Interview de M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à Radio Classique le 28 avril 2020, sur le plan de déconfinement.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

GUILLAUME DURAND
Didier GUILLAUME, bonjour, bienvenue sur l'antenne de Radio Classique. Vous savez que la situation est paradoxale car, à l'évidence, ce plan va être voté massivement par la majorité, c'est-à-dire par La République en marche, qui est archi majoritaire évidemment à l'Assemblée nationale, et pourtant on apprend que la colère gronde, à savoir qu'une grande partie des Français, il y a simplement 30 % des Français qui sont satisfaits de la politique gouvernementale, l'opposition ne décolère pas, il est question d'enquête parlementaire, il est question d'abstention pour les Républicains, Marine LE PEN a dit qu'elle n'enverrait jamais ses enfants à l'école s'ils étaient en âge d'aller à l'école, idem pour Jean-Luc MELENCHON, donc le moins qu'on puisse dire c'est que la situation, Didier GUILLAUME, bonjour, est quand même complexe.

DIDIER GUILLAUME
Bonjour Guillaume DURAND, mais quel tableau noir vous nous faites ce matin ! non, mais la situation est complexe, bien sûr qu'elle est complexe, elle est complexe depuis le premier jour, elle est complexe depuis que ce virus est apparu, elle est complexe parce que, vous vous rendez compte la crise que traverse le monde, la moitié de l'Humanité est confinée, dans notre pays il y a des milliers de morts, il y a des gens qui sont à l'hôpital, il y a des soignants qui travaillent jour et nuit, il faut toujours penser à eux, donc il est sûr que cette situation est complexe. Après, ce qui s'est passé, c'est que les choix qui ont été faits par le chef de l'Etat de mettre en place ce confinement, comme beaucoup de pays européens d'ailleurs, en ce sens l'Europe a fait un parallèle, beaucoup des pays ont avancé en parallèle, eh bien ce plan de confinement il a porté ses fruits apparemment, pour l'instant, peut-être y aura-t-il d'autres redémarrages, mais pour l'instant les choses vont beaucoup mieux, et il y a un peu moins d'entrées dans les… bref ! Donc ça c'est important, mais on n'allait pas rester dans cette situation. Le point essentiel, qui a été rappelé par le gouvernement, et par le chef de l'Etat, et par le Premier ministre, c'est, restez chez vous, le confinement est essentiel, et en même temps, il faut que l'économie fonctionne. Moi, dans mon secteur d'activité, je suis en charge de nourrir les Français, je suis en charge de maintenir la chaîne alimentaire, évidemment parfois les Français ont pu entendre des choses qu'ils ne comprenaient pas, "restez chez vous, mais allez travailler dans les champs, allez travailler dans les entreprises, allez travailler dans les grandes surfaces, parce qu'il faut que les Français puissent se nourrir, puissent s'alimenter, puissent acheter des provisions", eh bien c'est tout à fait ça, et aujourd'hui, petit à petit, je ne sais pas ce que dira le Premier ministre, il ne m'appartient pas de faire quelque annonce que ce soit, d'abord je n'ai pas d'informations, mais il va présenter un plan de déconfinement, qui, n'en doutons pas, ne sera pas un plan du jour au lendemain, on ne va pas passer du noir au blanc.

GUILLAUME DURAND
Mais, Didier GUILLAUME, vous savez très bien que, un, le Conseil scientifique n'était pas favorable à la rentrée scolaire car il disait, ce Conseil, nous ne sommes pas vraiment prêts pour garantir la sécurité absolue, notamment la distanciation sociale du côté des enfants, deuxièmement les transports, les syndicats vont attendre de savoir ce que va dire le Premier ministre, pour dire si oui ou non leurs adhérents vont aller faire fonctionner les transports en France. Donc, si vous voulez, ça fait quand même beaucoup d'interrogations, cet après-midi à partir de 15h00, quand on sait en plus que les Français sont, sur ces affaires de masques et de tests, d'une grande défiance à l'égard de ce qui a été fait par le gouvernement, vous disiez on a réussi le confinement, certainement, mais les masques et les tests c'est quand même une certaine forme d'échec.

DIDIER GUILLAUME
Non, mais vous savez, les masques et les tests, le ministre de la Santé s'est déjà exprimé sur le sujet, les masques arrivent par milliers, les régions, il faut d'ailleurs les remercier, les encourager, les féliciter, les présidents de région sont beaucoup investis également, ont commandé des masques, en ont acheté par le réseau, bref ! bien sûr qu'on va toujours trouver des gens qui ne sont pas d'accord, le rôle du gouvernement, et du chef de l'Etat, c'est de prendre des décisions politiques, c'est d'écouter de Conseil scientifique, il a dit "toute la science, je m'appuie sur la science", mais en même temps, après, ce qui va être très important, c'est que, à partir d'une politique nationale, localement le maire, et le préfet, va faire du cousu main…

GUILLAUME DURAND
Oui, mais s'il n'y a pas de masques pour tout le monde le 11 mai, normalement, je regarde les déclarations de celle qui est chargée de ça, qui est secrétaire d'Etat, qui est Agnès PANNIER-RUNACHER, normalement ils avaient évalué les besoins en masques à 376 millions d'usagers hebdomadaires pour les secteurs à déconfiner en priorité et 600 millions pour une évolution plus globale, et puis finalement maintenant elle se rend compte, et c'est le gouvernement d'ailleurs qui s'en rend compte, que ces 600 millions on n'y arrivera pas, donc il va falloir continuer le télétravail, donc on peut avoir le sentiment d'une impréparation.

DIDIER GUILLAUME
Mais, vous me dites 600 millions, mais qu'est-ce que ça veut dire 600 millions ?

GUILLAUME DURAND
Mais ce n'est pas moi qui les avait ces chiffres !

DIDIER GUILLAUME
On ne va pas avoir besoin de 600 millions de masques en 24 heures ou en 48 heures, ce n'est pas de mon secteur d'activité, je ne peux pas vous le dire, mais aujourd'hui ce qui compte, c'est que quand les écoles vont reprendre, parce qu'il y a des vraies inégalités sociales, vous savez, si on est dans une grande maison, avec des parents intellectuels, avec une bibliothèque très pleine, un piano et l'ordinateur, on peut rester confiné plus longtemps à la maison, si on est dans un immeuble HLM, avec 2 frères et soeurs, c'est plus compliqué, surtout si les parents n'ont pas forcément la capacité d'apprendre, je ne veux pas faire trop de caricature, donc il faut aussi reprendre l'école pour cela, mais ça se fera en toute sécurité. La priorité numéro un de ce gouvernement, la priorité numéro un c'est la protection des Français, c'est la santé des Français, aucun risque ne sera pris. Si les écoles peuvent rouvrir elles rouvriront là où la distanciation sociale, là où les mesures seront prises, là où l'intelligence locale sera prise entre le maire, le préfet, les élus, les parents d'élèves, la communauté enseignante, s'il y a des endroits où ce n'est pas possible, parce qu'on ne peut pas faire manger les enfants en toute sécurité, eh bien peut-être faudra-t-il reporter, mais ça, le Premier ministre annoncera les choses.

GUILLAUME DURAND
Pardonnez-moi Didier GUILLAUME, vous nous dites bien ce matin, qu'il y aura, en fonction des situations, disons des discriminants qui sont en fonction des régions, des préfectures et des mairies ?

DIDIER GUILLAUME
Non, il n'y aura pas de discriminants en fonction des régions, ce qui a été dit, depuis le début, c'est que l'idée générale c'est que les enfants aillent à l'école et puis nous verrons bien ce qui se passera localement en fonction des possibilités, mais je ne peux pas vous le dire maintenant puisque le plan n'est pas présenté, je ne sais pas ce qui va être annoncé cet après-midi, et donc on va voir comment on réagit. Le Premier ministre va concerter avec les élus locaux et puis les préfets feront la coordination, les chefs d'orchestre de la mise en musique. Donc je crois que, dans une affaire comme celle-là, il faut essayer de garder le calme des vieilles troupes, il faut essayer de garder la sérénité, ce n'est pas simple. Moi je pense aux familles de Français qui ont subi la maladie, voire des décès, c'est terrible de voir cela, je pense à ceux de nos concitoyens qui souffrent encore, moi je pense à toutes celles de tous ceux qui s'interrogent, qui peuvent avoir peur, qui peuvent avoir des craintes, et je les comprends, eh bien il faut petit à petit répondre à l'ensemble de ces craintes, c'est ce qu'a voulu faire le chef de l'Etat, et a voulu faire le Premier ministre, en apportant dès aujourd'hui… enfin, je veux dire, à partir de l'article 50-1 de la Constitution, cet après-midi il va y avoir un débat à l'Assemblée nationale, qui sera suivi d'un vote, ce n'est absolument pas obligatoire dans la Constitution, tout à l'heure j'entendais Guillaume TABARD dans son excellent éditorial, comme d'habitude, mais ce n'est pas une faveur fait au Parlement, c'est le respect du Parlement, le Premier ministre aurait pu le présenter à la télé ou ailleurs, il l'a très bien dit Guillaume TABARD tout à l'heure.

GUILLAUME DURAND
Oui, d'accord, mais c'était une demande des oppositions, de pouvoir avoir un temps de décalage pour pouvoir réfléchir au plan et pour pouvoir prendre des décisions de vote qui soient…

DIDIER GUILLAUME
Oui, mais, là c'est pareil, enfin c'est plus de la posture qu'autre chose. Je pense que l'heure il est à l'unité nationale, il n'est pas à gommer les différences, il n'est pas à dire il n'y a plus la droite, il n'y a plus la gauche, tout le monde se range derrière le panache blanc du président de la République, ce n'est pas ça l'unité nationale, l'unité nationale c'est de se dire on a un président de la République qui est solide, qui est aux commandes, qui tient ce pays, ça tangue, parfois c'est très difficile, et parfois il est combattu, il est critiqué, il est attaqué, il y a de la haine sur les réseaux sociaux et ailleurs vis-à-vis de lui, mais il tient, notre pays, notre pacte républicain est là, la République est solide. Et en même temps il faut prendre des décisions et, forcément, ces décisions elles sont toujours, sans cesse, critiquées. Mais moi ce que je veux dire aux oppositions, ce que je veux dire aux responsables politiques, le temps viendra des débats politiques, il y aura encore des élections, il y aura l'élection présidentielle, l'élection suprême en 2022, mais là, de quoi s'agit-il ? Est-ce que nous pouvons faire la démonstration à nos concitoyens…

GUILLAUME DURAND
Mais, Monsieur GUILLAUME…

DIDIER GUILLAUME
Je termine juste ma phrase ; nos concitoyens qui disent, à 80%, qu'ils sont prêts à l'unité nationale, est-ce que les responsables politiques de l'opposition peuvent dire aujourd'hui écoutez, bien sûr on a des divergences, bien sûr on est opposé au président de la République, à la politique qu'il peut mener sur tel ou tel sujet, mais là, ce dont il s'agit, c'est la santé de nos concitoyens et cette unité nationale est indispensable, le Conseil national de la Résistance l'avait réussi.

GUILLAUME DURAND
De toute façon, là où vous avez raison, c'est qu'effectivement en matière d'hôpital, le formidable effort des hospitaliers, la fatigue qui en résulte, est évidemment à mettre à l'honneur de tout ce qui s'est passé ces derniers temps, mais pardonnez-moi d'insister, ce n'est pas moi qui ai inventé les journaux de ce matin, c'est dans les pages politiques du Parisien, c'est à la Une de l'Opinion, semble-t-il, le président de la République voulait accorder à l'opposition un délai pour voter, ce que ne souhaitait pas le Premier ministre, donc vous voyez, et puis si on ajoute à ça l'aile gauche de La République en marche, qui est quand même assez opposée à l'application, donc Covid-19, on n'est quand même pas dans l'unanimisme que vous décrivez.

DIDIER GUILLAUME
Non, mais moi je ne cherche pas l'unanimisme, l'unanimisme rabaisse la démocratie, je cherche l'unité, l'unité la renforce. vous savez, moi les groupes majoritaires ils sont solides, moi je parle régulièrement avec les députés de la majorité, et ils sont solides, et les députés et sénateurs, c'est normal, ils ont des fourmis dans les jambes Guillaume DURAND, ils bouent dans leur permanence ou dans leur maison, ils sont aidants, ils veulent avancer, mais ils ont l'impression que, avec le confinement, comme tous les autres Français d'ailleurs, eh bien ils ne peuvent pas exercer leur mission, alors que la mission fonctionne à l'Assemblée nationale, c'est plutôt ça, mais ils sont solides et ils sont aidants.

GUILLAUME DURAND
Merci Didier GUILLAUME.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 avril 2020