Texte intégral
GERARD LECLERC
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour.
GERARD LECLERC
Nous sommes donc au troisième jour du déconfinement avec un sentiment que le redémarrage de l'économie est assez lent, il est un peu poussif. Qu'est-ce que vous avez comme signes, comme premiers chiffres d'une reprise de l'activité ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
D'abord c'est un immense soulagement pour les 400 000 indépendants, commerçants, artisans qui ont pu rouvrir leur commerce. Ils l'ont fait avec beaucoup de sérieux sur toutes les mesures sanitaires qu'ils ont mises en place et moi j'entends des retours de ce point de vue-là très favorables. Je veux les remercier d'ailleurs d'avoir fait tout ce travail de préparation de réouverture pour que ça se passe dans les meilleures conditions possibles. Et puis, l'économie ne s'était pas arrêtée puisque l'industrie avait redémarré, comme vous le savez, depuis maintenant huit semaines. La progression se poursuit, on est aujourd'hui aux alentours de 60 % d'activité, il faut continuer pour rejoindre la courbe de nos voisins européens qui sont effectivement un peu plus en avance sur le redémarrage.
GERARD LECLERC
Alors j'en reviens sur les commerces. Tous n'ont pas rouvert. Ça paraît parfois compliqué d'appliquer les consignes sanitaires. Parfois il y a un peu de grogne. Par exemple, les magasins, les commerçants qui disent que quand on a essayé un vêtement, il faut attendre 24 heures pour pouvoir le remettre en vente. Eric WOERTH propose pour rattraper le temps perdu que les commerces puissent ouvrir le dimanche. Est-ce que vous y seriez favorable ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors d'abord, je vais remercier Eric WOERTH parce qu'il a fait toute une série de propositions qui sont des propositions très intéressantes et qu'il va falloir examiner une par une avec rigueur. S'agissant de l'ouverture des commerces le dimanche, je dirais que la première chose c'est de prendre du recul sur cette réouverture. C'est-à-dire de voir à quel point la fréquentation est au rendez-vous et si effectivement il y a un sens à rouvrir le dimanche. A ce stade, je n'ai pas de demande en ce sens de la part des fédérations de commerçants, de la part de ces indépendants et donc nous allons suivre ça de très près. Vous savez qu'avec Bruno LE MAIRE, Muriel PENICAUD, nous avons une réunion par semaine avec l'ensemble des fédérations qui représentent les activités économiques de ce pays.
GERARD LECLERC
Et si les commerces le demandent, vous pourriez donner votre feu vert, donner l'autorisation.
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est quelque chose qu'on peut regarder, de même que pendant la période du confinement, nous avions autorisé un certain nombre d'activités le dimanche. Souvenez-vous par exemple que la grande distribution était autorisée et les commerces alimentaires à ouvrir le dimanche pour permettre de mieux respecter les consignes sanitaires et d'éviter l'affluence dans les magasins.
GERARD LECLERC
Alors il y a une autre demande des commerces, c'est de retarder, de repousser les soldes d'été qui normalement démarrent vers la fin juin, les repousser peut-être d'un mois. Est-ce que vous êtes d'accord ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi je suis personnellement d'accord avec le report des soldes plutôt courant juillet. Nous y travaillons avec Bruno LE MAIRE et les fédérations. Nous leur avons proposé de se mettre autour de la table pour trouver un accord commun et, en fonction de leurs propositions, nous trancherons dans les prochains jours une date de soldes pour le mois de probablement juillet, à confirmer.
GERARD LECLERC
Et plutôt vers la fin juillet, vers la mi-juillet ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois que là, il faut prendre la mesure de la situation. La mi-juillet paraîtrait quelque chose de sensé si j'essaye de rapprocher les points de vue que j'ai pu voir s'exprimer de la part des grandes enseignes et des indépendants mais la concertation se poursuit.
GERARD LECLERC
Alors les cafés, les restaurants eux sont toujours fermés. Ils s'en inquiètent. Quand pourront-ils rouvrir ? Et puis justement, compte tenu de leurs difficultés, certains proposent, notamment des restaurateurs emmenés par Olivier BERTRAND, de baisser la TVA à 5,5%. Votre réponse ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien comme vous le savez, nous avons une réunion au niveau du Premier ministre, un comité interministériel du tourisme qui va prendre des mesures fortes pour le secteur du tourisme mais également pour le secteur de la restauration et des cafés. Ces mesures représentent un effort sans équivalent pour ces secteurs : des suppressions de cotisations sociales, des annulations, la prolongation du fonds de solidarité, des mesures extrêmement ciblées également du type tickets restaurants etc. Donc je crois qu'il faut avancer avec méthode. L'enjeu, c'est effectivement d'une part de sauver le maximum de restaurants, de cafés parce que ça fait, au-delà des aspects économiques, le lien social dans notre pays. C'est une signature aussi de la France. Et la deuxième chose, c'est de donner de la visibilité et nous travaillons d'arrache-pied aussi à regarder dans quelles conditions nous pouvons rouvrir ces cafés, ces restaurants, avec quelles mesures sanitaires et à quelle échéance. Et nous aurons des décisions qui seront prises dans les tout prochains jours et là encore, tout cela repose sur une très grande concertation avec les acteurs de la profession.
GERARD LECLERC
Mais pour la baisse de la TVA ? Pour l'instant, ce n'est pas dans vos projets.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Pour le moment, nous regardons plutôt des mesures autour du chômage partiel, autour des cotisations sociales, autour des mesures d'aide du type fonds de solidarité parce qu'elles nous paraissent plus appropriées. Je rappelle qu'aujourd'hui ces restaurants et ces cafés ne sont pas ouverts donc la question de la TVA ne se pose pas vraiment, vous me l'accorderez.
GERARD LECLERC
Alors vous avez en charge la production et l'approvisionnement des masques. Où en est-on de la production de masques en France ? Combien en produit-on et sont-ils tous bien distribués ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors d'abord la question de la distribution. Nous produisons et importons 200 millions de masques par semaine dont des masques lavables textile réutilisables, une cinquantaine de millions, et cette cinquantaine millions représente 80 % des usages puisque les masques à usage unique, comme leur nom l'indique, ne s'utilisent qu'une fois 4 heures, ce qui est très court. Et nous privilégions évidemment les masques réutilisables parce qu'ils sont plus produits en France et parce qu'ils sont plus écologiques, tout le monde l'aura compris. Ces masques réutilisables, nous en produisons ou importons environ 40 millions aujourd'hui, cette semaine. Il y a plus de 430 entreprises qui ont passé de manière satisfaisante les tests de filtration garantie de la Direction générale de l'armement. Je vous livre ce chiffre qui est nouveau, et ces 40 millions de masques, vous en avez à peu près la moitié qui est importée et à peu près la moitié produite sous contrôle français.
GERARD LECLERC
Il y a un débat. Alors ce n'est pas vous qui allez le trancher, ce serait plutôt ministre de la Santé, sur le port obligatoire du masque. Mais si on le décidait, est-ce qu'on est sûr que tous les Français pourraient, peuvent avoir aujourd'hui un masque ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Aujourd'hui avec 200 millions de masques qui représentent l'équivalent de 900 millions d'usage unique alors qu'on estime entre 400 et 600 millions le nombre d'usage unique nécessaire pour couvrir les besoins des Français en ce début de déconfinement, oui, nous pourrions adresser les besoins des Français. L'enjeu aujourd'hui, et je l'entends parfaitement, c'est une question de budget et c'est pour ça que nous avons distribué gratuitement chaque semaine 5 millions de masques réutilisables, donc l'équivalent de 105 millions d'utilisation, aux Français les plus précaires. Je crois que c'est un élément très important pour équiper la population française et par ailleurs, bien entendu, nous équipons gratuitement les soignants et les malades. C'est les 100 millions de masques à usage unique qui ont été annoncés par Olivier VERAN et qui sont distribués dans les hôpitaux, les EHPAD et les pharmacies, et nous continuons à distribuer des masques dans les écoles jusqu'à la fin de l'année scolaire pour les enfants qui devront porter le masque.
GERARD LECLERC
Alors il y a le choc économique. La Banque de France a donné encore hier des chiffres inquiétants : 6 point de croissance perdus pendant deux mois de confinement, c'est énorme. Comment allez-vous faire pour relancer l'économie ? Quels sont les priorités de la relance ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois qu'on a été très clairs sur la manière dont nous voulions conduire cette méthode. Le premier temps, c'est un plan d'urgence. Ce plan d'urgence, il a été massif, il a porté ses fruits. Il permet aujourd'hui à un salarié sur deux de continuer à être rémunéré parce qu'il est en chômage partiel et il a permis aussi de sauver des centaines de milliers d'entreprises. Il faut maintenant penser à des plans de soutien, notamment sur des secteurs qui sont en grande difficulté. Je pense au tourisme, on l'a évoqué. Le 14 mai, le Premier ministre fera une série d'annonces sur le plan de soutien au secteur touristique, cafés, restauration. Mais je pense également au secteur de l'automobile et de l'aéronautique où, là, nous allons prendre les devants avec Bruno LE MAIRE pour accompagner spécifiquement les donneurs d'ordre et les sous-traitants français de ce secteur. Et puis, nous travaillons sur un plan de relance mais ce plan de relance il doit être porté à un moment où on a une vision claire du niveau de consommation et de la dynamique internationale de l'économie et de la dynamique de la reprise française. Et c'est pour ça que nous y travaillons avec l'idée qu'il devra être actif au mois de septembre, c'est-à-dire qu'on a un calendrier qui est très organisé, méthodique, ce qui ne nous empêche pas d'être extrêmement déterminés pour accompagner les entreprises.
GERARD LECLERC
Brièvement, Emmanuel MACRON avait fait de l'écologie, de la transition écologique, de l'impératif écologique une priorité de la fin du quinquennat. Ça ne va pas être remis en cause avec cette crise et puis la nécessité de relancer l'économie ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bien au contraire. Je pense que la transition écologique et énergétique peut nourrir la croissance. Pensez par exemple à la rénovation thermique. La rénovation thermique, c'est à la fois une politique publique pour la transition écologique mais c'est aussi une façon de donner du travail au BTP par exemple, à tout ce qui est travaux publics. Donc il y a plein de sujets et de secteurs sur lesquels on peut générer de la création de valeurs, de la croissance, de la richesse pour le pays parce que précisément, nous menons une transition écologique et énergétique plus forte. On peut penser à la conversion des voitures, au fait de transformer un parc de vieilles voitures à moteur polluant en voitures qui sont beaucoup moins polluantes. On peut penser à la relance de l'innovation et au financement de l'innovation de l'avion du futur, un avion qui serait le plus décarboné possible. On peut penser à l'investissement dans les technologies des biocarburants. Autant de sujets sur lesquels on peut à la fois lier écologie et économie.
GERARD LECLERC
Merci Agnès PANNIER-RUNACHER et bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 mai 2020