Interview de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, à LCI le 16 avril 2020, sur les 9 millions de salariés français au chômage partiel et la hausse des demandes d'inscriptions à Pôle emploi.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

Muriel PENICAUD 
Ministre du Travail 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Bonjour Muriel PENICAUD 

MURIEL PENICAUD 
Bonjour Elizabeth MARTICHOUX. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Merci d'être avec nous en direct du ministère du Travail. Il y a un chiffre, Muriel PENICAUD, qui scande cette crise depuis le début, il y a beaucoup de chiffres qui scandent cette crise, mais il y en a un qui vient de chez vous et qui concerne le chômage partiel, 8,7 millions de personnes soumises au chômage partiel, presque 9 millions, c'est considérable, est-ce que c'est un chiffre qui se stabilise, Muriel PENICAUD ? 

MURIEL PENICAUD 
Hélas, non, puisque hier, hier soir, nous avons eu les nouveaux chiffres, ce sont maintenant 9 millions de Français qui sont en chômage partiel, c'est-à-dire que leur salaire est payé par l'Etat, par le ministère du Travail. Alors nous sommes fiers d'avoir un dispositif aussi protecteur en France, et c'est indispensable dans la crise, on n'a jamais eu un dispositif aussi massif, aussi protecteur en France, mais je crois qu'il faut prendre conscience de ce que ça veut dire, ce n'est pas loin d'un salarié sur deux maintenant dont le salaire est payé par l'Etat, provisoirement, pendant la crise, et ce sont plus de 700.000 entreprises, c'est-à-dire plus d'une entreprise sur deux. Donc ça montre la gravité, la profondeur de la crise économique qui suit la crise épidémique, et ça montre aussi à quel point c'est important de pouvoir mettre en place toutes les mesures de santé de protection qui vont permettre aussi aux salariés de pouvoir retravailler demain en sécurité, parce que, là, on est dans une situation qui devient extrêmement importante dans le pays. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
9 millions, donc on atteint ce cap des 9 millions, presque un salarié du privé sur deux, c'est quasiment une nationalisation d'une certaine façon du salariat privé, est-ce que l'autorisation de chômage partiel d'ailleurs s'arrêtera pile quand l'interdiction d'activité sera levée, on pense effectivement à la perspective du 11 mai, si on atteint les objectifs épidémiques, un certain nombre d'activités économiques pourra reprendre, est-ce que, par exemple, prenons une boutique de vêtements qui rouvre, est-ce que, de facto, immédiatement, le droit au chômage partiel va stopper ou ce sera prolongé en fonction des situations ? 

MURIEL PENICAUD 
Non, je ne veux surtout pas qu'il y ait un couperet net, pourquoi, parce que dans beaucoup d'entreprises, beaucoup d'activités, l'activité va reprendre, mais pas forcément du jour au lendemain, vous n'allez pas forcément arriver, votre commerce d'habillement ou votre industrie ou votre chantier du bâtiment, il ne va pas forcément rouvrir aussi fort, aussi vite, donc il ne faudrait pas qu'on ait évité les vagues de licenciements, qu'on est en train de réussir à le faire pendant la période de confinement, et qu'ensuite, il y en ait une. Donc le chômage partiel pourra être dégressif, ça veut dire qu'une entreprise qui a par exemple 100 salariés, s'il y en a 30 qui reprennent l'activité, ils reprennent leur contrat de travail normal, qui n'était que suspendu, c'est l'entreprise qui paye leur salaire, ils travaillent normalement, les 70 autres peuvent être encore en chômage partiel 1 semaine, 2 semaines, quelques semaines s'il le faut. Donc on va faire le chômage partiel de façon dégressive pour accompagner la reprise du travail, et surtout éviter, toujours éviter ces vagues de licenciements. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Ça, c'est très important, petite question précise, parce qu'elle revient assez souvent quand même, il y a certains petits patrons, notamment dans l'hôtellerie, qui se plaignent de ne pas recevoir leur numéro d'inscription et n'ont plus évidemment logiquement les remboursements des avances de salaires qu'ils font avant de bénéficier du chômage partiel, bon, est-ce qu'il peut y avoir encore des retards ? 

MURIEL PENICAUD 
Alors, aujourd'hui, le problème est réglé, il y a 3 semaines, 1 mois, on est parti d'un système de chômage partiel qui concernait quelques centaines d'entreprises par an, tout était fait à la main, et je voudrais saluer l'immense travail qu'ont fait mes équipes du ministère du Travail et l'agence de paiement, on a changé tout le système d'information, tout le processus, et désormais, les codes des inscriptions sont générés automatiquement en une heure, on répond en 48 heures, s'il n'y a pas de réponse en 48 heures, c'est réputé acquis. Donc c'est pour ça d'ailleurs que vous voyez que 730.000 entreprises ont déjà accès, je peux vous dire que le problème technique, il est réglé, et je voudrais donner un coup de chapeau à toutes ces équipes qui ont travaillé jour et nuit pour résoudre ce problème et donc contribuer aussi à sauver des emplois. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Et d'ailleurs, tiens, Muriel PENICAUD, puisqu'une prime exceptionnelle a été annoncée pour les agents de la Fonction publique qui sont sur le front, chaque ministère devra déterminer des bénéficiaires, chez vous, il y en aura ? 

MURIEL PENICAUD 
Oui, bien sûr, il y en aura dans mon ministère, tout le monde a fait au mieux, tout le monde fait au mieux pendant le confinement, il y a beaucoup de personnels qui sont en télétravail et dans le ministère, mais il y en a qui sont vraiment, vraiment au front sur le chômage partiel, ils ont fait quelque chose qu'ils n'avaient jamais fait sur la santé et la protection des salariés ou fait aussi des choses à une ampleur qu'on n'avait jamais faite, donc bien sûr, on saura les récompenser, et chez Pôle emploi aussi, il y a beaucoup de gens qui sont sur le front, ils sont à distance, mais ils continuent à payer les indemnisations du chômage, à soutenir, à avoir au téléphone les demandeurs d'emploi, donc un coup de chapeau à mes équipes, oui, ils seront récompensés… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Donc sur les 400.000 fonctionnaires qui bénéficieront de cette prime, ça a été confirmé hier, il y en aura qui dépendent du ministère du Travail, ils seront contents de l'apprendre ce matin. Parlons du 11 mai... 

MURIEL PENICAUD 
Du ministère du Travail, oui, absolument. Ce n'est pas tous, ce sont ceux qui auront fait le plus d'efforts…. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Alors ça fera des jaloux. Parlons du 11 mai, si vous voulez bien, Muriel PENICAUD, il faut évidemment un mode d'emploi pour permettre une sortie correcte du confinement, c'est fondamental, d'abord, 1°) : est-ce que vous serez prêt, est-ce que ce mode d'emploi va être prêt, parce qu'on a l'impression que tout est à faire encore, 2°) : est-ce que ce seront des recommandations, des obligations assez précises pour les entreprises par filière, par secteur, qui vont être édictées, comment ça va se passer ? 

MURIEL PENICAUD 
Alors, d'abord, de façon générale, nous travaillons, tout le gouvernement, auprès du Premier ministre, sous son autorité, pour mettre en place tous les éléments de déconfinement qui concernent évidemment tous les ministères à la fois. Dans le champ du travail particulier, le sujet clé, le sujet clé, pour que l'activité reprenne de façon plus importante, c'est la santé et la sécurité des travailleurs, là-dessus, je serai intransigeante là-dessus, ce n'est pas négociable, nous devons protéger la santé et la sécurité des travailleurs. Alors, ça a déjà commencé, parce que la date du déconfinement dans le secteur économique, de fait, il y a des entreprises qui fonctionnent, heureusement, il y a à peu près la moitié de l'activité qui fonctionne dans l'industrie, moins dans le bâtiment, dans le commerce alimentaire, on est à plein, dans le commerce non-alimentaire, on est à l'arrêt, donc ça dépend des secteurs, mais il y a quand même une activité qui a lieu, et donc elle se fait sous strictes conditions sanitaires pour les salariés. Donc comment on fait, depuis 3 semaines déjà, le ministère du Travail avec l'aide du ministère de la Santé et avec les partenaires sociaux et les professionnels établit des guides de bonnes pratiques pour savoir comment on respecte les gestes barrières dans les métiers, comment on les organise, pour que ça protège les salariés, ce n'est pas la même chose si vous êtes chauffeur routier, si vous êtes agent funéraire, si vous êtes caissière, si vous êtes opérateur de téléphone, en télétravail, donc il y a des guides, il y en a déjà 26 qui sont sortis, qui sortent métier par métier tous les jours, il y en a qui sortent, et il y en aura d'ici 15 jours 60 qui couvrent tous les métiers qui ont des risques plus importants, qui permettent de sécuriser. Et je vois qu'il y a déjà cette tendance, je prends l'exemple de TOYOTA hier qui a annoncé une reprise partielle de l'activité en respectant toutes ces règles, donc en aménageant les horaires, en ayant moins d'équipes, ça sera moins rentable, on ne fera pas tout, mais en protégeant les salariés, et je crois qu'il y a une voie, ce n'est pas choisir ou la reprise d'activité ou la santé des salariés, c'est les deux à la fois, c'est faisable, c'est un travail, on aide les professionnels là-dessus, c'est un sujet de dialogue social aussi dans l'entreprise, mais je pense qu'il y a une voie. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
C'est négocié avec les partenaires sociaux au niveau national, vous avez déjà eu des réunions… 

MURIEL PENICAUD 
Voilà, ça doit se discuter, oui, bien sûr, j'ai tous les 2 jours ou tous les 3 jours une longue réunion téléphonique avec l'ensemble des partenaires sociaux, patronaux et syndicaux, où on discute chômage partiel, on discute reprise d'activité, on discute évidemment santé, sécurité, ils me font d'ailleurs beaucoup de remontées de sujets, d'angles morts éventuels, et je les remercie parce que, grâce à eux, on a été très réactif, puisqu'un certain nombre de sujets ou de cas d'entreprises ont pu être signalés, ce qui a permis de les régler plus rapidement grâce à ce travail commun en fait très étroit. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Et donc, tout sera prêt à peu près, quoi, dans une dizaine de jours, quinze jours, ça ne peut pas être publié, délivré juste la veille du 11, il faut que les entreprises se préparent, vous avez besoin des guides… 

MURIEL PENICAUD 
Alors, les guides, on les publie au fur et à mesure, donc, les guides, c'est tous les jours, puisque dès qu'il y en a un qui est prêt, qui est validé, il est publié sur le site du ministère du Travail, où il y a un Questions-Réponses d'ailleurs sur tout, l'activité partielle, chômage partiel, comment on travaille, toutes les questions des salariés et des employeurs sont sur le site, donc les guides publiés au fur et à mesure, il y en aura de plus en plus, et donc on discute, je dirai, avec les partenaires sociaux, quel type de protocoles on peut avoir pour vraiment sécuriser à la fois le chef d'entreprise et à la fois le salarié dans sa reprise du travail. Mais encore une fois, je vois l'effet des guides, parce que là où il y a des guides déjà, eh bien, il y a des reprises partielles qui se font, parce qu'on est en confiance, et le plus important, c'est d'être en confiance et en discussion sur le terrain. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Oui, mais pour sécuriser les salariés, il y aura des contrôles de l'Inspection du travail, elle est l'arme au pied à partir du 11 ? 

MURIEL PENICAUD 
Non, elle est déjà l'arme au pied, je peux vous dire que l'on fait les guides pour prévenir, pour trouver les solutions, et évidemment, on fait des contrôles, et les services de l'Inspection du travail contrôlent, notamment quand on a des alertes, on contrôle pour vérifier que ces conditions sont bien réunies, encore une fois, on ne transigera pas sur la santé et protection des salariés, mais on peut travailler dans certaines conditions. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Alors justement, le cas AMAZON, on va en parler spécifiquement, en plus, le directeur général était avec nous il y a quelques minutes, mais sur le principe c'est un exemple qui montre bien, Muriel PENICAUD, que certaines entreprises peuvent craindre que des salariés qui redoutent des défauts de protection de leur santé, eh bien, justement aillent en justice et les traîne en justice, alors, qu'est-ce que vous dites aux patrons qui ce matin voient AMAZON et se disent mais si on a assistait à un gigantesque droit de retrait, un gigantesque mouvement de protestation du travail au nom de cette sécurité nécessaire dans les entreprises, comment trouver l'équilibre dans le fond ? 

MURIEL PENICAUD 
Alors, qu'est ce qui s'est passé sur AMAZON, il y a quelques semaines, il y a eu des alertes sur certains sites, entrepôts ou centres de distributions sur lesquels les salariés nous disaient : il n'y a pas les conditions de sécurité, il y a eu des lettres d'observation de l'Inspection du travail qui, dans un premier temps, n'ont pas été suivies d'effets. Donc le ministère du Travail a lancé un plan de contrôle massif sur les 15 sites principaux d'AMAZON en France pour vérifier les conditions de protection et de santé, certains sites étaient tout à fait conformes, 5 ne l'étaient pas, 5 ont été mis en demeure par mes équipes, les DIRECCTE, de se mettre en conformité sous 2, 3 jours avec ces règles. Les inspecteurs du travail sont revenus une deuxième fois sur le terrain, ce n'est pas des choses théoriques, ils rentrent sur le terrain, ils discutent avec tout le monde et ils observent, donc c'est factuel, ils sont revenus une deuxième fois, ils ont constaté que 4 de 5 de ces sites étaient désormais en conformité, et que donc les salariés étaient protégés, un cinquième contrôle devait avoir lieu aujourd'hui, évidemment, il n'aura pas lieu, puisque les centres sont fermés. Ce que je veux dire, c'est que – aux autres employeurs – pour éviter des situations de tension dramatique, il faut tout de suite mettre en place les conditions de santé et de protection, parce que maintenant, les choses avancent, mais les choses s'améliorent chez AMAZON, les inspecteurs de l'Inspection du travail l'ont constaté, mais ça mis du temps, et donc entre-temps, il y a eu l'inquiétude de salariés, et c'est aussi, je pense, pour ça qu'on en est là aujourd'hui. Donc moi, ce que je souhaite pour les salariés d'AMAZON, ils sont 10.000, dont un tiers d'intérimaires, ce que je souhaite pour les clients français, c'est que ça puisse repartir le plus vite possible, mais dans les conditions de sécurité. Donc je crois qu'il faut tout de suite faire les bons gestes sécurité, c'est la meilleure prévention par rapport au problème. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Alors Frédéric DUVAL, qui était donc – c'est le numéro un d'AMAZON France – était sur le plateau de LCI… 

MURIEL PENICAUD 
Oui, je le connais. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Vous le connaissez, il a dit : on ferme 5 jours, on ne sait pas quand on va reprendre. On fait appel, et il sous-entend qu'il espère que l'appel va déboucher sur un accord avec évidemment les représentants des salariés, qu'est-ce que vous lui dites ce matin ? 

MURIEL PENICAUD 
Alors, je ne commente évidemment pas une décision de justice, ce n'est pas le rôle des gouvernements, et nous n'avons pas à commenter une décision de justice, je pense qu'il est arrivé dans d'autres entreprises où les sites soient fermés quelques jours, il faut toujours utiliser à profit ce moment-là, qui est difficile pour tout le monde, pour bien revérifier tout ce qui doit être nettoyé, les mesures qui sont prises, il faut préparer la reprise pendant ce moment-là, je crois que c'est le plus important pour les salariés, le reste, c'est une affaire entre la justice et AMAZON, et n'ai pas à le commenter. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Et voilà quand même ce qu'il disait, écoutez-le, sur les conséquences de cette fermeture qu'il dit imposée par le tribunal de Nanterre. Ecoutez. 

FREDERIC DUVAL, DIRECTEUR GENERAL FRANCE D'AMAZON 
Elle aura des conséquences aussi pour nos salariés, ils vont rester à leur domicile, et enfin, elle va avoir des conséquences importantes aussi pour les dizaines de milliers d'entreprises, TPE, PME, qui utilisent nos services d'expédition aujourd'hui pour faire leur activité pendant cette période troublée. 

ELIZABETH MARTICHOUX
 Muriel PENICAUD, ce ne sont pas des conséquences regrettables ? 

MURIEL PENICAUD 
Alors, je rappelle que les salariés pendant cette période doivent continuer à recevoir leur salaire versé par AMAZON, y compris les intérimaires… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
A 100 %, il s'y est engagé… 

MURIEL PENICAUD 
Oui, mais c'est la loi, il s'y est engagé, mais de toute façon, c'est la loi, ils doivent avoir leur salaire à 100 % payé par AMAZON dans les quelques jours ou le temps qu'il faudra. Evidemment, dans toute situation, il faut essayer d'en sortir. Encore une fois, je le dis aux autres employeurs : on vous aide, on vous donne les guides, l'Inspection, elle fait aussi un rôle de conseil avant de faire un rôle de contrôle, donc mettez en place tout de suite les gestes, parce que, effectivement, là, il faut pouvoir en sortir, mais maintenant, c'est une affaire entre la justice et AMAZON, et donc il vaut mieux éviter de se retrouver dans cette situation. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Pour revenir au chômage, Muriel PENICAUD, question précise, les chômeurs en fin de droits, vous l'aviez dit d'ailleurs sur LCI, voient leurs allocations prolongées jusqu'à quand, et pour les autres chômeurs, est-ce que cette période sera décomptée de leurs jours de droits ; j'espère que je suis claire dans ma question ? 

MURIEL PENICAUD 
Oui. Alors, oui, nous avons pris des mesures, j'ai signé les décrets correspondants pour qu'on protège finalement les demandeurs d'emploi de la période de la crise, qu'on neutralise cette période de crise, concrètement, ça veut dire quoi, j'ai pris 6 mesures, la première, c'est : tous ceux qui arrivaient en fin de droits en mars voient leurs droits prolongés, c'est-à-dire qu'ils auront la même chose en avril et en mai, s'il le faut, qu'ils auraient eu en mars, alors qu'ils auraient dû avoir une fin de droits. Deuxièmement, vous savez que pour s'inscrire au chômage, il faut avoir travaillé 6 mois dans les 24 mois, eh bien, on neutralise toute la période évidemment de la crise, c'est-à-dire que ça ne sera plus 24 mois, ça sera 24 mois plus le temps de la crise. Ensuite, il y avait une dégressivité qui devait s'adresser, qui devait s'appliquer aux demandeurs d'emploi qui avaient les plus hauts revenus à partir du 1er mai, eh bien, c'est suspendu le temps aussi de la crise. Toutes les périodes d'inactivité de façon générale dues à la crise sont neutralisées dans le calcul des droits. Les intermittents du spectacle, on a également prolongé leurs droits, et pour ceux qui ont démissionné quelques jours avant le confinement, parce qu'ils avaient une promesse d'embauche et qui n'ont pas pu prendre leur emploi, parce que l'emploi n'a pas démarré, à ce moment-là, on accepte que ça soit un cas de démission légitime, ça veut dire qu'ils aient droit à l'assurance chômage. Donc le maître mot, ça fait beaucoup de mesures différentes, parce qu'il y a des situations humaines différentes, mais, moi, je veux répondre à toutes les situations humaines, je ne veux pas ajouter à la peur sanitaire une angoisse pour sa fin de mois, c'est aussi pour ça d'ailleurs que le gouvernement prend des mesures pour les plus vulnérables, les plus pauvres, et pour les demandeurs d'emploi, en gros, on neutralise toute cette période-là pour qu'ils ne soient pas anxieux du fait que cette crise pourrait avoir des conséquences pour eux. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Oui, le temps est suspendu d'une certaine façon, et vous l'aviez dit, des démissionnaires peuvent avoir droit à l'assurance chômage dans cette période exceptionnelle… 

MURIEL PENICAUD 
Le temps est suspendu pour protéger chacun. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Deux questions, deux réponses courtes, s'il-vous-plaît, Muriel PENICAUD, vous l'avez dit, il y a quelques instants, 9 millions maintenant de personnes sont au chômage partiel. Est-ce que vous craignez, enfin, tout le monde dit que c'était inévitable, mais quelle sera la proportion du choc sur l'emploi, l'emploi tout court, ce n'est pas du chômage partiel, c'est du chômage, le choc sur l'emploi une fois que la crise sera terminée ? 

MURIEL PENICAUD 
Je rappelle qu'en chômage partiel, malgré tout, on n'est pas au chômage, on a son contrat de travail suspendu, ses salaires payés par l'Etat. Alors, oui, quelle sera l'ampleur, la profondeur, durable de la crise économique, et donc sur l'emploi, aujourd'hui, on ne peut pas le savoir, je crois que tout ce qui peut permettre de reprendre dans les semaines qui viennent une activité en protégeant les salariés, ça contribue à éviter le spectre d'un chômage qui augmenterait. C'est clair que nous étions sur une excellente tendance, puisqu'il y a 2 mois, vous vous rendez compte, il y a 2 mois, ça nous paraît tellement loin, eh bien, on annonçait que le chômage était à 8,1 %, c'est-à-dire le plus faible taux depuis 11 ans, on est loin de cette situation, donc aujourd'hui, on protège l'emploi, on protège les salariés, mais c'est clair que les offres d'emploi chutent fortement… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
De combien pour l'instant déjà ? 

MURIEL PENICAUD 
On a perdu 7 offres d'emploi sur 10, en baisse, 70 % des offres d'emploi, alors il y a une partie qui va quand même reprendre quand l'activité va reprendre… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Pardon, il y a 70 % d'offres d'emploi en moins… 

MURIEL PENICAUD 
70 % d'offres d'emploi de moins en mars 2020 par rapport à mars 2019. Ce qui est logique puisqu'il y a très peu d'offres d'emploi, alors il y a quand même, je le dis, il y a des secteurs qui, eux, recherchent activement, et on a fait un site « Mobilisation emplois » sur Pôle emploi, parce que l'agriculture recrute, les transports, le médico-social, donc il y a des secteurs aujourd'hui qui recrutent, et on peut faire un entretien de recrutement par téléphone par visioconférence et être embauché dans ce contexte. Mais effectivement, on va être très attentif à tout ce qui est le soutien à l'activité… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Vous n'avez pas d'évaluation… J'imagine que vous travaillez sur des prévisions, il y a beaucoup de prévisionniste chez vous. Quel peut être le choc emploi sur le chômage à la sortie de la crise ? 

MURIEL PENICAUD 
Ça dépendra vraiment de l'ampleur et la rapidité de la reprise d'activité, aujourd'hui, c'est vraiment trop tôt pour le dire, le temps n'est pas à la prévision, le temps, il est à l'action, et on est concentré à 100 % dessus. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Je vous demande une réponse très courte sur une question politique, dans les Echos, la socialiste Valérie RABAULT dit que face à cette dette considérable qu'on est en train de creuser pour les bonnes raisons que tout le monde comprend, on ne pourra pas ne pas demander aux contribuables les plus aisés de contribuer au redressement, est-ce que vous allez rouvrir le débat sur l'ISF ? Faut-il rétablir l'ISF ? 

MURIEL PENICAUD 
Le gouvernement, il est à l'action, l'action, c'est quoi aujourd'hui, protéger les entreprises des défaillances, protéger les salariés pour qu'ils ne perdent pas leur emploi, protéger les travailleurs pour qu'ils soient dans de bonnes conditions de santé. Ce qu'on fera demain, ce sera un débat qu'on aura demain, qu'on aura au Parlement, qu'on aura avec la nation, ce n'est pas la question d'aujourd'hui… 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Juste un mot, est-ce que c'est un débat qui sera pour vous légitime ou pas ? Juste un mot. On ne va pas l'ouvrir maintenant, mais est-ce qu'il sera légitime ? 

MURIEL PENICAUD 
Non, mais de toute façon, il y a un temps pour chaque chose, et il y aura un temps pour le débat. Vous savez que l'Europe soutient les pays, et on demande à l'Europe de soutenir plus pour justement que la dette ne pèse pas ou pas trop sur les Etats, et donc sur tout le monde, ça, c'est un élément essentiel de la sortie de crise, et c'est ça la priorité. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Merci. Merci beaucoup, Muriel PENICAUD, d'avoir été ce matin sur LCI, on rappelle que vous êtes en direct du ministère du Travail. 

MURIEL PENICAUD 
Prenez soin de vous tous. 

ELIZABETH MARTICHOUX 
Merci. 


Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 avril 2020