Texte intégral
ALBA VENTURA
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Alba VENTURA.
ALBA VENTURA
Alors depuis l'allocution du président lundi, nous avons tous en tête la date du 11 mai comme début du déconfinement, sauf que ce n'est pas bien clair, on ne voit pas bien s'il y a vraiment des pistes, s'il y a vraiment un plan de reprise d'activité ; il ne s'est pas un peu avancé sur le 11 mai, le président, Monsieur LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Non, je crois que c'était très important pour tous les Français d'avoir un point de sortie, et c'est même psychologique, on a tous besoin dans cette période de confinement de savoir quand est-ce que ça va se terminer, donc c'était très important de fixer un point de sortie, c'est le 11 mai. Ça donne aussi du temps, notamment du point de vue économique, de préparer la reprise économique pour tous les secteurs qui n'ont pas encore redémarré, et de le faire dans les meilleures conditions possibles.
ALBA VENTURA
Mais vous, vous êtes sûr du 11 mai, parce que, enfin, parce que comment redémarre l'économie tant que les parents ne remettent pas vraiment les enfants à l'école, on n'a pas bien compris ce que disait monsieur BLANQUER hier à propos de la reprise à l'école, par petits groupes, tout ça n'est pas clair encore une fois.
BRUNO LE MAIRE
Déjà, je rappelle qu'une grande partie de notre économie continue de fonctionner, et heureusement pour nous, parce que s'il n'y avait pas des agriculteurs qui travaillaient, des transporteurs pour transporter les produits agricoles, la grande distribution ouverte, les commerces de détail, eh bien, on n'aurait tout simplement pas de quoi nous alimenter, donc une grande partie de notre économie fonctionne, aujourd'hui nous sommes passés de 50% de l'industrie à près de 60% de l'industrie qui a redémarré, donc maintenant l'important, c'est que ce redémarrage économique, qui est nécessaire pour notre pays, nécessaire pour que notre pays se redresse, se fasse de manière sécurisée, et c'est tout ce sur quoi nous allons travailler avec Muriel PENICAUD, dès demain, nous allons travailler avec Muriel PENICAUD sur les étapes qui doivent nous mener jusqu'au 11 mai, et nous allons travailler main dans la main avec la ministre du Travail, je pense que c'est très important que le ministre de l'Economie et le ministre du Travail, à la demande du Premier ministre, travaillent main dans la main. Et nous allons travailler dans trois directions, d'abord, le retour d'expérience, il y a des usines qui ont été ouvertes, des entreprises qui se sont rouvertes dans des conditions satisfaisantes, il faut qu'on tire les leçons de cette expérience et qu'on regarde aussi ce qui a moins bien marché, peut-être en termes d'équipements, et qu'on corrige ces erreurs. En deuxième lieu, il faut que nous définissions un cadre national, c'est-à-dire, une espèce de check-list de toutes les procédures qui doivent être respectées, des équipements qui doivent être nécessaires pour que l'activité économique puisse redémarrer de manière sécurisée, ça correspond d'ailleurs assez bien au protocole de déconfinement que proposait Laurent BERGER de la CFDT, qui était à mes yeux une excellente idée. Et en troisième lieu, il faudra définir plus précisément, filière par filière, les besoins qui peuvent se manifester dans certains secteurs économiques particuliers.
ALBA VENTURA
Alors, vous dites, ça a commencé à reprendre en tout cas, mais vous voyez bien tous ces appels de chefs d'entreprise au redémarrage, à l'urgence, ils disent : n'ajoutons pas la mort des entreprises et des emplois à la crise du coronavirus, donc c'est pour ça, moi, je… excusez-moi d'insister, Monsieur le Ministre, mais il n'y a pas de piste claire pour l'instant…
BRUNO LE MAIRE
D'abord, vous avez raison d'insister, je suis là pour répondre le plus clairement possible, mais je pense que les choses sont extrêmement claires, la sécurité sanitaire des salariés passe avant tout, et nous ne dérogerons pas à ce principe, ensuite, le redémarrage économique, je le redis, il est nécessaire, il est indispensable pour notre pays, d'abord, parce que des millions de Français aspirent aussi à retourner au travail, mais nous devons définir, comme ça a été fait par exemple dans la filière de la grande distribution, il y a un travail formidable qui a été fait par la grande distribution, on a défini des protocoles, on a défini des équipements, le retour au travail s'est fait progressivement avec des aménagements très importants des postes de travail, ça permet le redémarrage en toute sécurité pour les salariés ; le retour au travail, je le redis, il est nécessaire pour la nation française et il est indispensable pour des millions de Français qui y aspirent, mais cela doit se faire dans des questions de sécurité totale.
ALBA VENTURA
Voilà, on a compris qu'il fallait des conditions sanitaires optimum, mais une question, par exemple, est-ce qu'à partir du 11 mai, les transports vont fonctionner, est-ce que les salariés vont pouvoir rejoindre leur travail par le bus, le métro ?
BRUNO LE MAIRE
Vous avez raison, c'est une des questions difficiles, c'est la ministre des Transports, Elisabeth BORNE, qui sera chargée de ça, mais c'est une des questions effectivement très difficiles à régler pour que la sécurité sanitaire soit garantie, et qu'en même temps, les salariés aient la possibilité de rejoindre leur lieu de travail. Comment est-ce que vous fonctionner les trains, les bus, les métros, les RER, dans quelles conditions, ça, c'est à Elisabeth BORNE de définir cela, mais c'est effectivement une des questions compliquées pour un retour à la normale de l'activité économique.
ALBA VENTURA
Alors tout à l'heure, en Conseil des ministres, vous allez présenter le nouveau budget rectificatif, jusqu'ici, il prévoyait 100 milliards d'euros d'aides, il va monter à combien précisément ?
BRUNO LE MAIRE
Précisément, on va passer de 45 milliards d'euros d'aides, c'était le premier volume du premier plan d'urgence, que j'ai proposé au président de la République, très précisément le 6 mars, à environ 110 milliards d'euros d'aides, avec notamment de l'aide pour les salariés, puisque, aujourd'hui, beaucoup de salariés sont en chômage partiel, il y a 8,4 millions de salariés qui sont aujourd'hui en chômage partiel, et des aides pour les entreprises, parce que je reviens sur le retour d'expérience, on a fait un plan d'urgence, il y a forcément des choses qui n'ont pas marché, donc nous en avons tenu compte, et dans ce deuxième projet de loi de Finances rectificative, nous apportons des mesures fortes, complémentaires pour toutes les entreprises qui n'ont pas trouvé de solution à leurs difficultés, d'abord, les très grandes entreprises qui peuvent être menacées par la situation économique actuelle, je pense aux transports aériens, je pense à AIR FRANCE, nous dégageons 20 milliards d'euros dans ce budget dans le compte d'affectation spécial de l'Etat pour venir au secours des plus grandes entreprises stratégiques dont j'ai donné la liste au président de la République et au Premier ministre…
ALBA VENTURA
Et pour AIR FRANCE, d'ailleurs, plus précisément pour AIR FRANCE, puisque vous en parlez, qu'est-ce que vous allez faire ?
BRUNO LE MAIRE
Pour AIR FRANCE, nous prendrons la décision dans les prochains jours d'un soutien à AIR FRANCE, sous une forme que nous sommes en train de déterminer avec le Premier ministre et le président de la République, mais c'est une affaire de jours, parce que nous avons parfaitement conscience qu'AIR FRANCE aujourd'hui a ses avions qui sont cloués au sol, et que les perspectives de redémarrage du trafic aérien…
ALBA VENTURA
Ils perdent 25 millions d'euros par jour…
BRUNO LE MAIRE
Ils perdent beaucoup d'argent. Le trafic aérien ne va pas redémarrer du jour au lendemain, il faudra aider AIR FRANCE, nous le ferons dans les prochains jours. Le deuxième dispositif que nous mettons en place dans ce nouveau budget, c'est un dispositif très important pour les PME, vous avez beaucoup de PME qui sont très fragiles, elles ont 40, 50 salariés, elles n'ont plus de rentrées d'argent. Et pour redémarrer, elles ont besoin d'argent, les banques ne leur prêtent pas parce qu'elles sont trop fragiles et prenez une entreprise de décolletage dans la vallée de l'Arve, elle a besoin d'acier, elle a besoin d'aluminium, elle a besoin de matières premières, il faut qu'elle puisse les payer, et elle n'a pas d'argent pour redémarrer. Nous allons mettre en place un système d'avances remboursables pour 500 millions d'euros qui vont aider ces entreprises à acheter la matière première ou les marchandises, par exemple, dans la restauration, pour redémarrer leur activité. Et puis, elles rembourseront ces avances que vont leur apporter à l'Etat et la puissance publique quand elles le pourront et quand elles commenceront à avoir du chiffre d'affaires, ça, c'est un dispositif nouveau, dans ce budget, 500 millions d'euros d'avances remboursables pour les PME qui ne trouvent pas de moyens de financement et qui ont quand même besoin de trésorerie pour redémarrer.
ALBA VENTURA
Ça, c'est une avance sur prêt pour par exemple acheter des fournitures ?
BRUNO LE MAIRE
C'est une avance, c'est-à-dire, l'Etat sera à disposition dans chaque département, ce seront les services déconcentrés du ministère de l'Economie et des finances, une PME qui n'a pas trouvé de prêt parce qu'elle est trop fragile, que les banques ne croient pas dans son avenir, et qu'elle est mal cotée à la BANQUE DE FRANCE, elle pourra demander une avance remboursable…
ALBA VENTURA
Mais ça veut dire, Bruno LE MAIRE, que l'Etat est obligé de se substituer aux banques, les banques ne font pas le travail, c'est ce que vous dites ?
BRUNO LE MAIRE
Non, les banques font bien le travail, et je tiens à le dire, elles peuvent toujours faire mieux comme nous tous, mais je considère qu'elles répondent présentes, qu'elles apportent des prêts qui sont garantis par l'Etat, que nous avons mis en place un dispositif pour que chacun trouve une solution, mais nous avons noté depuis un mois que pour des PME qui sont trop fragiles, qui sont dans une situation compliquée, il y a des situations où on n'arrive pas à trouver de solution, eh bien, là, l'Etat apportera l'argent pour que l'entreprise puisse redémarrer, et puis, l'entreprise remboursera quand elle recommencera à faire du chiffre d'affaires et que sa trésorerie se portera mieux. Enfin, le troisième point dans ce budget qui est important, c'est le renforcement du fonds de solidarité, cette fois, pour les très petites entreprises de moins de 10 salariés, donc vous voyez, ce budget, il marque notre volonté de sauver chaque entreprise, et d'apporter une solution à chaque entreprise.
ALBA VENTURA
Le président a dit : on pourra aller plus loin dans le fonds de solidarité, c'est ce qu'il a dit lundi soir.
BRUNO LE MAIRE
On va aller plus loin, puisqu'on va l'élargir, là aussi, on va mettre dans le champ du fonds de solidarité, par exemple, les entreprises qui sont aujourd'hui en situation difficile qui sont en redressement judiciaire, quand vous êtes en redressement judiciaire vous demandez de l'argent, on ne vous le donne pas, eh bien, elles auront accès au fonds de solidarité, alors qu'hier, elles ne l'avaient pas, certaines nous disent : le complément de 2.000 euros au cas par cas, ce n'est pas suffisant, nous allons monter ce complément, qui se traite cas par cas, entreprise par entreprise, jusqu'à 5.000 euros, donc on fait vraiment un effort très substantiel pour améliorer ce plan d'urgence et donner une solution à chaque entreprise qui prend cette crise de plein fouet.
ALBA VENTURA
Oui, justement, les entreprises sont très inquiètes, vous le savez, beaucoup de grands groupes étudient la possibilité de plans sociaux, alors vous avez parlé du recours au chômage partiel tout à l'heure, mais je veux savoir, est-ce que ceux qui auront eu recours au chômage partiel seront interdits de licenciement, Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Si on fait du chômage partiel, c'est pour éviter les licenciements. Et je pense que dans la situation où nous sommes aujourd'hui, nous ne sommes pas là pour fixer des interdictions, des obligations, une administration de l'économie qui serait trop autoritaire, parce que je pense que ça ne serait pas efficace, en revanche, je considère qu'à partir du moment où on bénéficie des dispositifs de l'Etat, ça doit amener à des comportements responsables, si on fait du chômage partiel, c'est précisément pour éviter les licenciements, de la même façon que lorsqu'on réclame le soutien de la trésorerie de l'Etat…
ALBA VENTURA
Mais on ne l'interdira pas…
BRUNO LE MAIRE
Pour des prêts garantis par l'Etat, eh bien, on ne demande pas de l'autre côté d'avoir la possibilité de verser des dividendes, si vous bénéficiez de la trésorerie de l'Etat, vous ne versez pas de dividendes.
ALBA VENTURA
Bruno LE MAIRE, Geoffroy ROUX DE BEZIEUX, le patron du MEDEF, a dit : il faudra se poser tôt ou tard la question du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise, autrement dit, renoncer à ses RTT ou à ses vacances, bon, c'est le chef d'entreprise qui parle, mais vous trouvez que c'est bien malin de dire ça maintenant ?
BRUNO LE MAIRE
Moi, je crois surtout que ce qu'attendent les Français aujourd'hui, des millions de Français, c'est le retour à la vie normale, c'est de reprendre leur travail, nous sommes une nation qui aime le travail et qui veut la reconnaissance du travail, donc moi, la première question que je me pose, c'est l'effort collectif que nous allons devoir faire pour que chacun puisse reprendre le travail, alors que les conditions sanitaires sont très particulières. C'est cet effort collectif qui permettra à la France de se redresser. La question que je me pose, et que je me posais dès janvier 2020, qui m'a valu pas mal de critiques à l'époque, c'est comment est-ce qu'on rémunère mieux ceux qui sont peu ou pas qualifiés, ceux qui ont fait tourner le pays, ceux qui ont été derrière les caisses pour faire passer vos produits, ceux qui ont transporté des produits agricoles, ceux qui ont mis les produits en rayon, ceux qui ont traité nos déchets…
ALBA VENTURA
Et alors, comment on les rémunère mieux, Monsieur le Ministre ?
BRUNO LE MAIRE
Tous ces salariés…
ALBA VENTURA
Vous dites aux entreprises de mettre la main à la poche ?
BRUNO LE MAIRE
Nous, nous avons fait depuis trois ans des efforts avec la prime d'activité, avec la défiscalisation des heures supplémentaires, je suis convaincu qu'une des grandes questions de l'après-crise sera la réduction des inégalités à l'intérieur de la nation française et entre les nations…
ALBA VENTURA
Donc des augmentations de salaires…
BRUNO LE MAIRE
Et donc une réflexion, ça passe par des augmentations de salaires, ça peut passer par de la défiscalisation des heures supplémentaires, ça peut passer par la prime d'activité, il faut que chacun puisse se mettre autour de la table en disant : si le pays s'en est sorti, c'est grâce à des millions de personnes peu ou pas qualifiées qui sont allées au travail quand nous, nous étions confinés, qui nous ont permis de nous alimenter, qui ont traité nos déchets, qui nous ont permis de nous transporter, qui ont été présentes. Eh bien, j'estime que ça mérite la reconnaissance de la nation française, et la conviction que j'avais en janvier qu'il fallait ouvrir des perspectives aux personnes qui sont peu ou très peu rémunérées, eh bien, cette question, elle devient une question brûlante.
ALBA VENTURA
Monsieur le Ministre, rapidement, les familles les plus modestes vont être aidées à hauteur de près d'un milliard d'euros, combien de familles ça représente, combien vont-elles toucher également rapidement ?
BRUNO LE MAIRE
Alors, ça, je ne peux pas vous le dire, c'est le Premier ministre qui apportera toutes les précisions d'ici quelques heures, sans doute après le Conseil des ministres.
ALBA VENTURA
Merci beaucoup Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Merci Alba VENTURA.
YVES CALVI
Bruno LE MAIRE qui annonce sur RTL que désormais 8,4 millions de salariés sont au chômage partiel. Il annonce par ailleurs une enveloppe de 20 milliards de soutien à nos entreprises dont AIR FRANCE, ainsi que 500 millions d'avances remboursables pour les PME, TPE
source : Service d'information du Gouvernement, le 16 avril 2020