Texte intégral
GUILLAUME DURAND
Nous sommes avec celui qui est responsable des Transports au gouvernement, il s'agit de Jean-Baptiste DJEBBARI. Il y a un plan sur l'aéronautique ce matin, des chiffres, un calendrier et des problèmes d'emploi. Vous allez tous savoir en direct, c'est une exclusivité.
GUILLAUME DURAND
Jean-Baptiste DJEBBARI, bonjour. Il est évident pour les Français que cette affaire de sauvetage de l'aéronautique est à double entrée intéressant, parce que non seulement ça concerne un secteur économique mais ça concerne aussi les futures vacances de ceux qui veulent partir en France ou à l'étranger. Première question : est-ce que le plan, alors je sais bien que vous n'allez pas tout nous dire, puisque c'est à 09h00 ce matin, mais est 10 ou 15 milliards pour l'aéronautique ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Eh bien, bonjour à vous d'abord.
GUILLAUME DURAND
Bonjour.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Au total, quand on compte effectivement les 7 milliards du soutien à AIR FRANCE – KLM, c'est autour de 15 milliards. Mais vous avez raison, ça concerne à la fois les déplacements des Français et un secteur industriel majeur. Nous, nous avions trois priorités. D'abord, faire repartir le trafic aérien, en sécurité. C'est chose faite depuis le début du mois de juin, avec un guide européen, avec mi-juin la réouverture des frontières Schengen qui est très probable, et puis à compter du début du mois de juillet, on peut envisager de commencer à se re-déplacer au niveau international, tout ça maintenant est, on va dire, suit un bon chemin.
GUILLAUME DURAND
Pardonnez-moi, Jean-Baptiste DJEBBARI, pardonnez-moi, je vais vous demander de parler un petit peu plus fort, plus proche de votre téléphone, parce qu'on vous entend un peu lointain. Donc on est d'accord, pour tous ceux qui nous écoutent ce matin, début du mois de juillet, on prend l'avion comme avant, les grands aéroports français, pour aller un peu n'importe, enfin un peu partout dans le monde.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors, pour repréciser, j'espère qu'on m'entend mieux. Pour repréciser, d'abord il y a une reprise actuelle des vols domestiques depuis la fin de la restriction des 100 km…
GUILLAUME DURAND
Oui, je sais, je sais.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mi-juin, c'est vrai que c'est un des premiers grands rendez-vous pour l'Europe, et notamment pour les frontières Schengen, parce que les pays sont en train de se mettre d'accord pour ouvrir les frontières intra-Schengen et donc de pouvoir faire re-déplacer beaucoup plus facilement en Europe.
GUILLAUME DURAND
D'accord.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Et puis effectivement, il y a des discussions. On voit bien que la situation épidémique évolue de façon à peu près parallèle, il reste encore l'Amérique latine qui subit une épidémie, en tout cas le moment très aigu de l'épidémie. Mais ça nous permet évidemment de discuter avec les Chinois d'un côté, avec les Américains de l'autre, pour voir comment le trafic peut reprendre à compter du début de l'été, le début du mois de juillet. Un chiffre peut-être, AIR FRANCE envisage d'avoir au mois d'aout environ 40% de son trafic habituel. Ça vous donne l'ampleur, à la fois la progressivité mais aussi l'ampleur de la reprise, s'agissant du groupe AIR FRANCE – KLM. Et puis…
GUILLAUME DURAND
Un mot sur les TGV, puisque c'est importance, il y a beaucoup de gens qui partent en vacances en France avec des TGV, il y en a 6 sur 10 qui marchent, mais ils sont assez peu remplis, parce que, pardonnez-moi l'expression, mais il y a encore beaucoup de gens qui ont peur, qui ont même un peu la trouille de monter dans les avions ou de monter dans les trains.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Vous avez raison, on a 6 TGV sur 10 qui circulent, environ un taux qui oscille entre 40 et 50%, donc la moitié des TGV qui sont remplis. Il y a cette dimension de confiance à réinstaurer chez les Français, chez les voyageurs. Il y a un élément qui marche bien, et qui marche bien depuis le 11 mai, c'est le port du masque, très largement respecté, y compris d'ailleurs dans les TGV, j'ai eu l'occasion d'expérimenter la chose moi-même. Donc ça il faut il faut évidemment le poursuivre, parce que le masque est vraiment la pierre angulaire de la protection dans les transports, jusqu'à ce que le virus ne circule plus, en tout cas ne circule plus activement, et c'est probablement un des éléments de confiance principaux qui aujourd'hui est utilement opéré dans les transports.
GUILLAUME DURAND
D'accord. Vous le dites aujourd'hui, ça n'a pas toujours été dit par les membres du gouvernement au tout début de cette affaire, mais vous n'étiez pas responsable de ces propos. Question, elle est importante, puisqu'on est sur le plan aéronautique. Il y a une question qui est celle de l'emploi, par exemple on voit bien dans le Sud-ouest, autour de Toulouse, tout ça est extrêmement complexe, et touche presque 200 000 personnes. Alors est-ce qu'il serait par exemple, comme dans l'idée de ce qui va être présenté ce matin, est-ce qu'on pourrait retenir le maintien du chômage partiel, contrairement à d'autres activités ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
D'abord, il y a deux choses. Vous avez précisé le caractère stratégique de la filière, c'est vrai, … on a des activités qui sont importantes, quasiment 300 000 emplois directs et indirects, et surtout on a toute une filière qui est encore très fortement localisée en France. Et il faut évidemment la préserver. C'est pour ça que, c'est la raison pour laquelle le plan porte sur deux objets : d'abord permettre aux entreprises de résister, et vous avez raison, l'activité partielle longue durée est envisagée pour le secteur, nous travaillons actuellement sur cette hypothèse. Permettre aux entreprises de résister, c'est aussi résister contre…
GUILLAUME DURAND
Pardonnez-moi, ça c'est une certitude. On maintient, enfin le gouvernement, je fais un peu de la répétition, mais c'est aussi de la pédagogie, le gouvernement envisage sérieusement de maintenir dans ce secteur le chômage partiel, pour une durée beaucoup plus longue.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui, pour une raison, c'est que, notamment ce qu'a pu annoncer AIRBUS, c'est que la crise s'annonce durable. AIRBUS dit qu'il aura environ – 35, - 40% d'activité pendant 2 ans. Or on sait qu'on a besoin de résister maintenant, pour se donner des perspectives d'avenir à 5 ans, 10 ans, 15 ans, notamment avec des avions beaucoup plus verts, peut-être qu'on aura l'occasion d'en reparler. Donc deux objectifs avec ce plan : d'abord on résiste, on maintient les compétences critiques dans les entreprises, on se prémunit des stratégies d'acquisition hostiles, parce que ça existe aussi. On a beaucoup de PME de la région Occitanie qui sont approchées par des entreprises étrangères, et il faut que cet emploi, ces industries restent en France, pour les raisons qu'on a pu déjà largement débattre. Et puis il faut se donner des perspectives d'avenir, qui ne sont pas des illusions. Quand on dit : faire un avion hybride à horizon 2027, pour le transport régional, ce n'est pas une vision, c'est une possibilité industrielle. Faire un avion beaucoup plus vert à horizon 2033, à 2035, c'est une réalité possible, et toutes les filières, depuis quelques semaines, quelques mois maintenant, s'engagent pour effectivement se resituer dans une démarche de progrès, que peut-être on avait oublié ces semaines, ces mois passés, parce qu'on a eu beaucoup aussi d'aviation bashing comme on dit en mauvais français. Mais je pense qu'il est important que ce plan de relance sonne aussi le redémarrage de cette démarche de progrès, et la France est vraiment le pays, la France, l'Allemagne, l'Europe plus largement, sont vraiment les pays qui peuvent inventer le futur souhaitable pour l'aviation.
GUILLAUME DURAND
Alors, dans le domaine des biocarburants, alors là vous avez affaire à un Guillaume DURAND qui n'est pas pilote de ligne comme vous, et qui n'a pas cette formation. Tout le monde travaille, AIRBUS, SAFRAN, TOTAL. Etc., mais par exemple la semaine dernière j'ai été à Nice en avion, donc on était évidemment beaucoup de gens respectaient totalement et les consignes sanitaires et les consignes de sécurité, c'était espacé, mais si on prend par exemple l'idée des moteurs électriques, ça c'est au pilote que je m'adresse, les batteries sont tellement lourdes que c'est, on va partir de Roissy et on va commencer à décoller à Lyon pour atterrir à Nice, parce que c'est impossible.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est vrai que c'est l'enjeu, en fait c'est de savoir si une technologie sera applicable en 2033, en 2035…
GUILLAUME DURAND
C'est un peu une farce de faire croire aux gens…
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais je peux vous dire, je vais essayer de le faire le plus simplement possible, l'idée c'est qu'on a des biocarburants qui sont une solution pour maintenant, une solution de transition, on sait que pendant 5, 6 ans à venir, on peut effectivement travailler sur ces biocarburants durables. Ensuite on a un premier saut qui est l'hybridation, un peu comme sur les voitures électriques, avoir des moteurs sur des avions intermédiaires, régional, de 30, 40 glaces, avec des moteurs hybrides qui sont pour partie électriques. Et puis le saut…
GUILLAUME DURAND
C'est-à-dire que, pardonnez-moi Jean-Baptiste DJEBBARI, j'essaie d'être précis pour les gens qui nous écoutent, ça veut dire qu'en fait on décollera à l'hybride et on volera au carburant classique.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Plutôt, on alimentera…
GUILLAUME DURAND
Autrement les batteries vont être tellement lourdes que personne ne va jamais voler.
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Et j'y viens juste après. Et plutôt on décollera effectivement avec des biocarburants classiques, ou en tout cas la majeure partie de la propulsion sera à biocarburants durables, et on aura une génération électrique à bord, parce qu'on consomme beaucoup beaucoup d'énergie à bord, qui sera produit par des moteurs électriques, hybrides et … Et puis après il y a la génération future, pour essayer d'expliquer facilement, aujourd'hui vous avez des moteurs qui fonctionnent avec du carburant, en général du kérosène, et beaucoup d'air. Un volume de carburant, 9 volumes d'air. Demain on sera capable de faire un volume de carburant, 25 volumes d'air, et si on arrive à remplacer le carburant par de l'hydrogène, alors là vous avez un avion qui est complètement vert, qui n'est plus de CO2, et c'est le vraiment cette transition technologique qu'on essaye de mettre en oeuvre, et en tout cas sur laquelle la filière est complètement engagée aujourd'hui.
GUILLAUME DURAND
Voilà, et c'est à 09h00 ce matin que le plan sera présenté dans son détail, mais vous nous en avez donné les grandes lignes. J'ai une question qui évidemment ne concerne pas du tout votre secteur, mais maintenant il faut faire de la politique, puisque le gouvernement connaît un certain nombre de difficultés, CASTANER et donc le Premier ministre vont dans un commissariat ce matin. Bon, il y a un problème qui est très compliqué, c'est qu'on essaie de répondre au fond à une question idéologique, une partie des minorités considèrent qu'elles sont oppressées par l'État français, au registre de leur couleur ou de leurs origines ou du colonialisme, et de l'autre côté on apporte des réponses techniques, c'est-à-dire qu'on arrête les étranglements, mais comment on peut régler un problème idéologique par des questions qui sont des questions d'opérations de police quotidiennes ?
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Eh bien d'abord peut-être comparer ce qui est comparable. Moi j'ai vécu aux États-Unis, j'ai vu ce qu'était le rapport des citoyens à la police, et on peut tout à fait comprendre l'émotion de la famille TRAORE et l'émotion d'ailleurs de n'importe quelle victime de violences dites policières, c'est-à-dire d'excès individuels, on peut aussi se dire qu'on a d'abord, vous avez raison, pas du tout la même histoire vis-à-vis de la colonisation, de l'esclavage, on n'a pas eu de ségrégation organisée en France comme elle a existé aux États-Unis ou en Afrique du Sud. On a une police aux États-Unis qui est beaucoup plus militarisée, et puis on a une société qui est infiniment moins égalitaire que la nôtre. Et moi ce que je retiens des discussions que je peux avoir avec les uns et les autres…
GUILLAUME DURAND
Ce n'est pas ce que dit la famille TRAORE, en tout cas la soeur d'Adama TRAORE, qui…
JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui, mais c'est ce comprennent et c'est ce que vivent la grande majorité des Français. Quand on dit que 80% des Français ont une image positive de la police, ça veut aussi dire quelque chose, et je pense que, moi ce que je comprends les problèmes des jeunes de banlieue, et j'ai eu l'occasion encore dimanche dernier à l'occasion de la manifestation, de discuter avec quelques-uns au Champs de Mars, c'est que ce malaise n'est pas, ne se résume pas aux problèmes prétendus avec la police, le problème des jeunes de banlieue, c'est un problème d'égalité des chances, ou en tout cas de perception que l'égalité des chances n'est pas pour eux. Un problème évidemment de discrimination, et ça c'est une réalité qui existe en France. Et donc le traitement des jeunes de banlieue notamment, se fait beaucoup plus, enfin se fait évidemment sur l'aspect des discriminations, évidemment suis un rapport apaisé avec la police, mais aussi beaucoup sur l'école, évidemment sur l'économique et le social, donc tout ça doit être politiquement, doit trouver une réponse politique globale. Et juste un mot, parce que je vois que les séquences politiques se succèdent, en tout cas les séquences médiatiques se succèdent, on a eu les Gilets jaunes et une information à absorbé toutes les autres pendant des mois et des mois, on a eu les retraites, on a maintenant le Covid, on ouvre une nouvelle séquence sur les violences policières, je le dis entre guillemets, il faut aussi parfois peut-être prendre le temps de dézoomer, et de reculer un petit peu, parce que si l'accélération du temps médiatique conduit à ce qu'une seule information existe dans le champ politique pendant des mois et des mois, ça devient compliqué de faire de la politique, et de faire de la politique pour répondre à tous les sujets qui aujourd'hui étreignent la société, c'est en tout cas ma perception modeste.
GUILLAUME DURAND
Merci beaucoup Jean-Baptiste DJEBBARI, responsable des Transports au sein du gouvernement donc, d'Edouard PHILIPPE, qui se rend dans un commissariat donc ce matin avec Christophe CASTANER.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 juin 2020