Texte intégral
ELISABETH MARTICHOUX
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Elizabeth MARTICHOUX.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être avec nous en direct de votre bureau du ministre de l'Economie, c'est désormais la règle, merci d'être sur LCI. Beaucoup, beaucoup, beaucoup de questions, assez concrètes, et même très concrètes, à vous poser, mais une plus générale, elle concerne tout le monde en réalité puisqu'il s'agit du confinement. Bruno LE MAIRE, Emmanuel MACRON a déclaré hier, à propos de ces mesures, "est-ce qu'il faudra les durcir ? vraisemblablement", et en entendant ça il y a beaucoup de Français qui peuvent se dire, si c'est vraisemblable, pourquoi pas maintenant ? Bruno LE MAIRE, pourquoi attendre ?
BRUNO LE MAIRE
Nous verrons, aujourd'hui nous avons un conseil de défense autour du président de la République et du Premier ministre, nous referons un point comme nous le faisons au quotidien sur la situation sanitaire, et le président de la République et le Premier ministre, sur la base de ces informations, verront quelles sont les décisions utiles, avec toujours un seul objectif, garantir la sécurité sanitaire des Français, nous protéger, je crois que c'est ça la ligne de conduite qui a été adoptée depuis le début, et on voit, en fonction de l'évolution de l'épidémie, ce qui est nécessaire. En plus je ne peux pas vous dire à l'avance quelles seront les décisions de ce Conseil de défense, elles seront prises par le président de la République et par le Premier ministre d'ici quelques heures.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est une politique d'ajustement quotidien en effet, Bruno LE MAIRE. La recherche de l'équilibre est délicate, on le voit bien, néanmoins, quand on mène une guerre, est-ce que c'est cohérent de décréter un confinement et d'autoriser à aller courir ?
BRUNO LE MAIRE
Ce qui est cohérent c'est de maintenir des activités qui sont vitales, que les personnes puissent, de manière isolée, se dégourdir les jambes tout simplement, aller faire des courses alimentaires, s'approvisionner, ce sont des nécessités absolues. c'est vrai aussi dans le domaine économique, il faut évidemment un service économique minimum, il faut que les activités de base de notre économie continuent à tourner, il faut bien que le boulanger puisse avoir de la farine pour faire du pain, que nous puissions avoir du pain, il faut bien que le producteur de lait puisse produire du lait pour que nous ayons des briques de lait et que notamment nos enfants puissent continuer à voir du lait le matin pour leur petit-déjeuner, c'est des choses qui sont aussi simples que cela. Il faut, je pense, garder beaucoup de sérénité, avoir l'obsession de la protection sanitaire des Français, mais la protection sanitaire passe aussi par une bonne alimentation, par une sécurité d'approvisionnement, par la possibilité de se dégourdir les jambes quelques instants à proximité de son domicile. Je pense qu'il faut faire attention à ne pas céder à la tentation d'une radicalisation totale, nous sommes des êtres humains, nous sommes des hommes et des femmes qui avons besoin de nous nourrir, qui avons besoin de boire, qui avons besoin de faire quelques pas, tout simplement pour vivre décemment, c'est cet équilibre-là que nous voulons trouver.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous répondez par le fait que, en réalité, c'est aussi une activité vitale. On, va y revenir parce que vous avez été le premier à sonner l'alarme sur le maintien des activités économiques. Hier Edouard PHILIPPE à l'Assemblée nationale, ou plutôt au Sénat, pardon, a décrété, ou a évoqué un coup d'arrêt puissant, brutal et massif, de l'Economie. Bruno LE MAIRE, est-ce qu'on peut amortir le choc ou est-ce qu'il faut préparer les esprits ? Il y aura forcément de la casse et même beaucoup de casse.
BRUNO LE MAIRE
D'abord, je partage chacun des mots du Premier ministre, oui c'est un choc qui est massif, c'est un choc qui est global, c'est un choc aussi qui va devenir mondial dès que les Etats-Unis vont être davantage touchés, donc les répercussions sur notre économie nationale elles sont violentes et immédiates, et elles s'inscriront aussi dans le temps long, et notre responsabilité justement c'est d'éviter de la casse économique, qui sera aussi de la casse sociale. Lorsque nous mettons en place un fonds de solidarité, qui a été adopté hier à l'unanimité, je veux saluer cette union nationale qui s'est faite hier autour du plan d'urgence économique, c'est justement pour apporter des réponses aux restaurants, aux bars, au commerces qui sont fermés, aux indépendants, aux artisans, aux microentrepreneurs, qui n'ont plus aucune activité aujourd'hui, ils sont chez eux, ils sont confinés, et ils n'ont pas 1 euro de revenu. Il faut bien comprendre la détresse de ces millions de Français qui n'ont pas 1 euro de revenu aujourd'hui. Donc nous avons mis en place ce fonds de solidarité justement pour qu'il y ait au minimum 1500 euros pour tous ceux dont le commerce a été fermé, tous ceux dont l'activité aujourd'hui a brutalement chuté, avec la possibilité de compléter, au cas par cas, pour éviter des faillites. On a fait la même chose aussi au niveau des grandes entreprises, de nos grandes entreprises industrielles. Lorsque nous décidons, avec le président de la République, 300 milliards d'euros de garantie d'Etat sur les prêts bancaires, à quoi ça sert ? eh bien ça sert à ce que l'industrie automobile, qui aujourd'hui n'a plus une seule commande, puisse se tourner vers les banques, réclamer des prêts, et que ces prêts puissent être accordés sans que la banque dise ah, attention, vous êtes dans une situation de fragilité, je ne peux pas vous prêter, si, je vous prête parce que l'Etat est derrière pour garantir le prêt et assurer qu'en tout état de cause il sera remboursé. Donc il faut éviter impérativement toute casse économique, qui ensuite entraîne de la casse sociale et de la casse politique.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, vous voyez bien, on comprend bien les amortisseurs, on y reviendra peut-être mais, il y a aussi donc tous ceux qui doivent aller travailler, comme vous l'avez dit, parce qu'il faut continuer à manger, à soigner, etc. C'est un chauffeur routier qui parle : "on ne peut pas à la fois nous dire que nous sommes indispensables à la continuité de l'économie et nous traiter comme ça", on les a entendus hier sur LCI, ils n'ont pas de restaurants, ils n'ont pas d'hôtels pour faire des pauses, ils n'ont pas de masques au moment où ils déchargent. Vous les comprenez aussi, ça aussi c'est une détresse très forte ?
BRUNO LE MAIRE
Je les comprends Elizabeth MARTICHOUX, je les comprends totalement, et nous devons faire mieux pour toutes ces personnes qui travaillent et dont nous avons impérativement besoin. Vous donnez l'exemple de ce chauffeur routier, oui, il faut que nous garantissions que le chauffeur routier va pouvoir se nourrir, s'alimenter sur sa route, alors même que les restaurants d'autoroutes sont fermés. Nous devons lui garantir qu'il pourra se loger, et sans doute utiliser des hôtels…
ELIZABETH MARTICHOUX
Comment ?
BRUNO LE MAIRE
Pourquoi pas réquisitionner des hôtels pour que les chauffeurs routiers puissent être logés décemment, il faut envisager toutes les mesures pour que ceux qui vont travailler….
ELIZABETH MARTICHOUX
Réquisitionner des hôtels ?
BRUNO LE MAIRE
Mais pourquoi pas, moi je suis ouvert à toutes les propositions qui nous permettront de garantir une continuité économique, tout simplement pour que les Français aient de quoi s'alimenter et vivre dignement. Les chauffeurs routiers, les transporteurs, les salariés de l'industrie agroalimentaire, qui aujourd'hui produisent les biens alimentaires, les salariés de la grande distribution, à tous ces salariés nous devons une protection sanitaire totale et sans doute imaginer des choses nouvelles et encore plus audacieuses que ce que nous avons fait jusqu'à présent.
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que vous avez débattu ces dernières heures, avec le président, d'une possible prime qui « récompenserait » ceux qui continuent de travailler dans cette crise, Bruno LE MAIRE, est-ce que c'est sur la table ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, bien sûr, et je rappelle… mais ce qui est déjà sur la table c'est que aujourd'hui toutes les entreprises qui ont un accord d'intéressement, et c'est le cas de quasiment toutes les grandes entreprises, par exemple de la distribution, de l'industrie agroalimentaire, elles peuvent verser une prime totalement défiscalisée, totalement désocialisée, donc qui ne coûte rien de plus à l'entrepreneur que ce qui est versé, de 1000 euros, jusqu'à 1000 euros c'est complètement défiscalisé et désocialisé, ils ont jusqu'au 30 juin pour le faire. Moi j'invite toutes les fédérations, toutes les grandes entreprises qui ont un accord d'intéressement, notamment dans les secteurs vitaux comme l'agroalimentaire ou la grande distribution, à verser cette prime de 1000 euros totalement défiscalisée à leurs salariés. Des salariés qui ont le courage de se rendre sur le lieu de travail, qui le font, je le sais, avec parfois la peur au ventre en se disant est-ce qu'on ne prend pas un risque excessif, qui sont inquiets, à qui nous devons apporter un certain nombre de réponses sur la sécurité sanitaire, il est parfaitement légitime qu'ils puissent bénéficier de cette prime de 1000 euros défiscalisée. et nous avons également prévu pour les personnels hospitaliers, ça a été voté hier, 2 milliards d'euros de crédit budgétaire supplémentaire, qui doivent permettre aussi de récompenser tous les personnels hospitaliers, à qui nous devons aujourd'hui la vie, je pense aux aides-soignantes, je pense aux infirmiers, aux urgentistes, aux personnes qui travaillent dans les salles de réanimation dans des conditions qui sont psychologiquement très dures, il est normal qu'ils bénéficient d'une gratification et de cette prime défiscalisée.
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que les agents de la fonction publique…vous avez lancé un appel hier par exemple aux postiers, c'est vrai qu'il y a des postiers qui ont mis en avant leur droit de retrait parce qu'ils craignent le contact, on le comprend, avec les usagers, avec les Français, et là vous avez lancé un appel, "il faut absolument assurer la continuité de ce service public." est-ce que les agents de la fonction publique peuvent aussi, eux, espérer une prime ?
BRUNO LE MAIRE
Ecoutez, nous nous sommes ouverts à tout ce qui permettra de faire fonctionner les secteurs essentiels de notre économie et les secteurs essentiels des services publics. LA POSTE est un très bon exemple. Aujourd'hui il y a 1800 bureaux de Poste qui restent ouverts, donc ce n'est pas tous les bureaux de Poste, mais c'est une partie des bureaux de Poste. le président de LA POSTE a décidé que demain samedi l'ensemble des bureaux de Poste seraient fermés, il l'a fait sur la base du dialogue social qui s'est noué à LA POSTE, qui est un dialogue social très constructif, justement pour que les postiers puissent prendre un peu de repos, qu'ils aient du répit, et je pense que c'est une très bonne méthode, sur la base du dialogue social, de dire « voilà, on va prendre une journée de repos », mais il est impératif que LA POSTE continue de fonctionner, pourquoi ? parce qu'il y a beaucoup services de LA POSTE, comme par exemple la livraison de plateaux-repas à des personnes qui sont isolées dans des communes reculées, souvent des personnes très âgées, qui sont indispensables, si ces services ne sont plus assurés par LA POSTE, c'est la vie de certains de nos compatriotes qui peut être demain menacée. C'est indispensable aussi parce que c'est eux qui vont verser, dans la BANQUE POSTALE, des prestations sociales début avril, il faut bien que les gens puissent toucher leurs prestations sociales. Donc vous voyez que nous avons impérativement besoin de cette continuité de l'activité économique, que ce soit sur les services publics ou sur l'économie privée, dans certains secteurs qui sont essentiels à la vie de la nation.
ELIZABETH MARTICHOUX
On pourrait vous poser la question, ou sous un autre angle aussi Bruno LE MAIRE. Si on se projette un peu. L'activité très réduite va fortement diminuer les rentrées fiscales, c'est déjà prévu, d'ailleurs vous avez une évaluation ou pas ?
BRUNO LE MAIRE
Je vous le confirme.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous avez une évaluation ?
BRUNO LE MAIRE
On n'a pas d'évaluation aujourd'hui. L'impact économique, je le redis, il sera fort et durable. on a mis comme prévision de croissance, pour 2020, -1 en 2020, au lieu des +1,3 qui étaient prévus à l'origine, donc c'est déjà un choc brutal, et j'ai averti très clairement, hier à l'Assemblée nationale, que ce chiffre était un chiffre provisoire, et que si le confinement se prolongeait, si la crise touchait brutalement les Etats-Unis, qui sont un acteur commercial majeur aujourd'hui, bien entendu ce chiffre serait révisé et révisé à la baisse.
ELIZABETH MARTICHOUX
Révisé à la baisse, en deçà donc de -1% de croissance. Diminution forte des rentrées fiscales, des dépenses colossales, est-ce que l'Etat aura suffisamment d'argent pour payer ses fonctionnaires, Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, l'Etat aura suffisamment d'argent pour payer ses fonctionnaires, il n'y a pas d'inquiétude à avoir là-dessus. la France est un Etat solide, elle a des finances publiques qui doivent être améliorées, mais elle a un ressort économique, elle a un capital, elle a une richesse économique, qui font sa force et qui font la force de l'Etat français, qu'il n'y a aucune inquiétude à avoir là-dessus pour les fonctionnaires. En revanche, notre responsabilité, avec le ministre des Comptes publics, c'est de nous assurer que toutes les dépenses supplémentaires, que nous engageons, sont vraiment des dépenses utiles. quand nous décidons de mettre plus de 8 milliards d'euros sur le chômage partiel, c'est utile, parce que ça préserve nos qualifications, nos compétences, nos salariés, et au lieu de licencier massivement, ce qui serait le cas s'il n'y avait pas un dispositif de chômage partiel très important, nous gardons les compétences dans l'entreprise, nous payons le chômage partiel, ça coûte très cher à l'Etat, mais je vais vous dire, ce n'est pas une dépense, c'est un investissement, un investissement sur les compétences et un investissement sur le rebond de l'économie française une fois que la crise sera derrière nous.
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, il y aura bien un moment où il faudra payer.
BRUNO LE MAIRE
Quand nous mettons plusieurs milliards d'euros sur ce fonds de solidarité… oui, mais il vaut mieux payer pour garder l'activité économique et soutenir les salariés, plutôt que de ne pas payer, d'avoir des faillites en cascade, des licenciements par dizaines de milliers, parce que ça, ça a un coût économique, financier, social, politique, qui serait insupportable pour la nation française. donc je crois que les décisions que nous prenons, avec le président de la République et le Premier ministre, sont des décisions sages, ce sont des investissements, ce n'est pas des dépenses de soutenir les entreprises, c'est des investissements, ce n'est pas des dépenses de payer du chômage partiel pour garder les formations, les qualifications, c'est un investissement, ce n'est pas des dépenses de mettre un filet de sécurité à 1500 euros minimum pour tous les indépendants, les artisans, les commerçants, les micro-entrepreneurs, c'est de l'investissement, c'est parce que je crois profondément dans l'avenir français et dans notre capacité à rebondir après cette crise économique, que j'estime que les dépenses que nous faisons aujourd'hui sont des investissements sur l'avenir.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais, ce sont des investissements, de toute façon, ce que vous nous expliquez, c'est que ce n'est pas une option, cela dit, forcément Bruno LE MAIRE, les Français sont capables de l'entendre, ce ne sont pas des enfants, un jour il faudra payer. Il y a une idée, c'est une idée seulement, qui émane du MEDEF, et je voudrais votre avis. Pour aider précisément l'économie à rebondir après cette crise sanitaire, les entreprises pourraient demander aux Français, restés confinés des semaines, de sacrifier une partie de leurs congés, leurs congés d'été, qu'est-ce que vous en pensez ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense qu'il est trop tôt pour regarder quelles seront les mesures qui nous permettront de relancer l'activité économique, aujourd'hui c'est les mesures d'urgence, avec un plan de 45 milliards d'euros qui a été voté hier à l'unanimité par l'Assemblée nationale, demain il faudra un plan de relance, il faudra examiner toutes les options qui pourront être sur la table, lesquelles sont les plus efficaces pour faire redémarrer très rapidement notre économie, mais ce n'est pas le temps de regarder aujourd'hui ce que peut être ce plan de relance. La deuxième remarque, c'est que les Français vivent des moments difficiles, c'est difficile de rester chez soi, c'est pénible, ça crée beaucoup de difficultés pour chacun, c'est une vraie épreuve, c'est une épreuve que nous vivons chacun d'entre nous, que nos familles vivent, que nos proches vivent, que nos amis vivent, donc nous ne rajoutons pas à l'épreuve des Français des inquiétudes sur ce qu'on pourrait leur demander à la sortie de la crise.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous pensez qu'ils ne sont pas capables d'entendre que forcément il y aura derrière encore des sacrifices, ils ne sont pas capables d'entendre ça ?
BRUNO LE MAIRE
Mais les Français ils sont capables de tout entendre, mais ce que je crois c'est que quand nous sommes en période de crise, quand il y a une telle épreuve à vivre, qui est une épreuve nationale et une épreuve personnelle pour chacun d'entre nous, parce que rester chez soi en famille, avec ses enfants, à devoir gérer des journées entières, faire travailler ses enfants le matin, ce n'est pas facile de faire travailler ses enfants, je peux vous le dire…
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est du vécu.
BRUNO LE MAIRE
Faire l'école à domicile ce n'est pas si facile que ça, je peux vous dire, pour que votre enfant reste à sa table de travail et lise sa dictée ou fasse son exercice de calculs, c'est compliqué. c'est compliqué de faire les courses, il y a aussi une angoisse, une angoisse profonde, de chacun, qui se demande s'il ne prend pas un risque excessif quand il sort, quand il va faire ses courses, donc je pense qu'il faut faire bloc dans la crise, et nous occuper aujourd'hui de régler cette crise sanitaire, c'est la priorité, et de soutenir notre économie pour que nous puissions bien rebondir à la sortie, mais c'est beaucoup trop tôt pour commencer à parler de sacrifices ou à regarder ce que pourrait être un plan de relance.
ELIZABETH MARTICHOUX
Non, il s'agit juste de dire que très vraisemblablement la relance nécessitera des efforts.
BRUNO LE MAIRE
Mais pour l'instant les Français font déjà beaucoup d'efforts, donc arrêtons de parler d'efforts à tout le monde, parlons plutôt de solidarité, aujourd'hui il y a des gestes de solidarité remarquables partout en France, c'est plutôt là-dessus qu'il faut s'appuyer.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, sur le bâtiment, on va en parler parce qu'hier Muriel PENICAUD sur LCI a poussé un coup de gueule, si vous passez l'expression, elle a notamment mis en cause une antenne locale de la CAPEB, c'est une fédération patronale d'artisans dans le bâtiment ? "Les entreprises qui se disent que l'Etat paiera et qu'elles n'ont pas à travailler ne sont pas dans une attitude de civisme", et elle était franchement en colère. Qu'est-ce qui se passe avec le bâtiment Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Les entrepreneurs du bâtiment, je les comprends, ils ont des salariés et sont responsables, comme tout entrepreneur, comme tout chef d'entreprise, de la protection de leurs salariés, ce n'est pas évident de protéger des salariés sur un chantier, donc comme ils sont inquiets, comme ils sont responsables de la protection de leurs salariés, ils disent voilà, on va arrêter les chantiers le temps qu'on définisse des règles sanitaires qui soient acceptables par nos salariés et qui soient des règles sanitaires rigoureuses, une fois encore je les comprends. Ils se disent ensuite, mais une fois qu'on a arrêté nos chantiers, est-ce qu'on va pouvoir toucher le chômage partiel ? Je leur dis oui, vous pourrez toucher le chômage partiel, vous arrêtez vos chantiers, parce que vous attendez d'avoir des règles, de savoir comment protéger vos salariés, il n'est pas question que vous n'ayez pas accès au chômage partiel. Ensuite, ce que je souhaite, et c'est ce qui a été engagé par la Fédération du bâtiment, par la ministre du Travail Muriel PENICAUD, c'est que dans le cadre de ce dialogue social nous définissions un protocole pour les salariés et les ouvriers du bâtiment et des travaux publics, à quelles conditions un chantier peut-il resté ouvert et à quelles conditions un chantier doit-il fermer, et s'il fermé, bien entendu que l'entrepreneur aura droit au chômage partiel, c'est un droit qui vaut pour tous les secteurs économiques.
ELIZABETH MARTICHOUX
Dans quel délai ?
BRUNO LE MAIRE
Moi je souhaite que le plus vite possible, je l'espère sous 24 ou sous 48 heures, nous pourrons définir ensemble, avec la Fédération du bâtiment, avec Muriel PENICAUD, des règles sanitaires strictes qui s'appliqueront à tous les chantiers et qui définiront les chantiers qui peuvent se poursuivre, parce qu'il n'y a pas de risque sanitaire, qu'il peut y avoir de la distance, qu'il y a les équipements de protection qui sont garantis pour chaque salarié qui en a besoin, et puis des autres chantiers que, malgré tout, on sera obligé de fermer parce que ils seraient trop dangereux du point de vue sanitaire, ou que nous n'aurions pas les équipements nécessaires. C'est dans ce dialogue social et avec ce dialogue social qu'on trouvera les bonnes solutions. Ce sera au cas par cas, mais sur la base sur la base d'un protocole, qui doit être défini au niveau de la Fédération du bâtiment et des travaux publics, avec les pouvoirs publics.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ce que vous nous dites c'est que vous avez donc eu des contacts avec la Fédération et que vous avez mis au point cette stratégie de protocole qui doit être défini dans les 24, 48 heures…
BRUNO LE MAIRE
Ecoutez, je suis aussi élu local, je suis aussi élu locale en Normandie, dans l'Eure, qui est un département où il y a beaucoup d'entrepreneurs du bâtiment et travaux publics, que j'ai eus au téléphone hier par dizaines, je les ai rassurés, je comprends leur décision, je comprends leur volonté de protéger leurs salariés sur leurs chantiers, c'est normal qu'ils veuillent les protéger, ils ont besoin de règles, c'est normal, donc à nous de définir ces règles, à nous de garantir qu'elles peuvent être respectées et que les équipements sont fournis aux salariés, si on peut le faire dans des bonnes conditions on laisse les chantiers ouverts, si d'autres chantiers ne sont pas possibles, parce qu'on voit bien qu'il y a des problèmes de sécurité sanitaire, on les ferme, et les entrepreneurs, je veux le dire avec beaucoup de force, ont droit au chômage partiel.
ELIZABETH MARTICHOUX
Les entrepreneurs ont droit au chômage partiel, c'est dit. Encore quelques questions, des réponses brèves si c'est possible Monsieur le ministre. Prêts immobiliers, faut-il, comme en Italie, déclarer un moratoire sur les remboursements, des particuliers ? BRUNO LE MAIRE Je ne crois pas que ce soit le sujet aujourd'hui. aujourd'hui ceux qui sont menacés c'est les entrepreneurs, les micro-entrepreneurs, les indépendants, les professions libérales aussi, qui sont parfois très inquiètes, et que j'ai mis dans le champ du fonds de solidarité, parce que vous avez beaucoup de kinésithérapeutes, de professions libérales indépendantes, qui sont inquiètes, mais c'est plus ce volet économique-là qui doit être protégé, que les particuliers, donc je crois qu'il faut aussi savoir mettre nos moyens financiers sur ceux qui sont aujourd'hui les plus menacés.
ELIZABETH MARTICHOUX
La question des marchés, il y en a beaucoup, il y en plusieurs par villes, on a posé la question Olivier VERAN sur LCI mercredi matin, il a dit que, en réalité, ce sont les préfets qui doivent juger au cas par cas, en fonction des regroupements qu'il observe ou pas sur les marchés, de les fermer ou pas. Est-ce que cette doctrine du cas par cas elle est encore tenable compte tenu de l'urgence sanitaire ?
BRUNO LE MAIRE
Moi je souhaite qu'on puisse laisser les marchés ouverts, mais ça va dépendre de notre comportement chacun. D'abord pourquoi est-ce que je souhaite qu'ils soient ouverts ? C'est que sa garantie des produits frais aux Français, et que je pense, dans cette période de confinement, qui est difficile à vivre pour tout le monde, pouvoir acheter des produits frais sur son marché c'est quelque chose qui est bon et qui est sain. Ensuite ça suppose que des règles très strictes soient respectées par chacun, qu'on espace les étals, qu'il n'y ait pas de queue où les gens s'agglutinent, qu'on ait la distance suffisante entre les uns et les autres, et les préfets jugeront effectivement au cas par cas. S'il y a des marchés où ce n'est pas respecté, et où les gens s'agglutinent autour d'un même étal, eh bien on sera obligé de fermer le marché. l'autre raison, qui est importante, c'est que plus vous multipliez les points de vente en France, plus vous évitez justement l'accumulation de personnes autour d'un même endroit, donc nous avons tous intérêt à ce que le maximum de commerces alimentaires, que ce soit la grande distribution, les marchés, le commerce de détail, restent ouverts, pour permettre d'avoir la meilleure répartition possible sur le territoire de ce commerce alimentaire, mais j'appelle vraiment chacun à respecter des règles de prudence sanitaire, c'est ce qui nous permettra de garder les marchés ouverts.
ELIZABETH MARTICHOUX
Bruno LE MAIRE, hier à l'Assemblée nationale vous avez posé la question de l'avenir économique de l'Europe, mais pas seulement de l'avenir économique, de l'avenir politique, qu'est-ce que vous vouliez dire, est-ce que le modèle est en danger, qu'est-ce que ça voulait dire cette phrase ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, le modèle est en danger, parce qu'on voit bien que… nous voyons bien que nous avons réagi, nous Européens, au moins dans un premier temps, en ordre dispersé, et que face à une crise de cette ampleur, soit nous sommes unis et nous montrerons que l'Europe est un continent politique qui est puissant, qui est capable de définir des règles communes, c'est ce que le président de la République n'a cessé de défendre depuis le début, et dans ce cas-là nous sortirons plus forts de la crise. Mais si c'est le chacun pour soi, si on laisse tomber certains Etats, si on dit à l'Italie, par exemple, débrouillez-vous tout seul, l'Europe ne s'en relèvera pas, l'Europe politique ne s'en relèvera pas, parce que les citoyens diront mais écoutez si l'Europe ne nous protège, ne nous aide pas quand nous sommes en difficulté, ne nous apporte pas des protections et des garanties, à quoi sert-elle ? De ce point de vue-là moi je veux saluer une nouvelle fois la décision qui a été prise par la Banque centrale européenne hier, qui montre que, voilà, la Banque centrale européenne a été capable de réagir fort.
ELIZABETH MARTICHOUX
Enfin, il était temps Bruno LE MAIRE !
BRUNO LE MAIRE
Enfin, mais si nous ne sommes pas capables de nous rassembler, c'est le projet politique européen qui sera emporté par cette crise, et comme avec le président de la République nous y sommes viscéralement attachés et que nous pensons que c'est la seule manière de peser entre la Chine et les Etats-Unis, il est temps de nous ressaisir, c'est-ce que la Banque centrale européenne a fait hier, c'est ce que nous avons fait en fermant les frontières de Schengen, il faut continuer dans cette voie.
ELIZABETH MARTICHOUX
L'avenir de l'Europe est en jeu, très clairement, au sortir de cette crise ?
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, mais vous savez, il y a une chose qui est très simple, c'est que derrière toute crise économique il y a toujours le risque d'une crise politique, il faut, c'est le sens de la responsabilité politique, anticiper ce risque de crise politique en apportant des réponses qui soient suffisamment puissantes et coordonnées au niveau européen pour que nos compatriotes se disent tiens, eh bien dans le fond, l'Europe elle nous protège, elle est utile, donc on continue cette aventure européenne.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes, comme on dit, raisonnablement optimiste sur la capacité des Européens à mettre la coopération en première… ?
BRUNO LE MAIRE
Moi je suis surtout très volontariste et très déterminé parce qu'il faut secouer beaucoup de choses… non, non, je vais être très clair avec vous Elisabeth MARTICHOUX, il faut surtout secouer le cocotier très souvent, pousser parfois des coups de gueule, taper du poing sur la table, pour que les choses avancent, mais s'il faut le faire, nous sommes décidés à le faire, parce que c'est effectivement l'avenir de notre continent qui est en jeu, et quand par moment on voit certains blocages, certaines lenteurs, certaines divisions, eh bien il faut être capable de taper du poing sur la table et de dire on se rassemble, on avance, on décide, et on protège nos compatriotes.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous attendez quelque chose de Madame MERKEL en particulier ?
BRUNO LE MAIRE
Mais nous attendons quelque chose de tous les pays européens, pas Madame MERKEL en particulier. Nous attendions quelque chose de la Banque centrale européenne, Christine LAGARDE a su réagir avec force, les 750 milliards d'euros qui ont été annoncés hier, eh bien tout d'un coup qu'est-ce qu'on voit ? On voit que la solidarité de la zone euro se reconstitue, que les écarts de taux d'intérêt se réduisent entre les Etats européens, donc nous sommes dans la bonne voie, mais il faut continuer, et continuer dans la durée à manifester cette solidarité européenne, pour que le continent européen puisse sortir plus fort de cette crise.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup Bruno LE MAIRE. Vous avez évoqué tout à l'heure la difficulté parfois à faire des devoirs à des enfants, on sent bien que c'est du vécu, dans votre cabinet aussi vous avez fortement réduit les effectifs, vous avez gardé quoi, une poignée de collaborateurs et sinon tout le monde travaille chez soi ?
BRUNO LE MAIRE
De plus de moitié, je travaille avec 3 ou 4 collaborateurs maximum, et les couloirs de mon étage sont totalement vides, on travaille par télétravail, mais je veux remercier tous mes collaborateurs qui travaillent par télétravail, c'est très difficile le télétravail, c'est psychologiquement difficile, on est tout seul, on a sa tablette, son ordinateur et son téléphone portable, et je peux vous dire que je vous rendre un hommage non seulement à mes collaborateurs de cabinet, mais surtout aux milliers de fonctionnaires du ministère de l'Economie et des Finances qui dans un temps record, chez eux, par télétravail, ont mis en place cette prime de solidarité, ont mis en place ce fonds de solidarité, ont mis en place la garantie d'Etat de 300 milliards d'euros, ont mis en place toutes les mesures de report de charges fiscales et sociales, je veux leur rendre un hommage appuyé, c'est la preuve que les fonctionnaires français sont des personnes qui ont le sens de l'intérêt général.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup Bruno LE MAIRE d'avoir été en direct sur LCI, bonne journée à vous.
BRUNO LE MAIRE
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 mars 2020