Texte intégral
DAMIEN THEVENOT
C'est l'heure des 4 Vérités. Bonjour Caroline.
CAROLINE ROUX
Bonjour.
DAMIEN THEVENOT
Ce matin, votre invité c'est Bruno LE MAIRE.
CAROLINE ROUX
Oui, le ministre de l'Economie. Alors, naturellement il est en première ligne pour faire face aux conséquences économiques de la crise du coronavirus.
-Jingle-
CAROLINE ROUX
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Caroline ROUX.
CAROLINE ROUX
Les places financières vont rouvrir ce matin, la semaine dernière en moyenne elles ont chuté de 10 %, des chiffres jamais vus depuis 2008, la crise de 2008. Est-il encore possible et d'éviter un krach boursier ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, bien sûr, et c'est pour ça que j'appelle chacun au sens des responsabilités. Les marchés anticipent un impact fort sur la croissance, donc ils réagissent, ils réagissent brutalement, mais il ne faut pas avancer de chiffres fantaisistes, comme j'en vois circuler sur la croissance, parce que ça provoque une sur-réaction des marchés et ça peut poser ensuite un problème de financement des entreprises sur le long terme.
CAROLINE ROUX
Elle est contenue cette sur-réaction des marchés, cette panique des marchés ? C'est ça qu'on redoute cette semaine.
BRUNO LE MAIRE
Elle sera contenue en fonction des décisions qui seront prises, des propos qui seront tenus. J'invite chacun à ne pas avancer de chiffres fantaisistes, il faut attendre les remontées des entreprises, des évaluations sérieuses, solides, avant de donner des évaluations chiffrées.
CAROLINE ROUX
Pour l'instant, vous n'en avez pas de chiffres, c'est ce qu'on comprend, des conséquences de la crise du coronavirus.
BRUNO LE MAIRE
Non, le seul chiffre que j'ai avancé, c'est 0,1 point de croissance en moins pour la France, ce qui est déjà beaucoup, tant que l'épidémie était limitée à la Chine. Maintenant que l'épidémie touche beaucoup plus le pays, notamment la France et d'autres pays européens, l'impact du coronavirus sur la croissance française sera beaucoup plus significatif, nous le savons, mais je ne veux pas avancer de chiffres précis, nous savons simplement que, puisque d'autres pays européens sont touchés, que les Etats-Unis sont touchés également, nous aurons un impact beaucoup plus significatif sur la croissance française. Raison de plus pour être totalement aux côtés des entreprises, et je veux leur dire ce matin que nous ferons preuve d'une solidarité totale vis-à-vis de tous les entrepreneurs qui aujourd'hui sont en première ligne face à cette épidémie.
CAROLINE ROUX
Et nous allons en parler des entreprises françaises, mais juste un mot quand même sur ce qui se passe, c'est une crise mondiale, c'est même la mondialisation, vous l'avez émis, c'est un « game changer » de la mondialisation, c'est ce que vous avez dit la semaine dernière. Qu'est-ce qu'on peut attendre des banques centrales, de cette économie mondialisée, dans une crise qui touche l'ensemble des grandes puissances économiques ?
BRUNO LE MAIRE
D'abord, c'est vrai que ça change la donne, parce qu'on voit bien que nous sommes trop dépendants de l'approvisionnement sur certains produits, dans l'aéronautique, dans l'industrie automobile, et surtout dans les médicaments, dans les principes actifs des médicaments, trop dépendants des pays étrangers, trop dépendants de la Chine. Donc nous allons engager une revue de l'ensemble des chaînes de production industrielle, pour voir sur les chaînes de production les plus stratégiques, comment relocaliser des activités et être souverain et indépendant.
CAROLINE ROUX
Mais là, dans l'urgence, dans l'urgence ?
BRUNO LE MAIRE
Dans l'urgence, le plus important c'est sur les médicaments, bien entendu, et sur les banques centrales, j'aurai Christine LAGARDE au téléphone dans la semaine, soit aujourd'hui, soit demain. Les banques centrales sont indépendantes, mais il va de soi que tout le monde, que ce soit les banques centrales, les gouvernements, doit jouer le jeu du soutien à l'économie et du soutien aux entreprises.
CAROLINE ROUX
Il peut y avoir une action concertée ?
BRUNO LE MAIRE
Il y aura une action concertée. J'ai eu hier au téléphone le président du G7, le secrétaire américain au Trésor Steven MNUCHIN, et nous aurons cette semaine une réunion par téléphone, parce qu'il faut éviter de trop se déplacer, de tous les ministres des Finances des 7 pays les plus développés de la planète, le G7, pour coordonner nos réponses. Nous aurons également une réunion de l'Eurogroupe, les ministres des Finances de la zone euro, pour coordonner nos réponses.
CAROLINE ROUX
Ça tombe mal quand même.
BRUNO LE MAIRE
Et j'ai eu hier aussi également au téléphone, la directrice générale du FMI, pour que là aussi nous ayons des politiques économiques et des réponses qui soient des plus coordonnées possibles, pour qu'elles soient le plus efficaces et que cet impact dont nous savons qu'il sera important sur la croissance, soit le moins durable possible.
CAROLINE ROUX
Il y a une inquiétude quand on est ministre de l'Economie, quand on est face à une crise comme celle-ci, qui est assez imprévisible, il n'y a pas de calendrier…
BRUNO LE MAIRE
Il y a beaucoup de... Il n'y a pas d'inquiétude et il y a beaucoup de détermination, il y a du travail 7 jours sur 7, il y a surtout beaucoup d'écoute vis-à-vis des chefs d'entreprise, en particulier des plus petites, des PME, des commerçants…
CAROLINE ROUX
Eh bien justement…
BRUNO LE MAIRE
... de tous les secteurs qui sont touchés, l'hôtellerie, la restauration, l'évènementiel, le sport, tous ces secteurs-là doit être…
CAROLINE ROUX
Le transport aérien.
BRUNO LE MAIRE
Le transport aérien, bien entendu, doivent être accompagnés, écoutés, et surtout soutenus.
CAROLINE ROUX
Alors, le gouvernement italien a débloqué 3,6 milliards, soit 0,2 point de son PIB, pour voler au secours de ses entreprises. Combien allez-vous débloquer pour aider les entreprises françaises ?
BRUNO LE MAIRE
Nous débloquerons ce qu'il faudra.
CAROLINE ROUX
C'est vrai ?
BRUNO LE MAIRE
Nous avons déjà pris un certain…
CAROLINE ROUX
C'est vrai Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, mais regardez les mesures que nous avons prises. Quand on annonce par exemple la possibilité de recourir au chômage partiel avec Muriel PENICAUD, ça a un coût pour les finances publiques. Nous allons également sur les marchés publics, considérer le coronavirus comme un cas de force majeure, ça veut dire que les entreprises pourront être en retard dans l'exécution des marchés publics, sans pénalités. Et je souhaite que les collectivités locales, les mairies, les régions, les départements, auxquels j'ai écrit, fassent de même et considèrent le coronavirus comme un cas de force majeure et n'appliquent pas de pénalités. Et je souhaite également que dans le secteur privé il en aille de même. Tout ça a un coût, nous prendrons ce coût à notre charge, et je demanderai…
CAROLINE ROUX
Peu importe le dernier rapport de la Cour des comptes ?
BRUNO LE MAIRE
Non, mais là, l'important ça n'est pas de compter les soutiens, c'est d'apporter tout le soutien nécessaire et de faire en sorte que l'économie puisse passer cette situation de crise, de la meilleure façon possible. J'ajoute un point important, qui sera aussi sans doute coûteux, c'est que la BPI se portera garant de tous les prêts de trésorerie dont les entreprises pourraient avoir besoin. Vous pouvez avoir une PME dans le Cantal, dans le Morbihan, qui a besoin d'argent pour passer ce moment difficile, les banques ne veulent pas lui en prêter parce que leur situation économique n'est pas flambante, la BPI se portera garant de tous les prêts des PME qui en auraient besoin pour passer ce moment difficile.
CAROLINE ROUX
C'est dit. Quels sont les secteurs qui sont les plus frappés, les plus touchés ? Les plus touchés, qui vous inquiètent le plus, même si vous nous disiez ce matin vous êtes déterminé et pas inquiet.
BRUNO LE MAIRE
C'est clairement l'hôtellerie, la restauration, le transport aérien, et j'ajoute un point important, l'évènementiel. Regardez le nombre de salons qui sont annulés : le Salon du livre, le Salon de l'agriculture qui a fermé ses portes plus tôt, là aussi il faudra accompagner l'ensemble des acteurs économiques. Les acteurs de l'événementiel seront reçus aujourd'hui au ministère de l'Economie et des Finances pour que nous fassions le point avec eux.
CAROLINE ROUX
Comment est-ce qu'on peut éviter la psychose ou la peur légitime d'ailleurs, qui peut conduire des gens à dévaliser les supermarchés, comme on l'a vu notamment dans le nord de l'Italie ?
BRUNO LE MAIRE
Je redis qu'il n'y a pas de pénurie aujourd'hui. J'ai fait le point hier avec la grande distribution, et il n'y aura de pénurie que si les gens n'ont pas de comportement responsable. Donc j'invite chacun à avoir des comportements responsables, à ne pas accumuler des stocks de marchandise, il n'y a pas de pénurie dans les magasins, il n'y a pas de raison qu'il y ait de pénurie, il n'y en aura que si nous avons tous des comportements qui ne seraient pas responsables. Donc j'invite chacun à la responsabilité sur ce sujet aussi.
CAROLINE ROUX
C'est dit. Un 49.3, en pleine crise du coronavirus, un samedi à 17h00, sur une réforme majeure qui touche l'ensemble des Français, alors même que le plan de financement n'est pas bouclé, vous étiez si pressés ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense qu'il était temps de mettre fin à des débats qui n'ont pas eu lieu. Il n'y a pas eu de débat sur la retraite et sur le futur système de retraite par répartition, par points, que nous proposons, et je le regrette profondément. La France insoumise est directement responsable...
CAROLINE ROUX
Qu'est-ce que vous regrettez ?
BRUNO LE MAIRE
Je regrette le comportement de La France insoumise, c'est elle qui a empêché les débats d'avoir lieu, c'est elle qui a privé les Français d'un vrai débat sur notre système de retraite, qui est quelque chose qui nous rassemble tous. Nous voulons tous…
CAROLINE ROUX
Vous ne pouvez pas prendre le temps ? On ne pouvait pas dire : prenons le temps ?
BRUNO LE MAIRE
Mais le temps, on pouvait prendre un temps infini, de toute façon il n'y aurait pas eu de débat. Regardez les débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale, ce n'était pas des débats démocratiques, c'était amendement sur amendement, purement formel, pour dire que l'évaluation serait chaque année plutôt qu'annuelle, des milliers d'amendements comme ceux-là, qui étaient des amendements de façade, et qui ont empêché les Français d'avoir un vrai débat sur le système de retraite par répartition que nous souhaitons. D'autres partis d'opposition, je pense au Parti communiste, je pense aux socialistes, je pense aux Républicains, ont déposé des amendements qui méritaient d'être discutés, et la France insoumise, elle, a fait le jeu du blocage à l'Assemblée nationale, et porte directement la responsabilité de ce 49 3.
CAROLINE ROUX
Vous aviez dit : "Quand on est obligé, dans une majorité, d'utiliser un instrument aussi brutal pour un texte de loi aussi creux – c'était à l'époque un texte qui ne concernait pas naturellement la réforme des retraites – ça sent la fin de règne".
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, et je…
CAROLINE ROUX
Dégainer un 49.3 sur la réforme des retraites, ça sent la fin de règne ?
BRUNO LE MAIRE
Mais, les circonstances, vous le savez parfaitement Caroline ROUX, n'étaient absolument pas les mêmes. Le 49.3 avait été sorti par le Premier ministre de l'époque, Manuel VALLS, parce qu'il n'avait pas de majorité solide. Ce n'était pas du tout à cause de l'opposition. Nous, nous avons une majorité qui est solide, nous avons une majorité justement qui tient absolument, et elle a raison, à ce que ce nouveau système de retraite par répartition soit adopté. Nous avons été contraints d'utiliser le 49.3, en raison de l'attitude irresponsable de blocage à l'Assemblée nationale de la France Insoumise.
CAROLINE ROUX
Ça n'a pas toujours été le cas, vous avez de l'expérience politique, Bruno LE MAIRE, vous savez bien que quand on s'oppose à l'Assemblée nationale, un des seuls leviers qui reste c'est de faire de l'obstruction, et ça peut prendre du temps, et on laisse le temps, là c'est l'article 1 seulement qui a été débattu, certains reprochent à ce gouvernement l'autoritarisme, la Une de Libé ce matin c'est "Manu militari", voilà pour le jeu de mots de Libé, qu'on a vu lors de la Revue de Presse. Autoritarisme ?
BRUNO LE MAIRE
Il n'y a absolument aucun autoritarisme, il y a le sens des responsabilités qui est que lorsqu'on s'est engagé face aux Français, à refonder le système de retraite par répartition, et d'avoir un système par points qui soit plus juste, qui protège les femmes seules, qui garantisse un niveau de retraite de 1 000 €, notamment pour les agriculteurs, qui puisse valoriser davantage les retraites des femmes qui ont un seul enfant, eh bien on tient ses engagements. Ce 49.3 c'est une façon de dire à notre majorité, et aux Français : nous tenons nos engagements. Et si tous les partis d'opposition à l'Assemblée nationale avaient eu une attitude aussi responsable que la majeure des parties des partis d'opposition, au lieu d'avoir cette attitude de la France insoumise, nous n'en serions pas là aujourd'hui.
CAROLINE ROUX
Vraiment, il faut que je vous pose cette dernière question, Bruno LE MAIRE. Quand vous voyez les images de ce qui se passe à la frontière entre la Turquie et la Grèce, enfin ERDOGAN a décidé d'ouvrir ses frontières, c'était une menace qu'il laissait planer sur l'Europe, je n'oublie pas que vous avez été secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, que doit faire l'Europe pour répondre à ce que fait ERDOGAN aujourd'hui ?
BRUNO LE MAIRE
Elle doit d'abord protéger ses frontières, parce que c'est la responsabilité de l'Europe de protéger ses frontières et de ne laisser entrer que ceux que nous avons choisi de laisser entrer. Et elle doit faire preuve de la plus totale fermeté vis-à-vis de la Turquie et vis-à-vis de monsieur ERDOGAN, qui sur ce sujet-là, comme sur beaucoup d'autres sujets, joue hélas avec le feu.
CAROLINE ROUX
Merci beaucoup Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 mars 2020