Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, sur l'impact économique de l'épidémie de Covid-19, à Paris 18 mars 2020.

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Circonstance : Conseil des ministres exceptionnel

Texte intégral

Merci Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Ministre de l'Action et des Comptes publics,


Je me permettrais de revenir un instant sur les mesures d'urgence économique qui ont été présentées par le Premier ministre avant de vous dire un mot sur le cadre général du projet de loi de finances rectificative.

Les mesures qui figurent dans ce plan d'urgence économique sont des mesures radicales, massives et efficaces. Ce sont des mesures qui visent à soutenir à la fois les salariés et les entreprises.

S'agissant des salariés, vous savez que la mesure principale que nous avons proposée avec Muriel Pénicaud, ce sont des mesures de chômage partiel qui vont faire du dispositif français l'un des dispositifs les plus généreux en Europe et l'un des plus protecteurs des compétences et des savoir-faire de nos salariés, parce que nous estimons que ce qu'il faut protéger par-dessus tout pendant cette crise économique ce sont les compétences et les savoir-faire des salariés.

Nous avons donc décidé de déplafonner le chômage partiel pour un coût total de plus de 8 milliards d'euros sur les deux mois à venir.

Nous avons également fait en sorte que les entreprises, en particulier les plus petites d'entre elles, soient les mieux protégées dans cette crise.

Nous avons donc proposé, avec Gérald Darmanin, le report des charges sociales et le report des charges fiscales pour les impôts directs et si jamais des annulations sont nécessaires à la sortie de cette crise, nous regarderons au cas par cas si des annulations de ces charges sont possibles.

Cela représente un effort en trésorerie de 35 milliards d'euros. Nous avons mis également en place avec les Régions un fonds de solidarité pour les plus petites entreprises qui font moins d'1 million d'euros de chiffre d'affaires, que ce soit les micro-entrepreneurs, les très petites entreprises, les auto-entrepreneurs. Tous ceux qui ne pourraient pas bénéficier des autres mesures de soutien vont bénéficier de ce fonds de solidarité qui représente 1 milliard d'euros sur un mois, 2 milliards donc s'il doit se prolonger sur deux mois, avec une participation des Régions de 250 millions d'euros.

Ce fonds de solidarité aura deux étages :

- un premier qui est un étage forfaitaire et automatique avec une indemnisation de 1 500 euros pour toutes les entreprises qui rentreraient dans le champ de ce fonds de solidarité, c'est-à-dire soit les entreprises dont l'activité a été fermée — je pense aux bars, aux restaurants, à toutes ces activités qui, aujourd'hui, ne peuvent plus fonctionner parce que, pour des raisons de sécurité sanitaire, nous les avons arrêtées — soit qui auraient vu leur chiffre d'affaires réduire de 70% entre mars 2019 et mars 2020.

Je sais parfaitement qu'il y a un certain nombre de petites entreprises qui sont inquiètes sur ces modalités de calcul. Nous ferons preuve évidemment de souplesse et de compréhension sur ces modalités de calcul.

- et puis il y aura un deuxième étage qui est un traitement au cas par cas de toutes les entreprises qui seraient au bord de la faillite, toutes ces très petites entreprises avec moins d'un million d'euros de chiffre d'affaires.

S'il y a besoin d'aller plus loin que cette indemnisation forfaitaire, il y aura un examen de chacun des dossiers à la fois par l'Etat et par les régions qui sont concernées. Ce sera copiloté par l'Etat et par les régions pour voir s'il faut aller au-delà et apporter une aide de 5 000, 6 000, 7 000 euros à des entreprises qui seraient particulièrement menacées.

L'ensemble de ces mesures - reports de charges, fonds de solidarité, mesures de chômage partiel - représentent un effort de 45 milliards d'euros. C'est la somme initiale que nous avons mise pour permettre à notre économie, à nos entreprises, à nos salariés de résister à ce choc économique qui est particulièrement violent pour notre économie.

J'ajoute à cela deux mesures particulières importantes : d'une part, les factures de loyer, de gaz et d'électricité, là aussi c'est pour les petites entreprises - je le précise, ce n'est pas pour les grandes entreprises, ce n'est pas non plus pour les particuliers ou pour les ménages, c'est vraiment pour les entreprises et pour les petites entreprises - nous avons prévu le report, l'étalement de ces factures.

S'agissant du gaz et de l'électricité, nous l'avons fait en liaison avec les entreprises concernées, avec Engie, avec EDF. Et s'agissant des loyers, nous avons commencé à travailler avec les opérateurs concernés, je pense par exemple au Conseil national des centres commerciaux qui gère 38 000 commerces. Ils ont accepté, et je remercie ce Conseil national d'avoir accepté de reporter des échéances de loyers pour 38 000 commerces.

Nous allons évidemment travailler aussi avec les foncières et travailler avec les organismes de HLM, les organismes publics, qui dépendent soit d'Action logement soit de la Caisse des dépôts et consignations, pour obtenir un report de ces échéances de loyers pour les petites entreprises et les petits commerces.

Je précise bien le champ d'application de cette mesure.

Enfin, dernière mesure sur laquelle je voulais insister parce qu'elle est absolument vitale pour la trésorerie de nos entreprises, c'est la décision qui a été prise par le président de la République de débloquer une garantie d'État à hauteur de 300 milliards d'euros pour l'ensemble des nouveaux prêts - je dis bien des nouveaux prêts - qui seraient apportés par les banques et par le réseau bancaire.

Cela veut dire que n'importe quelle PME, n'importe quelle entreprise, n'importe quelle grande entreprise aussi, parce qu'on voit bien que certaines grandes entreprises pourraient avoir des difficultés de financement dans les jours et dans les semaines à venir, peuvent demander un nouveau prêt au réseau bancaire.

Ces nouveaux prêts sont garantis par l'État, donc il n'y a aucune raison que les banques refusent à partir du moment où il y a cette garantie d'Etat à hauteur de 300 milliards d'euros.

S'agissant du projet de loi de finances rectificative, Gérald Darmanin va vous présenter toutes les grandes lignes de ce projet de loi.

Je voudrais juste insister sur la difficulté qu'il y a à faire un projet de loi

Cela suppose de mesurer à sa juste valeur le choc économique auquel notre économie et les économies de la zone euro sont confrontées et ensuite de faire des choix politiques clairs.

Sur le choc, trois observations.

D'abord, c'est un choc sur l'économie réelle et c'est sans doute ce qui fait la différence par rapport à la crise de 2008. Vous avez des secteurs entiers de notre économie qui sont impactés tout de suite violemment et qui n'ont pas de possibilité de réagir puisque c'est leur chiffre d'affaires qui baisse brutalement en raison de la crise sanitaire.

Je pense évidemment au secteur du tourisme, au secteur de la restauration, des services, au secteur des transports, au secteur événementiel, aux voyagistes, à tous ces secteurs-là aujourd'hui qui n'ont tout simplement plus d'activité. Donc c'est bien un choc sur l'économie réelle et sur des dizaines de milliers d'entreprises, petites ou grandes, qui n'ont plus d'activité.

Ensuite, c'est un choc violent et vous avez aujourd'hui, au-delà des petites entreprises, des commerçants, des indépendants, vous avez aussi de très grandes entreprises dans des secteurs industriels stratégiques pour notre pays qui voient des pertes de chiffres d'affaires qui, pour les deux ou trois mois à venir, peuvent s'élever à 80 ou 90% de leurs chiffres d'affaires. Vous imaginez la différence du choc sur les grandes entreprises industrielles qui peuvent être concernées.

Enfin, c‘est un choc mondial puisque aucune économie majeure de la planète n'est épargnée. La Chine a été touchée, l'Europe est touchée aujourd'hui de plein fouet, la zone euro en particulier et les États-Unis sont en train d'être touchés à leur tour.

Donc, l'ensemble de ces éléments font un choc économique violent, massif, de niveau mondial qui nous a amenés à réviser de manière sévère la croissance française à -1% en 2020, estimation dont je redis que c'est une estimation provisoire qui dépendra très largement de deux facteurs : la durée de l'épidémie et de son impact en France et dans la zone euro et la manière dont l'épidémie va impacter un de nos partenaires économiques essentiels qui sont les États-Unis.

Enfin, face à cette réalité économique, il faut faire des choix.

Nous avons fait, avec Gérald Darmanin, le Premier ministre, le président de la République, un choix clair : toute notre énergie est mise au soutien des salariés et des entreprises et nous assumons totalement ce choix politique qui est de dire : nous allons faire bloc pour soutenir les salariés et nos entreprises parce que c'est la meilleure manière de ne pas avoir des faillites en cascade. C'est la meilleure manière de protéger nos savoir-faire, nos compétences, nos qualifications et c'est surtout la seule manière de rebondir économiquement une fois que la crise sanitaire sera derrière nous, je l'espère, le plus tôt possible.


source https://www.economie.gouv.fr, le 20 mars 2020