Texte intégral
Monsieur le chef d'état-major de la marine,
Officiers, officiers mariniers, quartiers-maîtres et matelots,
Je ne vous dirai que quelques mots, car loin de moi l'idée de vous distraire de votre mission, mission à laquelle je vous sais entièrement consacrés. Nous nous sommes vus il y a tout juste un mois, lors de la visite du Premier ministre ; c'était au large de Toulon - à l'exercice, si j'ose dire. Aujourd'hui, vous êtes en opérations, dans le cadre de Chammal. La Syrie n'est qu'à 300 kilomètres d'ici, plus près que ne l'est Toulon de Paris. Lorsque ces magnifiques avions s'arrachent au pont, c'est pour aller en territoire hostile, prenant tous les risques pour frapper Daech et protéger les Français. Cette visite, donc, je vous la devais.
Votre mission est au coeur des préoccupations des Français. Ils n'ont pas oublié le Bataclan, Nice, Charlie Hebdo. Ils attendent de vous cette défense de l'avant, qui consiste à frapper l'ennemi au plus près, avant qu'il ne soit trop tard.
Or, la carte n'est pas le territoire : le Califat est rayé de l'une, mais il essaie de reprendre racine dans l'autre.
Daech est resté fort en Syrie, en particulier dans les zones prétendument contrôlées par le régime, l'Iran et la Russie – tous manifestement trop occupés à détruire Idleb pour s'attaquer au vrai fléau. Dans ces zones, et dans le Sud du pays, le groupe terroriste n'est plus clandestin : il attaque en plein jour, à la manière d'une force conventionnelle.
Au Nord-Est, malgré l'offensive turque, nos alliés kurdes ont repris le combat, mais il y a fort à faire, notamment dans la région de Deir ez Zor.
Quant à l'Irak, il est troublé par sa situation interne, et par les soubresauts des rivalités internationales. Daech continue de s'y réorganiser et d'y harceler les forces gouvernementales.
Après une pause, les opérations au sol ont repris. Dans les airs, c'est vous qui les menez tambour battant, et je ne peux assez vous en remercier.
Je n'en dirai pas plus, car chacun l'aura compris : vous êtes en première ligne. Vous êtes au contact. Vous êtes le pavillon de la liberté, celle qui ne se soumet jamais et qui lutte férocement pour prospérer.
Votre mission porte le nom d'un général, maréchal de France qui avait eu ces mots : "A la guerre, c'est celui qui doute qui est perdu : on ne doit jamais douter". Dans cette guerre contre le terrorisme, nous n'avons jamais eu un seul doute, seulement de la détermination et toujours la rage de vaincre. Cette rage de vaincre, je la vois dans vos yeux, inlassablement, dans ceux de vos frères d'armes, elle est dans la mesure de vos gestes, le soin de vos routines, le sang-froid de vos esprits : toujours aux aguets, toujours prêts au combat.
Vous êtes aujourd'hui un élément incontournable et essentiel de la coalition internationale contre Daech. Ce n'est pas une rodomontade : c'est la réalité, reconnue de tous. J'ai pu m'en rendre compte lorsque nous nous sommes réunis vendredi avec les principaux pays de la coalition contre Daech. Combien de nations ont la capacité de projeter cet outil de puissance, de déployer cette force de frappe sans pareille ?
Lors de la réunion, nous avons à nouveau réaffirmé avec fermeté notre objectif. Chasser l'ombre qui enveloppe encore le Levant, et qui pèse sur l'Europe. Anéantir Daech, et le faire durablement. Ne l'oublions jamais : la lutte contre le terrorisme est notre première priorité à tous.
C'est pourquoi, sur tous les fronts, la France maintient son engagement. L'an dernier, à la frontière irako-syrienne, vos frères d'armes de la Task Force Wagram, avec le précieux appui de vos prédécesseurs de la mission Clemenceau, ont pris part aux combat décisifs qui ont conduit à la libération des territoires contrôlés par Daech.
Vous avez rejoint le millier de frères d'armes des trois armées qui contribuent, au quotidien, depuis plus de 5 ans, à ce combat. Je leur rends hommage à tous, qu'ils soient en Irak, en Jordanie, au Koweït, aux Emirats ou au Qatar.
Aujourd'hui, votre mission au sein de l'opération Chammal, annoncée par le Président de la République lors des voeux, porte un message sans équivoque : les brins se tendent, les moteurs grondent ; la France protège ses enfants ; la France protège l'Europe.
Mais c'est aussi un signal de paix que projette notre présence en Méditerranée orientale. Au carrefour de ce vieux monde, de cette mer chatoyante, nous maintenons une présence permanente, nous portons cette liberté chère entre toutes aux marins : celle de naviguer. Croyez-moi, nos partenaires nous en savent gré. Car ce qui est en jeu, c'est leur souveraineté ; c'est l'apaisement de ces rivages anciens ou de nouvelles richesses aiguisent de nouveaux appétits ; c'est notre vision de l'Europe, qui doit être faite de solidarité.
Et comme de juste, l'approfondissement des coopérations est le fil rouge de chaque mission du groupe aéronaval. C'est le cas depuis votre appareillage avec l'intégration de plusieurs bâtiments, dont la frégate grecque et le destroyer américain, qui font aujourd'hui partie de la Task Force ; c'est le cas ici, à Chypre, où j'ai rencontré ce matin le président et le ministre de la défense chypriotes.
Tout au long de votre déploiement en Méditerranée, vers l'Atlantique puis en mer du Nord, vous agirez comme véritable plateforme de coopération opérationnelle. Avec nos alliés européens et américains, nous aurons de nombreuses occasions de nous entraîner ensemble, de mieux nous connaître sur le terrain et de renforcer la confiance entre nos forces navales et aériennes. Vous êtes des intégrateurs, les fédérateurs dont l'Europe a aujourd'hui tant besoin.
Officiers, officiers mariniers, quartiers-maîtres et matelots,
Ce n'est pas la première fois que j'ai la chance d'être à bord du Charles de Gaulle. Ce n'est pas la première fois que j'observe le catapultage et l'appontage, véritable ballet, des Rafale Marine. Ce n'est pas non plus la première fois que j'ai le plaisir d'échanger avec quelques-unes et quelques-uns d'entre vous. Mais je vais vous dire une chose, on ne s'y habitue jamais.
On ne s'habitue jamais à la beauté de vos métiers, à l'endurance et la vigilance permanente du marin ou à la précision et la minutie qui font vivre cette ville flottante aux dimensions extraordinaires. On ne s'habitue jamais à la puissance de l'esprit d'équipage que je ressens ici, vibrant en cet instant même et que beaucoup vous envient.
Votre mission est encore longue, mais je sais que vous pouvez compter les uns sur les autres. Votre mission vous emmènera loin et je sais que partout sur les mers du monde, vous ferez honneur à nos couleurs.
Vive la République !
Vive la France !
Source https://www.defense.gouv.fr, le 28 février 2020