Conférence de presse de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, sur le plan d'urgence économique mis en place pour faire face à la crise économique provoquée par l'épidémie de covid-19, Paris le 31 mars 2020.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Bonjour à tous !  


 Merci de vous être rendus disponibles dans des délais très brefs.  

 Je voulais vous faire un point sur le plan d'urgence économique que nous avons mis en place avec le président de la République, le Premier ministre, le ministre de l'Action et des Comptes publics et la ministre du Travail pour vous redonner la logique de ce plan, apporter quelques précisions et rappeler aussi des objectifs plus internationaux.  

 Nous voulons renforcer notre dispositif de soutien à l'économie pour apporter une réponse immédiate et concrète aux entrepreneurs comme aux salariés. Nous voulons également - ce qui m'amènera à traiter quelques sujets internationaux - prévenir le risque de crise économique systémique qui pourrait être liée à l'extension de l'épidémie sur certains continents, notamment le continent africain.  

 Tout cela nous amène à donner un certain nombre de précisions et de compléments.  

 S'agissant du fonds de solidarité : il est donc effectif pour tous les entrepreneurs qui sont éligibles, c'est-à-dire ceux dont les commerces ou activités ont été fermés par arrêté ou ceux qui auraient perdu du chiffre d'affaires et qui représentent, je le rappelle, les très petites entreprises, moins d'un million d'euros de chiffre d'affaires et moins de 10 salariés.  

 Nous avons décidé que la perte de chiffre d'affaires à partir de laquelle on était éligible au fonds de solidarité passerait de 70 à 50 % dès le mois de mars. Nous l'avons décidé avec le président de la République, le Premier ministre, le ministre de l'Action et des Comptes publics, à la suite des très nombreux échanges que nous avons eus avec les parlementaires et avec les représentants des indépendants. 

 C'est une manière de marquer à quel point nous voulons soutenir dès le premier jour les petits entrepreneurs, les indépendants, les commerçants, mais aussi les professions libérales concernées qui sont les plus durement touchées par cette crise économique.  

 Je rappelle que notre analyse de la crise économique, c'est que c'est un choc sur l'économie réelle. C'est la grande différence par rapport à la crise de 2008. Elle touche des centaines de milliers de petits entrepreneurs. C'est à eux que nous avons voulu apporter notre premier soutien avec ce fonds de solidarité. Nous voulons qu'il soit massif, nous voulons qu'il soit immédiat et nous voulons qu'il permette de soutenir les petits entrepreneurs qui sont aujourd'hui confrontés à un vrai désarroi et à des difficultés financières importantes.  

 Ce fonds de solidarité n'est pas la seule réponse, mais c'est une des réponses importantes.  

 Sur la base des remarques qui nous ont été faites par les indépendants, mais aussi par les parlementaires qui ont pleinement joué le jeu, nous avons décidé, avec le président de la République, le Premier ministre et le ministre de l'Action et des Comptes publics, de porter la perte de chiffre d'affaires qui vous rend éligibles à ce fonds de 70 à 50 % dès le mois de mars.  

 Je rappelle que cette perte de 50 % restera la référence pour le mois d'avril. Je rappelle également que ce fonds de solidarité sera prolongé durant toute la durée de l'état d'urgence sanitaire. Et je rappelle que nous avons, comme je l'ai dit hier, ouvert une réflexion sur les compléments à 2 000 euros qui se font au cas par cas pour voir si il est nécessaire et dans quelles conditions nous pourrions aller au-delà pour ce deuxième soutien qui est prévu par le fonds de solidarité.  
 
Sur le chiffre d'affaires à 50 % dès le mois de mars, un nouveau décret sera publié d'ici à la fin de la semaine qui rendra ces dispositions applicables à compter du vendredi 3 avril au matin.  

 Ce qui veut dire que tous les entrepreneurs qui ont perdu 50 % de leur chiffre d'affaires entre le mois de mars 2019 et le mois de mars 2020, qui ont moins d'un million d'euros de chiffre d'affaires et moins de 10 salariés pourront bénéficier de l'aide défiscalisée allant jusqu'à 1 500 euros.  

 Ils pourront le faire dès vendredi matin. Le dispositif de la DGFiP est ouvert dès maintenant pour ceux qui ont perdu 70 % de leur chiffre d'affaires. Mais pour ceux qui ont perdu 50 %, dès vendredi matin, ils pourront eux aussi bénéficier de cette aide défiscalisée allant jusqu'à 1 500 euros.  

 C'est un geste fort qui était voulu par le Gouvernement pour marquer une nouvelle fois à quel point nous sommes attentifs à tous ceux qui prennent ce choc économique de plein fouet et qui sont les plus modestes et les plus fragiles.  

 Je voulais en deuxième lieu revenir sur le prêt garanti par l'Etat pour apporter là aussi un certain nombre de précisions. 

 Nous avons eu 3,8 milliards d'euros de demandes en quelques jours, c'est dire à quel point ce prêt garanti par l'Etat remporte un vrai succès et correspond à l'attente des entrepreneurs qui est de disposer de trésorerie le plus rapidement possible.  

 21 000 entreprises ont déjà vu leur demande acceptée pour un montant moyen de 135 000 euros. Alors, pourquoi est-ce que c'est 135 000, si vous vous faites le calcul, vous allez arriver à un peu plus de 180 000, c'est tout simplement qu'entre ce qui est demandé et ce qui est accepté, il peut y avoir un petit écart. C'est ce qui nous amène à un montant moyen de 135 000 euros pour les prêts garantis par l'Etat, et cela montre le succès considérable de ces prêts garantis par l'Etat auprès des entrepreneurs.  

 Je voulais en troisième lieu préciser ce qui est accordé également aux salariés, à tous ceux qui travaillent, dont j'ai dit hier qu'ils méritaient notre respect, notre considération, mais aussi notre soutien, et que ce soutien doit aussi être, dans toute la mesure du possible, un soutien financier.  

 Les primes défiscalisées et désocialisées pourront être versées jusqu'au 31 août. Jusqu'à présent, c'était jusqu'à la fin du mois de juin. Nous allons étendre cette période de versement des primes défiscalisées jusqu'au 31 août.  

 Pour tous ceux qui n'ont pas d'accord d'intéressement, ils pourront verser une prime totalement défiscalisée et désocialisée jusqu'à 1 000 euros par salarié.  

 Pour tous ceux qui ont un accord d'intéressement, ils pourront aller jusqu'à 2 000 euros de prime.  

 Ce qui veut dire que tous ceux qui ont un accord d'intéressement qui ont déjà versé 1 000 euros de prime pourront rajouter 1 000 euros de prime désocialisée et défiscalisée. Donc, le dispositif est très simple, il est étendu jusqu'au 31 août.  

 Toutes les entreprises peuvent verser une prime à leurs salariés qui vont travailler jusqu'à 1 000 euros sans accord d'intéressement. Et pour toutes les entreprises qui ont un accord d'intéressement, elles peuvent aller jusqu'à 2 000 euros, ce qui signifie très concrètement que celles qui ont déjà versé 1 000 euros pourront ajouter 1 000 euros si elles le souhaitent, dans le cadre du dispositif que je viens d'indiquer.  
 
En quatrième lieu, nous avons décidé, comme cela a été annoncé ce matin, de soutenir tous les dispositifs à l'exportation.  

 Là aussi, c'est pour soutenir l'économie réelle et les entreprises qui sont aujourd'hui très durement touchées par le ralentissement du commerce mondial : je pense à la viticulture, je pense au secteur automobile, je pense à l'industrie du luxe. Toutes ces entreprises sont très durement touchées par le ralentissement du commerce mondial et elles ont donc besoin d'un soutien massif à l'exportation.  

 Nous avons donc mis en place trois mesures majeures :  

 1. l'Etat garantira l'assurance des factures et des créances non plus sur 17 pays, mais sur tous les pays du monde. C'est la première fois que l'Etat garantit les assurances pour les factures et pour les créances des entreprises exportatrices, non pas sur un nombre limité de pays considérés comme dangereux ou à risque, mais sur l'ensemble des pays du monde ; 
 2. nous augmenterons la quotité garantie de 80 à 90 %. Ce sont les cautions qui sont versées pour les exportateurs à l'importateur. Ces quotités étaient garanties à 80 % par l'Etat. Elles seront désormais garanties à 90 % ;  
3. l'assurance-prospection sera prolongée de 1 an, ce qui permettra aux entreprises de faire face au ralentissement du commerce mondial et, je l'espère, à la relance de ce commerce mondial d'ici la fin de l'année.

 En cinquième lieu, le dispositif que je voulais souligner, qui est absolument majeur - il peut paraître technique, mais il est absolument décisif pour notre vie économique - c'est l'assurance-crédit.  

 J'ai obtenu ce week-end un accord avec l'ensemble des assureurs-crédit qui sont indispensables au maintien du crédit interentreprises. Or, ce crédit interentreprises, il est toujours secoué en période de crise économique comme celle que nous connaissons.  

 L'assurance-crédit, c'est ce qui garantit que l'entreprise sera payée et donc, c'est un maillon essentiel de la chaîne de financement. Si ce maillon craque, c'est toute la chaîne de financement de notre économie qui craque. Nous avons donc travaillé toute la fin de la semaine dernière - samedi dernier pour être tout à fait précis - pour parvenir à cet accord avec les assureurs-crédit, qui est un accord important pour le bon financement et la poursuite des activités économiques de notre pays.  

 Nous allons mettre en place une réassurance via la Caisse centrale de réassurance pour les assureurs-crédit pour une nouvelle couverture de l'assurance-crédit. Cette réassurance, via la Caisse centrale de réassurance, sera d'un montant de 10 milliards d'euros. Donc, c'est un élément clé pour rassurer les assureurs-crédit et faire en sorte que les assureurs-crédit maintiennent leurs dispositifs et leur assurance durant cette période de crise.  

 Donc, je le répète, l'accord qui a été trouvé - et je tiens à saluer l'esprit constructif des assureurs-crédit durant toute cette négociation - c'est d'avoir une réassurance via la Caisse centrale de réassurance pour un montant total de 10 milliards d'euros.  

 Je voudrais, pour terminer, insister sur deux autres points absolument majeurs.  

 J'aurai tout à l'heure une conférence téléphonique avec mes homologues ministres des Finances du G20.  

Je ne vous cache pas ma très grande préoccupation pour les pays en développement, notamment pour les pays africains, quand ils seront confrontés au risque de crise sanitaire et qui sont déjà confrontés à la crise économique actuelle.  

 Il y a les risques sanitaires importants que vous connaissez, il y aussi des risques économiques absolument considérables.  

 D'abord, parce que le commerce mondial ne leur permet plus d'exporter un certain nombre de matières premières et ensuite, parce que certains prix des matières premières se sont effondrés. Je pense évidemment à la chute du prix du pétrole qui peut impacter très durement un certain nombre d'États africains - y compris des États membres de la zone franc. A titre d'exemple, le pétrole représente 70 % des revenus d'exportations du Tchad. Donc, lorsque le prix du pétrole s'effondre, l'impact économique peut être absolument considérable pour les pays en développement et en particulier pour les États africains.  

 Nous souhaitons donc, avec le président de la République, apporter une aide massive et immédiate à tous les pays en développement dans le cadre du G20. Je lancerai cet après-midi, lors de la conférence téléphonique du G20, un appel à la solidarité pour les Etats les plus fragiles de la planète, en particulier pour les États africains.  

 Je proposerai que les DTS du FMI passent à 500 milliards de dollars supplémentaires de façon à avoir des crédits plus importants pour ces pays.  

 Je proposerai que soit mise en place une nouvelle ligne de crédit rapide pour compléter la ligne de swap des banques centrales.  

 Je proposerai également que les instruments de facilité d'urgence actuels soient doublés.  

 Toutes ces décisions ont été prises avec le président de la République avec un souci majeur : que les Etats les plus fragiles de la planète ne soient pas les premières victimes de la crise du Coronavirus.  

 Nous demanderons également un moratoire sur la dette des pays en développement les plus fragiles et nous souhaitons que la France prenne, à la demande d'un certain nombre d‘organisations internationales, le FMI, la Banque mondiale, prennent les initiatives sur ce sujet-là et coordonne l'ensemble des initiatives sur les questions de dette des pays les plus fragiles et des pays en développement. Le moratoire sur la dette pourrait être une première étape pour soulager ces Etats.  
 La mobilisation du président de la République, dans ce cadre du G20 et dans le cadre de ces échanges avec ses partenaires, est totale pour apporter du soulagement et de l'aide immédiate aux pays les plus menacés de la planète.  

 Enfin, dernier point : j'ai de nombreuses discussions avec mes homologues ministres des Finances de la zone euro à la suite du Conseil européen qui s'est tenu la semaine dernière. Nous travaillons aussi sur des solutions concrètes. J'aurai l'occasion de présenter un certain nombre de propositions que nous faisons jeudi en fin de matinée, en vue de parvenir à un accord mardi prochain à l'Eurogroupe sur des instruments financiers concrets pour aider l'ensemble des Etats de la zone euro à faire face à cette crise exceptionnelle qui est à la fois sanitaire, mais aussi économique.  


 Voilà les quelques éléments que je voulais vous présenter et je suis prêt à répondre à toutes vos questions. 


Source https://www.economie.gouv.fr, le 1er avril 2020