Texte intégral
CAROLINE ROUX
Bonjour Gabriel ATTAL.
GABRIEL ATTAL
Bonjour.
CAROLINE ROUX
Le ministre de l'Intérieur a annoncé hier plusieurs mesures pour combattre le racisme dans la police, il assure qu'on est passé à la tolérance 0, et on découvre qu'avant il y avait une forme de tolérance ?
GABRIEL ATTAL
Non, mais c'était important de prendre des mesures face à un malaise qui s'exprime, qui s'est exprimé, et qui sans doute va s'exprimer dans les jours qui viennent. Moi je veux être très clair là-dessus. Vous parliez à l'instant des jeunes qui manifestent dans la rue, les jeunes ils aiment leur police, et moi je suis jeune, j'aime la police, mais il y a un malaise…
CAROLINE ROUX
Qu'est-ce qui vous permet de dire ça ?
GABRIEL ATTAL
Il y a un malaise avec une partie de la jeunesse, on ne va pas le nier, il y a un sentiment, chez certains jeunes, quand on échange avec eux, qu'il y a une forme de deux poids deux mesures, et qu'il y a une forme d'impunité face à des actes qu'ils considèrent… qui sont inacceptables, et donc c'était important que Christophe CASTANER dise très clairement les choses. Oui, il y a une tolérance 0, ce qui ne veut pas dire qu'il y avait une tolérance auparavant, et oui il y a des mesures qui sont prises pour lutter contre ces faits qui, évidemment, ne résument pas la police, qui sont les faits de quelques-uns, mais qui doivent être sanctionnés, qui doivent être condamnés, si on ne veut pas que l'opprobre soit jeté sur l'ensemble de l'institution policière, c'est ça qui a été dit hier. Maintenant, évidemment, c'est une action au long cours, c'est une action qu'on va poursuivre sur la question de la lutte contre les discriminations, la lutte contre le racisme.
CAROLINE ROUX
Qu'est-ce que vous pouvez proposer, vous ?
GABRIEL ATTAL
Moi je veux rappeler d'abord que cette question elle est au coeur de l'engagement d'Emmanuel MACRON, on est là sur la question des discriminations, de la lutte contre le racisme, au coeur de ce qui a fait son engagement, et au coeur de notre action depuis 2017. On est le premier gouvernement à avoir commandé, à avoir organisé, une opération massive de testing auprès de 40 grandes entreprises, qui ont été tirées au sort, pour observer leurs processus de recrutement et regarder dans quelle mesure il y avait des discriminations à l'embauche, et à mettre leur nom en ligne, et à mettre leurs noms publiquement.
CAROLINE ROUX
Ça a changé quoi ?
GABRIEL ATTAL
Sans doute que les entreprises, en tout cas vu la réaction qu'a été la leur, ont repensé leur manière de recruter, d'ailleurs on a lancé une deuxième vague de testing. C'est un exemple qui montre que c'est un sujet qu'on a pris à bras-le-corps, avec des solutions inédites, mais sans doute qu'il faut aller plus loin, c'est ce qui va être travaillé. Moi je pense qu'il faut travailler avec les jeunes sur ces sujets-là.
CAROLINE ROUX
Sur quoi, comment est-ce que vous pouvez le faire dans les mois qui viennent ?
GABRIEL ATTAL
Je pense qu'il y a la question de la formation qui est absolument essentielle, Christophe CASTANER a commencé à en parler hier…
CAROLINE ROUX
La formation des policiers.
GABRIEL ATTAL
Sur la formation des policiers, mais globalement dans les services publics, et puis tout ce qu'on peut faire aussi via l'école, je crois profondément au rôle de l'école en la matière.
CAROLINE ROUX
Est-ce que vous aussi vous rejetez le terme de violences policières ?
GABRIEL ATTAL
Moi j'ai toujours… alors, les débats sémantiques, je vous avoue que je ne suis pas fan, mais j'ai toujours dit que derrière le terme de violences policières il y a souvent l'idée que la police serait, par principe, violente, et que l'institution policière donnerait lieu par principe à des violences gratuites, et ça, moi je ne suis pas d'accord avec ça. Encore une fois, moi j'aime la police, je considère que la police elle est là pour nous protéger, il peut y avoir des policiers violents gratuitement, et c'est ça qu'il faut condamner, c'est ça qu'il faut identifier, et c'est ce qu'a dit à nouveau Christophe CASTANER hier.
CAROLINE ROUX
Donc les violences policières ça n'existe pas ?
GABRIEL ATTAL
Non, je n'ai pas dit ça, j'ai dit qu'il peut y avoir des policiers violents, il peut y avoir des policiers qui donnent lieu à des violences, mais ce que je dis c'est quand on parle des violences policières, on donne le sentiment que parce que, un homme ou une femme, met un uniforme de policier, il serait par principe violent avec les autres.
CAROLINE ROUX
Qu'est-ce qu'il faut comprendre quand dans une République, où les pouvoirs exécutifs, a priori, et judiciaire, sont séparés, le président demande à la garde des Sceaux de « se pencher », ce sont les mots qui ont été rapportés, sur le cas Adama TRAORE, qu'est-ce que ça veut dire « se pencher » sur une affaire judiciaire en cours ?
GABRIEL ATTAL
Ça veut dire que, je crois que c'est une affaire qui est médiatisée, qui suscite de l'émotion depuis plusieurs années dans le pays, on voit que cette affaire a été beaucoup discutée, et que, il semble légitime que la garde des Sceaux puisse recevoir la famille, si elle le souhaite, pour échanger avec elle, on sait qu'il y a beaucoup de questions que se pose la famille, sur la manière dont est organisée la justice, sur les délais dans le cadre de cette affaire, ce n'est évidemment pas pour intervenir dans la procédure judiciaire, mais en tout cas pour répondre aux questions qui sont posées sur le fonctionnement de la justice.
CAROLINE ROUX
Angela MERKEL a dénoncé le meurtre de George FLOYD et déploré le racisme de la société américaine, Boris JOHNSON s'est exprimé, Justin TRUDEAU s'est exprimé, pourquoi Emmanuel MACRON ne s'exprime pas sur ce sujet-là ?
GABRIEL ATTAL
Je disais à l'instant que cette question elle est au coeur de l'engagement d'Emmanuel MACRON, elle est dans son ADN, la question de la lutte contre les discriminations et de la lutte contre le racisme…
CAROLINE ROUX
C'est le moment de le dire alors !
GABRIEL ATTAL
Je pense qu'il aura l'occasion de le dire très rapidement.
CAROLINE ROUX
Dans les prochains jours ?
GABRIEL ATTAL
Très rapidement.
CAROLINE ROUX
Est-ce que vous craignez une contagion ? On l'a beaucoup entendu ces derniers jours, à votre place hier il y avait Ségolène ROYAL qui nous expliquait qu'elle craignait une contagion entre deux colères, celle des Gilets jaunes et celle de ce mouvement de contestation qui se répand partout en Europe.
GABRIEL ATTAL
Moi, vous savez, je fais la part des choses, et surtout je pense que résumer des mobilisations en expliquant que c'est simplement une espèce de colère aveugle et sourde, je pense que ce n'est pas servir ces mobilisations. Les jeunes qui vont dans la rue, ils ne descendent pas dans la rue en disant « on est en colère » tout simplement, ils descendent dans la rue en vous disant des choses très concrètes. Alors, il y a des mots d'ordre différents, il y a des jeunes qui descendent pour la question des discriminations, d'autres pour la question de la police, mais ils demandent qu'on agisse sur ces enjeux-là, et c'est ce qu'on est en train de faire.
CAROLINE ROUX
Vous travaillez sur un plan de soutien à la jeunesse, qui devrait être présenté fin juin. Combien de jeunes, selon vous, peuvent se retrouver dans une situation de grande détresse à la rentrée ? Puisqu'on se projette tous, les uns, les autres, sur une rentrée sociale extrêmement difficile, et on a une génération qui va sortir de ses études et qui n'aura… en tout cas qui aura du mal à trouver un emploi.
GABRIEL ATTAL
Il y a une génération qui a peur d'être sacrifiée, et derrière il y a des parents, des grands-parents, qui ont peur que la génération de leurs enfants, de leurs petits-enfants, soit sacrifiée, et moi le message que je veux faire passer, c'est qu'il n'y aura pas de génération sacrifiée, et toutes les mesures qu'on en train de prendre, et de préparer, visent à faire en sorte que tous les jeunes trouvent un moyen de… on trouve à tous les jeunes un moyen de s'insérer dans la formation et dans l'emploi. Vous demandez combien de jeunes ? un exemple, il y a 700.000 jeunes qui doivent rentrer sur le marché du travail cette année, on sait que, en temps normal, ça prend déjà un moment pour les jeunes de trouver leur premier emploi, en moyenne je crois que c'est entre 5 et 8 mois, là ça sera sans doute un peu plus difficile. Et donc, toute la question c'est, qu'est-ce que nous proposons à ces jeunes comme temps utile et formateur dans l'attente de trouver un emploi ? Et c'est ce sur quoi je travaille avec Muriel PENICAUD et Bruno LE MAIRE.
CAROLINE ROUX
Justement, dans de telles circonstances, est-ce que vous pensez sincèrement que l'on peut, dans un tel contexte, durcir les règles d'indemnisation, plusieurs syndicats réclament l'annulation de la réforme de l'assurance chômage dont le deuxième volet a été reporté au 1er septembre, sincèrement Gabriel ATTAL ?
GABRIEL ATTAL
Moi je pense qu'elle peut être adaptée. Je sais qu'il y a des inquiétudes très fortes, notamment pour les jeunes, et pour les jeunes saisonniers par exemple, et je pense que c'est une réforme, moi que je soutiens dans ses principes, qui a été prise à un moment où, on voit, l'économie repartait très fort, regardez les chiffres du chômage juste avant ce confinement…
CAROLINE ROUX
Oui, c'est bien le sujet.
GABRIEL ATTAL
C'est une réforme qui vise à inciter au retour à l'emploi. On voit, là, qu'on est dans un moment de crise économique et sociale, et sans doute il faudra l'adapter dans ces règles pour faire en sorte qu'elle ne pénalise personne injustement.
CAROLINE ROUX
Alors, il y aura une réunion sans doute un peu houleuse aujourd'hui à 10h30, réunion de groupe la République en marche, on va parler d'une note du président du groupe LAREM qui s'appelle Gilles LEGENDRE, à l'Assemblée, dans laquelle il fait son remaniement. Alors, il vire Edouard PHILIPPE, il considère qu'aucun député au sein du groupe n'est crédible pour entrer au gouvernement. Evidemment cette note ne passe pas, est-ce que vous pensez que Gilles LEGENDRE peut rester le chef de la majorité à l'Assemblée, et est-ce que vous reconnaissez au moins que cette note est assez maladroite ?
GABRIEL ATTAL
Deux choses, d'abord que le président du groupe majoritaire à l'Assemblée nationale qui est un des piliers de la majorité écrive des notes, des messages au président de la République, ça ne me choque pas, ce qui est un peu choquant c'est que quand il lui écrit un message, celui-ci se retrouve je ne sais pas comment dans la presse et moi je trouve ces méthodes tellement inacceptables que je n'ai pas envie de commenter ce qu'annonce cette note.
CAROLINE ROUX
Même quand il sacrifie le chef de la majorité ?
GABRIEL ATTAL
Mais je considère que quelque chose qui est du ressort privé et qui est de la correspondance privée, qui se retrouve sur la place publique par principe ne doit pas être commentée.
CAROLINE ROUX
Quelle leçon faut-il en tirer quand même ?
GABRIEL ATTAL
La leçon qu'il faut en tirer, c'est que Gilles LEGENDRE est président de groupe, que moi je ne suis pas député, vous me demandez s'il peut rester président de groupe, moi je ne suis pas député, il va avoir cette réunion avec les parlementaires de la majorité et c'est ensemble qu'ils vont échanger.
CAROLINE ROUX
Trois groupes créés à l'Assemblée nationale, La République En Marche a perdu sa majorité absolue, 314 députés, c'est ce qu'il y avait, aujourd'hui il y en a 281, pourquoi la majorité se retrouve aujourd'hui dans une… voilà dans une telle situation, un émiettement, vous dites je ne suis pas député, vous l'avez été, vous connaissez très bien cette majorité, vous êtes issu de la génération Macron, quand vous voyez ça, vous dites quoi ?
GABRIEL ATTAL
Je ne vais pas vous faire de la langue de bois, Gabriel ATTAL, la majorité, elle a connu des jours meilleurs et elle en connaîtra d'autres sans doute. On voit bien qu'on est dans un moment charnière, il y a des élections municipales qui sont difficiles pour la majorité, mais on le savait puisque par définition c'est la première fois qu'En Marche se frotte à cette élection. Et puis il y a un moment de crise dans le pays, une crise sanitaire, une crise économique, inédit aussi et forcément ça pousse chacun d'entre nous à vouloir se réinventer, poser des questions, faire des propositions, certains ont choisi de le faire en créant leur groupe. Je vais vous dire moi ce qui m'importe et je pense qu'il importe aux Français, c'est est-ce que le président de la République peut agir ? Est-ce qu'il a une majorité qui lui permet d'agir quand il prend une décision, quand il fait une proposition ? Est-ce qu'il a une majorité solide qui permet que l'Assemblée nationale adopte ces propositions ? Et la réponse est oui et elle se continuera à être oui parce que moi ce que je ressens à l'Assemblée y compris chez les députés qui ont quitté le groupe La République En Marche, c'est en substance sans faille au président de la République et c'est ça qui est important.
CAROLINE ROUX
Ce n'était pas la langue de bois, ça ?
GABRIEL ATTAL
Non puisque je vous ai dit qu'on pouvait avoir quelques turbulences et qu'on allait en sortir.
CAROLINE ROUX
Je vous taquine Gabriel ATTAL.
GABRIEL ATTAL
Je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas de problème.
CAROLINE ROUX
Merci à vous d'avoir été notre invité ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 juin 2020