Entretien de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, à Europe 1 le 14 mai 2020, sur les mesures de soutien au secteur du tourisme.

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  • Jean-Baptiste Lemoyne - Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Média : Europe 1

Texte intégral

Q - Bonsoir Jean-Baptiste Lemoyne. Merci d'être sur Europe 1 ce soir. Bienvenue. Le Premier ministre, et vous étiez à ses côtés, a dévoilé à la mi-journée ce plan de relance du tourisme massif, représentant pour les finances publiques un engagement de dix-huit milliards d'euros au total, on parle d'un plan Marshall. Les Français ont par ailleurs appris qu'ils pourraient partir en vacances dans tous l'Hexagone cet été, ce qui leur donne bien entendu le sourire. On va aller sur ce plan en quelques mots d'abord, on ne va pas refaire le détail, on l'a entendu dans le Journal. Mais la question est celle-ci : quand il est question de tourisme, poids lourd de l'économie française, l'Etat sait mettre la main à la poche ?

R - Très clairement, ce secteur est vital pour notre économie, c'est une part de l'âme de notre pays et, vous le savez, il a été touché de plein fouet en premier, il était quasiment à l'arrêt, les restaurants sont encore fermés. Par conséquent, il fallait mettre le paquet, si je puis dire, pour aider, sauver ce secteur. C'est ce qui a été fait ce matin effectivement avec dix-huit milliards d'euros d'aide, de soutien, de subventions, de prêts bonifiés, garantis et d'investissements. Parce qu'il va falloir également rebondir, être toujours à la pointe du tourisme. Vous savez que nous sommes premiers en matière d'attractivité dans le monde, nous souhaitons rester premiers. Cela veut dire aussi plus d'investissements en matière de tourisme durable, de digitalisation, bref, donner les moyens au secteur de repartir de l'avant.

Q - Et comment on donne les moyens au secteur ? Les investissements, on l'a bien compris, il y a une part de public et une part de privé, pour sept milliards, à venir, les entreprises privées mettent aussi la main à la poche. Mais où vous trouvez, vous, l'Etat, où l'Etat trouve-t-il cette somme pour aider aujourd'hui ce secteur, on le sait c'est deux millions d'emplois, c'est presque 8% du PIB, d'accord. Mais où trouvez-vous autant d'argent ?

R - Il n'y a pas d'argent magique, c'est naturellement notre argent, le contribuable français…

Q - ...le contribuable…

R - ...c'est à travers l'activité partielle qui est prise en charge à hauteur de six milliards d'euros, ce sont également les prêts garantis par l'Etat à hauteur de six milliards d'euros. Et puis, la Caisse des dépôts et consignation qui vient aussi en investissement, en financement. Mais, vous le savez, tout cela, c'est de l'argent qui va rapporter. Qui va rapporter parce qu'on a besoin du redémarrage de ce secteur qui a énormément d'impact tant en amont qu'en aval.

Q - Justement. Vous avez raison de le préciser, il a énormément d'impact ce secteur. Mais, regardez, il y a encore dix-sept millions de touristes étrangers qui normalement se rendent en France à cette période de l'année, l'été, à partir de Pâques même, ceux-là vont manquer à l'appel. Ce plan du coup de dix-huit milliards d'euros est-il suffisant pour compenser ce manque à gagner des dix-sept millions de touristes ? (...) On a décortiqué ce plan annoncé ce matin : dix-huit milliards d'euros pour la filière tourisme. Avec une annonce évidemment qui n'est pas passée inaperçue, vous nous incitez, Edouard Philippe l'a fait, très clairement, à réserver pour les mois de juillet et d'août. Alors, ça y est, on peut lever les barrières et les interdits ?

R - Vous le disiez : dix-sept millions de touristes internationaux risquent de manquer à l'appel parce que les frontières, vous le savez, vont rester encore fermées plusieurs semaines. Et, donc, la reprise du tourisme va se fonder sur le tourisme national, le tourisme domestique. C'est pourquoi nous avons voulu, effectivement, permettre à ce moteur de redémarrer, faire en sorte que les Français puissent déjà, d'une part, je crois qu'on en a tous besoin, simplement, après cet épisode traumatique, douloureux que nous avons vécu, pouvoir s'oxygéner, pouvoir s'aérer, changer de rythme, changer de cadre. Pour cela, là aussi, il était important de donner de la flexibilité.

Q - Justement, très concrètement, Jean-Baptiste Lemoyne, qu'est-ce que cela veut dire, la flexibilité ? Parce que le 30 avril vous parliez vous-même de tourisme concentrique, donc autour d'un centre, donc cela veut dire, quand on est sur Paris on reste dans les environs, Tulle-plage par exemple, ou Coulommiers-beach, vous voyez un peu l'idée. Là, on peut élargir le champ des possibles, c'est cela ?

R - Alors, là, nous sommes dans une phase, du 11 mai au 2 juin, qui est une phase où c'est un tourisme de proximité en effet, parce que l'on doit rester dans ce rayon des cent kilomètres. Mais, déjà, il y a une offre qui rouvre des petits sites, le festival, par exemple, des jardins de Chaumont. Bref, il y a ce tourisme d'ultra-proximité. Et, petit à petit, si la situation sanitaire le permet - rendez-vous le 25 mai pour vous donner tous les détails -, on pourra élargir ce cercle.

Q - Donc, des Parisiens pourraient aller en vacances peut-être, si le 25 mai la situation est meilleure encore, on peut imaginer des Parisiens dans le sud-est de la France ou sur les plages de la Côte d'Azur par exemple ?

R - Le sens du message du Premier ministre était de dire, effectivement, " vous pourrez faire vos vacances en France, y compris dans les territoires ultra-marins ", c'est important, parce qu'ils sont aussi une facette et un joyau du tourisme national.

Il est important également que les Français puissent préparer leurs déplacements, n'hésitent pas à réserver. C'est pourquoi, nous avons obtenu l'engagement des filières professionnelles, des hôteliers restaurateurs, avec l'UMIH, le GNI, des entreprises du voyage aussi, pour faire en sorte que les Français puissent annuler leurs séjours en cas de pépins liés effectivement à l'épidémie. Cela veut dire que l'on peut sans crainte se lancer dans la réservation, se projeter, commencer à regarder. Et rien que cela je crois que c'est important.

Q - Cela donne effectivement un nouveau souffle. Mais comment contraindre de tels remboursements dans une filière déjà sinistrée, les acteurs du tourisme et de l'hôtellerie, si elles ont des annulations en cascade ? Vous pourrez les contraindre ?

R - Tout cela est fait sur la base des engagements des professionnels. J'ai recueilli cet engagement de la part des grandes filières de l'hôtellerie, et donc je veux les saluer. Encore une fois, c'est un engagement fort qu'ils font, mais parce qu'ils sont conscients qu'il y a besoin de donner de la réassurance aux clients, de la réassurance, à la fois sanitaire, parce que ces filières ont travaillé sur des protocoles pour que la réouverture se fasse dans les meilleures conditions, et puis la réassurance financière parce que, on le sait, beaucoup de touristes ont vu leur séjour dans un premier temps annulé, reporté, mais ils ont reçu un avoir. Mais là, si on veut qu'ils partent cet été, il faut qu'ils puissent avoir cette assurance annulation.

Q - Voilà ce que vous avez garanti à ce jour. Il y a une vraie question autour des cafés et des restaurants. Possiblement réouverture dès le 2 juin dans les départements verts, on sera fixé la semaine du 25 mai. Dans les départements rouges, cela pourrait être à cette même date du 2 juin ?
R - Hélas, il y aura des différences entre départements rouges et départements verts. Parce que dans les départements rouges, le virus circule de façon plus active et il est nécessaire d'emprunter ce chemin de crête, entre à la fois les garanties sanitaires et puis la nécessité de reprendre. Donc, nous allons faire des évaluations très régulières. Donc, après le 2 juin, nous aurons un autre rendez-vous qui sera le 21 juin. Le 21 juin, c'est le début de l'été et pour cette saison estivale, nous souhaitons qu'un maximum de secteurs puisse rouvrir dans le secteur du tourisme. Mais nous avons besoin aussi de ne pas jouer avec la santé des Français. Et c'est ce qui explique aussi cette approche différenciée et territorialisée.

Q - ...entre départements verts et rouges, j'ai bien entendu. Vingt-deux millions de personnes partent en vacances l'été. Les règles des professionnels du tourisme pour qu'ils s'organisent sont-elles claires à ce jour ? Parce que beaucoup nous disent : finalement on ne sait pas si on va pouvoir intégralement notre établissement, laisser l'accès à la piscine, à la salle de restaurant. Est-ce que tout cela, ils ont les clés en mains, ou pas encore ?

R - Beaucoup de travaux sont en cours dans le cadre de la mission Castex parce que, là aussi, il faut prendre toutes les précautions, mettre en place les précautions sanitaires selon les sites, selon les différentes infrastructures. Moi, ce que je peux vous dire, en tous les cas, que les professionnels bossent là-dessus matin, midi et soir. Ce qu'ils veulent, c'est être prêts pour repartir, pour accueillir à nouveau. Parce que ce sont des professionnels de l'accueil et ce qu'ils veulent c'est pouvoir procurer à nouveau aux Français des bons moments, des expériences sympas après les moments très durs que nous avons vécus. Ils se mettent en quatre de ce point de vue-là et les Français, je crois, pourront compter sur eux à tous les points de vue.

Q - La SNCF ouvre aussi ses réservations pour juillet et août dès demain matin. C'est évidemment votre collège Jean-Baptiste Djebbari, mais je vous pose quand même la question, parce que les prix, si on est avec un siège sur deux, y compris en juillet et août, les prix vont doubler forcément. Comment les Français vont-ils pouvoir partir en vacances si les prix doublent ?

R - Je crois qu'il faut se souvienne qu'il y a également un billet qui s'appelle le billet annuel congés payés qui existe toujours et qui permet, pour le séjour estival, une fois par an, d'obtenir des réductions qui parfois peuvent atteindre 40%, 50%. Donc, je crois qu'il faut que les Français n'hésitent pas à utiliser ce type de mécanisme.

Q - Ce sera un peu court, Jean-Baptiste Lemoyne…

R - Nous travaillons également à tout un plan dédié au tourisme social…

Q - ...à limiter les prix peut-être, à limiter ou à réguler ces prix pour qu'il n'y ait pas de flambées et que cela n'empêche pas les gens de partir et d'emprunter les transports type SNCF ?

R - Alors, sur ce point-là, on est en train de travailler. Le président de la République a souhaité que l'on travaille sur le tourisme social et nous y travaillons avec Gabriel Attal, Jean-Michel Blanquer, notamment avec la mise en place de chèques vacances, pour ma part, j'y travaille avec Régions de France, avec Renaud Muselier, pour que nous puissions aider au départ un maximum de familles à travers un chèque qui pourra représenter parfois plusieurs centaines d'euros et ainsi faciliter le départ en vacances.

Q - Merci beaucoup, Jean-Baptiste Lemoyne, de nous avoir éclairés ce soir sur toutes les annonces faites à la mi-journée en matière de tourisme.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 mai 2020