUAWEI sera écartée ?
BRUNO LE MAIRE
Il y aura des décisions qui seront prises pour protéger nos intérêts de souveraineté. Quand vous avez, par exemple dans une ville, des intérêts militaires, une base militaire, des technologies très sensibles…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez des soupçons alors !
BRUNO LE MAIRE
Eh bien c'est normal que l'Etat français prenne des précautions pour garantir nos intérêts de souveraineté, ça ne veut pas dire qu'il y ait discrimination, tout le monde fait la même chose, la Chine fait la même chose, les Etats-Unis font la même chose…
JEAN-JACQUES BOURDIN
La Chine dit c'est faux.
BRUNO LE MAIRE
Les Européens font la même chose.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La Chine dit c'est faux, on ne fait pas du tout la même chose.
BRUNO LE MAIRE
Mais, quand vous avez, Jean-Jacques BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le nucléaire, l'aéronautique, l'aérospatiale, on ne fait pas ça nous les Chinois.
BRUNO LE MAIRE
Jean-Jacques BOURDIN, quand vous avez une installation qui est critique, vous parlez d'installations nucléaires, d'installations militaires, de technologies sensibles, il est normal que nous les protégions, et je pense que nos partenaires Chinois peuvent parfaitement comprendre qu'on leur dise HUAWEI, aujourd'hui, est opérateur en France, ça ne pose pas de difficulté, HUAWEI pourra continuer à avoir des clients en France, ça ne pose pas de difficulté, mais nous mettrons un certain nombre de restrictions pour protéger nos intérêts de souveraineté.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce HUAWEI sera écartée de la 5G en France ?
BRUNO LE MAIRE
Non, HUAWEI ne sera pas écartée de la 5G en France, mais nous mettrons…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, est-ce que NOKIA et ERICSSON seront privilégiées ?
BRUNO LE MAIRE
Mais NOKIA, ERICSSON et HUAWEI, font partie des fournisseurs d'équipements 5G, qui sont disponibles sur le marché, chacun pourra prétendre à équiper en 5G le territoire français, mais nous mettrons un certain nombre de limites pour protéger nos intérêts de souveraineté et nos technologies les plus sensibles, et je pense que nos partenaires Chinois peuvent comprendre cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que la validité de l'autorisation accordée à HUAWEI sera plus courte que la validité des autorisations accordées à NOKIA et ERICSSON ?
BRUNO LE MAIRE
Nous prendrons les décisions au cas par cas, territoire par territoire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous dis ça parce qu'il y a une préférence européenne peut-être, non ?
BRUNO LE MAIRE
Mais il est aussi parfaitement compréhensible qu'on puisse, à un moment ou un autre, privilégier un opérateur européen, et je pense que nos partenaires…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il y aura une préférence européenne.
BRUNO LE MAIRE
Mais de toute façon, la préférence européenne, Jean-Jacques BOURDIN, moi j'y suis favorable par principe. Si on peut développer nos industries, nos emplois, nos technologies, comme les Chinois privilégient leurs industries ou leurs emplois…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc NOKIA et ERICSSON seront privilégiées par rapport à HUAWEI, disons clairement les choses.
BRUNO LE MAIRE
Mais, quand nous avons deux opérateurs fournisseurs d'équipements 5G, qui sont européens, et qui ont des équipements de qualité, il est normal que nous disions "tiens, allons d'abord regarder si ces équipementiers européens peuvent nous apporter des solutions." HUAWEI ne sera pas discriminé pour autant. Si HUAWEI a une meilleure offre à présenter, à un moment ou un autre, d'un point de vue technique, d'un point de vue de prix, il pourra avoir accès à la 5G en France, mais nous mettrons, et nous l'avons toujours dit avec le président de la République, de manière très transparente, à nos partenaires Chinois, s'il y a des installations critiques, des installations militaires, des zones nucléaires à proximité, nous mettrons un certain nombre de restrictions pour protéger nos intérêts de souveraineté.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La réforme des retraites. Deux députés de la majorité, dont le rapporteur général du Budget, Laurent SAINT-MARTIN, demandent au Premier ministre, au gouvernement, des précisions, un chiffrage des impacts budgétaires de cette réforme. Vous avez ce chiffre, vous avez chiffré déjà les impacts budgétaires ?
BRUNO LE MAIRE
D'abord, vous me permettrez de dire qu'ils ont raison, et que je recevrai Laurent SAINT-MARTIN dès cet après-midi pour en discuter avec lui, il a raison, il fait son travail de rapporteur général du Budget.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais combien vont coûter les compensations déjà accordées ?
BRUNO LE MAIRE
Nous avons, d'ici 2027, 12 milliards d'euros à trouver, pour que nous puissions démarrer à l'équilibre, le Premier ministre a toujours été très clair sur ce sujet, il a parfaitement raison, il faut que cette réforme des retraites démarre en ayant un budget à l'équilibre, sinon on fragilise ce futur système de retraites. 12 milliards d'euros à trouver, c'est la Conférence de financement qui devra le trouver. Ensuite il y a ce que coûtera le régime, en régime de croisière, ça nous sommes en train de faire cette évaluation, je vais la faire avec Laurent SAINT-MARTIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien, vous avez déjà les chiffres ?
BRUNO LE MAIRE
Non, je n'ai pas déjà les chiffres, donc nous allons continuer à faire cette évaluation, ça dépendra aussi de ce que décidera l'Assemblée nationale, si par exemple sur la pénibilité ils vont plus loin que ce qui est proposé, eh bien le coût sera forcément plus élevé, donc je ne peux pas faire de chiffrage aujourd'hui, tant que je ne sais pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais vous savez l'augmentation de salaires de fonctionnaires, comme les enseignants par exemple, vous savez ce que ça coûte.
BRUNO LE MAIRE
Mais ça c'est autre chose, c'est la troisième chose. La première chose, c'est d'ici 2027 l'équilibre financier, 12 milliards à trouver, en régime de croisière, nous verrons en fonction des choix qui seront faits par les parlementaires, et puis il y a, d'ici 2022, effectivement, un certain nombre de dépenses qui vont être engagées, qui se chiffrent en centaines de millions, pas en milliards, en centaines de millions, par exemple la revalorisation des enseignants. Moi j'ai toujours été favorable, je pense que, avoir des enseignants qui sont bien payés, qui sont reconnus, considérés dans notre pays, c'est une bonne chose, et Jean-Michel BLANQUER a raison de pousser cela. Mais là on est sur quelques centaines de millions d'euros, et nous allons voir, dès cet après-midi, avec Laurent SAINT-MARTIN, le rapporteur général du Budget, comment est-ce que nous trouvons ces sommes pour le prochain projet de loi de Finances.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. La réforme des retraites n'a pas pu être examinée en commission, obstruction assumée, notamment de la France Insoumise, séance publique à partir de lundi prochain, du 17, là encore l'objectif de l'opposition c'est d'asphyxier la réforme, les débats vont donc durer plus longtemps, s'ils durent trop longtemps, est-ce que le gouvernement utilisera le 49.3 ?
BRUNO LE MAIRE
Ce sera au président de la République, au Premier ministre, de le décider, moi ce que je souhaite c'est que le débat soit le plus approfondi possible…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y êtes favorable ou pas ?
BRUNO LE MAIRE
Moi je suis favorable au débat parlementaire, et je regrette que le débat parlementaire soit saccagé, je dis bien saccagé, par l'obstruction des oppositions. Parce que, qu'est-ce qu'ils saccagent ? ils saccagent une réforme de justice, qui doit permettre à chacun d'avoir un niveau de retraite décent, 1000 euros par mois pour tous ceux qui auront une carrière à taux plein, qui doit permettre de mieux protéger les femmes, qui doit permettre de garantir qu'à chaque heure travaillée vous aurez une cotisation et une pension de retraite, voilà ce qu'ils sont en train de bloquer, ils sont en train de saccager une réforme de justice qui garantit notre système de retraite par répartition et qui garantit à tous ceux qui ont des niveaux de retraite les plus faibles d'avoir une meilleure pension de retraite lorsqu'ils partiront à la retraite. Donc je trouve ça regrettable, et je pense que ça abîme notre démocratie, parce que quand on voit l'enceinte de l'Assemblée nationale qui devient un lieu de blocage, d'obstruction, on dépose des dizaines de milliers d'amendements à chaque article, et on bloque, et on n'avance pas, il n'y a pas de discussion, et on va pas sur le fond, mais on se contente de faire du blocage institutionnel, je pense que ce n'est pas bon pour notre démocratie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et que dites-vous à toute l'opposition, du Rassemblement national jusqu'à la France Insoumise, qui demande un référendum ?…
BRUNO LE MAIRE
Je leur dis qu'il y a un débat…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites non, il n'y aura pas de référendum ?
BRUNO LE MAIRE
Je leur dis qu'il y a un débat démocratique au Parlement et que c'est au Parlement, aujourd'hui, que se prennent les décisions, et qu'ils feraient mieux de venir discuter sur le fond, s'ils ne sont pas d'accord avec la revalorisation des pensions pour les femmes qui viennent d'avoir un premier enfant, 5%, qu'ils le disent, s'ils ne sont pas d'accord avec un minimum de pension à 1000 euros nets, qu'ils le disent, s'ils ne sont pas d'accord avec une réforme qui permet à tous ceux qui partent à la retraite à 67 ans, parce qu'ils ont un niveau de qualification plus faible, parce qu'ils ont des carrières hachées, s'ils ne sont pas d'accord pour ramener ce départ à 61, 62 ans , au lieu de 67, qu'ils le disent aussi, mais qu'ils aillent sur le fond.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bruno LE MAIRE, il y a quand même plein d'incertitudes autour, encore, autour de cette réforme, la valeur du point par exemple, on ne sait toujours pas exactement…
BRUNO LE MAIRE
Mais on le sait très bien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors allez-y, rappelez-le, parce que…
BRUNO LE MAIRE
La valeur du point sera indexée sur le revenu d'activité. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire le salaire, ça veut dire les traitements, et ça veut dire les revenus des professions indépendantes. donc on va faire la somme de tous ces revenus, les revenus d'activité, et ça permettra de calculer l'augmentation du point, qui, en tout état de cause, je tiens à le rappeler, parce que je vois les fausses polémiques là-dessus, le point, sa valorisation ne pourra pas être inférieure à celle de l'inflation, donc on ne perdra pas d'argent, les retraités ne perdront pas d'argent avec ce nouveau système puisque la valeur du point ne pourra pas être inférieure à celle de l'inflation. Donc on crée de fausses polémiques, parce qu'on ne veut pas aller sur le fond des sujets, moi j'aimerais que notre débat démocratique tourne autour du fond des sujets, comment est-ce qu'on offre, à tous les retraités de France, un bon niveau de pension et la reconnaissance du travail qu'ils ont fourni pour notre pays.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Nous avons, vous avez entendu, vous le premier, vous le savez, le président de la République parler d'économie verte, c'est l'un des grands axes futurs, vous aussi vous défendez avec la construction d'une usine de batteries, avec l'effort considérable fait sur l'hydrogène, etc., etc., mais pendant ce temps-là le Parlement de Strasbourg vote un traité de libre-échange avec le Vietnam, et s'il y a un pays qui ne respecte pas l'environnement c'est bien le Vietnam. N'y a-t-il pas là contradiction ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne vais pas singulariser un pays ou un autre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, d'accord, mais…
BRUNO LE MAIRE
Moi ce que je veux vous dire, Jean-Jacques BOURDIN, c'est que j'ai fait ma révolution copernicienne sur le sujet. Il y a quelques années, vous m'auriez interrogé, je vous aurais dit l'emploi passe avant tout, l'activité passe avant tout, la croissance passe avant tout, aujourd'hui ce qui passe avant tout c'est de protéger notre planète, parce que ça ne sert à rien d'avoir de la croissance si demain le prix à payer c'est la destruction de notre environnement, de la biodiversité et de notre planète. Donc le défi qui est devant nous, qui est considérable, qui est très difficile à relever, c'est comment est-ce que vous garantissez de la prospérité pour tous les Français, bonne santé, bonne éducation, de quoi vivre, de quoi partir en vacances, et le respect de notre planète, c'est ça le défi qui est devant nous, et que nous sommes décidés à relever, avec le président de la République, en créant ce pacte productif. Pacte productif, ça veut dire quoi ? Comment est-ce que nous allons produire, en France, en étant la première économie totalement décarbonée en Europe, c'est ça le défi que nous voulons relever.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que les taxes sur le bioéthanol vont augmenter ?
BRUNO LE MAIRE
Il n'est pas prévu d'augmenter les taxes sur le bioéthanol…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, je vous dis ça parce que tout le monde s'inquiète, parce que le bioéthanol est à 71 ou 72 centimes d'euro le litre…
BRUNO LE MAIRE
Je crois beaucoup plus, je vais vous dire, je crois beaucoup plus à une politique qui vise à inciter à aller vers de bons comportements, qu'à une politique qui soit punitive, où on augmenterait systématiquement la taxation et la fiscalité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous me garantissez ce matin que ces taxes n'augmenteront pas ?
BRUNO LE MAIRE
Moi je ne donne pas de garantie tant que le projet de loi de Finances n'est pas voté, adopté et considéré, mais prenez l'exemple du GNR, moi j'ai eu le courage d'augmenter la fiscalité sur le GNR, parce que je souhaite qu'on se débarrasse des énergies fossiles et des énergies hydrocarbures, prenez l'exemple du malus que j'ai décidé d'augmenter au-delà de 172 grammes de CO2 par kilomètre, parce que je trouve que ceux qui polluent doivent être ceux qui payent, donc on va maintenir cette politique-là, mais je crois aussi beaucoup à une politique d'incitation, où on aide les Français à avoir des comportements qui soient plus vertueux. Exemple, la prime à la conversion, vous donnez 6000 euros à une personne qui achète un véhicule électrique, je pense que c'est une bonne politique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et le rétrofit ?
BRUNO LE MAIRE
J'y suis très favorable au rétrofit.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une prime ?
BRUNO LE MAIRE
Le rétrofit ça permet de…
JEAN-JACQUES BOURDIN
De changer son moteur, oui.
BRUNO LE MAIRE
Les caisses de l'Etat ne sont pas un puits sans fond, Jean-Jacques BOURDIN, mais le rétrofit je trouve ça formidable, ça vous permet de concilier les véhicules…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais attendez, c'est l'économie verte… non, mais vous êtes extraordinaire !
BRUNO LE MAIRE
Les véhicules anciens, les belles carrosseries, et un moteur qui ne soit pas polluant, donc moi j'aimerais bien…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, d'accord, mais si c'est un moteur qui n'est pas polluant, et donc rétrofit…
BRUNO LE MAIRE
Jean-Jacques BOURDIN, je rêverais de pouvoir donner des bonus à tous ceux qui ont un comportement vertueux du point de vue environnemental…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ça l'économie verte.
BRUNO LE MAIRE
On essaye de cibler ça sur un certain nombre d'activités, je ne suis pas sûr que le rétrofit puisse en faire partie, mais je salue le rétrofit, je trouve ça formidable, vous avez le beurre et l'argent du beurre d'une certaine façon, c'est-à-dire les belles carrosseries et le moteur propre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il n'y a pas que les belles carrosseries, une voiture de 10 ans d'âge peut changer de moteur et être transformée en véhicule électrique.
BRUNO LE MAIRE
Mais les carrosseries de 10 ans d'âge sont souvent de très belles carrosseries.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bruno LE MAIRE, l'harmonisation fiscale au niveau européen, parce qu'on a beaucoup parlé du prix du tabac qui passe à 10 euros là, qui va passer à 10 euros le prix du paquet en France, toujours pas d'harmonisation fiscale sur le prix du tabac…
BRUNO LE MAIRE
Non, je le regrette, pas d'harmonisation fiscale sur le prix du tabac…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais comment se fait-il qu'on n'y arrive pas ?
BRUNO LE MAIRE
Pas d'harmonisation fiscale sur l'impôt sur les sociétés, alors que nous avons un engagement du président de la République et d'Angela MERKEL sur le sujet, c'est extrêmement compliqué, parce que toucher à la fiscalité et faire de l'harmonisation ça veut dire renoncer à certaines recettes fiscales, lever un certain nombre d'obstacles techniques…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais enfin, le Luxembourg vend moins cher tabac, alcool, essence, essence…
BRUNO LE MAIRE
Eh bien je le regrette.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et si j'ai bien compris, vole les taxes des autres pays européens, pardon !
BRUNO LE MAIRE
Jean-Jacques BOURDIN, je regrette qu'il n'y ait pas d'harmonisation fiscale, et je peux vous dire que dans les deux années que je souhaite continuer à passer au ministère de l'Economie et des Finances, l'harmonisation fiscale, notamment…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous serez là pendant 2 ans encore ?
BRUNO LE MAIRE
Mais je le souhaite, après ce n'est pas moi qui décide, je le souhaite, chacun le sait, je souhaite que cette bataille pour l'harmonisation fiscale, qui permettra une plus grande intégration européenne, et plus de justice entre les Etats européens, soit livrée et gagnée. Il y en a une qu'on va gagner, par exemple Jean-Jacques BOURDIN, sur harmonisation fiscale, c'est celle sur l'impôt minimum à l'impôt sur les sociétés. moi je ne peux pas accepter que dans la zone euro vous ayez des Etats qui aient un impôt sur les sociétés, à 20, 22, 25, qu'il y ait 3, 4 points d'écart, il n'y a pas problème, et d'autres qui aient un taux d'impôt sur les sociétés, réel, de l'ordre de 2, 3 ou 4%, parce que ce dumping fiscal là, il brise l'unité européenne, il favorise l'évasion fiscale, et au bout du compte tout le monde est perdant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tiens, puisqu'on parle d'Europe, il y a un voisin là, la Grande-Bretagne qui prépare, déjà qui annonce vouloir ouvrir 10 ports francs, 10 ports francs, et qui va être un concurrent terrible de l'Union européenne sur le plan fiscal.
BRUNO LE MAIRE
Jean-Jacques BOURDIN, ils peuvent ouvrir 10 ports francs, 15, 20, c'est leur problème, nous notre problème c'est quoi ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est quoi ?
BRUNO LE MAIRE
C'est que les marchandises qui vont arriver dans ces ports francs, c'est-à-dire des ports où il n'y aurait pas de taxe, pas de droits de douane à payer, nous notre défi, et il est considérable, c'est de garantir que chaque produit qui est passé par la Grande-Bretagne, qui rentre dans le marché unique, qui est, je le rappelle, le marché de consommateurs le plus riche de la planète, que chacune de ces marchandises respecte rigoureusement, strictement, totalement, toutes les règles du marché unique. Les règles environnementales, les règles fiscales…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sera le cas ?
BRUNO LE MAIRE
C'est notre défi, c'est de garantir que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est votre défi, parce que la France dit ça, mais est-ce que les autres partenaires européens disent la même chose ?
BRUNO LE MAIRE
Mais, Jean-Jacques BOURDIN, je ne vais pas demander à une industrie dans le Nord, qui produit un acier avec certaines spécifications environnementales qui lui coûtent cher, "il faut que vous respectiez ces spécifications environnementales, mais, désolé, on va faire rentrer de l'acier venus de Grande-Bretagne, qui est 20% moins cher, et qui ne respecte aucune de ces spécifications", ce serait révoltant. Donc je peux vous dire que, avec le président de la République, le Premier ministre, tout le gouvernement, avec Michel BARNIER, qui au passage fait un travail exceptionnel, nous sommes déterminés à nous battre pour que les règles soient les règles, comme on dit en bon français, "rules are rules", vous êtes en dehors de l'Union européenne, si vous voulez avoir accès au marché unique, vous respectez toutes les règles, environnementales, sociales, fiscales, européennes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça c'est la position de la France, j'espère que les partenaires européens de la France auront la même position.
BRUNO LE MAIRE
J'espère Jean-Jacques BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous aussi, vous espérez.
BRUNO LE MAIRE
Qu'ils feront preuve de la même détermination. Il y avait un lion britannique pour lequel j'ai beaucoup de respect, qui s'appelle Winston CHURCHILL, on a besoin de plus de lions, en Europe, pour défendre nos intérêts.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Bruno LE MAIRE.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 février 2020