Texte intégral
Q - Bonjour, Jean-Baptiste Lemoyne.
R - Bonjour, Gérard Leclerc.
Q - Vous avez rendez-vous aujourd'hui avec les professionnels du tourisme, les cafés, les hôtels, les restaurants, les agences, les guides. Pour eux, eh bien, c'est simple, c'est l'activité zéro depuis plus d'un mois. C'est une catastrophe absolue, c'est une asphyxie, disent-ils. Qu'allez-vous leur répondre ?
R - Le président de la République a érigé le tourisme en priorité nationale. Et donc, le secteur ayant été massivement touché depuis le début, avec quasiment zéro recette désormais, il faut s'attacher à ce qu'il y ait le moins de dépenses à supporter. Et au-delà des dispositifs déjà mis en place, comme l'activité partielle, comme les prêts garantis d'Etat, eh bien, nous allons travailler, justement, sur les annulations de charges, sur des aides spécifiques, pour que ce secteur puisse passer ce cap très difficile. Donc, nous nous réunirons avec Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, le Bureau du comité de filière tourisme. Cela représente, justement, l'ensemble du secteur. Moi, je réunis ce comité de filière, de façon hebdomadaire, chaque mardi, et ensemble nous construisons les réponses, de façon très pragmatique, très concrète, parce que c'est un impact majeur. Je recevais ce matin, justement, pour vous donner un ordre d'idée, les chiffres des pertes estimées du secteur des parcs de loisirs, pour le premier semestre, c'est estimé à 800 millions d'euros. Et là, on parle de gros chiffres, au niveau de filière, mais quand on va au niveau individuel, souvent ce sont des affaires, quand on prend l'hôtellerie, la restauration, qui se sont transmises de famille en famille, ou qui sont le fruit d'efforts de générations, on ne peut pas accepter qu'elles aillent au tapis. Et donc, on est présent au rendez-vous pour les accompagner.
Q - Est-ce qu'on a une idée déjà du nombre d'entreprises qui sont aidées ? Et puis, surtout, ces cafés, ces restaurants, ses hôtels, ils ne demandent pas seulement le report des charges, ils demandent leur annulation, et puis, également, l'utilisation d'un fonds de solidarité notamment pour les loyers. Qu'est-ce que vous leur répondez ?
R - Alors, un, oui naturellement, c'est sur les annulations que nous travaillons. Donc, la réunion, cet après-midi, permettra très concrètement de rentrer dans le détail de la technique etc., de regarder le périmètre de tout cela, parce qu'il y a les annulations qui avaient cours depuis le mois de mars, et puis, c'est vrai que les professionnels nous demandent aussi de les aider sur la reprise, sur les premières semaines, les premiers mois de la reprise parce qu'elle va être très progressive, on le sait. Les hôtels, les restaurants, lorsque l'activité va reprendre, cela sera de façon très progressive. Donc, tout cela, nous allons l'évoquer. Et puis, les loyers ; alors, les loyers c'est un gros sujet. Je m'entretenais hier soir encore avec le président d'un groupe de chaînes hôtelières, qui me disait : "Voilà, moi j'ai une foncière qui pèse pour tant de millions d'euros de loyer, chaque trimestre, j'ai du mal à obtenir des gestes". Eh bien, là-dessus, voilà on demande aux foncières, Bruno Le Maire l'a fait hier soir encore, on leur demande de travailler pour trouver des solutions avec leurs clients, pouvoir, peut-être, étaler dans le temps tout cela, parce qu'il y a besoin que tout le monde fasse un effort, que tout le monde participe, apporte sa pierre à l'édifice de l'effort national ; cela concerne également les loyers.
Q - Combien d'entreprises, pour l'instant, d'hôtels, de restaurants, sont aidés, et cela représente quelle masse financière ?
R - Alors, si on prend par exemple les prêts garantis par l'Etat, vous savez que ces prêts maintenant sont garantis à 90 %, cela veut dire que s'il y a un défaut c'est l'Etat qui vient rembourser, distribués par BPI et toutes les banques. Nous en sommes à quatorze mille entreprises touristiques qui en ont bénéficié pour 1,2 milliard d'euros. Donc, c'est important, cela signifie que le secteur s'empare de ces outils et ce que nous souhaitons, c'est qu'il continue à monter en puissance pour apporter des réponses concrètes. Cela permet d'emprunter jusqu'à un quart de son chiffre d'affaires, donc d'avoir accès au crédit pour faire face au choc depuis le 1er mars.
Q - On estime, vous savez, qu'il y a entre 20 % et 40 % des restaurants, des cafés, qui sont menacés de faillite, directement ?
R - C'est pour ça qu'on doit être présent, au rendez-vous, avec des réponses à la hauteur, et ne pas craindre d'innover. Vous savez que ces annulations de charges, que le président de la République a annoncées pour la filière tourisme, hôtellerie, restauration, dans son allocution lundi dernier, c'est tout simplement inédit. C'est la première fois que pour une filière, dans son ensemble, on travaille sur une annulation de charges. Donc, on n'a pas peur d'innover, d'oser, parce qu'il y a une priorité, c'est maintenir les emplois, maintenir les entreprises. On sait qu'on a les talents, on a le savoir-faire, ce n'est pas pour rien que la France elle est numéro un sur le podium, dans le monde, en matière d'accueil de touristes internationaux. Tout cela, c'est grâce à ce savoir-faire, il faut le préserver et leur donner la capacité à repartir dans les prochaines semaines, les prochains mois.
Q - Alors, les restaurants, les hôtels, toujours, dénoncent le désengagement des assureurs et demandent des dispositions exceptionnelles d'indemnisation, en urgence. Vous les soutenez ?
R - Ce qui est sûr, c'est que les assurances sont très attendues, et le Premier ministre a souhaité les réunir parce que les premiers gestes, qui avaient été faits, étaient manifestement insuffisants. Désormais, ils vont abonder à hauteur de 400 millions d'euros le fonds de solidarité, mais surtout, plus important pour moi, elles vont mettre 1,5 milliard d'euros en investissements, pour soutenir les entreprises en fonds propres dans la relance. Et moi, je demande au secteur des assurances qu'une partie de ces crédits dédiés à l'intervention en fonds propres, pour consolider le bilan des entreprises, puisse aller vers les entreprises du tourisme, elles en auront besoin. Nous travaillons, le Premier ministre nous a demandé également un plan de relance pour le secteur du tourisme, qui sera présenté lors d'un Comité interministériel pour le tourisme, courant mai. Naturellement, je crois que les assureurs devront être présents, au rendez-vous, sur cette dimension de d'investissement parce qu'il y a des entreprises qui auront été fragilisées et auront besoin de ce support.
Q - Alors, les hôtels, les restaurants, il faut le rappeler, ne sont pas concernés pour l'instant par le déconfinement à partir du 11 mai. Alors, question simple : quand pourront-ils reprendre leurs activités ? Pourquoi ne pas les rouvrir en appliquant, par exemple, les fameuses règles de distanciation ?
R - Permettez-moi, juste de distinguer, au préalable, les hôtels, des restaurants, puisque les hôtels ne sont pas fermés, d'un point de vue législatif, le taux d'occupation est très faible, mais ils continuent à être ouverts pour, notamment, celles et ceux qui sont en première ligne. Un certain nombre de programmes de solidarité, d'entraide, ont été mis en place pour les soignants, pour les routiers, etc. Donc, je le signale. Les restaurants, effectivement, depuis le décret du 14 mars, sont purement et simplement fermés. Et donc, c'est tout un travail que nous conduisons, que nous allons conduire avec les professionnels, pour travailler sur des protocoles sanitaires parce que c'est l'état sanitaire, c'est l'évolution de l'épidémie qui permettra, à un moment donné, de donner une perspective, de dire "voilà à quel horizon on peut rouvrir". Mais à ce stade, il n'est pas possible encore de donner cet horizon. Nous espérons naturellement donner déjà un calendrier du calendrier prochainement parce que je sais qu'il y a un besoin de visibilité. Mais vous comprenez que le sujet il est déjà sanitaire et c'est ça qui commande. On ne peut pas prendre de risques, il faut naturellement être dans des conditions de sécurité sanitaires maximales. Et je sais que les professionnels se préparent et sont prêts à adopter un certain nombre de protocoles.
Q - Mais donc, vous ne pouvez pas donner d'horizon, dire quand les cafés, les restaurants, vont rouvrir. On ne sait pas ?
R - Vous savez, cette crise épidémique, elle doit nous rendre très humbles. Il y a vraiment ce que l'on sait, ce que l'on dit, et il y a ce que l'on ne sait pas. En l'occurrence, on ne le sait pas encore, on travaille sur toute cette dimension sanitaire. J'ai demandé à ce qu'on puisse, justement, être en anticipation, au maximum. Mais à ce stade, il n'est pas encore possible de donner un horizon.
Q - Les touristes étrangers, soyons clairs, on fait une croix dessus, ils ne viendront pas cet été ?
R - Il est clair que la reprise, la relance, elle va passer par le tourisme national, par les Français, et ils sont 67 millions à pouvoir redécouvrir nos territoires, nos terroirs. La France, c'est un pays qui est formidable parce qu'il a une diversité avec le littoral, la montagne, le rural, l'urbain, bref, il y en a pour tous les goûts. Et donc, il y a mille et une façons de pouvoir, le moment venu, faire effectivement une pause parce que je crois qu'après l'évènement, quelque part traumatique que nous vivons, je crois qu'il faut voir ce qu'implique le confinement, eh bien, le besoin aussi, à un moment, de pouvoir s'évader, sera là. Et je sais que les professionnels du tourisme également sont très heureux de les accueillir, même si cela sera une reprise progressive.
Q - Alors, parlons justement clairement des vacances des Français, vous me contredisiez si je me trompe. En clair, ils ne pourront pas partir de toute façon en dehors de l'Europe. A l'intérieur de l'Europe, quelle est la situation ? A première vue ça paraît compliqué aussi, non ? Et puis donc, au moins est-ce qu'ils pourront aller partout en France ?
R - Alors, vous savez que, s'agissant de l'Europe et de l'international, à peu près 190 pays dans le monde ont pris des mesures à l'encontre des ressortissants français parce que nous sommes vus comme une zone épidémique. Donc, cela veut dire qu'effectivement, aujourd'hui, il faut se concentrer sur la destination France. Au niveau européen, ce travail de concertation est enclenché, la Commission européenne a mis des pistes sur la table, mercredi dernier. Les chefs d'Etat et de gouvernement se rencontreront le 23 avril, pour avoir cette coordination au niveau, notamment, de l'espace Schengen. Mais, très clairement, il faut donner ce coup de pouce à nos professionnels sur le territoire national. Moi, je vais à leur rencontre chaque semaine. J'étais avec les professionnels du Centre-Val de Loire en audioconférence avant-hier, je me suis entretenu hier avec le président de la Collectivité territoriale de Corse. Très clairement, le tourisme, c'est un moteur de ces territoires. Il y aura le besoin pour les Français et pour les territoires de pouvoir avoir ce tourisme national fort et vigoureux.
Q - Donc, clairement, vous incitez les Français à aller en France. Je termine d'un mot sur le commerce extérieur, parce que ça fait également partie de vos attributions. Un Français sur quatre travaille pour l'exportation. Pour l'instant, j'imagine que ce commerce a fortement chuté. Est-ce qu'on a une idée justement de cette baisse du commerce extérieur français ?
R - Alors, on a un chiffre : on sait qu'une entreprise sur deux, finalement, a cessé ses activités à l'export. Donc, on peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide. Il y a en a une sur deux qui l'ont continué, mais sachant que, comme vous l'avez dit, l'export c'est un quart du PIB français, c'est aussi un moteur, les exportations étaient très dynamiques ces derniers mois, nous avons eu de bons résultats en 2019, plus d'entreprises exportatrices. Donc, c'est pourquoi nous travaillons avec les régions, les représentants des entreprises, et tout à l'heure, avec Jean-Yves Le Drian, Bruno Le Maire, à 10h30, nous aurons une réunion dédiée à l'export, pour préparer aussi les plans de relance, avec les régions, faire en sorte que nous puissions les aider avec des outils financiers, avec aussi, sûrement, des accompagnements budgétaires pour être présents sur les grands salons internationaux. Je peux vous annoncer, par exemple, que le secteur du vin sera représenté au Salon de Chengdu en Chine, puisque celui-là reprend le 24 mai. Et nous souhaitons continuer à ce que le savoir-faire tricolore soit également très présent à l'international. La compétition va être féroce, elle va être très féroce. Et c'est pourquoi, là aussi, avec Business France, nous devons être en accompagnement de toutes nos entreprises à l'export.
Q - Merci, Jean-Baptiste Lemoyne. Bonne journée, bon week-end.
R – Merci.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 avril 2020