Texte intégral
LORRAIN SENECHAL
La secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les Femmes et les hommes est en ligne avec nous ? bonjour Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.
LORRAIN SENECHAL
Le professeur DELFRAISSY qui préside le conseil scientifique qui éclaire l'exécutif rappelait hier des impératifs pour sortir du confinement le 11 mai comme annoncé par Emmanuel MACRON, il faudra des masques pour tous, des tests et le traçage numérique des malades et des personnes qui ont pu être en contact avec ces personnes malades. Est-ce que la France aura tout ça ? Est-ce que la France sera prête le 11 mai prochain, Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, le président de la République a donné un horizon en disant que nous allions, par exemple, progressivement rouvrir les crèches les écoles et les établissements scolaires à partir du 11 mai et que les conditions de réouverture, de déconfinement, si on peut utiliser ce terme, devraient être travaillées par le gouvernement et présentées dans le cadre d'un plan dans les meilleurs délais par le Premier ministre. Donc tout cela sera présenté par le Premier ministre qui bien sûr se basera sur les recommandations du Conseil scientifique comme il l'a toujours fait jusque-là pour prendre ses décisions.
LORRAIN SENECHAL
Mais le professeur DELFRAISSY dit même devant le Parlement que si les conditions ne sont pas réunies, c'est-à-dire encore une fois si on n'a pas tous les masques, tous les tests et de la technologie pour faire ce traçage numérique, si on n'a pas tout ça, il faudra repousser le déconfinement. Vous êtes prêts au gouvernement à cette éventualité ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez-moi, je ne suis pas président de la République, je ne suis pas Premier ministre, je ne suis pas ministre de la Santé dont je crois qu'il est important que le débat ait lieu, se fasse et que les auditions aient lieu au Parlement comme celles que vous venez de citer parce que c'est la démocratie qui continue et le débat public et le débat politique qui continue et ce que vous relatez démontre justement qu'il y a un travail collectif avec le conseil scientifique, avec le Parlement, avec évidemment le gouvernement qui prend les arbitrages mais le Premier ministre s'exprimera sur ce sujet en temps voulu.
LORRAIN SENECHAL
Marlène SCHIAPPA, une question de Renaud DELY.
RENAUD DELY
Concrètement, Marlène SCHIAPPA, vous évoquiez un instant la rentrée scolaire progressive à partir du, à partir du 11 mai, on a évoqué les recommandations du président du conseil scientifique Jean-François DELFRAISSY à l'instant, ça signifie que pour que cette rentrée se fasse progressivement dans certaines classes, dans certaines écoles etc., il faudra que les enseignants portent des masques et éventuellement les élèves aussi ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors vous m'interrogez sur les masques et c'est une question, je sais, qui est extrêmement préoccupante pour l'ensemble des Françaises et des Français ; sur les questions de port de masques, c'est le ministre de la Santé qui est fondé à vous répondre. Moi, je suis en train de mener un travail important sur notamment la lutte contre les violences conjugales mais aussi sur le partage des tâches ménagères entre les femmes et les hommes …
LORRAIN SENECHAL
Et on va en parler Marlène SCHIAPPA évidemment mais en tant que membre du gouvernement, cette question des masques, elle intéresse évidemment tous les Français, les parents d'élèves particulièrement. C'est pour ça qu'on vous la pose. Est-ce que vous pensez que le gouvernement sera prêt le 11 mai ? Est-ce que vous pensez qu'il faudra distribuer donc des masques aux enseignants, aux élèves ou est-ce que tout simplement cette question, vous la renvoyez à plus tard ?
MARLENE SCHIAPPA
Ce n'est pas une question de la renvoyer à plus tard, le Premier ministre a indiqué, à plusieurs reprises, que le gouvernement était au travail sur cette question, sur la question à la fois des masques mais aussi sur la question la réouverture progressive des écoles. Le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel BLANQUER, a commencé le travail à cet égard mais tout cela, les conditions, la manière dont les écoles seront rouvertes sont en train d'être travaillées et ce plan sera présenté. Le président de la République a indiqué qu'il donnait 15 jours au gouvernement pour présenter ce plan. Respectons les 15 jours et il ne m'incombe pas de présenter ce plan ce matin en tout cas !
RENAUD DELY
Alors avant d'en venir à vos dossiers gouvernementaux proprement dits, sur cette question quand même, vous évoquez le fait que le Premier ministre a déjà évoqué à plusieurs reprises cette question, qu'il se donne encore 15 jours pour présenter un plan. On a du mal à comprendre pourquoi l'arrivée massive, la production massive de masques dans le pays est aussi longue, en tout cas à se concrétiser surtout quand on lit l'entretien qu'a accordé Emmanuel MACRON cette semaine à nos confrères du Point, entretien dans lequel il rend un hommage appuyé à Agnès BUZYN l'ancienne ministre de la Santé qui est devenue votre tête de liste aux élections municipales à Paris. Je cite le président de la République dans Le Point : on comprend que quelque chose de grave se passe en Chine au début du mois de janvier mais on n'en connaît pas la nature ; quand je dis « on », je parle d'Agnès BUZYN qui voit tout de suite, dit-il, le risque car elle a une expertise sur le sujet. Agnès BUZYN vous a donc alertés dès le mois de janvier, elle a vu, elle a dit mais visiblement ça n'a pas suffi à servir, en tout cas à être efficace sur le plan de la production du matériel sanitaire ?
MARLENE SCHIAPPA
Mais pour être très honnête avec vous, je suis un petit peu gênée parce que vous m'interrogez sur la question des masques tout en rappelant la compétence d'Agnès BUZYN sur ce sujet. Moi, je crois que dans une période de crise, il est important que chacun se concentre effectivement sur son domaine de compétences et fasse toutes ses missions et rien que ses missions et donc moi, secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, j'ai une expertise sur ces questions-là, je n'ai pas d'expertise sur la question ….
LORRAIN SENECHAL
Mais Agnès BUZYN, on n'en a pas parlé pendant des conseils de ministres ? Vous ne l'avez pas entendue évoquer ce risque en janvier ?
MARLENE SCHIAPPA
Je ne suis pas là à l'antenne de France Info que j'aime beaucoup et que j'écoute pour raconter les discussions des conseils des ministres. Donc même si cette discussion avait lieu, je ne le raconterai pas en direct à la radio, ce n'est pas ça qui m'occupe en ce moment. Moi, comme je vous le dis, ce qui m'occupe en ce moment, c'est maintenir une égalité entre les femmes et les hommes pendant la période de confinement et il y a à faire – on a monté des points d'accueil et d'écoute des femmes dans les centres commerciaux, plus de 60 femmes ont déjà été protégées par les associations grâce à ces points d'écoute et d'accueil. Nous avons mis en place des systèmes d'alerte des forces de l'ordre dans les pharmacies qui ont fait leurs preuves puisque plusieurs hommes ont déjà été mis en garde à vue suite à des alertes ; nous avons ouvert l'alerte aux forces de l'ordre avec le numéro du 114 pour protéger les femmes. C'est cela ma mission et c'est cela qui m'occupe 7 jours sur 7 actuellement.
LORRAIN SENECHAL
Et on va continuer d'en parler avec vous Marlène SCHIAPPA de cette lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes qui est rendue plus difficile par le confinement, juste après un coup d'oeil sur le fil info.
- Flash info -
LORRAIN SENECHAL
Marlène SCHIAPPA, invitée du « 8 : 30 de France Info » ce matin, cela fait maintenant un mois que nous vivons sous le régime entre guillemets du confinement, est-ce que ce confinement, il a accru les inégalités entre les femmes et les hommes, Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui c'est ce que nous pensons notamment dans la question des tâches domestiques et ménagères. Donc le gouvernement a commandé une étude à HARRIS qui sort aujourd'hui et qui nous montre qu'il y a effectivement une répartition inégalitaire de ces tâches, le ménage, l'éducation des enfants, l'école à la maison, la préparation des repas etc., dans les couples. Par exemple, cette étude nous montre que 54% des femmes passent plus de deux heures par jour aux tâches ménagères contre seulement 35% des hommes, ça nous amène à penser qu'il y a un confinement différent en moyenne – ce sont évidemment des moyennes et des statistiques, il y a des exceptions – mais le confinement se passe quand même dans des conditions différentes selon le temps que vous passez à consacrer aux tâches ménagères.
LORRAIN SENECHAL
Et ces chiffres, ils sont aggravés par le confinement. Est-ce que la situation était déjà inégalitaire avant ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors la situation était déjà inégalitaire. Si on veut, il y a 2 possibilités de lecture : il y a une possibilité de lecture qui est inquiétante et moi sincèrement, je m'inquiète d'une forme de possibilité d'épuisement silencieux des femmes et notamment des mères de famille pendant le confinement. 58% d'entre elles qui disent en faire plus que leur partenaire par exemple. Sur la question des repas, c'est également préoccupant. Vous savez on a beaucoup parlé du fait que comme les cantines étaient fermées, ça pose un problème de budget dans les familles les plus modestes et c'est vrai mais ça pose également la question de qui prépare les repas et dans 63% des familles, les repas sont faits majoritairement par les femmes. Et donc ça veut dire que 3 fois, voire 4 fois par jour, vous avez la tâche de faire un repas, les courses, élaborer les menus, mettre la table etc. Et votre confinement est donc rendu plus difficile et peut parfois, c'est ce que nous disent certaines associations, générer un épuisement.
LORRAIN SENECHAL
Ça a des conséquences très concrètes, oui. Une question de Renaud DELY.
RENAUD DELY
Vous évoquez ce risque d'épuisement, c'est le terme que vous avez employé, ça signifie que cette période de confinement, elle va évidemment avoir une fin, elle aura un terme. A l'issue de cette période, il y aura donc des traces psychologiques, des conséquences psychologiques de cette période et est-ce que le gouvernement va mettre en place des dispositifs justement de soins en tout cas ou d'aide à la sortie du confinement ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui je pense que le confinement, c'est au-delà de la question de la pandémie du Covid 19 bien sûr, la question du confinement en tant que telle est une épreuve collective qui vient percuter et la vie et l'histoire personnelle et familiale de chacun et donc nous avons effectivement créé différents numéros de téléphone pour une aide psychologique d'une part mais aussi un numéro de téléphone pour aider les personnes qui se sentent avoir des accès de colère à les gérer, à ne pas devenir violent , c'est le 08 01 90 19 11.
RENAUD DELY
C'est-à-dire concrètement, Marlène SCHIAPPA, quelqu'un qui est sur le point d'avoir un accès de colère comme vous, disiez, donc il fait ce numéro que vous venez de nous donner et qu'est-ce qu'il se passe ? Qu'est-ce qu'il a au bout du fil ? Quelle est la démarche ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, absolument, c'est un numéro que nous avons lancé avec la Fédération nationale des associations d'accompagnement des auteurs de violences conjugales, ce sont des psychologues, des travailleurs sociaux et des professionnels qui prennent en charge habituellement les hommes violents pour éviter la récidive, en plus bien évidemment des peines auprès de la justice et là, ce numéro de téléphone, nous l'avons mis en place pour que les personnes qui ne sont pas des hommes violents qui n'ont pas frappé déjà leur compagne ou leurs enfants mais qui ont du mal à gérer leur colère, leurs angoisses pendant la question du confinement et qui se sentent à un moment entre guillemets « péter les plombs », pardonnez-moi pour l'expression, peuvent se ressaisir, téléphoner à ce numéro et ils ont un accompagnement et on a déjà eu plus de 100 appels d'hommes qui ont donc eu un accompagnement psychologique pour éviter de devenir violents au sein du foyer pendant la période de confinement.
LORRAIN SENECHAL
Est-ce que vous constatez toujours une hausse des violences conjugales, Marlène SCHIAPPA ? On sait qu'elles ont augmenté de près de 32%, de plus de 30% au début du confinement ; est-ce que c'est toujours le cas ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui ce qu'on ce qu'on constate, c'est qu'il y a une hausse des signalements auprès des forces de l'ordre. Notre plateforme qui s'appelle « arrêtonslesviolences.gouv.fr », il y a eu plus de 5 fois, il y a eu 5 fois plus de signalements pardon qu'habituellement pendant la période de confinement. Paradoxalement, il y a un peu moins d'appels au numéro du 3919 mais c'est surtout parce qu'il est très difficile de téléphoner quand vous êtes confiné avec un homme violent et c'est justement la raison pour laquelle nous voulons faire en sorte que tous les dispositifs d'accompagnement des femmes viennent aux femmes quand elles ne peuvent pas se déplacer dans les pharmacies, dans les centres commerciaux, etc.
LORRAIN SENECHAL
Et elles ont accès à ce numéro, le 114, si elles sont victimes de violences, il faut envoyer le 114 par SMS, ce qui entraîne l'intervention des forces de l'ordre, c'est bien ça ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui c'est tout à fait ça et pardonnez-moi, je n'ai pas terminé ma précédente réponse sur la question des tâches ménagères. Je vous avais dit qu'il y avait un aspect positif et j'ai passé sous silence l'aspect positif, je ne le voudrais pas. Donc je voudrais dire qu'on constate quand même un progrès dans l'engagement des hommes dans la question des devoirs et de l'école à la maison : on a 56% des femmes qui sont principalement en charge de l'organisation des devoirs, de l'école à la maison mais on a plus d'hommes qu'habituellement qui s'occupent de l'école à la maison. D'habitude, les anciennes études disent que c'est environ 10% ; dans 10% des familles, c'est le père principalement qui s'occupe du suivi des devoirs et là, on a une légère augmentation. Donc je ne voudrais pas oublier d'encourager tous les hommes et tous les pères qui s'engagent plus que d'habitude pendant la période du confinement, qui peut être un moment aussi pour redéfinir les rôles à la maison entre les femmes et les hommes.
RENAUD DELY
Pour en revenir à cette recrudescence des violences faites aux femmes en période de confinement que vous évoquiez juste avant, vous disiez vous avez mis en place effectivement des dispositifs d'alerte qui permettent aux femmes menacées, agressées justement de se signaler indépendamment des numéros que vous avez évoqués de la plateforme. Il a aussi donc des pharmacies ou des centres commerciaux dans lesquels elles peuvent aller se signaler. Est-ce que ça fonctionne ça depuis le début du confinement ? Est-ce que par exemple l'Ordre des pharmaciens, les officines jouent le rôle ? Est-ce que vous constatez une remontée d'informations par là ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui absolument ; alors, il y a vraiment honnêtement un engagement formidable de toutes les personnes qui le peuvent pour protéger les femmes. On le voit qu'à la fois effectivement les pharmaciennes et les pharmaciens s'engagent, jouent le jeu, appellent les forces de l'ordre ; nous les avons équipés via l'Ordre des pharmaciens et le ministère de l'Intérieur d'outils pédagogiques issus du Grenelle des violences conjugales pour justement mener ces conversations avec les femmes victimes de violences conjugales qui viennent et ça fonctionne. Et puis, je voudrais remercier tous les acteurs de la grande distribution qui s'engagent et qui ont mis à disposition généreusement, gratuitement des locaux à la fois dans des grands centres commerciaux comme Carré Sénart, Les Halles à Paris, à Villeneuve-d'Ascq avec UNIBAIL RODAMCO WESTFIELD mais aussi le groupe AUCHAN CEETRUS qui a mis à disposition également des espaces et donc là je vous disais, on a pour l'instant aux dernières remontées qui étaient au tout début de semaine entre 50 et 60 femmes qui ont été protégées via ces dispositifs. Et je voudrais remercier également les associations qui s'engagent et qui bénévolement tiennent ces points d'écoute et d'accompagnement des femmes sur le terrain.
LORRAIN SENECHAL
Donc là, on parle de points d'accompagnement des femmes victimes de violences. Où est-ce qu'elles peuvent aller s'il faut qu'elles quittent le domicile pour les protéger ? Est-ce que vous avez ouvert des places d'hébergement supplémentaires ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui bien sûr, nous avons d'abord financé jusqu'à 20 000 nuitées d'hôtel pour à la fois permettre aux femmes qui ont besoin de s'enfuir de pouvoir être hébergées et de ne pas se retrouver à la rue. Ces 20 000 nuitées d'hôtel, elles viennent en plus des places habituelles dans les centres d'hébergement. Notre volonté, c'est de multiplier les entrées et les possibilités mais surtout avec la ministre de la Justice et le groupe SOS , nous avons créé une plateforme d'hébergement du conjoint violent parce que vous savez que la justice continue de fonctionner sur les violences conjugales, peut prononcer des évictions du conjoint violent, c'est la demande et la priorité du gouvernement, mettre fin à la cohabitation dangereuse et pour cela, nous avons créé cette plate-forme d'hébergement qui fait que, dès lors qu'il y a une décision de justice et c'est possible également en présentenciel avant la décision de justice, le conjoint violent est écarté, il est hébergé ailleurs pour que la femme éventuellement, d'ailleurs aussi avec ses enfants, puisse garder le domicile conjugal quand c'est son souhait.
RENAUD DELY
Depuis le début du confinement, vous le disiez à l'instant, Marlène SCHIAPPA, la justice continue de fonctionner normalement sur ces affaires-là. Les plaintes d'une part sont prises et d'autre part, les audiences se tiennent, les jugements sont rendus, les décisions sont prises. Combien de décisions notamment d'éloignement de conjoints violents depuis le début du confinement ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, on n'a pas encore les chiffres mais on aura un bilan, enfin un premier bilan en fin de semaine sur cette question mais effectivement la garde des Sceaux a souhaité que même avec la fermeture des juridictions due au confinement, on puisse continuer de traiter toutes ces affaires relatives aux violences conjugales et aux violences intrafamiliales parce que nous les considérons comme urgentes. Je voudrais dire qu'il n'y a pas de période de non-droit, il n'y a pas de période d'impunité, toutes les violences conjugales qui sont commises pendant le confinement doivent évidemment passer devant la justice. Et la justice va pouvoir avoir son mot et la condamnation va pouvoir avoir lieu en justice à cet égard, y compris pendant le confinement et d'ailleurs, je voudrais saluer l'initiative du barreau de Paris et d'une association qui s'appelle Droit d'urgence qui permet via une plate-forme, droitd'urgence.fr.fr et droitdirect.fr, d'avoir accès à un avocat ou à une avocate pour pouvoir être accompagné y compris dans ces démarches-là.
- Flash info -
LORRAIN SENECHAL
Marlène SCHIAPPA, il n'y a pas que la justice, dont on parlait à l'instant, qui continue de fonctionner pendant le confinement, les femmes doivent toujours avoir accès à l'avortement. Cet accès, il est rendu plus compliqué par le confinement, Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Notre crainte, avec le ministre de la Santé Olivier VERAN, c'est que justement des femmes se disent « ça va être compliqué d'avorter pendant le confinement. C'est compliqué d'accéder à un médecin, à l'hôpital, et donc je vais attendre, rester chez moi, et d'attendre la fin du confinement. Et nous leur disons très solennellement que les interruptions volontaires de grossesse continuent, y compris pendant le confinement. Et elles sont rendues, enfin nous travaillons à ce que leur accès soit concrètement possible. Je rappelle que les médecins, mais également les sages-femmes, sont fondés à faire des téléconsultations et que les sages-femmes, par exemple, par téléconsultations, peuvent prescrire des IVG médicamenteuses. Ça veut dire que pendant le confinement, concrètement, si vous voulez avoir accès à un avortement, en période de confinement, vous pouvez le faire intégralement, par téléconsultation, avec un médecin ou avec une sage-femme lorsqu'il s'agit d'une IVG médicamenteuse, il vous prescrira les médicaments nécessaires, et vous n'aurez juste qu'à vous rendre à la pharmacie pour pouvoir procéder à cette interruption de grossesse.
LORRAIN SENECHAL
Et vous avez d'ailleurs allongé le délai d'accès à cette IVG médicamenteuse.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument. Avec le ministre de la Santé Olivier VERAN, nous avons souhaité pouvoir l'allonger de 2 semaines, et donc pendant la période de confinement, il passe de 7 semaines à 9 semaines, pour permettre justement aux femmes, soit qui auraient eu un début de déni de grossesse, par exemple, très précoce, soit qui ne se seraient pas tout de suite aperçues qu'elles étaient enceintes, soit qui étaient bouleversées par le confinement et qui ont eu besoin de davantage de temps pour avoir la possibilité de prendre contact avec un médecin ou avec une sage-femme, et c'est une réponse aux demandes des professionnels, ce sont des gynécologues, notamment docteur Ghada HATEM, et d'autres, qui se sont mobilisés pour formuler cette demande, pour que les femmes puissent avorter dans les conditions les plus sereines possibles, dès lors que c'est leur choix et bien évidemment.
RENAUD DELY
Marlène SCHIAPPA, votre secrétaire d'Etat a aussi été saisi depuis le début de cette période de confinement, de nombreux pères ou de mères célibataires qui ont été rejetés à l'entrée de magasins, parce qu'ils voulaient y entrer accompagnés de leurs enfants. Vous avez des commerçants qui refusent aujourd'hui de laisser entrer une mère seule ou un père seul avec un enfant.
MARLENE SCHIAPPA
Oui. A notre grande surprise nous avons été saisis, et nous avons vu aussi des témoignages sur les réseaux sociaux, par souvent des mères isolées, mais parfois des pères aussi, des gens qui sont seuls avec leurs enfants, soit parce qu'ils sont des parents célibataires, soit parce que leur conjoint travaille à l'hôpital, dans un magasin justement ou autre, et ces personnes vont faire les courses, ils sont rejetés à l'entrée du magasin qui leur dit parfois : « Non, nous n'acceptons pas les enfants ». Nous avons souhaité rappeler d'abord…
RENAUD DELY
Que doivent-elles faire dans ce cas-là ? Que doit faire une personne qui se heurte à cette situation ?
MARLENE SCHIAPPA
Plusieurs choses. D'abord elle peut saisir le Défenseur des droits, mais elle peut aussi très simplement adresser un mail au mail que nous avons ouvert sur cette question au secrétariat d'Etat chargé de l'Egalité femmes-hommes. Nous avons déjà reçu plus de 800 signalements de parents à qui l'on a interdit l'entrée dans un magasin avec leurs enfants, et nous, nous faisons de la médiation, nous contactons, les services de l'Etat contactent un par un les magasins pour dialoguer, et leur rappeler que non, il n'y a aucune consigne du gouvernement qui dit que les enfants ne sont pas admis dans les magasins, que c'est une forme de discrimination, et que les enfants peuvent venir, et nous essayons vraiment d'initier un dialogue pour leur faire comprendre que c'est impossible pour un parent de laisser son petit enfant tout seul à la caisse, avec un inconnu, et que c'est très dangereux de demander aux parents de laisser des enfants notamment en bas-âge, seuls à la maison.
RENAUD DELY
Vous appelez pour dialoguer, dites-vous, mais est-ce qu'il est possible aussi de sanctionner ? Est-ce que vous pouvez sanctionner les commerçants qui agissent de la sorte, leur infliger des amendes ? C'est illégal, c'est une attitude illégale que d'interdire l'entrée aux mères isolées.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument. C'est une attitude illégale, maintenant comme je l'ai dit précédemment, tout le secteur de la grande distribution est aussi très engagé sur la question des violences conjugales, et l'idée pour nous ça n'est pas de sanctionner telle ou telle personne, parce que souvent les gens qui font ça, ne le font pas de mauvaise foi, pensent bien faire, pensent appliquer des consignes, donc notre volonté c'est surtout de clarifier et de dire que le gouvernement n'a jamais demandé que les enfants ne rentrent pas dans les magasins. Maintenant, évidemment cela peut aussi peut être une ouverture à sanctions, mais là il faut passer par le défenseur des droits ou par la justice. Ça ne relève pas du fait du gouvernement.
LORRAIN SENECHAL
Marlène SCHIAPPA, vous avez lancé il y a une dizaine de jours maintenant, une mission sur la place des femmes dans les médias, une mission au Parlement. La place des femmes dans les médias, on le sait, c'est évidemment toujours très inégalitaire, trop inégalitaire, est-ce que vous constatez une dégradation encore, depuis le début du confinement, et cette actualité très médicale ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, vous savez c'est cette fameuse phrase de Simone de BEAUVOIR, qui disait qu'il suffira d'une crise pour que les droits des femmes soient remis en question. Et d'ailleurs c'est assez ironique, parce qu'on l'a bien vu, quand j'ai confié cette mission à la députée Céline CALVEZ, sur la place des femmes dans les médias, beaucoup ont réagi en disant : « Mais enfin, ce n'est pas une priorité en période de crise, il y a d'autres choses à penser, etc. ». Oui, il y a évidemment un combat contre la pandémie, contre le Covid-19, qui est la priorité absolue et générale, mais la crise ne doit pas remettre en question les objectifs d'égalité entre les femmes et les hommes, et en période de crise, on a tendance, de nombreux experts se sont documentés, à se replier sur des réflexes un peu conservateurs, et d'ailleurs la directrice générale adjointe…
RENAUD DELY
Vous attendez des mesures, Marlène SCHIAPPA, excusez-moi, des propositions, des mesures concrètes, pour intervenir justement sur la place des femmes dans les médias ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, les chaînes ont pris déjà des objectifs, et d'ailleurs le CSA a noté que…
LORRAIN SENECHAL
Marlène SCHIAPPA, on a perdu la liaison, tout simplement, avec le secrétariat d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes. On parlait d'égalité hommes-femmes et de la présence des femmes dans les médias, mais ça sera donc malheureusement le mot de la fin. Marlène SCHIAPPA, merci beaucoup d'avoir été ce matin l'invitée du 8/30 de France Info.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 avril 2020