Interview de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, à BFMTV le 15 mai 2020, sur le retour nécessaire au travail, le télétravail, le chômage partiel et le secteur du tourisme.

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Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Notre invitée ce matin, Muriel PENICAUD, bonjour ! 

MURIEL PENICAUD 
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN ! 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Oui, Muriel PENICAUD, je vous entends mal ; si ? 

MURIEL PENICAUD 
Ah ça, c'est ennuyeux. Moi, je vous entends ! 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Voilà ! Vous savez que vous êtes en duplex, ce que tout le monde regrette, Muriel PENICAUD, les interviews sont plus percutantes, plus rebondissantes … 

MURIEL PENICAUD 
J'espère pouvoir revenir vite ! 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
… oui quand vous êtes en direct, vous étiez là, la dernière d'ailleurs à venir le 16 mars ici même, vous étiez en studio avec moi, dernier membre du gouvernement. Un tiers de questions en moins, nos confrères de « Quotidien » ont mesuré, un tiers de questions en moins lorsque vous êtes en en duplex bon ! J'espère que vous allez revenir très vite nous voir ! Bien, Muriel PENICAUD … 

MURIEL PENICAUD 
J'espère aussi ! 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
…vous incitez les Français à reprendre le travail, à retourner dans leur entreprise, c'est bien cela ? 

MURIEL PENICAUD 
Je crois qu'on est dans une nouvelle période, le déconfinement. On a, dans un premier temps, pour sauver des vies, il fallait confiner. Maintenant, on peut continuer à sauver des vies tout en travaillant et en protégeant les salariés, les clients, tous ceux qui sont dans le monde du travail. Donc je crois qu'aujourd'hui, on a les modalités pour le faire et que la meilleure protection pour demain, pour l'activité économique, pour le tissu des petites entreprises, pour l'emploi, c'est effectivement le retour au travail qui est progressif, qui se fait avec des conditions sanitaires – il ne se fait pas n'importe comment, il se fait avec prudence mais il se fait résolument et on a besoin de ça pour notre pays.  

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Bien. Muriel PENICAUD, j'ai des quantités de questions à vous poser sur le télétravail, sur le chômage partiel, vous l'imaginez. Parlons des Français qui vont donc pouvoir partir en vacances cet été, en France métropolitaine et dans les DOM-TOM en juillet et au mois d'août. Le tourisme c'est essentiel, on le sait, pour l'économie française, 2 millions d'emplois, un plan de relance de 18 milliards d'euros qui est prévu par le gouvernement, de nombreuses aides. Dites-moi, je pense aux contrats saisonniers parce que …est-ce que vous allez, est-ce que, je pense à tous les professionnels du tourisme, vont-ils pouvoir poursuivre la saison après les mois de juillet, août et par exemple, prolonger les contrats saisonniers ? 

MURIEL PENICAUD 
Alors effectivement le tourisme, c'est très important c'est 7 % de la richesse nationale qui est produite par le tourisme, c'est 2 millions d'emplois. Quand on dit tourisme, tourisme, au sens large, ça va du gîte à toute l'hôtellerie, à la restauration, l'ensemble du secteur. Donc c'est un élément clé pour le pays, pour l'emploi et donc oui, les contrats saisonniers, ils peuvent durer au-delà de la saison ; aujourd'hui, on peut avoir un contrat de saisonniers de 6 mois, c'est tout à fait possible, il faut aussi que la saison dure, c'est-à-dire qu'il y ait des clients qui puissent continuer à venir et notre grand sujet aujourd'hui, ça va être paradoxalement aussi dès qu'on a une capacité à rouvrir, on espère dans quelques semaines que les hôtels, les restaurants si le déconfinement produit des résultats … 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
En zone verte le 2 juillet …Muriel PENICAUD … 

MURIEL PENICAUD 
En zone verte si les départements sont bien restés verts d'ici là, en gros si on arrive à contenir l'épidémie, à ce moment-là, le Premier ministre l'a annoncé hier, on pourrait ouvrir les restaurants, les cafés et les lieux de tourisme. 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Et les hôtels … 

MURIEL PENICAUD 
…à partir du 2 juin et là, il faudra aller, il faudra la démultiplier si j'ose dire, c'est pour ça qu'avec les professionnels et on en a parlé au comité interministériel du tourisme hier mais on travaille avec eux tous les jours, on est en train de préparer deux choses : 1) une plateforme qui est faite avec les professionnels et Pôle emploi pour recruter puisqu'il va falloir recruter massivement des saisonniers qui, du coup, d'habitude à cette saison, les recrutements sont déjà en cours, là il va falloir mettre le turbo si j'ose dire. Donc ça se prépare, pour pouvoir recruter extrêmement rapidement des saisonniers, des apprentis et puis aussi, toutes les guides sanitaires parce que évidemment, il n'est pas question que l'ouverture de tourisme, des cafés, des restaurants entraîne un regain de l'épidémie, ça serait une catastrophe pour tous.

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Quand est-ce qu'on aura ce guide sanitaire ? Quand l'aura-t-on, ce guide sanitaire ? 

MURIEL PENICAUD 
On en a déjà dans certains métiers, on a déjà certains métiers par exemple de l'hôtellerie pour la femme de chambre, pour le réceptionniste, on a déjà certains métiers, pour la cuisine. Ce qu'on est en train de préparer avec les professionnels, c'est les serveurs et puis surtout comment on organise la salle de restaurant ou le café pour qu'on puisse faire les gestes barrières et la distanciation, ça n'est pas facile mais on a trouvé une solution pour les coiffeurs, on a trouvé une solution pour le bâtiment en travaillant avec les partenaires sociaux, avec les professionnels. On va trouver une solution, on a jusqu'au 2 juin pour la trouver. D'ici le 2 juin, il faut qu'on ait le guide. 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Dans les dix jours qui viennent. Et on est le 15 ! 

MURIEL PENICAUD 
C'est ça ! 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Dans les dix jours qui viennent, il faut trouver le guide, Muriel PENICAUD. 

MURIEL PENICAUD 
Vous savez, on a produit 64 guides depuis un mois et demi donc on est à fond sur le sujet et je crois que c'est une priorité.  

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Bien. Muriel PENICAUD, parlons du chômage partiel, j'ai une question très simple à vous poser pour engager le sujet : est-ce que trop de Français sont aujourd'hui au chômage partiel ? 

MURIEL PENICAUD 
Ça ne se mesure pas comme ça. Est-ce qu'on a bien fait de faire un chômage partiel massif inédit comme on n'en a jamais fait qui protège 11 millions de salariés et un million d'entreprises sur les un million 300 000 qui embauchent ? La réponse est « oui », sinon on aurait des centaines de milliers, des millions de chômeurs en plus. Donc on a bien fait d'amener ce filet de protection massif. Alors maintenant, le chômage partiel, ce n'est pas pour toujours parce qu'effectivement, ça n'aurait pas de sens économique, ça n'aurait pas de sens en termes d'emplois. Donc il va falloir progressivement, et on le voit, on le constate déjà, reprendre l'activité économique et on a fait quelque chose de très souple pour que le chômage partiel puisse aussi accompagner la reprise. Concrètement, vous avez une entreprise de 50 salariés. L'activité reprend mais pas complètement, vous en faites revenir 20 salariés qui reprennent leur contrat de travail, donc c'est l'entreprise qui les paye, ce n'est plus l'Etat. Je rappelle que sur le chômage partiel, c'est l'Etat, le ministère du Travail, qui paye leurs salaires. Et les autres restent en chômage partiel peut-être 2, 3 semaines de plus, le temps que les affaires augmentent et donc ça c'est quelque chose de très souple qui va accompagner la reprise mais effectivement, ça n'est pas fait pour durer indéfiniment, c'est une situation qui montre la gravité, que 6 salariés sur 10 du secteur privé soient payés par l'Etat, c'est inédit et évidemment, ça a été utile mais maintenant, il faut bouger ! 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Bien sûr, je vais revenir sur les chiffres, Muriel PENICAUD, concernant le chômage partiel mais vous venez de dire quelque chose d'important, possibilité de garder une partie de son personnel au chômage partiel, on est bien d'accord, jusqu'à la fin de l'année par exemple dans le secteur du tourisme très touché jusqu'à la fin de l'année, cette possibilité ? 

MURIEL PENICAUD 
Pour le secteur du tourisme, les cafés et les restaurants qui, en plus, eux seront encore frappés de fermeture administrative, ça sera jusqu'à la fin de l'année s'il le faut. Après, il y a des secteurs qui sont repartis, qui repartent, on verra à fur et à mesure. Vous savez, on a été pragmatique dans la mise en place, on sera pragmatique dans la décrue progressive. Le plus important, c'est que l'emploi reprenne et on a accompagné ça le temps qu'il faut mais aussi résolument … 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Ce chômage partiel personnalisé, j'ai vu les demandes du MEDEF, vous aussi vous les avez vues, vous les avez reçus, les demandes des syndicats qui demandent que le chômage partiel soit prolongé jusqu'à l'été bien ! Chômage partiel, d'abord, est-ce que ce chômage partiel sera prolongé jusqu'à l'été et est-ce que le chômage partiel individualisé pourrait être prolongé donc jusqu'à la fin de l'année 2020 ? 

MURIEL PENICAUD 
Alors le chômage partiel, il n'y a aucun texte de loi qui dit qu'il y a une date où ça s'arrête, c'est fait pour accompagner les entreprises en difficulté. Après il y a un dosage encore une fois, ça ne peut pas être à la place de l'activité. Chaque fois qu'on peut repartir pour tout ou partie de ses salariés, il faut réactiver les contrats de travail ; évidemment, ça n'a pas de sens pour le devenir d'une entreprise, ça n'a pas de sens pour l'emploi que ça soit l'Etat qui continue à payer les salaires du secteur privé quand on peut repartir. Après si c'est plus difficile et c'est sûr qu'il y a des secteurs où c'est plus difficile, je pense au tourisme, aux cafés et restaurants, ils n'ont même pas encore rouvert. Donc le sujet est plus difficile – ou à l'aéronautique ou à l'automobile qui sont des secteurs très, très touchés par cette crise –, ça va forcément durer plus longtemps que dans d'autres secteurs où aujourd'hui, il y a les conditions de la reprise. Donc il faut être pragmatique, il faut coller au terrain, c'est comme ça qu'on fait depuis le début, on va continuer comme ça mais encore une fois, le but d'un entrepreneur, c'est de retrouver ses marchés, ses clients, ses fournisseurs, ses salariés dans des conditions sanitaires sécurisées et le plus vite possible. Nous, on l'accompagnera mais ça ne doit pas être le principal, c'est l'accompagnement, le chômage partiel, ce n'est pas le but.  

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Bien, Muriel PENICAUD, est-ce que la prise en charge par l'Etat du salaire va diminuer ? 

MURIEL PENICAUD 
Alors avec le Premier ministre, nous avons annoncé que le taux de remboursement des entreprises à partir du 1er juin commencerait à baisser légèrement ; nous fixerons d'ici quelques jours le montant. 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
C'est-à-dire ? 

MURIEL PENICAUD 
Evidemment pas pour les …On na pas encore dit de quel pourcentage …Je ne peux pas vous l'annoncer ce matin parce que nous sommes en train de discuter … 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Non, ça va baisser, donc la prise en charge, pardon Muriel PENICAUD, la prise en charge par l'Etat va baisser à partir du mois de juin. 

MURIEL PENICAUD 
L'Etat ne sera plus forcément à 100%. Aujourd'hui, il faut que tout le monde comprenne bien que les 11 millions de salariés, c'est l'Etat qui paye intégralement leur salaire jusqu'à 4 fois et demie du SMIC. L'idée, c'est que maintenant que l'activité reprend, que le déconfinement est là progressivement, la part de l'Etat ne soit plus forcément à 100% sauf bien sûr et ça, je le confirme au secteur du tourisme, des cafés, des restaurants, les secteurs qui sont fermés administrativement évidemment, il faut leur laisser le temps et ça serait tout à fait contradictoire de leur dire « vous devez payer une partie du salaire » alors qu'ils ne peuvent pas aujourd'hui agir ! 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Muriel PENICAUD, est-ce que vous allez baisser le plafond ? Le plafond est fixé à 4 fois et demie le SMIC ou est-ce que vous allez baisser le pourcentage de la prise en charge ? 

MURIEL PENICAUD 
Il y a 2, 3 manières de faire et on annoncera ça dans quelques jours probablement, le pourcentage, c'est le plus simple. Enfin, on fera quelque chose de simple.  

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Le pourcentage, c'est plus simple ? 

MURIEL PENICAUD 
Le but, c'est que ça soit simple. Pourquoi ça a marché, le chômage partiel, pourquoi ça a marché aussi ? 1) c'est un filet de sécurité ; 2) les entreprises gardent leurs compétences mais aussi on a fait quelque chose de très simple et pour moi, un des marqueurs de ça, c'est que la moitié des salariés qui sont au chômage partiel aujourd'hui travaillent dans des entreprises de moins de 50 salariés, il faut sauver nos TPE, nos PME , c'est 9 entreprises sur 3 dans notre pays, c'est la moitié des emplois et c'est pour ça aussi qu'il faut faire des choses simples pour être sûr que tout le monde puisse les mettre en place en quelques jours et d'ailleurs, on rembourse le chômage partiel aux entreprises à dix jours. 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Donc si je comprends bien, le pourcentage de prise en charge par l'Etat va baisser à partir de début juin, j'ai bien compris, Muriel PENICAUD ? 

MURIEL PENICAUD 
Ça sera le pourcentage ou une modalité mais probablement le pourcentage, en tout cas quelque chose baissera.  

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Bien, ça va baisser. Bon, un mot vite sur les versements par l'Etat, beaucoup, j'ai eu beaucoup, beaucoup d'appels de petits chefs d'entreprise notamment, de TPE, qui n'ont pas reçu le paiement pour le mois d'avril.  

MURIEL PENICAUD 
Alors, c'est normal parce que la plupart ne l'ont pas demandé encore. Je vous explique comment ça marche : vous faites une demande d'autorisation à utiliser le chômage partiel et puis une fois que vous payez les salaires à la fin du mois, il faut faire, il faut déclarer au ministère du Travail combien vous avez payé de salaires. On ne peut pas vous rembourser si on ne sait pas combien de salariés ont été au chômage partiel et pour quel taux horaire. Donc il faut faire cette déclaration ; après cette déclaration, nous payons systématiquement à dix jours. Donc il y a dix jours de délai pour être remboursés mais aujourd'hui sur le mois d'avril, il y a encore la moitié des entreprises qui n'ont pas fait de demande et donc pour être remboursé, il faut juste faire la demande ; 10 jours après, vous êtes payés. De façon générale, les grandes entreprises demandent les remboursements assez tardivement et même sur le mois de mars, il y en a qui ne l'ont pas fait encore mais par contre, les petites entreprises demandent très vite parce qu'elles sont plus à court de trésorerie, c'est pour ça quand on a raccourci les délais et on paye à 10 jours, ce qui est quand même, pour un million d'entreprises, un certain exploit, je voudrais saluer mes équipes là-dessus et l'agence de paiement parce qu'ils ont fait un énorme travail pour arriver à le faire.  

JEAN-JACQUES BOURDIN 
L'assurance chômage Muriel PENICAUD, le second volet de la réforme entrera en vigueur ou pas ? Est-ce que vous allez renoncer ? C'est la demande de nombreux syndicats et de nombreuses associations qui réclament le retrait de la réforme ; oui ou non, est-ce que vous allez retirer ? 

MURIEL PENICAUD 
Alors, là aussi même approche, on discute, on observe et on est pragmatique, on a lancé cette réforme de l'assurance chômage dont une bonne partie est déjà en oeuvre depuis le mois de novembre dernier dans un contexte différent et avec pour but d'activer la dynamique de l'emploi et lutter contre le nombre de contrats excessivement courts, lutter contre la précarité qui était trop importante mais on l'a fait dans un contexte qui est objectivement différent ; personne ne pouvait prévoir cette crise. Je vous rappelle qu'il y a 3 mois exactement, quasiment jour pour jour, on annonçait la baisse du chômage historique depuis 12 ans, l'explosion de l'apprentissage, c'était il y a 3 mois, ça nous paraît bien loin. Et donc évidemment, j'ai dit aux partenaires sociaux qu'on allait réexaminer la situation pour regarder s'il y a des curseurs, s'il y a des réglages qu'il faut modifier. Il y en aura certainement à modifier, donc on va discuter … 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Mais des réglages mais vous ne … 

MURIEL PENICAUD
 …de ça dans les semaines qui viennent mais ce n'est pas tout ou rien ! 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Voilà, ce n'est pas tout ou rien, c'est-à-dire que la deuxième partie de la réforme sera peut-être, pardon Muriel PENICAUD, la deuxième partie de la réforme sera appliquée, même modifiée, même améliorée ou transformée, changée, elle sera appliquée ? 

MURIEL PENICAUD 
Ce n'est pas en ces termes-là que je pose la question, on regarde la situation de l'emploi, la situation économique, la situation des demandeurs d'emploi, j'ai déjà fait plein d'aménagements pour protéger les plus vulnérables, par exemple les démissionnaires qui venaient de démissionner et qui avaient une promesse d'embauche qui se retrouvaient sans rien. Là, on les a couverts par l'assurance chômage ; on a allongé les fins de droits pour tous ceux qui arrivaient en fin de droits en mars et en avril. Donc on prend déjà des tas de mesures, on a déjà pris des tas de mesures, pour protéger les plus vulnérables. Donc il faut examiner toutes les mesures sans a priori. Je crois que c'est le maître mot, sans a priori mais de façon réaliste par rapport à la situation du pays, de l'emploi et de la capacité à trouver un emploi. Ce matin, il y avait 400 000 offres d'emplois, 430 000 sur le site de Pôle emploi. Au passage, même en période de crise, on recrute mais c'est moins que d'habitude. Avant, c'était autour, plus de 700 000 chaque jour. Donc il faut tenir compte de cette situation mais on va regarder les choses ; moi, je n'ai pas d'a priori mais on regarde les choses sur des bases objectives pour faire les bonnes adaptations.  

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Alors j'ai entendu évidemment la fameuse formule « plus rien ne sera comme avant ». Alors, je vous pose une question : les CDD, est-ce que le CDD sera renouvelable plus de 2 fois ? 

MURIEL PENICAUD 
Alors, uniquement dans un cas que nous avons prévu dans un texte de loi qui est en cours de discussion au Parlement, dans un cas où il y a aujourd'hui des entreprises qui reprennent et il y avait des CDD, des intérimaires qui étaient couverts par le chômage partiel pendant cette période-là parce qu'on les a ouverts aussi aux CDD, au chômage partiel, on a ouvert à tous ceux qui n'y avaient pas droit avant pour que tout le monde soit protégé. L'entreprise repart, l'activité repart et eux, eh bien, leur contrat, il continue à courir, donc ils perdent leur contrat maintenant au moment où ça repart. Donc eux, ils se retrouvent au chômage et l'entreprise n'a pas les compétences. Donc ce que nous avons prévu dans le texte de loi après que j'en ai discuté avec les partenaires sociaux, c'est que de façon exceptionnelle jusqu'à la fin de l'année dans une entreprise s'il y a un accord majoritaire avec les syndicats dans l'entreprise, donc c'est sous contrôle du dialogue social, on pourrait prolonger un peu plus les CDD et l'intérim sans dépasser les fameux 18 mois pour que ces salariés ne se retrouvent pas demain au chômage alors que l'activité reprend.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Muriel PENICAUD, j'entendais, vous l'entendez aussi, vous entendez le personnel soignant. « On en a assez des primes », dit le personnel soignant, c'est ce qu'ont dit les médecins hier à Emmanuel MACRON. On veut des augmentations de salaires ! Est-ce que le personnel soignant, à l'hôpital, sera augmenté, oui ou non ? 

MURIEL PENICAUD 
 Le président de la République a pris un engagement sur les rémunérations des soignants et sur les moyens de l'hôpital. Donc le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier VERAN, discute et va discuter avec tous les employeurs sur la manière de l'organiser, et si … 

JEAN-JACQUES BOURDIN 
 Il y aura donc des augmentations de salaires ?  

MURIEL PENICAUD  
Alors, il l'a dit, il y aura un plan sur les rémunérations. Eh bien, de façon générale, d'abord il faut le discuter, c'est du dialogue social, c'est le ministre des Solidarités et de la santé qui en est en charge. Ça commence par les primes, les primes vont être versées en mai et juin. Je ne crois pas qu'ils soient contre les primes, ils disent « ça ne suffit pas ». Je ne connais personne qui est contre le fait qu'on verse une prime, prime exceptionnelle qui est justifiée. Mais il y a un sujet de l'hôpital qui a été reconnu, et comment les moyens de l'hôpital et les moyens des soignants augmentent, ça fait partie des sujets, mais là on est en pleine urgence, c'est normal que ça, ça prenne un peu de temps. J'entends l'attente qui est forte, mais… 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Muriel PENICAUD, ma question est claire. Je comprends qu'il faille discuter avec les salariés, oui ou non est-ce que les personnels soignants seront rapidement augmentés ?  

MURIEL PENICAUD  
Alors, je ne peux pas vous dire le « rapidement », parce que je ne suis pas en charge de cette négociation, je ne connais pas le calendrier exact, mais il y a des discussions sur la table, effectivement sur le sujet.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Sur le sujet. Donc ils seront augmentés. Quand, on ne peut pas dire, mais ils seront augmentés.  

MURIEL PENICAUD  
J'ai dit qu'il y a des discussions, effectivement, par le ministre de la Santé, avec tous les acteurs, il y a des employeurs publics et privés, donc c'est des discussions qui prennent un peu de temps, puisqu'il y a les hôpitaux publics et les cliniques privées, et puis il y a les EHPAD, enfin c'est l'ensemble du secteur qui s'est fortement mobilisé qui aujourd'hui encore est très en tension, parce que le nombre de personnes en réanimation, le nombre de personnes en EHPAD qu'il faut protéger. Je rappelle que tous ces personnels soignants, et quand je dis soignants, c'est au sens large, c'est l'ensemble du personnel d'un hôpital ou d'un EHPAD, ils sont toujours au front, il ne faut pas croire que c'est derrière nous, c'est toujours vrai, il y a encore beaucoup de personnes en réanimation, ça s'améliore, mais on est quand même encore dans cette situation. 

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Alors, j'ai une autre question : est-ce que vous appelez toutes les entreprises privées et publiques à ouvrir des négociations salariales pour celles et ceux qui étaient en seconde ligne, pendant cette crise sanitaire, et qui sont souvent mal payés, je pense à tous les métiers de la sécurité, je pense aux métiers du nettoyage, je pense aux métiers de la route, entre autres, Muriel PENICAUD ? 

MURIEL PENICAUD  
Alors, le président de la République l'a dit dans son allocution, la deuxième ligne, c'est-à-dire celle derrière les soignants, mais qui a permis que l'activité et la vie continuent tout simplement pendant les 2 mois de confinement, les presque 2 mois de confinement, ce sont effectivement des caissiers et des caissières, des manutentionnaires des entrepôts logistiques, ce sont les éboueurs, ce sont des chauffeurs livreurs, donc il y a un certain nombre de nos concitoyens qui ont été vraiment au front et qui ont permis que la vie continue. Donc il faut une forme de reconnaissance, et on a… je pense que beaucoup de Français ont pris conscience à ce moment-là d'ailleurs de l'importance de ces métiers, plus que d'habitude, et beaucoup de ceux qui travaillent dans ces métiers disent aujourd'hui : avant j'étais considéré comme pas grand-chose, et aujourd'hui on reconnaît que mon métier est important. Mais maintenant c'est quoi la suite ? La suite il y a court terme et moyen terme. A court terme nous avons prévu une disposition qui permet à leurs employeurs, c'est le secteur privé, donc c'est aux employeurs de traiter le sujet, aux employeurs de leur verser une prime, sans charges sociales, sans impôts, ni pour le salarié ni pour l'employeur, jusqu'à 1 000 € et même 2 000 € s'il y a un accord d'intéressement. Et moi je suis très attentive à regarder, est-ce que les employeurs vont le faire ? Ça c'est le court terme, mais enfin le court-terme qui compte. Et je note que dans la distribution, une grande partie des enseignes le font. Moi j'attends que toutes les enseignes le fassent, toutes les grandes enseignes alimentaires, qu'elles soient intégrées ou franchisées, mais c'est en voie. Il y a d'autres secteurs où on va observer ce qui se passe. Ensuite il y a le sujet des perspectives, et là c'est plus le moyen terme, et là il faut qu'il y ait un dialogue social dans chaque branche, c'est pour ça que j'ai dit que moi je convoquerai les principales branches concernées, d'abord pour se dire quels sont les métiers concernés, et du coup comment ils peuvent être connus dans la durée. Parce qu'il y a la question des salaires, il y a la question de formation, et il y a la question de perspectives de carrière. Est-ce que vous avez une perspective d'évolution quand vous entrez, comme éboueur ou caissière. Ça c'est important, puisque c'est l'avenir professionnel de ces salariés. Alors on a mis beaucoup de choses sur la formation, déjà, avec le mon compte formation, mais il faut que cette discussion ait lieu dans les branches concernées, avec les partenaires sociaux, et donc c'est pour ça que j'ai dit que je ne convoquerai les branches concernées, pour qu'on en discute, qu'ils définissent les métiers et qu'on regarde ce qui peut être fait.  

JEAN-JACQUES BOURDIN  
Bien, Muriel PENICAUD nous serons attentifs. Nous serons attentifs. Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation sur RMC et BFM TV. 

MURIEL PENICAUD  
Merci.  


Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 mai 2020