Texte intégral
Monsieur le Président de la Commission des Affaires économiques, Cher Roland Lescure,
Mesdames et Messieurs les députés,
Nous vivons une crise sans précédent. Tous les Français en sont conscients. C'est pourquoi notre réponse doit être exceptionnelle. Et parce que cette période est exceptionnelle, il est aussi essentiel que les membres du Gouvernement puissent rendre compte de leur action à la Représentation nationale.
En préambule, j'aimerais faire 2 remarques très brèves :
- Le double choc que nous vivons – d'abord sanitaire, puis économique est sans précédent – Nous ne pouvons pas encore mesurer tous les impacts économiques de cette crise, ce d'autant que ces impacts dépendront non seulement de la cinétique de circulation du virus dans le monde mais aussi de la façon dont d'autres pays et régions du monde réagiront. C'est pourquoi nous devrons adapter notre réponse à l'évolution de la situation en temps réel.
- Toute notre énergie est dirigée pour aider notre tissu économique et social à tenir. C'est l'avenir de notre économie qui est en jeu. Son avenir proche, pour empêcher que nos PME et nos ETI ne disparaissent. L'enjeu est d'être capable de remettre notre économie en route.
Depuis le début de la crise, la priorité c'est la santé des Français. Mais à l'urgence sanitaire, s'ajoute une urgence économique pour que nous n'ayons pas à gérer une casse sociale majeure.
Nous devons non seulement garantir la continuité du fonctionnement de notre pays pour lutter contre le virus et pour faire fonctionner une société de 67 millions de personnes. Mais nous devons aussi limiter au maximum la casse de notre outil de production. Pour ce faire, nous avons mené deux actions économiques déterminantes.
1/ La première action économique du Gouvernement a été un plan immédiat, puissant et exceptionnel de soutien à l'économie
Ce plan comporte quatre axes.
1er axe : soutenir les salariés et protéger leur compétence.
Nous avons mis en place un dispositif de chômage partiel jusqu'à 4,5 salaires minimum qui est désormais le dispositif le plus généreux en Europe. Il concerne déjà plus de 6,9 millions de salariés dans 628 000 entreprises.
Nous facilitons aussi le financement de la formation professionnelle. Quand celle-ci peut être organisée à la place du chômage partiel et par la mise à disposition de contenus de format en ligne.
2ème axe: préserver la trésorerie des entreprises et éviter les faillites en cascade.
D'abord, nous avons décidé du report de toutes les charges sociales et fiscales pour toutes les entreprises qui le souhaitaient, avec un minimum de contraintes administratives La semaine dernière c'était déjà 3,2 Md€ de reports de charges fiscales et 4,7 Mds€ de reports de charges sociales qui avaient été accordés. Je sais qu'il y a également des attentes concernant l'annulation de ces dettes : comme je l'ai dit hier au Sénat, c'est une possibilité que nous regardons avec Bruno Le Maire et Gérald Darmanin. Si c'est l'annulation ou la faillite, il ne faudra pas hésiter pour les entreprises qui ne pourront pas rembourser, comme nous le faisons dans les dossiers d'entreprises en difficulté.
Nous avons également autorisé le remboursement anticipé de créances fiscales dues par l'Etat en 2020, telles que les créances de crédit impôt recherche ou de CICE, représentant une avance de trésorerie de près de 10 Md€ pour les entreprises concernées sur les mois d'avril-mai.
Ensuite, nous avons mis en place une garantie de l'Etat de 300 Md€ pour permettre une distribution massive de prêts de trésorerie aux entreprises. Ces prêts pourront couvrir jusqu'à 25% du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise. Ils pourront être remboursés sur une période allant jusqu'à 6 ans. 100 000 entreprises y ont déjà fait appel pour un montant total de 20 milliards d'euros.
Enfin, l'assurance-crédit est un enjeu majeur et nous consacrons 10 milliards d'euros pour aider les fournisseurs à se couvrir contre le risque d'impayés de leurs clients français. Afin d'aider les PME et ETI exportatrices, une capacité de 2 milliards d'euros sera apportée à l'assurance-crédit export.
3ème axe: soutenir les indépendants.
Nous avons mis en place avec les Régions un fonds de solidarité. Les assurances y contribueront également à hauteur de 200M€.
Ce fonds s'adresse à toutes les TPE, artisans, commerçants, micro-entrepreneurs, professions libérales réalisant moins de 1 million de chiffres d'affaires et qui ont été fermés par décision administrative ou qui ont subi une perte de chiffre d'affaires de plus de 50% entre mars 2019 et mars 2020. Ce sont plus de 700 000 entreprises qui ont fait appel à ce fonds en quelques jours.
Elles sont en train de recevoir une indemnité qui peut aller jusqu'à 1 500 euros. Nous avions également prévu une deuxième aide permettant d'apporter jusqu'à 2 000 euros supplémentaires aux TPE les plus en difficulté et sera attribuée par les Régions. L'engagement budgétaire associé est estimé pour l'heure à 1,7 Md€.
Nous travaillons à un deuxième volet du plan pour le mois d'avril et à certaines adaptations. Forts des remontées du terrain, nous souhaitons aller plus loin en intensité. Nous souhaitons inclure notamment les entreprises en redressement judiciaire (celles en liquidation judiciaire seraient exclues) et regardons à remonter à 5 000 euros le deuxième volet de l'aide pour les entreprises les plus en difficulté.
4ème axe: nous renforçons notre boîte à outils pour accompagner les entreprises en difficulté.
Le premier enjeu est de donner accès à nos dispositifs aux entreprises en sauvegarde ou en plan de continuation qui ont du potentiel. Il faut pour cela adapter le droit et prévoir des outils complémentaires propres à ces situations. Nous devrions réabonder fortement le FDES et réfléchissons à d'autres outils qui puissent être déployés rapidement au niveau local.
Le deuxième enjeu est d'anticiper la montée en charge des services de l'Etat sur ces derniers. Nous nous préparons à repositionner des moyens humains parmi les Commissaires aux Restructurations et à la Prévention des difficultés des entreprises (CRP), à la Délégation aux restructurations d'entreprises (DIRE) et au Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI). Nous travaillons aussi en lien étroit avec l'association des mandataires et administrateurs judiciaires, et les services économiques des Régions.
Nous avons enfin anticipé avec les professionnels des tribunaux de Commerce, que j'ai réunis avec Nicole Belloubet la semaine dernière, les mesures pour permettre un traitement efficace de ces situations en dépit du confinement.
Bien entendu, nous devrons adapter le dispositif en fonction des situations qui remonteront du terrain, mais nous avons d'ores-et-déjà anticipé une croissance possible des situations courant avril.
2/ La seconde action économique de ce Gouvernement a été d'organiser la mobilisation de notre appareil productif afin de répondre à l'urgence sanitaire
Cette mobilisation a permis de réorienter et d'accroître très rapidement la production française. Nous allons encore monter en capacité dans les prochains jours et les prochaines semaines.
Concernant les gels et solutions hydro-alcooliques, notre action a permis d'augmenter massivement la production en France en reconvertissant rapidement des lignes de production des industries de la chimie et de la cosmétique.
En l'espace de quelques semaines, alors que la consommation quotidienne de gels et solutions hydroalcooliques s'élevait à 48 000 litres par jour avant crise, notre production nationale atteint désormais 550 000 litres par jour.
Pour contribuer à sécuriser l'approvisionnement en gels et solutions hydro-alcooliques et produits ou services sanitaires, nous avons soutenu la mise en place de la plateforme StopCovid19.fr. Cette plateforme est destinée aux professionnels ; elle permet de mettre en relation les fabricants et les clients de gels hydro-alcooliques en quantité industrielle. Plus de 2 000 clients sont déjà inscrits sur la plateforme, dont plus de 1 000 du secteur de la santé.
Cette plateforme permet aussi de favoriser la rencontre entre les fabricants de gels hydro-alcooliques et les fournisseurs de matières premières ou encore avec des réseaux de logistique et de distribution.
Concernant les masques de protection, pour décupler nos capacités de production et d'approvisionnement, nous avons engagé trois actions.
1ère action : nous avons mobilisé et soutenu les producteurs existants de masques chirurgicaux et FFP2 français
Nous avons la chance de faire partie des 4 pays européens qui produisent ces masques et nous travaillons en lien étroit avec les quatre producteurs implantés sur le territoire national : Valmy, Macopharma, Paul Boyé et Kolmi. En pratique, il s'agit de les aider à monter en cadence et à sécuriser leur approvisionnement en matière première dans une période de forte demande.
Grâce à leur mobilisation et à celle de leurs opérateurs, techniciens et ingénieurs que je veux remercier ici, nous sommes passés d'une production mensuelle avant crise de moins de 15 millions de masques FFP2 et chirurgicaux par mois, à une production de plus de 40 millions de masques en avril.
2ème action : nous avons développé de nouvelles capacités de production
Nous lançons de nouvelles fabrications aux normes FFP2 et chirurgicale en France, principalement en installant de nouvelles lignes de production en s'équipant de machines dédiées. Nous tablons sur un volume additionnel de masque de l'ordre de 10 millions de masques par semaine, avec une montée en cadence progressive sur le mois de mai.
En ce qui concerne les machines, nous disposons d'un fabricant en France (CERA), qui produit 2 machines par mois. Nous l'accompagnons pour qu'il augmente sa production. Des sourcings en Asie sont également engagés pour certains acteurs.
3ème action : nous avons augmenté nos capacités d'importation
Je veux d'abord préciser une chose : en matière d'importations, Santé publique France (SPF) est systématiquement priorisé. SPF a par ailleurs commandé près de 2 milliards de masques à date, comme l'a expliqué Olivier Véran. Le travail du Ministère de l'Economie et des Finances vient en appui de SPF et consiste à traiter les sollicitations non retenues par celui-ci, notamment car elles sont moins importantes en volume.
Notre rôle consiste à aider les entreprises qui peuvent désormais se fournir directement auprès de producteurs étrangers. Une circulaire a été signée afin d'organiser l'équivalence entre les normes européennes et étrangères.
J'ai également demandé aux fédérations professionnelles et principaux donneurs d'ordres d'organiser l'approvisionnement de leurs PME et ETI. Nous accompagnerons ce mouvement avec France Industrie.
Concernant les masques de protection alternatifs, nous avons lancé une initiative puissante en 2 temps pour mobiliser tous les acteurs volontaires.
1er temps : l'ANSM et l'ANSES ont conçu un cahier des charges exigeant pour des masques filtrants réutilisables
Je tiens ici à rendre hommage à l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et à la Direction générale de l'Armement (DGA), qui ont conçu ce cahier des charges sur deux types de nouveaux masques :
- des masques filtrants à usage professionnel non sanitaires pour les personnes en contact avec le public (catégorie 1).
- des masques filtrants à visée collective pour protéger l'ensemble d'un groupe portant ces masques (catégorie 2).
2ème temps : la mise en production de ces deux nouveaux types de masques filtrants a fait l'objet d'une mobilisation forte de notre industrie.
A date, grâce aux efforts de la Direction générale des Entreprises (DGE) et à l'exceptionnelle mobilisation des entreprises de la filière « Mode et Luxe », 88 entreprises ont développé 171 prototypes qui ont été validés par la DGA. Et d'autres le seront puisque l'APAVE et l'institut français du textile et de l'habillement (IFTH) sont désormais en mesure de proposer aux industriels leurs capacités de tests.
Du 30 mars au 5 avril, ce sont 3,9 millions de masques filtrants textile qui ont été produits. Pour la semaine en cours, les prévisions de production recueillies par le ministère de l'Economie et des Finances auprès des industriels s'élèvent à 6,6 millions d'unités. D'ici la fin du mois, nous atteindrons au minimum une production de 15 millions de masques filtrants textile par semaine.
Bon nombre de ces masques seront lavables et réutilisables au moins 5 fois, ce qui permettra de démultiplier les capacités. Nous travaillons en ce moment pour passer à 10 lavages sur certains masques. 11 modèles sont d'ores-et-déjà qualifiés comme lavables au moins 5 fois, 2 modèles comme lavables au moins 10 fois et 2 modèles comme lavables au moins 20 fois, pour une capacité de production quotidienne à court terme de 764 000 masques. Cela représente l'équivalent d'une production de 10 millions de masques à usage unique par jour. L'objectif est d'atteindre plus de 40 million équivalents usage unique par semaine d'ici mai.
Cet effort industriel de production, nous l'avons étendu à d'autres produits sanitaires cruciaux, comme les respirateurs, les sur-blouses médicales, les charlottes, certains dispositifs médicaux, médicaments et tests. Sur les respirateurs, autour d'Air Liquide, le premier fabricant français, nous avons réuni un consortium industriel français (Air Liquide, Schneider Electric, Valeo et PSA). Grâce à cette mobilisation rapide, ce sont 10 000 respirateurs qui vont être fabriqués d'ici mi-mai. Je tiens à souligner la prouesse industrielle que cela représente : 10 000 respirateurs produits en 50 jours, c'est l'équivalent de trois années de production d'Air Liquide en temps normal.
Mesdames et Messieurs les députés,
Vous pouvez le constater : nous mettons en oeuvre des moyens exceptionnels pour faire face au COVID 19 et faire en sorte que notre économie s'adapte et passe le cap.
Mais vous pouvez aussi constater ceci : notre priorité aujourd'hui doit être de produire davantage en France et de réindustrialiser notre pays. Il en va de notre souveraineté économique. Il en va de notre capacité à absorber les chocs futurs. Il en va de l'emploi des Français.
Avec le gouvernement, c'est ce que je portais avant la crise. C'est ce que je continue de porter encore plus haut aujourd'hui. Et c'est ce que je continuerai de porter demain.
Je vous remercie.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 10 avril 2020