Texte intégral
EMMA SARANGO
Bonjour Gérald DARMANIN.
GÉRALD DARMANIN
Bonjour madame.
EMMA SARANGO
En direct avec nous depuis Paris, puisque c'est là-bas que vous êtes confiné, pourtant vous venez d'être élu, dès le premier tour, à la mairie de Tourcoing, vous êtes donc maire à distance pour l'instant, c'est possible ça ?
GERALD DARMANIN
Eh bien aujourd'hui non, les conseillers municipaux ne se sont pas réunis et n'ont pas élu leur maire, donc c'est bien Jean-Marie VUYLSTEKER qui est le maire de Tourcoing, il gère les affaires municipales, ce qui ne m'empêche pas de rester un élu local très présent, comme vous le savez, et par ailleurs, même si ce n'est pas tout à fait le moment, de remercier les tourquennois qui, à plus de 60% au premier tour, nous ont élus et m'ont fait confiance.
EMMA SARANGO
Alors quand est-ce que vous reviendrez dans le Nord, vous devez en savoir un peu plus que nous ?
GERALD DARMANIN
Ecoutez, je pense que ce n'est pas la priorité, d'abord les petits destins personnels n'ont pas beaucoup d'intérêt quand la France, et le monde, connaissent une crise économique, et sanitaire, sans précédent, et les réunions des conseillers municipaux se tiendront lorsque les choses seront possibles. Franchement, ce n'est pas l'urgence du moment, l'urgence c'est de sauver bien sûr le plus de vies possible, et de sauver l'économie.
EMMA SARANGO
Alors, Gérald DARMANIN, on est heureux de vous recevoir effectivement ce matin sur France Bleu Nord et France Bleu Picardie, puisque vous venez d'annoncer, hier, votre nouveau plan d'urgence aux entreprises, on va y revenir en détail, mais d'abord une question sur le diagnostic, si je puis dire, du jamais vu depuis la grande dépression de 1929, c'est ce que dit le FMI, vous êtes d'accord, c'est ce qui nous attend ?
GERALD DARMANIN
C'est ce qui arrive. Aujourd'hui, vous savez, dans la région Nord-Pas-de-Calais, notre région, il y a 30% aujourd'hui de gens qui sont au chômage partiel, ce n'est jamais arrivé. Il y a, dans l'économie française, un arrêt, pas absolu, puisque la grande distribution, les agriculteurs, les routiers, une grande partie de l'économie régionale fonctionne encore, mais il y a un quasi arrêt des grandes industries, que nous connaissons, qui font parfois la fierté de la région, c'est le cas de l'automobile par exemple, et nous n'avons jamais connu ça, en tout cas, je crois, d'êtres vivants sur le territoire national, nous n'avons jamais connu ça, et donc, du coup, des chiffres économiques qui font froid dans le dos, -6 % de croissance, ce n'est pas +6, c'est bien -6% de croissance, -7,5% de déficit, c'est le plus grand déficit qu'a jamais connu notre pays, une dette qui va exploser au-delà de 111%, et, effectivement, vous l'avez dit, des chiffres économiques qui ressemblent à ceux qu'a connu le monde en 1929, c'est-à-dire la grande crise économique qui a touché les Etats-Unis et l'Europe.
EMMA SARANGO
Alors, d'où ce fonds d'urgence aux entreprises de 100 milliards d'euros, montant doublé au lieu des 45 milliards prévus initialement. On va commencer peut-être par un aspect qui, vous l'avez dit, concerne beaucoup de nos auditeurs, le chômage partiel, donc 30% dans le Nord-Pas-de-Calais, vous y consacrez, je crois, un cinquième de ce fonds d'urgence, ça veut dire qu'à ceux qui nous écoutent, qui sont concernés, vous dites quoi qu'il arrive, quelle que soit la durée de la crise, vous serez rémunérés ?
GERALD DARMANIN
Oui, je dis que la crise, qu'elle dure encore 2 semaines ou 2 mois, je fais de la provocation en le disant, mais c'est pour montrer que économiquement nous nous préparons à tout, l'Etat sera là, l'Etat français sera là, et paiera le chômage partiel, en effet. nous avons prévu dans le prochain budget rectificatif, j'en fais un deuxième en 3 semaines, ça ne m'est, là encore, jamais arrivé, nous avons est prévu, au Conseil des ministres de mercredi, de présenter au président de la République 20 milliards d'euros, nous avions prévu 8 il y a 15 jour, 20 milliards d'euros, pour répondre effectivement à la grande demande des entreprises, et des Français qui sont en chômage partiel, et nous paierons ce chômage partiel, comme nous paierons évidemment les pensions de retraite à l'heure, je pense que les retraités l'ont vu, nous paierons les prestations sociales à l'heure, on les a même avancées ce mois-ci, et nous serons en soutien des entreprises, quelle que soit la taille, si j'ose dire, encore du confinement et des difficultés économiques.
EMMA SARANGO
Alors, autre poste très important, c'est effectivement cette aide aux indépendants, aux commerçants, aux restaurateurs, elle est à 1500 euros actuellement, 700.000 dossiers je crois, selon le dernier bilan, ont été déposés, est-ce que vous allez l'augmenter ce montant au-delà de 1500 euros ?
GERALD DARMANIN
D'abord on en est ce matin à 800.000 dossiers, donc on voit bien que les indépendants remplissent très vite ce dossier très simple pour obtenir les 1500 euros, plus de la moitié de ces 800.000 personnes, 800.000 entreprises, ont déjà reçu l'aide, en moins de 5 jours, c'est les impôts qui remettent l'argent sur le compte des entreprises, de façon extrêmement efficace, je remercie les agents, et par ailleurs nous mettons effectivement 4 milliards d'euros, on avait prévu 750 millions il y a 15 jours, 4 milliards d'euros pour répondre à la détresse des indépendants dans cette période très particulière. Par ailleurs il y a un deuxième étage, si j'ose dire, qui est à la main des régions, dans notre région le président Xavier BERTRAND travaille main dans la main avec le gouvernement, et va instruire les dossiers du deuxième étage, qui sont cumulatifs avec le premier, c'est-à-dire qu'on pourra toucher les 1500 euros de l'Etat, et je rappelle que c'est 1500 euros par mois, et que deuxièmement on pourra toucher entre 2000 et 5000 euros, nous sommes en train d'en discuter aujourd'hui avec les régions, pour pouvoir donner aux indépendants, qui ont des charges fixes, par exemple des loyers, où le bailleur n'a pas voulu les décaler par exemple, nous avons prévu que les régions puissent instruire, elles connaissent encore mieux le tissu régional, et distribuer cet argent.
EMMA SARANGO
Donc pour l'instant, de la part de l'Etat, pas d'augmentation ? Je vous dis ça parce qu'en Allemagne par exemple, l'aide elle grimpe à 9000 euros, je crois, pour un commerçant par exemple, 1500 euros ça sera votre plafond ?
GERALD DARMANIN
Non, mais la différence avec l'Allemagne c'est que ce sont des prêts, nous faisons de l'argent que nous ne fiscalisons évidemment pas pour les indépendants et nous ne le réclamerons pas, une grande partie des aides évoquées par les Allemands sont des prêts que les indépendants devront rendre, on ne voit pas très bien comment les indépendants pourront, en France, rendre cet argent après avoir été fermés pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Ce qui est certain c'est que les indépendants ils ont la possibilité aussi d'avoir accès à toutes les autres dispositions économiques pour toutes les autres entreprises. Automatiquement, le 20 de chaque mois, ça a été le cas le 20 mars, ça sera le cas le 20 avril, ils ne payent pas leurs charges, elles sont reportées, j'ai demandé aux URSSAF de reporter l'intégralité des charges.
EMMA SARANGO
Alors justement, ces reports de charges, est-ce que c'est possible, c'est envisagé, qu'elles soient annulées ?
GERALD DARMANIN
Pour l'instant nous reportons les charges, il faut bien savoir à quoi ça sert les charges. Les cotisations versées par les entreprises, ou par les salariés, elles servent évidemment à payer les retraites, vous savez que le cotisant d'aujourd'hui paye pour la retraite d'aujourd'hui, on ne va pas reporter ou annuler les pensions de retraite des gens qui nous écoutent, évidemment. Elles servent aussi à payer l'assurance maladie, on voit bien qu'aujourd'hui on a besoin que la Sécurité sociale ait de l'argent, pour qu'elle puisse fonctionner, faire fonctionner l'hôpital public, l'achat de médicaments, bref on revient à… sanitaire, donc ces charges ce n'est pas l'Etat qui les prend pour faire autre chose avec, donc, annuler toutes les charges serait irresponsable. En revanche, dire aujourd'hui nous sommes dans la crise, nous reportons toutes les charges, toute entreprise qui n'a pas la trésorerie pour les payer, ces charges, on accepte qu'elle les reporte, donc ils ne payent pas ses charges, et on verra après la crise économique comment nous pourrons relancer l'économie, la question des annulations au cas par cas des charges se posera très certainement, j'ai vu que le président GRISET de l'U2P l'avait demandé, mais nous ne pouvons pas dire, moi je ne peux pas dire qu'on va annuler toutes les charges, ce serait irresponsable, aujourd'hui, cependant, une entreprise ne paye pas de charges ou d'impôts au Fisc, ou aux URSSAF, si elle n'a pas la trésorerie. La demande de report de charges, je le dis à toutes les entreprises qui nous écoutent, de la région, est automatique.
EMMA SARANGO
Alors, parmi ces 100 milliards d'euros, Gérald DARMANIN, une partie sera aussi consacrée au secteur médical, 7 milliards, je crois, pour l'achat de matériel, est-ce que ce n'est pas un peu tard ?
GERALD DARMANIN
Non, ce n'est pas un peu tard, par exemple parce qu'on ne sait pas combien de temps va durer la crise, et vous savez, cette polémique, je peux la comprendre de la part des Français qui sont inquiets, et chacun, y compris d'ailleurs derrière le responsable politique qui est inquiet pour sa famille, pour ses parents bien sûr, mais regardez autour de nous, regardez nos amis Belges, regardez nos amis Anglais, et nous sommes une région frontalière, les questions elles se posent de la même manière, et dans le monde entier…
EMMA SARANGO
Aucun gouvernement n'échappe à la polémique.
GERALD DARMANIN
Oui, et c'est normal d'ailleurs, les gouvernements doivent répondre aux attentes de la population, il y aura sans doute, après la crise, des commissions d'enquête parlementaires, c'est tout à fait logique, et les gouvernements y répondront, simplement il faut savoir regarder ce qui se passe autour de nous. Autour de nous, nous voyons bien que tous les pays du monde sont, soit confinés, et touchés par des polémiques d'achat de matériels, personne n'avait prévu la pandémie, même les assurances n'avaient pas prévu, puisqu'elles ne sont pas capables aujourd'hui de dire qu'elles remboursent le chiffre d'affaires perdu parce que le risque pandémique n'était même pas prévu dans les contrats d'assurance. Alors, s'il y a une faute elle a été mondiale, elle a été absolument collective, mais aujourd'hui je peux témoigner des très grands moyens que met l'Etat français à disposition, parfois des entreprises régionales ont su, soit changer la ligne de production, on les en remercie, soit continuer à produire des masques, à Tourcoing, par exemple, il y a MACOPHARMA, qui est encore une entreprise qui produit des masques, ce n'est plus le cas en Italie, il n'y a plus d'entreprise, par exemple nationale, qui produise évidemment ce genre de masques, après il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'utilisation, notamment pas le personnel médical, bien évidemment, et dans des circonstances exceptionnelles.
EMMA SARANGO
Alors, il y aura aussi des primes destinées aux soignants, ça fait partie là encore de votre plan d'urgence, est-ce que le montant est désormais fixé ?
GERALD DARMANIN
Le montant sera fixé dans les prochaines heures notamment et annoncé par le ministre de la Santé, ce qui est bien logique pour le personnel soignant, donc il y aura trois types de possibilité de prime, pour les agents publics, d'abord effectivement pour le personnel soignant, je le mets de côté, ce sera des montants importants et le ministre de la Santé les annoncera lui-même, une prime qui sera versée aussi aux agents de l'Etat, qui pendant cette période sont en contact avec le public dans des circonstances pas faciles, je pense aux douaniers, je pense aux gendarmes, les policiers, les agents des impôts, qui sont en contact avec le public, vous savez, moi j'ai 40.000 agents de mon ministère des impôts qui travaillent aujourd'hui en plan de continuité, parce qu'il faut aider les collectivités locales, il faut payer les factures, il faut payer les retraites, c'est évidemment des agents qui sont aujourd'hui en contact avec le public, qui seront concernés par cette prime, qui sera défiscalisée, qui sera désocialisée, c'est-à-dire il n'y aura pas de cotisations sociales payées. Et puis nous allons permettre aux collectivités locales, qui le souhaitent, et je sais qu'elles sont nombreuses à vouloir le faire, parce qu'il y a beaucoup d'agents municipaux, territoriaux, qui travaillent dans des conditions pas faciles, notamment dans les CCAS, eh bien de permettre de verser cette prime, et je le dis aussi aux agents, elle ne sera pas fiscalisée.
EMMA SARANGO
100 milliards d'euros, c'est une enveloppe inédite, la question évidemment que tout le monde se pose c'est celle de l'après, comment financer tout ? Est-ce qu'il va falloir augmenter les impôts ?
GERALD DARMANIN
Eh bien d'abord, je voulais vous dire que 100 milliards d'euros, c'est peut-être pas le dernier plan que l'on fera. Vous savez, en 3 semaines j'ai fait deux budgets rectificatifs, l'un de 45 milliards d'euros de plus, et l'autre effectivement de 100 milliards, donc en tout évidemment. Il y aura sans doute, peut-être, puisque le confinement risque de durer, on attend le discours du président de la République lundi, il y aura sans doute à un plan de trésorerie encore à faire, et puis il y aura sans doute un plan de relance à imaginer. Vous avez vu que cette nuit l'Europe s'est mise d'accord pour 540 milliards d'euros de prêts aux Etats et aux entreprises, c'est une très bonne nouvelle pour nous permettre de nous financer. Comment on va financer tout ça ? Eh bien d'abord il vaut mieux faire de la dette aujourd'hui, que des faillites, il vaut mieux que des gens soient au chômage partiel que soient licenciés. Donc bien sûr c'est très regrettable de continuer à creuser la dette de notre pays, puisque cette dette il faudra un jour que quelqu'un la rembourse, soit nous, soit nos enfants, et espérons que ce soit plutôt nous que nos enfants. Mais ce sera après la crise économique. Moi je suis très défavorable à l'augmentation des impôts, je le dis aux Français qui nous écoutent, la stratégie économique du président de la République elle fonctionnait avant cette crise économique, le chômage baissait, et beaucoup dans notre région, le pouvoir d'achat raugmentait et puis les impôts baissaient, c'est le cas notamment de la taxe d'habitation. Le président de la République de m'a en aucun cas demandé de revenir sur les baisses d'impôts qu'il avait décidées.
EMMA SARANGO
Et vous ne pouvez pas en prendre l'engagement aujourd'hui.
GERALD DARMANIN
En tout cas, ce que je peux vous dire, c'est le président de la République ne m'a pas demandé, pourtant je travaille à ces budgets quotidiennement, de prévoir des recettes supplémentaires en augmentant les impôts, et de toute manière je ne crois pas qu'au lendemain de cette crise, ce soit en décourageant l'esprit d'entreprise, que ce soit en décourageant les gens de travailler, qu'on arrivera à se relever. Par contre il faudra effectivement, qu'accompagnés par l'Etat, accompagnés par l'Europe, par des plans de relance, nous travaillions tous à la reconstruction de notre pays.
EMMA SARANGO
Merci beaucoup Gérald DARMANIN, ministre de l'Action et des Comptes publics, d'avoir répondu aux questions de France Bleu Nord et France Bleu Picardie. Bonne journée à vous.
GERALD DARMANIN
Merci à vous. Portez-vous bien.
EMMA SARANGO
Merci, vous de même.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 avril 2020