Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, à Europe 1 le 4 mai 2020, sur la question des masques et l'épidémie de Covid-19.

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Média : Europe 1

Texte intégral

MATTHIEU BELLIARD
Votre invitée Sonia MABROUK, c'est Agnès PANNIER-RUNACHER, secrétaire d'Etat auprès du ministère de l'Economie et des Finances.

SONIA MABROUK
En charge aussi de la question sensible et polémique des masques. Bonjour, à vous Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Sonia MABROUK.

SONIA MABROUK
Et merci d'être avec nous en direct sur Europe 1 en ce lundi matin, des masques sont désormais disponibles dans les grandes surfaces, tout d'abord de quel type de masques s'agit-il et quel prix précisément ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors les masques qui sont dans les grandes surfaces sont pour l'essentiel aujourd'hui des masques de type masque papier à usage unique. Leur prix a été plafonnés à 95 centimes d'euros, mais ils sont vendus pour l'essentiel à prix coûtant et devraient plutôt du côté de 60 centimes d'euros.

SONIA MABROUK
Le plafonnement dont vous parlez est effectif, c'est-à-dire qu'à partir d'aujourd'hui il ne pourra pas dépasser pour les masses dont vous parlez 95 centimes par masque ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui tout à fait, le texte a été signé pendant le week-end, donc le plafonnement est effectif aujourd'hui.

SONIA MABROUK
Agnès PANNIER-RUNACHER, il y a et vous l'avez entendu évidemment des pharmaciens en colère, des professions médicales qui se sentent trahies, des présidents de région qui ne comprennent pas cette abondance de masques dans la grande distribution, est-ce que vous êtes en mesure d'affirmer ce matin que la grande distribution n'a pas constitué de stocks de masques dans l'attente de pouvoir les vendre ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bien entendu puisque nous avons travaillé main dans la main avec eux, comme nous avons travaillé main dans la main avec l'ensemble des circuits de distribution pour préparer le déconfinement. La séquence, elle est très simple, début mars nous réquisitionnant tous les masques disponibles sur le territoire français, ils nous sont remis de manière essentielle gratuitement par les entreprises. Nous autorisons à partir du 20 mars l'importation de masques provenant de l'international et nous gardons pour nous toute la production française qui est en train d'augmenter en parallèle pour alimenter les soignants. et nous avons augmenté drastiquement les importations de masques, non seulement pour les soignants, Santé publique France a annoncé avoir importé plus de 100 millions de masques chirurgicaux la semaine dernière, mais nous avons également importer des masques grâce aux entreprises et en les animant, en les coordonnant du côté du privé pour équiper les salariés qui continuent à travailler, la caissière de supermarché il fallait bien l'équiper pour nourrir les Français mais également en préparation du déconfinement avec...

SONIA MABROUK
Ça veut dire que c'est un mauvais procès qui est fait à la grande distribution ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est non seulement un procès inapproprié, mais à un moment où nous devons tous préparer le déconfinement, nous avons plutôt souhaité nous appuyer sur l'ensemble des acteurs publics et privés pour équiper. Olivier VERAN a informé les soignants qu'il mettait à disposition 100 millions de masques par semaine, il multiplie par 2,5 les stocks de masques et en parallèle grâce à la grande distribution, mais pas seulement, grâce aux artisans qui fabriquent des masques, grâce aux buralistes qui se sont mis à acheter des masques pour fournir les Français, nous testons cette semaine du 4 mai 11 mai des nouveaux circuits de distribution et grâce aux pharmaciens à qui nous avons permis effectivement de revendre des masques à la fois tissu…

SONIA MABROUK
Madame la Ministre, vous comprenez aussi leurs émois, ils se sentent trahis et c'est une denrée rare les masques. Est-ce que pour fermer cette parenthèse de la polémique qui n'a pas lieu d'être, parce qu'il faut des masques évidemment, il ne s'agit pas de le reprocher à la grande distribution, est-ce qu'il faudrait publier les bons de commande ces masques pour montrer qu'il n'y a pas de stocks cachés alors que les professions médicales en manquaient et en manquent encore ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ecoutez, je pense que les groupes de la grande distribution ont été très clair dans leur prise de position et il a toujours eu la possibilité pour nous de réquisitionner et nous nous sommes vu passer tous les masques parce qu'ils sont traités en douane. Donc effectivement je vous confirme que c'est une très mauvaise polémique mais surtout je veux dire que grâce aux pharmaciens, grâce à la grande distribution et grâce à l'ensemble de l'écosystème industriel artisans qui sont mobilisés, nous sommes en capacité d'équiper les Français en masques à partir du 11 mai et c'était ça notre mission.

SONIA MABROUK
En fait la vraie question, ce n'est pas de reprocher à la grande distribution de vendre des masques, c'est de comprendre comment ils ont fait pour être rapide et efficace, alors que l'Etat français n'y est pas arrivé ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors ce n'est pas tout à fait exact parce…

SONIA MABROUK
Ils ont une réactivité, une efficacité, Agnès PANNIER-RUNACHER. Le privé qui n'est pas celle de l'Etat.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas vrai lorsque la grande distribution annonce 500 millions de masques, d'abord on fait une confusion entre les masques textiles et les masques chirurgicaux et ensuite elle prend ses volumes pour les 4 mois qui viennent. Aujourd'hui les Français, la Santé publique France a importé 3 millions de masques, ce sont des commandes, il ne faut pas confondre livraisons et commandes. Lorsque le privé importe un peu plus de 40 millions de masques, l'Etat importe un peu plus de 100 millions de masques, c'est ça la réalité. Le premier importateur français de masques, c'est Santé publique France, c'est l'Etat et si vous ajoutez les volumes importés par des collectivités publiques, c'est très largement le public qui importe le plus de masques en France, mais il ne faut pas se passer de l'appui du privé.

SONIA MABROUK
Mais clairement vous dites que s'il y a une 2ème vague, si les choses malheureusement devaient mal se passer, le ministre de la Santé se réserve le droit de réquisitionner ces masques de la grande distribution ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non seulement c'est ce qu'il se réserve, mais c'est la loi, c'est-à-dire que toute commande supérieure à 5 millions de masques doit être soumise obligatoirement à Santé Publique France qui a le droit de réquisitionner, c'est comme ça que ça fonctionne parce que…

SONIA MABROUK
Madame la Ministre, vous avez précisé en début de cette interview que les masques donc de type chirurgicaux étaient plafonnés à 95 centimes, mais pourquoi 95 centimes, en février c'est même masques vallée autour de 8, 9 centimes pièce avant la pénurie ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait parce que les comptes d'achat de ces masques…

SONIA MABROUK
Ça fait une sacrée différence.

AGNES PANNIER-RUNACHER
…ont profondément évolué, d'abord tous les masques que nous achetons et qui sont disponibles à l'achat sont des masques qui viennent de Chine car tous les masques fabriqués en France vont directement dans les services de santé. Il n'y a pas de possibilité d'acheter des masques produits en France pour le grand public. donc ils sont importés de Chine à un prix qui a fortement augmenté et puis vous avez 2 éléments qui contribuent à augmenter ces prix, c'est d'abord le coût pour transporter ces masques depuis l'usine chinoise jusqu'à l'aéroport français puisque vous avez une désorganisation des chaînes logistiques, une explosion des prix de transport depuis l'international et vous avez une 2e réalité, c'est le prix de la logistique de l'aéroport jusqu'aux officines ou aux petits commerces ou aux zones de grande distribution. Ceci explique les 95 centimes et d'ailleurs on peut prendre la comparaison avec l'Espagne qui a fixé son prix plafond à 96 centimes, donc vous voyez c'est une résultante du marché.

SONIA MABROUK
C'est-à-dire qu'on a été dépendant de producteurs internationaux ; il y a une envolée des prix qui s'est répercutée immédiatement.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et c'est pour ça que nous nous construisons de nouvelles capacités de production en France. Il faut avoir en tête qu'au mois de janvier nous produisions 3,5 millions de masques FFP 2 et chirurgicaux par semaine. Nous sommes aujourd'hui à 10 millions de masques, nous sommes, nous serons fin mai à 20 millions de masques, ça veut dire qu'on aura multiplié par 6 notre capacité de production de masques chirurgicaux FFP 2 et à 50 millions au mois d'octobre, donc vous voyez de la trajectoire qu'on a eue.

SONIA MABROUK
Madame La ministre, on croule sous les millions quand on vous entend mais il en manque encore cruellement et je voudrais insister pardonnez-moi sur le prix parce que si on fait un calcul simple, chaque personne a besoin en moyenne et je parle sous votre contrôle de 2 masques par jour, prenons une famille de 4 personnes, sur une semaine 56 masques, sur un mois de 124 masques soit environ 200 euros pour une famille modeste, c'est un sacré budget.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Sauf que c'est pour ça que nous avons développé des masques textiles, lavables, réutilisables dont le coût d'emplois est bien inférieur assez masques chirurgicaux.

SONIA MABROUK
Il y aurait une inégalité face à la protection, chacun a le droit au même masque.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non ce sont des masques qui ont une filtration de plus de 90 % pour certains d'entre eux, de plus de 70 % pour d'autres et qui ont été spécifiquement développés pour répondre aux exigences du Covid. Donc il ne faut pas aller sur ce sujet de filtration de qualité, les masques que nous proposons en France à la vente ont été développés avec l'appui de l'Agence nationale de sécurité du médicament qui a précisé les minimums de filtration qui étaient nécessaires pour se protéger du Covid. Donc ça c'est un travail de recherche et développement qui a été fait avec l'appui des industriels et moi je veux les remercier parce qu'ils ont fait un travail remarquable. Nous avons aujourd'hui plus de 40 millions de masques qui ont été produits depuis le début du mois d'avril, 26 millions encore la semaine dernière qui s'additionnent donc nous sommes à près de 67 millions de masques produits en France, masques textiles souvent réutilisables 20 fois et dont le coût d'usage devrait être aux alentours de 20 à 30 centimes.

SONIA MABROUK
J'ai bien noté mais Madame la Ministre, pour les masques oui de type chirurgicaux, pourquoi ces masses ne devraient, est-ce qu'ils ne devraient pas être donné gratuitement au moins pour les personnes les plus vulnérables sur présentation de la carte Vitale ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais c'est ce que nous faisons, c'est-à-dire que les masques, alors les masques de protection puisqu'aujourd'hui nous développons de nouveaux types de masques de protection, à partir du 11 mai nous avons prévu de livrer 5 millions de masques aux préfets et aux maires pour leur permettre d'équiper les personnes les plus vulnérables, 5 millions de masques lavables, réutilisables plus de 20 fois, ce qui correspond grosso modo à 105 millions d'utilisations. Et les enfants auront des masques jusqu'à la fin de l'année scolaire dans les écoles et les employeurs lorsqu'ils ne sont pas en capacité d'assurer la distanciation sociale équiperont leurs salariés de masques .donc en réalité pour une famille avec 2 enfants, les circonstances dans lesquelles ils devront s'équiper en masque correspondront pour l'essentiel à des besoins personnels et ils n'auront pas à un jeter l'ensemble des masses correspondant, soit à leur fonction de travail, soit à l'école pour les enfants jusqu'au mois de juillet.

SONIA MABROUK
Agnès PANNIER-RUNACHER, on va conclure, on a compris qu'il y avait d'ores et déjà aujourd'hui en ce lundi 4 mai des masques disponibles notamment dans les grandes surfaces, malgré tout est-ce que vous reconnaissez des errements, des manquements, des contre-vérités dans cette gestion des masses, est-ce que le dire justement pourrait nous faire accepter maintenant eh bien qu'il y ait eu ses erreurs et que nous allons pouvoir désormais nous équiper correctement ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
mais je crois que dans cette crise, nous avons reconnu de manière très claire et très transparente qu'au démarrage de la crise, nous avions des stocks de masques dont on pensait qu'ils étaient capables de couvrir 20 semaines et ça s'est avérée infondé, parce que la consommation de masques s'est emballée à une vitesse que nous n'avions pas anticipé et nous avons ensuite, nous nous sommes investies 24 heures sur 24 pour reconstruire cette capacité à équiper d'abord les soignants, ensuite les Français en masse. Et on va est très clair pourquoi aujourd'hui le 4 mai, il y a des masques disponibles pour les Français dans la grande distribution, chez les buralistes, chez les artisans et chez les pharmaciens parce que nous testons nos systèmes de distribution, une semaine à l'avance pour repérer les bugs, il y en aura peut-être, pour s'assurer que la logistique fonctionne, nous sommes en phase de test. Et nous voulons réussir le déconfinement et ce déconfinement nous le réussirons ensemble avec l'appui des pharmaciens, ils sont absolument central dans le dispositif avec l'appui de la grande distribution et avec l'appui des industriels et des artisans qui fabriquent aujourd'hui les masques. Moi je remercie toutes ces personnes qui contribuent à l'effort que nous menons.

SONIA MABROUK
Merci Agnès PANNIER-RUNACHER, peut-être qu'il y aura des pharmaciens parmi les auditeurs qui vont bien vous poser des questions et vous interpeller dans quelques instants, merci d'avoir répondu à mes questions ce matin sur Europe 1.


source : Service d'information du Gouvernement, le 5 mai 2020