Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur la mise en œuvre des engagements communs du sommet de Pau touchant aux quatre piliers de l'action conjointe du G5 Sahel (engagement militaire, renforcement capacitaire des forces armées du G5, appui à la restauration de l’État et des administrations locales, stabilisation et développement), à Nouakchott le 25 février 2020.

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Circonstance : Sommet des chefs d'Etat du G5 Sahel

Texte intégral

Excellences, Messieurs les chefs d'Etat du G5 Sahel,
Monsieur le Président de la Commission de l'Union africaine,
Madame la Commissaire,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadrices et Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,


Je suis très heureux d'être à vos côtés pour ce sixième sommet du G5 Sahel ici à Nouakchott. Je remercie le président Kaboré pour son invitation, et je remercie le président Ghazouani pour son accueil.

Le G5 Sahel a été fondé ici en février 2014. En six ans nous avons dû faire face ensemble à des menaces sans cesse renouvelées. La violence extrémiste s'est intensifiée. Elle a muté et a fait des milliers de morts, contraint des centaines de milliers de déplacés et de réfugiés à prendre la route de l'exil. Et tout au long de ces années, les Etats ont tenu. Oui, vous avez su résister. Et le G5, loin de se désunir, s'est construit et s'est renforcé.

En six ans, la communauté internationale a pris la mesure de la gravité de la situation et elle a répondu à vos appels. Peut-être pas de manière suffisante, encore. Je sais parfois vos frustrations, mais on ne peut nier le chemin parcouru depuis 2014 et le soutien déjà apporté à la force du G5 Sahel et pour le développement du Sahel. Je vous rejoins pour dire qu'un sursaut de modernisation, de coordination et de priorisation est nécessaire. C'était tout l'objet de la réunion qui s'est tenue à Pau le 13 janvier dernier et a permis aux présidents des Etats du G5 Sahel, et au président français, Emmanuel Macron, de lancer ensemble, en présence des présidents de la Commission de l'Union africaine, du Conseil européen, du secrétaire général des Nations unies et de la secrétaire générale de la Francophonie, de lancer ensemble, une nouvelle coalition pour le Sahel.

La première tâche de cette coalition, c'est de renforcer la synergie entre les quatre piliers de notre action conjointe : l'action militaire, le renforcement capacitaire des forces armées du G5, le retour de l'Etat, grâce aux projets de gouvernance, de sécurité intérieure et d'appui à l'administration régalienne, et la stabilisation et le développement.

Et depuis le 13 janvier, des progrès importants ont eu lieu. En un mois, il convient de les rappeler ici : l'affirmation de l'autorité de l'Etat malien dans le Nord, en particulier avec le déploiement de l'armée reconstituée, avec le soutien de la MINUSMA, en particulier à Kidal, la constitution d'un état-major conjoint, rassemblant Barkhane, la force conjointe du G5 Sahel et les forces nationales à Niamey, le déploiement prévu d'un bataillon tchadien dans la zone des trois frontières, la livraison de tous les équipements militaires promis par l'Union européenne, la mise en oeuvre, à la demande des autorités du Mali et du G5, d'une force spéciale européenne dans le cadre de la task force Takuba.

Je pense au consensus européen dans l'extension géographique et le renforcement de la mission de formation militaire qu'elle a déjà initié au Mali, je pense à mon pays, la France, qui a pris la décision du président Macron du renforcement par 600 soldats supplémentaires, le renforcement de la force Barkhane.

Excellences, le 26 mars prochain, un sommet organisé à Bruxelles par le président du Conseil européen, Charles Michel, permettra aux chefs d'Etat du G5 et de l'Union européenne de réfléchir ensemble aux voies et moyens d'aller encore plus loin dans la mobilisation. Ce sera un moment important pour continuer à avancer ensemble dans notre coalition.

Mais les armes ne suffiront pas à venir à bout du terrorisme, en tout cas pas dans la durée. Il faut aussi répondre aux besoins des populations dont les frustrations, et parfois le désespoir, font le lit de l'extrémisme. C'est le sens du partenariat de la sécurité et de la stabilité au Sahel lancé à l'initiative du président de la République et de la chancelière allemande, le P3S comme on l'appelle, qui vise à redéployer les services publics sur l'ensemble des territoires. C'est aussi le sens de l'Alliance Sahel qui a été citée à plusieurs reprises par vous-mêmes et dont la première assemblée générale vient tout juste de se tenir, avec l'appui du comité de pilotage opérationnel dirigé avec allant par le BMZ, avec l'appui de l'unité de coordination de l'Alliance, en particulier l'action de Jean-Marc Gravellini et du secrétariat permanent du G5 Sahel et de Maman Sidikou.

Cette rencontre a permis de renforcer la dynamique de l'Alliance et de nous fixer dans l'esprit du sommet de Pau, un impératif de renouvellement de nos procédures et de nos méthodes, pour une mise en oeuvre sur le terrain qui soit plus rapide et mieux ciblée. Agir au plus vite auprès des populations sahéliennes, c'est la responsabilité des partenaires de l'Alliance et c'est la responsabilité partagée avec vos autorités nationales. Les bailleurs se sont engagés à s'orienter vers des projets plus coordonnés, mieux ciblés, à se tourner davantage vers les opérateurs locaux et notamment les collectivités territoriales, et à simplifier les procédures d'urgence et les passations de marchés.

Aujourd'hui, ce rôle est reconnu et renforcé avec une action également importante de nos collectivités territoriales. Je pense en particulier à Cités Unies France dont le président Roland Ries est présent. Nous comptons donc sur un dialogue régulier avec vos gouvernements pour partager notre compréhension des besoins, notre identification des zones prioritaires et pour lever les blocages. A l'issue de cette première assemblée générale de l'Alliance Sahel, nous avons adopté des conclusions sur les sources de crise et les actions spécifiques d'urgence, de stabilisation et de développement rapide qui restent la priorité de l'Alliance Sahel.

Dans certaines régions, il y a en effet urgence à passer des modalités d'engagement nouvelles. Plusieurs propositions ont été mises en avant : des facilités de paiement, une approche intégrée et ciblée, une accélération de l'action demandée par nos partenaires du G5, notamment sur les PDU, plans de développement d'urgence, adoptés avec les autorités politiques du G5 Sahel. Cette déclaration et ces engagements ont été actés à l'unanimité par les présidents, ce matin.

Excellences, Messieurs les Chefs d'Etat, je suis convaincu que notre engagement commun portera ses fruits. Les groupes djihadistes cherchent à nous désunir, ils cherchent à nous contraindre à la résignation. Autant de raisons supplémentaires de renforcer notre coordination et nos efforts pour mettre en échec leur stratégie. En s'en prenant lâchement aux populations civiles et aux représentants de la force publique, ils pensent pouvoir éroder notre détermination. Montrons-leur qu'ils ont tort, que jamais nous les laisserons l'emporter. Et continuons dans le même temps à construire un avenir meilleur pour les populations du Sahel, avec toute la détermination et toute l'énergie dont nous sommes collectivement capables.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 mars 2020