Texte intégral
GILLES BORNSTEIN
Bonjour Jean-Baptiste DJEBBARI.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Bonjour.
GILLES BORNSTEIN
Dans votre bureau, manifestement, au ministère des Transports, alors on apprend à l'instant même, par une déclaration de Ben SMITH, président d'AIR FRANCE, que la compagnie envisage de rencontrer les syndicats sur d'éventuelles réductions de ses effectifs, ce type de réunion préfigure souvent des plans de licenciements importants. Vous êtes ministre des Transports, comment réagissez-vous ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Bon d'abord, c'est l'annonce de discussions et pas de suppressions d'emplois, mais ce qui est sûr, et on va se dire les choses, c'est que le transport aérien subit une crise absolument inédite, si les États n'étaient pas là, la plupart des compagnies aériennes seraient, dans quelques semaines ou à l'horizon de quelques semaines, en situation de faillite, et dont les États agissent fortement, c'est le cas de l'État français qui, comme vous le savez, non seulement, agit au travers du chômage partiel, je vous rappelle qu'aujourd'hui, 70% des salariés d'AIR FRANCE sont au chômage partiel, 90% des navigants, et puis, vous l'avez lu et entendu, l'État met 7 milliards d'euros sur la table pour sauver des dizaines de milliers d'emplois chez AIR FRANCE. Mais moi, je crois que Ben SMITH a raison, en lucidité et en transparence, de poser le sujet avec les syndicats, les syndicats de l'entreprise que je connais bien, et qui sont extraordinairement responsables pour à la fois faire part des difficultés, faire part aussi de l'incertitude, parce que la réalité, c'est que personne aujourd'hui, ni vous, ni moi, ni personne, ne sait dire quelle est la date de reprise du trafic, la dynamique de reprise du trafic, donc moi, je pense que Ben SMITH, je suis convaincu que Ben SMITH saura, a raison, d'abord, de poser cet acte de discussion en lucidité, et saura mener cette discussion responsable.
GILLES BORNSTEIN
Mais on va dire les choses, comme vous avez dit, alors, on va dire les choses, peut-on bénéficier de 7 milliards d'euros d'argent public venant des impôts des Français pour licencier du personnel ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors d'abord, ce n'est pas l'annonce de licenciements ou de suppressions dans…
GILLES BORNSTEIN
On sent que vous êtes prêt, Jean-Baptiste DJEBBARI, on sent que vous êtes prêt à les accepter ces licenciements.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, mais ce que tout le monde doit avoir en tête, c'est que sans les 7 milliards d'euros, c'est les 45.000, les 50.000 emplois du groupe AIR FRANCE-KLM qui sont en danger. Donc là aujourd'hui, l'État, en mettant 7 milliards d'euros, l'État, en soutenant d'ailleurs massivement des dizaines de milliers d'entreprises en France, sauve des dizaines de milliers d'emplois, et c'est vrai chez AIR FRANCE-KLM, donc n'inversons pas la logique. Ben SMITH a raison d'être lucide sur ce qui se passe dans le marché, sur le marché du transport aérien. Je vous rappelle que chez nos voisins, chez BRITISH AIRWAYS par exemple, c'est 12.000 emplois qui sont d'ores et déjà annoncés comme étant supprimés. Ben SMITH a fait état d'ailleurs de beaucoup plus de départs volontaires que de suppressions fermes d'emplois, aussi parce que la pyramide des âges chez AIR FRANCE est un peu différente des autres compagnies aériennes. Donc moi, je fais pleinement confiance à Ben SMITH pour mener cette discussion responsable…
GILLES BORNSTEIN
Mais à combien de licenciements… enfin, si c'était des licenciements, et manifestement, ce n'est pas exclu, à combien de licenciements peut-on s'attendre ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais vous savez que là, nous parlons d'annonce de discussion… et j'ai rappelé quand même le caractère tout à fait incertain de la reprise du trafic, de la dynamique de reprise du trafic. Moi, ce que je sais, c'est que nous avons besoin d'un grand groupe mondial comme AIR FRANCE-KLM, que l'État a mis les moyens, que l'État a posé des conditions très claires en matière de performances économiques, en matière de transition environnementale, et que nous nous engagerons très fort aussi, et notamment au niveau européen, pour qu'il y ait beaucoup plus de régulation sociale, on a vu ces dernières années prospérer des modèles, notamment des modèles low-cost qui, finalement, ont joué des zones grises du droit européen, qui ont joué du dumping fiscal et social, et je crois que ça aussi dans le monde de demain, comme il convient de l'appeler maintenant, eh bien, ce sont des choses que nous devrons arriver à beaucoup mieux réguler politiquement.
GILLES BORNSTEIN
Alors, un dernier petit mot sur l'aviation, après, évidemment, on parlera de la reprise lundi. Est-ce qu'Orly va rouvrir le 26 juin, Orly est fermé actuellement, est-ce qu'Orly va rouvrir le 26 juin, comme vous l'ont demandé 9 compagnies aériennes, rapidement ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Très rapidement, j'ai pris l'arrêté de suspension d'Orly le 30 mars, il y a des demandes effectivement au 26 juin par plusieurs compagnies, dont TRANSAVIA, nous regardons la situation avec ADP, pour moi, il y a 2 conditions, 3 conditions, d'abord, on harmonise les procédures sanitaires au niveau européen, parce qu'on ne peut pas penser qu'avec des procédures dissymétriques en Italie, en France, en Allemagne et ailleurs, il y aura une reprise satisfaisante du trafic. Et deuxièmement, que ça satisfasse les conditions d'équilibre économique d'ADP qui, comme le vous savez aussi, subit cette crise de plein fouet. Donc nous menons cette discussion, j'ai encore eu une discussion hier avec Augustin de ROMANET, le patron d'ADP, et ce sont des discussions qui se poursuivent et qui trouveront une résolution, en tout cas, décision très rapide.
GILLES BORNSTEIN
Donc vous nous dites : ni oui ni non. Passons au déconfinement, c'est lundi, dans 4 jours très exactement, eh bien, les métros, enfin, il y aura plus de monde dans les transports en commun, à quel pourcentage de reprise d'activité vous attendez-vous, par exemple, en Ile-de-France, d'habitude, 5 millions de voyageurs, Valérie PECRESSE a parlé d'un million et demi, c'est à peu près ce à quoi vous vous attendez ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
…On attend entre 20 et 30% de la fréquentation habituelle, à peu près ça, entre un million et un million et demi de personnes, pour ça, on essaie de construire, on construit avec la RATP, et d'ailleurs partout en France, avec la SNCF, une offre surabondante, c'est-à-dire qu'on essaie de mettre beaucoup plus de trains que de voyageurs qui vont circuler à compter du 11, pour la RATP, et ce sera plus de 75% du trafic. Et on fera rouler dans les endroits les plus fréquentés les lignes quasiment à leur niveau normal, c'est vrai pour les lignes automatiques, c'est vrai pour des lignes qui sont particulièrement fréquentées, et à la SNCF, on va faire en sorte d'avoir le maximum de trains du quotidien, donc les TER, les Transilien en Ile-de-France, d'avoir entre 50 et 60% des trains. En revanche, on restera restrictif sur les trains longue distance pour éviter la propagation du virus, comme vous le savez.
GILLES BORNSTEIN
Alors, parlons de l'Ile-de-France et des agglomérations, est-ce que vous confirmez, Jean-Baptiste DJEBBARI, qu'il faudra une attestation de son employeur pour pouvoir utiliser les transports en commun avec les heures de présence requises ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors, ce sont des travaux que nous menons depuis la semaine dernière pour faire deux choses, et c'est important, d'abord, pour organiser le télétravail et pour organiser l'étalement des pointes, et effectivement, nous avons signé hier une charte avec la région, les opérateurs et les employeurs, de manière à lisser les heures d'arrivée dans l'entreprise, d'ailleurs, les heures d'arrivée et de départ, et pour étaler, pour désengorger les transports en heures de pointe, il est prévu, enfin, les employeurs se sont engagés à produire des attestations spécifiant les créneaux horaires d'arrivée, et donc spécifiant les créneaux d'utilisation des transports en commun. Et donc je vous confirme cette information, ce guide qui a été signé, qui est d'ailleurs public, et ces engagements qui ont été pris par les entreprises.
GILLES BORNSTEIN
Donc clairement, moi, si je veux venir travailler lundi, je ne peux pas le prendre sans une attestation de France Télévisions qui me dit que je peux venir travailler de telle heure à telle heure ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Eh bien, c'est l'engagement en tout cas qu'ont pris les entreprises hier. On va évidemment être… nous ce qu'on a envie, c'est que ça marche, vous voyez, Monsieur BORNSTEIN….
GILLES BORNSTEIN
Bien sûr…
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
On n'a pas envie de faire de la vie des Franciliens un parcours du combattant, on a envie que ça marche, donc effectivement, on sait qu'en étalant les heures de pointe, on aura moins de monde, donc moins de promiscuité, et donc c'est évidemment meilleur sur le plan sanitaire.
GILLES BORNSTEIN
C'est sous peine d'amende, c'est-à-dire, si quelqu'un n'a pas l'attestation de son employeur, une amende de 135 euros ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non pour l'instant, nous envisageons... pour l'instant, ce qui est écrit dans le projet de loi, c‘est que nous ferons des contrôles, donc on peut envisager que si vous arrivez devant une station de métro et que vous n'avez pas cette attestation, il y aura un contrôle, et qu'on pourra possiblement vous refuser l'entrée dans les transports en commun…
GILLES BORNSTEIN
Vous « refuser l'entrée » ! ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
En l'état, ce qui est écrit, et vous savez que le débat se poursuit au Parlement, en l'état, c'est ce qui est écrit dans le projet de loi, nous prévoyons un contrôle de ces attestations le cas échéant. Donc tout ça va continuer à être discuté, nous avons, sous l'égide du président de la République, une réunion à 09h, ce sont des modalités fines que nous allons caler dans les minutes qui suivent, mais en l'état, c'est effectivement ce que prévoit le texte.
GILLES BORNSTEIN
Contrôles opérés par qui, on sait que la présidente de la RATP, par exemple, a exigé, enfin, a demandé que des policiers soient affectés aux entreprises pour faire tous ces contrôles, y aura-t-il des policiers, y aura-t-il des agents de sécurité, qui feront tous ces contrôles, qui pourraient être massifs si je vous ai bien compris ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors, d'abord, vous savez que nous allons réguler l'accès aux transports en commun, notamment avec l'obligation du port du masque, donc avons mis en place…
GILLES BORNSTEIN
Réguler par qui ? Parce que pour réguler, il faut des gens…
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Absolument, à la fois par les forces de l'ordre, plusieurs centaines de forces de l'ordre sont prévues à compter du 11 mai aux abords des gares, dans les gares, pour aider les opérateurs de sécurité et de sûreté de la RATP et de la SNCF, et plusieurs milliers de personnes vont, à la SNCF comme à la RATP, ce sont deux organismes qui sont dédiés, internes à ces entreprises, vont pouvoir pratiquer, et d'ailleurs, sont assermentées par la loi pour pratiquer ces contrôles, à la fois du port du masque, et le cas échéant, effectivement, prononcer les sanctions, puisque là, dans ce cas-là, une sanction est prévue par le texte de loi.
GILLES BORNSTEIN
Quelqu'un qui n'a pas de masque ne rentre pas dans une station de métro par exemple, ne peut pas prendre un bus ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Bon, d'abord, l'objectif, je le redis, c'est qu'on assure la sécurité sanitaire dans les transports, et vous savez que les transports sont un lieu particulier où on a beaucoup de croisements et plus de promiscuité qu'ailleurs, on a plus de proximité qu'ailleurs. Donc le principe, c'est qu'on va d'abord aider à distribuer des masques, et j'ai fait l'annonce il y a quelques jours de ces neuf millions et demi de masques que nous allons distribuer, notamment pour faire l'appoint les premiers jours…
GILLES BORNSTEIN
Gratuitement ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Nous sommes bien dans une démarche d'accompagnement…
GILLES BORNSTEIN
Distribution, c'est gratuit ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Pour l'appoint, ce sont des masques à usage unique, ce sont pour des personnes qui n'auraient pas pu s'en procurer les premiers jours, et donc il y a vraiment un accompagnement, une inaction bienveillante vis-à-vis des Franciliens, notamment et des Français qui, demain, en tout cas, à compter du 11 mai, auront à prendre les transports en commun. Ensuite, il y a effectivement des contrôles qui vont être mis en place, on en a parlé, ça, c'est pour s'assurer que chacun porte un masque, et que la sécurité sanitaire, qui est une affaire collective, soit bien assurée, et puis, le cas échéant, effectivement, nous prévoyons dans le texte de loi des sanctions, une amende en l'occurrence, qui a déjà été évoquée à plusieurs reprises dans la presse.
GILLES BORNSTEIN
Un salarié d'une entreprise de transport qui ne s'estimerait pas assez protégé, par exemple, un chauffeur de bus, pourra-t-il faire valoir son droit de retrait à partir de lundi ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Bon, d'abord, le droit de retrait, il est prévu dans le droit, et vous savez que ça correspond à des mesures, en tout cas, des circonstances très précises quand vous êtes face à, en gros, un danger pour votre propre vie, ça satisfait des critères juridiques très clairs…
GILLES BORNSTEIN
Un conducteur de bus pourrait estimer qu'il est face à un danger ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Tout à fait, vous savez, c'est l'appréciation individuelle, nous, ce que nous tentons d'organiser, c'est deux choses, d'abord dire, d'abord, on est évidemment très conscient de la vie très concrète, très pratique des chauffeurs de bus, donc la RATP et par ailleurs, les autres opérateurs de bus ont mis en place des systèmes, notamment des système d'alerte, je vous l'ai dit, les opérateurs de sécurité sont mobilisés, moi, j'ai été très clair sur le sujet, si nous observons des dysfonctionnements d'ordre public ou d'ordre sanitaire, en tout cas, si les mesures de sécurité sanitaire ne sont pas satisfaites, de façon correcte, alors, nous n'hésiterons pas à fermer ici et là telles lignes de bus, telles lignes de tram, telles lignes de tramway, parce que la sécurité sanitaire, c'est bien l'impératif dans cette séquence, en tout cas, c'est l'impératif premier de ce gouvernement dans cette séquence compliquée qui s'ouvre à compter du 11.
GILLES BORNSTEIN
Il nous reste une minute pour une question un petit peu plus générale, est-ce qu'il faut s'habituer à un monde où on va moins se déplacer moins se déplacer au quotidien, pour aller travailler, moins se déplacer pour partir en vacances, un monde avec moins de transports, question au ministre des Transports justement ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Eh bien, c'est une belle question philosophique que vous posez-là, moi, je pense qu'il y aura forcément des pratiques qui vont changer. Par exemple, le vélo va devenir très certainement dans les zones urbaine une façon privilégiée de se déplacer, je pense que, oui, le télétravail, peut-être, pour partie, pas forcément tout le temps, mais pour partie, va devenir un mode de travail privilégié. Mais après, je pense que les déplacements, les transports, et notamment la démocratisation des transports, participent en quelque sorte de la pacification des peuples, et donc je pense que le transport a encore de beaux jours devant lui, mais dans des circonstances, et peut-être avec des modalités un peu différentes.
GILLES BORNSTEIN
Merci infiniment. Jean-Baptiste DJEBBARI qui nous a donc dit qu'il accompagnerait Ben SMITH dans des discussions pour des éventuelles suppressions de postes à AIR FRANCE. Merci beaucoup, bonne journée, bon courage pour les jours qui suivent.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 mai 2020