Texte intégral
HEDWIGE CHEVRILLON
Muriel PENICAUD, bonjour, merci d'être en duplex avec nous, beaucoup de questions évidemment à vous poser…
MURIEL PENICAUD
Bonjour Hedwige CHEVRILLON.
HEDWIGE CHEVRILLON
Aujourd'hui vous présentez votre feuille de route à Matignon sur le déconfinement, chaque ministre doit apporter sa petite pierre pour savoir les modalités de ce déconfinement, qui a l'air de virer un petit peu au casse-tête. Peut-être, avant, est-ce qu'on peut faire un nouveau point sur les chiffres du chômage partiel ?
MURIEL PENICAUD
Non, ce n'est pas un casse-tête, mais c'est quelque chose d'important, comme une grande partie de la France est confinée et l'activité économique à l'arrêt, il faut évidemment avoir un travail interministériel très important, parce que tout est interactif. Par exemple, pour reprendre le travail, pour ceux qui aujourd'hui sont en chômage partiel, eh bien évidemment la question du transport, du transport en commun, va être importante, la question de la santé et de la sécurité. Donc, c'est un travail qui prend effectivement quelques semaines, mais qui est nécessaire pour que ça se passe de façon sereine pour nos concitoyens, dans quelques jours maintenant, dans quelques semaines.
HEDWIGE CHEVRILLON
On va y revenir évidemment un petit peu plus dans le détail, peut-être simplement je vous posais la question sur les nouveaux chiffres, si vous les avez, mais je crois que vous les avez, sur le chômage partiel, est-ce qu'on a franchi la barre des 10 millions ou pas ce matin ?
MURIEL PENICAUD
Oui, ce matin, en France, il y a 10,2 millions salariés, du secteur privé, dont le salaire est payé par l'Etat, par le ministère du Travail, parce qu'ils sont en chômage partiel, c'est plus d'1 salarié sur 2, et c'est 6 entreprises sur 10 qui sont employeurs, parce que c'est plus de 820.000 entreprises. Donc, c'est considérable, on n'a jamais fait ça dans notre pays, on a vraiment mis à l'abri, à l'abri des licenciements des millions, maintenant 10 millions de salariés, et on a évidemment permis aussi aux entreprises de garder leurs compétences pour repartir demain. Mais on voit aussi, du coup, l'ampleur de la tâche du retour au travail dans le déconfinement, parce que ce sont aussi 10 millions de salariés qui aujourd'hui ne travaillent pas, sont protégés par le chômage partiel, ils ont gardé leur contrat de travail, ils ont un salaire payé par l'Etat, mais il faut évidemment travailler avec toutes les professions, avec les syndicats, avec tout le monde, pour que le travail puisse reprendre progressivement, de façon essentielle essentiel pour l'avenir de nos entreprises et de notre emploi, évidemment en respectant les conditions de santé et de sécurité évidemment.
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, oui, bien sûr, on y revient bien sûr, mais ce cap de 10 millions est quand même symboliquement très fort, on voit qu'il y a une accélération parce qu'en début semaine vous avez parlé de 9,6 millions, ce matin vous nous dites 10 millions, il y a une accélération très forte.
MURIEL PENICAUD
Oui, il continue à y avoir une augmentation, jour après jour, j'avais donné aux entreprises jusqu'au 30 avril pour faire leur déclaration de mars-avril, notamment parce que, pour les petites entreprises c'était quelque chose de nouveau et il fallait leur laisser le temps, donc je pense qu'il y a un effet, là, jusqu'au 30 avril, qui compte, qui est aussi du rattrapage de demandes, de demandes qui ont été faites a posteriori, mais je voudrais dire qu'il y a des secteurs entiers qui sont à l'arrêt, évidemment l'hôtellerie-restauration, où c'est 9 salariés sur 10 qui sont au chômage partiel, mais aussi le bâtiment, le BTP, la construction, où c'est 93 % salariés, aujourd'hui, plus d'1,2 million, qui sont payés par le ministère du Travail, dont le chômage partiel est payé par l'Etat, et donc on voit qu'il y a un défi, et nous travaillons, avec Bruno LE MAIRE, avec les professionnels, pour la remise en route de tous ces chantiers en respectant les conditions sanitaires, qui sont maintenant déterminées depuis 3 semaines. C'est un enjeu considérable, parce que plus la crise dure, plus l'arrêt dure, et plus les lendemains seront difficiles. Il faut vraiment, en respectant pleinement, et sans compromis, les conditions de santé, il faut aussi qu'on travaille, métier par métier, à cette reprise.
HEDWIGE CHEVRILLON
Il y a pas mal de remontées ici à BFM Business, vous le savez, on est en contact avec les entreprises, qui nous disent il y a des retards de paiement, on a beaucoup de retards de paiement, donc je dois payer les salaires du mois d'avril, alors que je n'ai pas encore touché le chômage partiel pour le mois de mars. Qu'est-ce que vous leur dites ?
MURIEL PENICAUD
98 % des demandes de paiement ont déjà été versées, et on les verse entre 7 et 10 jours, mais il y a 1 entreprise sur 2 qui n'a pas encore fait sa demande de paiement.
HEDWIGE CHEVRILLON
Absolument.
MURIEL PENICAUD
Donc il ne suffit pas de dire je vais faire du chômage partiel, il faut faire la demande de paiement, parce que sinon nous ne savons pas combien de salaires ont été versés, donc combien on doit rembourser à l'entreprise. On rembourse 100 % à l'entreprise, jusqu'à 4,5 fois le SMIC, encore faut-il connaître le montant, et donc 1 entreprise sur 2 qui n'ont pas encore fait leur demande, eh bien il faut qu'ils fassent leur demande, et sous 7 à 10 jours l'engagement est pris, il est tenu, nous remboursons.
HEDWIGE CHEVRILLON
Muriel PENICAUD, la grande question maintenant, et je sais que vous travaillez dessus, justement vous allez travailler avec Matignon tout à l'heure sur cette question, c'est quand est-ce qu'on…
MURIEL PENICAUD
Alors, je voudrais dire aussi qu'il y a, c'est important pour les entreprises, je crois que c'est ce qu'elles ont découvert au fil des jours et des semaines, c'est que tous les secteurs peuvent être concernés, il y a des exemples étonnants, peut-être, pour le grand public, mais qui montrent la diversité des situations qu'on sauve, des emplois qu'on sauve, je pense par exemple au café Malongo à Nice, c'est plus de 100 personnes, le PMU, il y a plus de 1200 personnes évidemment qui sont au chômage partiel, je pense au Moulin Rouge où il y a près de 100 danseurs et danseuses, 250 personnes qui sont à l'abri, et puis c'est la fromagerie…
HEDWIGE CHEVRILLON
C'est la diversité de l'économie française.
MURIEL PENICAUD
C'est plein d'entreprises, et c'est toute la diversité de l'économie, on a élargi beaucoup le chômage partiel par rapport à ce qu'il était avant, puisque j'ai pris des ordonnances qui permettent de couvrir absolument tous les secteurs d'activité, et tous les types de métiers, de l'assistante maternelle, au VRP, au marin pêcheur, et la liste est longue, de tous ceux qui n'y avaient pas droit, donc aujourd'hui ça couvre tout le monde, notre but c'est vraiment d'avoir un amortisseur social qui permette aussi de repartir socialement et économiquement de façon…
HEDWIGE CHEVRILLON
Quand est-ce qu'on débranche le système Muriel PENICAUD ?
MURIEL PENICAUD
Ça sera difficile, mais ça sera beaucoup moins difficile que si on n'avait pas fait cet immense abri collectif, qui est la solidarité nationale.
HEDWIGE CHEVRILLON
Quand est-ce que vous pensez qu'il faudra débrancher ce système de protection incroyable du chômage partiel, et je dirais heureusement que vous l'avez mis en place, la question c'est qu'il y a un moment il faudra bien que les Français, les salariés, reviennent travailler, que ce soit sous la forme du télétravail ou en revenant dans leur bureau, quand est-ce que vous pensez que vous pourrez peut-être diminuer ce système de protection du chômage partiel ?
MURIEL PENICAUD
Alors aujourd'hui ne sont interdits, si j'ose dire, d'activité, que les secteurs qui ont été définis par décret, c'est-à-dire hôtellerie, restauration, commerces de alimentaire en grande partie, et événementiel, donc évidemment pour eux, pour l'instant, tant que on n'a pas donné le feu vert pour repartir…
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, la question ne se pose pas.
MURIEL PENICAUD
Parce que les conditions de sécurité sont plus dures, là il faut attendre encore un peu, mais on y travaille évidemment très activement avec les professions pour voir à quelles conditions et quand on voit pouvoir repartir, notamment sur le commerce non-alimentaire. Mais il y a aussi des secteurs où on peut repartir dès maintenant, c'est pour ça qu'on a publié des guides, qu'on fait avec les professions, et on consulte les partenaires sociaux, des guides santé/ sécurité, qui peuvent sécuriser les employeurs qui se disent « moi je suis responsable de la santé, j'ai une obligation de moyens, donc comment je fais concrètement », pour les livreurs, pour les caissières, pour les boulangers, pour les agriculteurs saisonniers, pour les opérateurs de nettoyage, voilà, donc il y a des guides sur tous ces métiers, il y en a déjà 36 de sortis, 30 qui arrivent très prochainement, et puis ça rassure aussi le salarié, parce que moi je comprends aussi la peur des salariés qui se disent « je vais retourner au travail, j'ai à la fois envie d'y retourner, parce que je vais retrouver mes collègues, mon activité, mais en même temps j'ai un peu peur », et donc ces guides ils sont très importants pour pouvoir être serein en repartant.
HEDWIGE CHEVRILLON
Pardon, il y a un point très très important, c'est qu'on voit bien que c'est un véritable casse-tête entre les salariés, les syndicats et les chefs d'entreprise, qui disent attention, nous on a une crainte des contrôles, de l'Inspection du travail, de la responsabilité pénale, et donc on ne veut prendre aucun risque, donc eh bien on ne va pas faire reprendre le travail parce qu'on a trop peur de ce qui peut ensuite nous être reproché, parce que peut-être qu'il y aura une défaillance dans la chaîne du contrôle sanitaire. Comment les rassurer, parce que si vous ne les rassurez pas, ils ne vont pas remettre leurs salariés au travail ?
MURIEL PENICAUD
Alors, c'est très simple, ces guides sont approuvés et édités par le ministère du Travail, avec l'approbation du ministère de la Santé, si on respecte le guide sanitaire des conditions de travail, on a rempli, en tant qu'employeur, son obligation de moyens, qui est prévue par le code du travail, donc on ne peut pas être inquiété, donc il faut juste respecter les guides qui donnent le mode d'emploi, encore une fois métier par métier, parce que tout le monde comprend que d'un métier à l'autre ça ne s'exerce pas de la même façon, si le métier est sédentaire, s'il est nomade, s'il a beaucoup de contact avec le client ou pas, le guide pour les hôtesses de caisse ce n'est pas le même que celui pour travailler dans l'industrie. Mais moi je note que partout où il y a du dialogue social on y arrive, je vais prendre l'exemple de TOYOTA à Valenciennes, c'est reparti, VALEO ça repart aussi, mais il y a eu un dialogue social, où ils se sont appuyés sur toute la méthodologique qu'on met en place, les outils, mais ils ont discuté avec les salariés, avec les syndicats, en disant à quelles conditions comment on repart, en respectant évidemment les gestes barrières, les plus d'1 mètre, les protections, et tout ce qui est prévu dans les guides. Donc je crois qu'il y a un mode d'emploi opérationnel qui peut sécuriser à la fois le salarié, qui se dit moi je peux aller travailler sereinement, mais l'employeur, parce que s'il le respecte, eh bien il a rempli son obligation, il n'y a pas d'inquiétude à avoir, il n'y a pas de raison que la France soit en dessous de l'activité des autres pays, et là ça m'inquiète beaucoup, parce que si on ne repart pas, avec des conditions maximales de santé, travailler, là on se met en difficulté durable.
HEDWIGE CHEVRILLON
Muriel PENICAUD, peut-on obliger justement, c'est ce qui s'est passé dans les banques, c'est ce qu'on disait dans le journal de BFM Business, est-ce qu'on peut obliger le salarié à prendre ses RTT, à prendre ses congés payés, ou, au contraire, de faire une croix dessus ?
MURIEL PENICAUD
Je n'entends plus rien… on m'a répété la question parce que je ne l'ai pas entendue, excusez-moi, je m'excuse pour les auditeurs, mais c'est les joies du…
HEDWIGE CHEVRILLON
Du duplex et de la situation actuelle, est-ce qu'on peut obliger son salarié, soit à prendre ses congés payés, ou pas, et à prendre ses RTT, ou à l'inverse de les supprimer ?
MURIEL PENICAUD
Alors, on l'a précisé dans les ordonnances de semaine dernière, donc, en ce qui concerne les congés payés, si l'employeur prévoit et informe un mois à l'avance, il peut fixer la date des congés, ça ce n'est pas nouveau, ça existe dans le code du travail depuis très longtemps, par contre, ce qu'on a ajouté, c'est que, si il y a un accord avec les partenaires sociaux, avec les syndicats, on peut mobiliser tout de suite une semaine de congés payés pendant le confinement. Sur les RTT et sur le compte épargne temps, l'employeur peut les mobiliser. Alors, les mobiliser, ça veut dire quoi ? ça veut dire que les jours de RTT sont fixés pendant le confinement, pendant que les personnes sont en chômage partiel, et donc oui, ça c'est possible tout de suite, dans beaucoup d'entreprises ça se passe par un dialogue, je dirais qu'il y a un peu de bon sens, c'est l'intérêt de tout le monde qu'on puisse, quand on repart, repartir vite, repartir bien, donc ça se passe bien dans beaucoup d'entreprises, mais voilà les droits et les devoirs de l'employeur.
HEDWIGE CHEVRILLON
Toute, toute dernière question, c'est une information là aussi BFM Business, les chiffres de recrutements publiés par l'APEC montrent qu'ils ne vont pas atteindre les 297.000 recrutements de cadres d'ici la fin de l'année, j'imagine que vous n'êtes pas surprise par ce chiffre, vous avez suspendu la dégressivité des allocations de chômage versées au cas dans le cadre de la réforme de l'assurance chômage, est-ce que vous êtes inquiète justement sur le recrutement des cadres ?
MURIEL PENICAUD
Alors, d'abord deux choses. La première c'est que je crois que sur le recrutement des cadres, mais le recrutement en général, évidemment on assiste à une à une baisse très forte des recrutements. Alors, est-ce qu'elle va être largement ou que très partiellement compensée par une reprise plus intensive des recrutements au moment de la reprise et de la relance ? Eh bien ça, ça dépend justement de l'ampleur de la relance, ça dépend de la rapidité de la relance, mais aussi de son expansion, et donc évidemment nous on travaille déjà aussi sur comment accompagner les entreprises et les salariés pour la relance, pour qu'elle soit au maximum, mais oui ça va être une année difficile en termes d'emplois. Là on protège des vagues massives de licenciements, je compare aux Etats-Unis, en 4 semaines 22 millions de personnes ont perdu leur emploi aux Etats-Unis, donc, ce n'est pas le cas en France, mais, néanmoins, ça va être difficile. Je pense aussi qu'il faut, dans l'intervalle, puisqu'il y a encore quelques jours, quelques semaines pour certains, à être confinés, je rappelle qu'on peut aussi se former pendant cette période-là, parce que je crois qu'il faudra être très innovant à la sortie et que la compétence aura une valeur très grande. Aujourd'hui on a mis en ligne gratuitement des formations pour les demandeurs d'emploi, pour les salariés, plus le compte personnel de formation, donc je crois qu'il faut aussi utiliser ce temps pour pouvoir se former, pour aider au rebond, et on aidera à la création d'entreprise, on soutiendra l'emploi…
HEDWIGE CHEVRILLON
Le message est passé, merci beaucoup Muriel PENICAUD d'avoir été avec nous, la ministre du Travail, avec toutes ces informations, et puis cette information quand même que le cap des 10 millions de chômage partiel a été franchi.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 avril 2020