Texte intégral
Muriel PENICAUD, bonjour.
MURIEL PENICAUD
Bonjour.
HELENE ROUSSEL
Au lendemain des annonces du Premier ministre, on voit bien que c'est un déconfinement partiel, fragile, soumis à conditions en fonction de la force ou de la faiblesse de l'épidémie, le nouvel horizon pour adapter la stratégie est fixé au 2 juin, et le Premier ministre l'a dit et redit hier, la reprise de la vie économique doit passer par la réorganisation du travail, c'est bien ce qu'on va voir avec vous, Muriel PENICAUD. Première annonce dans votre domaine, le chômage partiel restera en place jusqu'au 1er juin, question, d'abord, Muriel PENICAUD, combien à ce jour de salariés concernés, est-ce que vous avez de nouveaux chiffres ce matin ?
MURIEL PENICAUD
Oui, ce matin, ce sont 11.300.000 salariés dans notre pays qui sont protégés par le chômage partiel, c'est-à-dire que c'est de l'Etat, le ministère du Travail qui paye leurs salaires, l'entreprise fait l'avance, paye leurs salaires pour éviter les vagues de licenciements, et on a mis, je dirais, on a mis à l'abri les Français quand le vent soufflait fort, il y a aussi 890.000 entreprises que ça protège, donc c'est plus d'un salarié sur deux du secteur privé et c'est plus d'une entreprise sur deux. Et je crois qu'on peut être fier en France d'avoir mis ce filet de protection massif, qu'on n'a jamais fait dans notre pays, et qui évite des vagues de licenciements.
HELENE ROUSSEL
Le chômage partiel, un dispositif qui fonctionne, on vous entend, mais après le 1er juin, ça va se passer comment, on arrête toutes les aides du jour au lendemain, les syndicats, le patronat, le MEDEF demandent dès hier soir son prolongement, Muriel PENICAUD ?
MURIEL PENICAUD
Alors, j'ai discuté avec les partenaires sociaux hier soir, comme deux fois par semaine, on fait des réunions de travail téléphoniques très importantes, très précieuses, parce qu'on améliore les dispositifs grâce à ce dialogue permanent, et évidemment, je leur ai confirmé qu'on n'arrête pas, il n'y a pas un couperet le 1er juin, parce que, sinon, tout ce qu'on a réussi à éviter pendant deux mois, qui sont ces vagues de licenciements qui sont arrivées dans des pays où il n'y avait pas de chômage partiel, je pense aux Etats-Unis, 22 millions de personnes qui ont perdu leur emploi en quelques semaines, bien évidemment, il y aurait un risque majeur, mais ce qu'on va faire, c'est que, on dit que là, on vous a quelques semaines pour s'organiser, pour commencer tout en continuant à sauver des vies, et évidemment, en protégeant les salariés, à relancer l'économie, ce qui est indispensable, parce que s'il y a l'écroulement économique, il y aura des drames sociaux, et donc ça veut dire quoi, ça veut dire qu'à partir du 1er juin, on va regarder avec les partenaires sociaux comment on peut être tous coresponsables, et c'est-à-dire va probablement avoir un taux de prise en charge de l'Etat qui est un peu moins important pour les entreprises. Mais ça va être progressif, là aussi, tout doit être progressif, le but, c'est que le chômage partiel accompagne la reprise en douceur, mais on va vers la reprise, on y va tous ensemble.
YAËL GOOSZ
Ce chômage partiel, Muriel PENICAUD, a un coût évidemment, nos finances publiques font face à un choc, 24 milliards d'euros, selon vos chiffres, plus du double disent certains parlementaires de la Commission des Finances à l'Assemblée, et ce matin, dans les Echos, on découvre que l'UNEDIC va voir son déficit se creuser en 3 mois de plus de 13 milliards d'euros, est-ce qu'on a les moyens de poursuivre ?
MURIEL PENICAUD
Alors, j'ai répondu à l'Assemblée nationale, parce que je pense qu'ils n'ont pas tous les éléments de calculs, et on sait que quand une entreprise déclare qu'elle va prendre, qu'elle va utiliser le chômage partiel, elle le déclare souvent pour tous ses salariés pour 3 mois complets, alors qu'en fait, ils vont reprendre au bout de quelques semaines, et que ça ne sera pas tout le monde. Donc on sait que c'est toujours des chiffres moins importants que ce qui était déclaré. Donc nos estimations autour de 24 milliards d'euros sont assez vraisemblables, et c'est pour ça d'ailleurs que c'est important d'avoir aussi le soutien de l'Europe, parce que c'est des sommes colossales. Mais sur ce plan-là, sur le plan de l'UNEDIC, oui, bien sûr, l'UNEDIC était déjà très endettée, 33 milliards de chiffre d'affaires, la plus grosse dette, presque équivalente à la SNCF à l'époque. Donc maintenant, ça va devenir la plus grosse dette de l'Etat, la dette est garantie par l'Etat, donc nous avons mis en place un comité de pilotage, les partenaires sociaux et le ministère du travail pour suivre ça de près, mais je vais vous dire, le président de la République l'avait dit, quoi qu'il en coûte, nous protégeons les Français, et je pense que c'est très important, encore une fois, on a évité des vagues de licenciements massifs, je pense qu'on peut en être fier, et maintenant, on va reprendre l'activité, la meilleure protection contre le chômage de masse, maintenant, c'est de reprendre l'activité en protégeant les salariés, c'est ça qui nous protégera des catastrophes suivantes.
HELENE ROUSSEL
On va y revenir, question très concrète, d'abord, Muriel PENICAUD, en termes de mesures exceptionnelles, est-ce que les parents qui vont devoir retourner travailler le 11 mai avec des enfants qui, eux, ne seront toujours pas retournés à l'école, on rappelle que toutes les écoles ne vont pas rouvrir, que ça va se faire progressivement, partiellement, auront-ils, ces parents toujours le droit aux arrêts garde d'enfants ?
MURIEL PENICAUD
Oui, alors pour les arrêts garde d'enfants des parents qui ne peuvent pas garder leurs enfants, d'abord, on va faire une période de transition pendant tout le mois de mai, le temps que ça s'organise, les écoles, les parents, la vie privée, et puis, on a peut-être un enfant qui est à l'école, mais l'autre, pas encore, on comprend bien que la vie va continuer à être compliquée. Donc le système restera en l'état au mois de mai, c'est-à-dire que tout parent pourra déclarer qu'il ne peut pas garder son enfant, et donc pourra bénéficier de l'activité partielle, et à partir du 1er juin, il faudra une attestation de l'école, parce qu'en principe, ça devrait être rodé, le système devrait être rodé. Il y a peut-être quelques écoles…
HELENE ROUSSEL
Sur la base du volontariat, Muriel PENICAUD…
MURIEL PENICAUD
Oui, sur la base du volontariat, les parents peuvent dès le 11 mai, dès que les écoles rouvrent, mettre leur enfant à l'école, et d'ailleurs, les pédiatres le conseillent, disent que c'est mieux pour les enfants, mieux pour leurs acquisitions scolaires, bien sûr, mais aussi pour leur vie tout court, un enfant confiné, c'est difficile pour lui, c'est difficile pour les grands, c'est difficile pour les adultes, c'est difficile pour tout le monde…
HELENE ROUSSEL
Difficile d'avoir 15 enfants par classe si tout le monde envoie ses enfants à l'école, mais passons…
MURIEL PENICAUD
Oui, mais il y aura des organisations que l'Education nationale va faire avec les maires pour qu'il y en ait 15 par classe, et donc qu'on puisse les accueillir dans des bonnes conditions de sécurité et sanitaires, mais donc, voilà, pas d'angoisse là-dessus, on va accompagner le mouvement, au mois de mai, c'est un choix des parents, et même si c'est recommandé, même pour la lutte contre les inégalités, c'est important que les enfants qui ne peuvent pas être scolarisés à la maison puissent retourner à l'école. Je crois qu'il faut le dire, l'école, c'est ce qui permet d'apprendre à lire, à écrire, à compter, à découvrir le savoir, et à s'émanciper, donc c'est important d'y aller, et puis, évidemment, à partir du mois de juin, s'il y a encore des écoles qui ne peuvent pas accueillir tout le monde ou qui ne sont pas ouvertes, avec l'attestation, on pourra continuer à avoir l'activité partielle.
YAËL GOOSZ
240.000 chômeurs de plus en mars, c'est du jamais vu sur un seul mois, et on s'attend au pire, certains économistes prévoient un million de chômeurs supplémentaires d'ici la fin de l'année. Est-ce que pour vous, cela remet en cause la réforme de l'assurance chômage dont le premier volet est entré en vigueur le 1er novembre, vous avez reporté le deuxième volet à la rentrée, est-ce que, comme les syndicats vous le demandent, il faut totalement renoncer à cette réforme ?
MURIEL PENICAUD
Alors, d'abord, je voudrais dire un mot sur cette hausse du chômage, et surtout, moi, je pense très fort à tous ceux que ça touche, comme je l'ai dit, on a évité les vagues de licenciements grâce…
YAËL GOOSZ
Pour l'instant…
HELENE ROUSSEL
Pour l'instant, Muriel PENICAUD, mais on voit bien qu'il y a des TPE en faillite, AIRBUS, AIR FRANCE…
MURIEL PENICAUD
Et pourquoi il y a 246.000 demandeurs d'emploi de plus que le mois d'avant, ce ne sont pas des personnes qui ont été licenciées…
YAËL GOOSZ
Non, ce sont ceux qui n'ont pas pu avoir un boulot…
MURIEL PENICAUD
C'est ceux qui étaient en CDD, en fin d'intérim ou des jeunes qui arrivent sur le marché du travail, et comme il y a une chute des recrutements, en fait, il y a eu moins d'offres, d'habitude, chaque mois, il y a 500.000 personnes qui trouvent un emploi et 500.000 personnes qui arrivent à Pôle Emploi en moyenne, et là, il y a eu 200.000 sorties de moins, faute d'offres. Et je reviens à mon point, c'est par la relance par le fait de reprendre l'activité qu'on va retrouver aussi un rythme…
YAËL GOOSZ
Mais ce n'est pas la question, c'est la question c'est la réforme de l'assurance chômage…
MURIEL PENICAUD
Et donc sur l'assurance chômage, non, mais j'y viens, parce que c'est important, les gens… parce que moi, on m'a posé beaucoup de questions : mais, on a le chômage partiel, et pourtant, il y a des demandeurs d'emploi en plus, voilà, ce n'est pas des licenciements, c'est des sorties du chômage qui ne se font pas faute de recrutement. La machine est enrayée…
HELENE ROUSSEL
Donc est-ce que vous assouplissez les règles de l'indemnisation du chômage, Muriel PENICAUD ?
MURIEL PENICAUD
Alors sur l'assurance-chômage, moi, je crois que les Français, ils n'ont pas envie de réformes supplémentaires, on ne va pas tout re-bousculer. Par contre, ce que j'ai dit aux partenaires sociaux et ce qui a été confirmé par le Premier ministre, c'est qu'on va regarder dans le contexte actuel s'il n'y a pas des règles qu'il faut adapter, parce que le contexte est très différent de celui il y a deux mois et demi, je vous rappelle, il y a deux mois et demi, on annonçait le taux de chômage le plus faible depuis 11 ans, à 8,1 %, une explosion des offres d'emploi, de l'apprentissage, ça nous paraît très loin, c'est loin, et maintenant, il va falloir rebâtir tout ça, donc, bien sûr, je vais regarder avec les partenaires sociaux quelles sont les règles qu'il faut bouger. D'ailleurs, on l'a déjà fait pour la période de confinement, puisqu'on a prolongé toutes les fins de droits, et on a modifié 5 ou 6 règles pour protéger les demandeurs d'emploi…
YAËL GOOSZ
Mais comme citoyenne, pas comme ministre, pas comme politique, est-ce que vous trouveriez ça juste…
MURIEL PENICAUD
Pour moi, c'est la même chose, je suis une citoyenne ministre…
YAËL GOOSZ
Alors, est-ce que vous trouveriez ça juste de durcir les règles d'indemnisation, vu le contexte ?
MURIEL PENICAUD
Personne ne propose de durcir les règles…
HELENE ROUSSEL
Critères durcis par le premier volet de votre réforme, Muriel PENICAUD…
MURIEL PENICAUD
Non, mais, ce n'est pas forcément… attendez, je ne vais pas faire tout le débat sur l'assurance-chômage maintenant, mais le but de cette réforme, c'est de lutter contre la précarité, ça va rester un sujet. Là-dedans, c'est dans un contexte économique qui est différent de celui d'il y a quelques mois, donc on a dit, et j'ai dit qu'on était prêt à regarder comment on adaptait les règles, mais je crois que faire un bouleversement complet, ce qui veut dire refaire une réforme, ce n'est pas le sujet. Il faut adapter les règles pour protéger les Français, mieux protéger les demandeurs d'emploi et, mais aussi, permettre à l'activité économique de repartir, encore une fois, ça sera la meilleure protection, c'est tout ça dont on va discuter dans les semaines qui viennent avec les partenaires sociaux, sachant qu'en attendant, on a pris toutes les mesures pour protéger les demandeurs d'emploi dans cette période, prolongation des droits, toute la période de confinement ne comptera pas dans les périodes nécessaires pour le travail, on a supprimé tous les contrôles et les radiations, donc on a fait beaucoup de choses pour protéger les demandeurs d'emploi…
HELENE ROUSSEL
Les intérimaires qui n'ont pas cotisé assez, tous les petits boulots, les CDD en fin de contrat, tous ceux qui sont hors des radars, vous allez relever les minima sociaux ?
MURIEL PENICAUD
Alors, les minima sociaux du RSA, notamment de l'allocation de solidarité, j'ai signé hier avec mes collègues le décret qui remonte ces minima, c'était la période où il fallait le faire, on l'a fait. Et puis, on a fait l'aide pour les plus vulnérables qui a été annoncée, il y a quelques jours par le Premier ministre, puisqu'au 15 mai, les bénéficiaires du RSA, les bénéficiaires de l'allocation de solidarité, qui la reçoivent à travers Pôle emploi, et ceux qui ont l'APL, vont avoir, là aussi, une prime de 150 euros et 100 euros par enfant pour passer ce coup dur, parce que, effectivement, c'est un coup dur, et c'est les plus vulnérables qu'il faut protéger le plus.
YAËL GOOSZ
Et dans les entreprises qui vont rouvrir, Muriel PENICAUD, pour éviter les abus, qu'est-ce que vous prévoyez, est-ce que vous allez contrôler chaque entreprise, est-ce que vous avez les bras pour ça, pour vérifier sur place que toutes les conditions sanitaires sont bien respectées ?
MURIEL PENICAUD
Alors, comment on fait, c'est une très bonne question, c'est pour relancer l'activité économique tout en protégeant les salariés, je le dis et je le redis, protéger les salariés, leur santé, leur sécurité, ce n'est pas négociable, je serai intransigeante là-dessus, c'est clef, on fait tout ça pour sauver des vies, on ne va pas mettre en risque les salariés. Alors, comment on fait, on a fait deux choses, la première c'est que depuis un mois, les services du ministère du Travail ont élaboré avec les professionnels, et en consultant les partenaires sociaux, et avec l'approbation du ministère de la Santé, des guides, des guides métiers, des guides de bonnes pratiques, le Premier ministre en a parlé hier, il y en a 47 déjà, pour 47 métiers, qui couvrent une grande partie des métiers, qui permettent de savoir comment on applique concrètement les gestes barrières qui sauvent les vies dans des métiers, parce que, évidemment, quand on travaille dans l'intérim, dans une ferme, dans un commerce de détail, dans un hôtel, dans un garage ou comme livreur ou aide à domicile, ce n'est pas la même manière de faire. Donc ça, ces guides, ils existent, et sont sur le site du ministère de travail, et les entreprises doivent les respecter, ça donne le mode d'emploi, ça donne les règles pour savoir comment adapter et protéger les salariés métier par métier.
HELENE ROUSSEL
Et en termes de contrôles alors…
MURIEL PENICAUD
Et la deuxième chose, c'est que, évidemment, on a des contrôles, alors, d'abord, le dialogue social dans l'entreprise qui est clef, parce que c'est aussi…
HELENE ROUSSEL
Qui ne marche pas toujours, Muriel PENICAUD, on voit AMAZON par exemple…
MURIEL PENICAUD
Enfin, hier soir encore, beaucoup des organisations syndicales et patronales m'ont dit que quand même, dans une majorité d'entreprises, il y avait un dialogue social qui se faisait, parce que pour reprendre le travail, là, il faut parler avec les organisations syndicales et les salariés dans chaque entreprise, parce que, évidemment, l'organisation du travail change, comment on met en place les mesures de santé et de protection, est-ce qu'on adapte, on décale les horaires, pour ne pas être trop nombreux dans les transports et pas trop nombreux sur le site du travail en même temps, toutes ces discussions-là, là, elles doivent avoir lieu maintenant, et elles auront lieu à beaucoup d'endroits, après, le monde n'est jamais parfait, et c'est pour ça aussi qu'il y a des administrations de contrôle, et l'Inspection du travail fait son travail et contrôle lorsqu'il y a des alertes ou des suspicions, et on a beaucoup de contrôles en ce moment aussi, je crois qu'il faut mettre en place tous les systèmes de prévention, de suivi, d'accompagnement et de contrôle sur le sujet de la santé des salariés.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 avril 2020