Interview de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, à France Inter le 20 mai 2020, sur la nécessité du présentiel pour renouer le lien entre les enseignants et les étudiants à la rentrée.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Frédérique Vidal - Ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Média : France Inter

Texte intégral

LEA SALAME 
Frédérique VIDAL. Bonjour à vous. Et merci d'être avec nous. 

FREDERIQUE VIDAL 
Bonjour. LEA SALAME Admis, refusé, en attente, les plus de 900.000 lycéens de terminale ont découvert hier, en fin de journée, les premières réponses à leurs voeux de formation post-bac sur la plateforme Parcoursup. Cette année, ça s'est fait évidemment dans des conditions particulières, Coronavirus oblige. Les élèves ne vont plus au lycée depuis deux mois. Comment ça s'est passé, Madame la Ministre, y a-t-il eu des problèmes, quel bilan tirez-vous de l'opération Parcoursup cette année ? 

FREDERIQUE VIDAL 
Eh bien, grâce à l'investissement de l'ensemble des professeurs principaux, des proviseurs, des conseillers d'orientation, les choses se sont très bien passées, la procédure est entièrement dématérialisée, ce qui nous a permis de maintenir les dates. Et hier soir, c'est plus de 1,5 millions de propositions qui ont été faites à plus de 453.000 candidats, déjà, 71.000 qui avaient accepté une première proposition hier soir ; donc les choses se déroulent de manière tout à fait satisfaisantes du côté de Parcoursup. 

LEA SALAME
 Est-ce qu'il y aura plus de bacheliers cette année ? 

FREDERIQUE VIDAL 
Alors, il y a effectivement, sur la plateforme, 20.000 bacheliers de plus que l'an dernier, qui ont posé leur candidature, et donc évidemment, c'est très important de comprendre que nous avons aussi cette année 16.000 formations sur la plateforme, c'est-à-dire plus que l'an dernier aussi, puisque toutes les formations, reconnues par l'Etat, ont rejoint la plateforme.  

LEA SALAME 
Alors, comment ça va se passer pour ces jeunes bacheliers et pour les autres étudiants l'an prochain, d'abord, est-ce que la rentrée universitaire est bien maintenue en septembre, est-ce que vous nous dites ce matin qu'elle ne sera pas décalée ? 

FREDERIQUE VIDAL 
Oui, c'était exactement l'objectif que nous poursuivions en maintenant le calendrier de Parcoursup, évidemment sous réserve de conditions sanitaires, mais la date de rentrée ne sera pas modifiée. Et la rentrée se fera bien comme d'habitude au mois de septembre, enfin, en tout cas, c'est ce que nous espérons si les conditions sanitaires le permettent. 

LEA SALAME 
C'est déjà perturbant d'arriver à la fac en 1ère année, en plus, cette année, les élèves n'auront plus cours depuis mars dernier, pour certains, pas de lien social pendant des mois, en plus, vous leur annoncez que beaucoup de cours seront, l'an prochain, en virtuel, ne serait-ce pas particulièrement stressant, comment les aider pour qu'ils ne décrochent pas au bout de quelques mois, avez-vous prévu des remises à niveau par exemple ? 

FREDERIQUE VIDAL 
Alors, oui, les établissements d'enseignement supérieur, bien sûr, se sont organisés de façon à tenir compte de cette situation particulière, l'immense majorité des élèves de terminale ont néanmoins continué, grâce à l'investissement de tous les enseignants, à bénéficier de leurs cours, même de manière exceptionnelle, à distance, et les universités se préparent à accueillir ces nouveaux bacheliers en ayant tout à fait conscience que nous avons vécu un deuxième semestre exceptionnel. 

LEA SALAME 
Est-ce que vous confirmez que la rentrée universitaire se fera majoritairement à distance pour les cours magistraux, pour éviter que les élèves soient agglutinés dans les amphis, plusieurs doyens d'université se plaignent de ne pas avoir de consignes claires du ministère pour savoir comment organiser la rentrée ? 

FREDERIQUE VIDAL 
Alors, ce sont les établissements qui, pour certains, sont en train de préparer cette rentrée avec des cours magistraux à distance, mais ce n'est pas vraiment le fait qu'ils soient à distance qui est important, c'est le fait qu'on a beaucoup appris de cette période en termes d'innovations pédagogiques, des nouvelles façons d'enseigner, et effectivement, pour éviter qu'il y ait des amphis bondés à la rentrée, les enseignants et les enseignants-chercheurs du supérieur se sont appropriés ces nouvelles méthodes et pourront proposer effectivement qu'une partie des cours soit dématérialisée, mais il y aura bien sûr aussi du présentiel, c'est très important de renouer le lien direct entre les enseignants et les étudiants. 

LEA SALAME 
C'est ce que j'allais vous dire, puisque certains craignent que cet enseignement à distance ne favorise les élèves privilégiés et pas ceux qui vivent dans neuf mètres carrés, puis, il y a la question du lien social, de l'incarnation, hier, Alain FINKIELKRAUT disait : le monde d'après risque d'être celui d'une emprise définitive du numérique avec l'enseignement à distance, je pense, moi, que l'incarnation a du bon, je ne veux pas d'une virtualisation du monde ; vous lui répondez quoi ? 

FREDERIQUE VIDAL 
Je suis totalement d'accord, notamment dans les domaines de la transmission de connaissances, l'interaction est absolument essentielle, il y a bien sûr les connaissances qu'on transmet, mais il y a aussi tout ce qui se passe de façon tacite lorsqu'il y a une interaction, donc les formations à distance ont été prises dans un contexte exceptionnel, néanmoins, beaucoup de liens en ont été maintenus avec les étudiants, mais c'est très important que les étudiants puissent être physiquement sur les campus aussi dès le mois de septembre.

 LEA SALAME 
Mais l'amphi de Nanterre peut accueillir par exemple jusqu'à 1.000 élèves, quelle sera la barre maximale d'effectifs par amphi, faudra-t-il laisser une place sur deux, porter des masques dans l'amphi, en fait, ils vous demandent des précisions, Madame la Ministre ? 

FREDERIQUE VIDAL 
Oui, mais nous sommes en train de travailler cela avec l'ensemble des établissements, j'allais dire que là, l'objectif, c'était que nous puissions nous adapter moment de l'année après moment de l'année, nous avons travaillé sur les formations à distance, nous sommes en train de travailler sur la mise en place des examens et des concours nationaux, nous préparons dans la foulée la rentrée universitaire, ce qui est très important, c'est qu'on puisse prévoir des conditions sanitaires qui demandent des restrictions pour être prêt dans le pire des cas, et puis, évidemment, si les conditions sont plus satisfaisante, eh bien, on pourra lever les contraintes, c'est toujours plus facile de lever les contraintes que de ne pas les avoir prévues. 

LEA SALAME 
Comment se passent les partiels télésurveillés en ce moment, les partiels télésurveillés en fin d'année, certains craignent que les élèves en zone blanche ou qui n'ont pas de matériel informatique soient lésés, d'autres élèves, comme HEC, estiment que cette télésurveillance chez eux porte atteinte à la protection de leur vie privée, qu'est-ce que vous répondez à tout ça ? 

FREDERIQUE VIDAL 
Alors, d'abord, il y a eu un énorme travail qui a été fait par les établissements et les CROUS, de manière à limiter cette fracture numérique, avec des prêts d'ordinateurs, des bons d'achat pour des ordinateurs, des extensions de forfaits, donc les étudiants ont été très accompagnés par les établissements et les CROUS qui ont fait un travail absolument remarquable, la question de la télésurveillance, elle se pose dans un petit nombre de cas, la majorité des établissements ont choisi des devoirs maison ou du contrôle continu, lorsque la télésurveillance est proposée aux étudiants, c'est évidemment dans le respect complet du RGPD ; c'est une des obligations qu'ont les établissements. Donc je pense que les étudiants, de ce point de vue-là, doivent se sentir rassurés, bien sûr. 

LEA SALAME 
Comment ça va se passer, Madame la Ministre, pour les étudiants qui devaient partir à l'étranger l'an prochain et pour les étudiants étrangers qui étaient inscrits en France, est-ce que tout ça est remis en cause pour la saison prochaine ? 

FREDERIQUE VIDAL 
Alors, non, là aussi, nous travaillons pour trouver des solutions, évidemment, la contrainte majeure, ce sera de regarder comment le trafic aérien ou les possibilité de se déplacer se remettent en place, mais notre objectif, c'est bien de pouvoir accueillir des étudiants internationaux, là aussi, soit physiquement, soit à distance, et qu'ils puissent rejoindre les cours lorsque les conditions, à la fois sanitaires, mais aussi de déplacement, le permettront, et en ce qui concerne les étudiants français qui souhaitent étudier à l'international, là aussi, les universités partenaires ou les écoles qui vont les accueillir fixent des règles en fonction des conditions sanitaires dans le pays en question. Beaucoup, beaucoup de travail et de partage sur justement ces pédagogies inversées, ces formations à distance, qui peuvent permettre d'accueillir les étudiants potentiellement quelques semaines après le début en présentiel des cours, et puis, bien sûr, une différence entre l'espace Schengen et le reste du monde. 

LEA SALAME 
Frédérique VIDAL, dans cette crise, les soignants ont été en première ligne, mais les chercheurs aussi, sur le virus, sur les vaccins sur les modélisations de l'épidémie, saluez-vous ce matin le monde de la recherche pour son inventivité et sa réactivité, Emmanuel MACRON a débloqué en mars 5 milliards d'euros, mais les chercheurs réclament dans les plus brefs délais un véritable plan d'urgence pour la recherche scientifique, y en aura-t-il un qui se prépare pour les prochaines semaines ? 

FREDERIQUE VIDAL 
Oui, bien sûr, c'est tout l'objet de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche, qui est une loi budgétaire, qui prévoit un investissement de 25 milliards d'euros dans la recherche sur les 10 prochaines années, ce qui nous permettra de passer notre financement de la recherche qui est actuellement de 15 milliards d'euros par an à 20 milliards d'euros par an à un horizon de 10 ans. C'est très important effectivement… 

LEA SALAME 
Pardon, mais cette loi de programmation pluriannuelle pour la recherche inquiète beaucoup les chercheurs, elle les inquiétait déjà avant le Covid, où le monde de la recherche est dans une crise aussi profonde que celle de l'hôpital, est-ce que vous allez l'amender cette loi, vous allez l'abandonner, vous la présentez quand ? 

FREDERIQUE VIDAL 
Non, en fait, vraiment, cette loi, elle a été d'abord travaillée avec le monde de la recherche, avec des remontées directes de terrain, un site qui avait été ouvert pour avoir des propositions, c'est vrai qu'on a beaucoup parlé de cette loi avant même qu'elle ne puisse être présentée. Elle ne l'a pas encore été en réalité, donc je crois que c'est très important que nous puissions réaffirmer un investissement de 25 milliards d'euros en 10 ans sur le monde de la recherche, on n'a pas vu ça depuis l'après Seconde Guerre mondiale, donc c'est un véritable investissement massif… 

LEA SALAME 
Donc vous la maintenez… 

FREDERIQUE VIDAL 
Et, bien sûr… 

LEA SALAME 
Et vous la présentez quand ? 

FREDERIQUE VIDAL 
Et on a vu à quel point la science pouvait être au coeur de la société… 

LEA SALAME 
Et elle sera présentée quand ? Elle sera présentée quand ? 

FREDERIQUE VIDAL 
Alors, le calendrier parlementaire est en train d'être construit, j'espère qu'elle pourra passer en Conseil des ministres avant l'été, de manière à pouvoir être débattue avant la fin de l'année. 

LEA SALAME 
Merci Frédérique VIDAL avoir été avec nous ce matin. 

FREDERIQUE VIDAL 
Merci à vous. 

LEA SALAME 
Belle journée à vous.   


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 mai 2020