Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, à Sud Radio le 14 mai 2020, sur le vaccin contre le Covid-19 et les aides aux entreprises.

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Média : Emission La Tribune Le Point Sud Radio - Sud Radio

Texte intégral

PATRICK ROGER
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour.

PATRICK ROGER
SANOFI, laboratoire français, affirme par son PDG, que s'il trouve un vaccin, les Etats-Unis seront servis en premier parce qu'ils ont investi. Logique ou anormal ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Anormal, et moi j'ai immédiatement contacté SANOFI, qui a fait un correctif, je vous le donne, et évidemment pour nous ça serait inacceptable qu'il y ait un accès privilégié de tel ou tel pays, sous un prétexte qui serait un prétexte pécunier, surtout dans le contexte actuel, et le patron de SANOFI France m'a confirmé que le vaccin serait accessible à tous les pays et qu'évidemment il serait accessible notamment aux Français, ce d'autant qu'il a des capacités de production en France.

PATRICK ROGER
Sinon, il y aurait des sanctions de la part du gouvernement, vous le menacez.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Sinon, mais je pense que le correctif étant fait, je n'ai pas besoin de menacer, mais ça serait inadmissible, incompréhensible, que sur un sujet comme cela on ne puisse pas avoir un accès à une médecine qui soigne et qui empêche des décès. Je pense que personne ne le comprendrait, et nous ne le comprendrons pas.

PATRICK ROGER
Agnès PANNIER-RUNACHER, est-ce que nous partageons nous aussi les risques, gouvernement français, Etat français, avec SANOFI, comme le font les Américains ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
L'enjeu sur les vaccins, c'est effectivement d'accompagner les différentes recherches, vous savez qu'il y en a beaucoup. Tous les candidats à la recherche ne vont pas nécessairement trouver, et c'est aussi de faciliter le processus d'homologation des produits. Parce que même si un laboratoire trouve, que ça ne se fait pas dans un claquement de doigts, il faut valider, certifier l'innocuité de ce qui est trouvé. Donc, comme les Américains, et cette démarche est bonne, il faut accélérer les négociations, soutenir la recherche, et nous, nous sommes à la pointe d'une coalition, où nous essayons avec l'Allemagne notamment, d'accélérer le mouvement européen pour avoir aussi ce mouvement de soutien des différentes recherches, celles qui nous paraissent les plus sérieuses, les plus abouties, pour pouvoir rapidement servir les patients européens.

PATRICK ROGER
Vous avez bon espoir justement, quoi, 6 mois, 8 mois, un an ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous savez, trouver un vaccin ça peut prendre des années. Donc là il y a un effort inédit pour essayer de trouver un vaccin plutôt dans les 18 mois, c'est la recherche, donc on peut avoir aussi de la chance, on n'est pas à l'abri d'un succès, mais je me garderai bien de donner un délai.

PATRICK ROGER
Tout pronostic quoi. Alors venons-en à l'aide aux entreprises et commerçants, qui vous concerne particulièrement aussi. Qu'est-ce que vous répondez aux petites et moyennes entreprises qui demandent un élargissement des exonérations et des cotisations sociales de toutes les PME qui ont été touchées, affectées, pendant… par le confinement ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
D'abord, je veux dire qu'on a fait un effort absolument inédit en termes de mobilisation des finances publiques, pour accompagner les entreprises. Et je crois que c'est un des plans les plus puissants en Europe, peut-être à l'exception de l'Allemagne, d'accompagnement des entreprises. Je le redis, c'est 110 milliards d'euros qui ont été mis sur la table pour les entreprises. Ces chiffres donnent le tournis, et cela nous permet aujourd'hui de sauver, d'avoir sauvé des centaines de milliers d'entreprises. Qu'est-ce que nous disons aux entreprises ? Effectivement nous avons abandonné, nous allons abandonner les cotisations sociales sur une série d'entreprises. Pour les autres, qui nous paraissent avoir été, et c'est de la comparaison, tout le monde a été impacté par une crise, mais comparativement un peu moins impactées par la crise, nous ferons du cas par cas, notamment sur la partie fiscale. Et d'ores et déjà, lorsque vous êtes une entreprise qui avez été confrontée à la crise, vous pouvez demander un dégrèvement fiscal en disant : regardez ma situation de trésorerie, regardez la situation de mon chiffre d'affaires, regardez la situation de mes charges fixes, j'ai besoin de ce dégrèvement fiscal. Donc ça c'est possible. Donc il y a bien…

PATRICK ROGER
Ce sera valable pour des petites entreprises, des professions libérales, comme des PME, qui disent visiblement que pour l'instant ils n'ont pas eu de réponse Agnès PANNIER-RUNACHER, puisqu'hier ils ont fait un communiqué pour ça.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois qu'il y a une demande de, comment dire, que cet de cotisations soit généralisé. Nous, ce que nous disons, c'est, sur les petits, et ça me paraît normal, les plus petits il faut les protéger, ils sont moins structurés pour faire face à la crise, ils ont moins de trésorerie, c'est généralisé, pour les plus grands c'est une discussion, et notamment sur…

PATRICK ROGER
Oui, Agnès PANNIER-RUNACHER, ça fait maintenant 4 jours que la France est déconfinée, est-ce que le dispositif du chômage partiel, particulièrement généreux disent certains, a pu inciter des entreprises à repousser la reprise de l'activité, alors qu'elles auraient pu se relancer ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
En tout cas, c'est un point qu'on va aller contrôler, parce qu'il est extrêmement contre-indiqué pour une entreprise de ne pas se remettre à travailler, si elle a les commandes, si elle a des clients et si elle a des salariés qui sont en capacité de travailler, c'est-à-dire qui n'ont pas de soucis médicaux ou de souci de garde d'enfants. Si l'entreprise ne redémarre pas la machine, le risque pour elle c'est d'être en grande difficulté beaucoup plus rapidement. Et c'est vraiment une mauvaise stratégie que de ne pas redémarrer la machine, et c'est ce que moi je veux dire aux entreprises aujourd'hui. Je comprends que le chômage partiel soit une garantie, et c'est pour ça qu'on l'a fait, et c'est pour ça qu'on m'assume d'avoir fait un chômage partiel puissant, important, et qui effectivement un des dispositifs les plus puissants d'Europe là aussi. Mais le salut pour l'entreprise, il vient de ses clients, il vient de ses commandes, il vient de son activité, et donc les entreprises ont effectivement vocation à redémarrer, et même pour les salariés, pour leur emploi, je recommande de pousser leur entreprise à redémarrer, parce que c'est ça qui donnera un avenir à leur entreprise.

PATRICK ROGER
Oui. Brièvement Agnès PANNIER-RUNACHER, il y a beaucoup de questions, on est pris un peu par le temps. En attendant un grand plan de relance qui est promis à l'automne, est-ce qu'il n'est pas possible d'intervenir plus rapidement pour deux secteurs clés en souffrance : l'automobile et l'aéronautique ? On l'a évoqué hier avec Carole DELGA, la présidente de l'Occitanie notamment, parce qu'on pense à AIRBUS.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais je vous annonce que nous allons sortir deux plans de soutien, pour l'aéronautique et pour l'automobile. Bruno LE MAIRE l'a dit très clairement en début de semaine, nous y travaillons d'arrache-pied avec les deux filières. C'est un plan qui est… ce sont deux plans nécessaires compte tenu de la situation de ces deux secteurs. L'aéronautique est confrontée à une chute brutale des commandes, puisque les compagnies aériennes ne vont plus commander d'avions et ne peuvent plus aujourd'hui fonctionner de manière normale, et sans réelle visibilité sur le moment où elles pourront redémarrer leurs activités dans des conditions normales, et donc il faut faire face, et ce d'autant que l'aéronautique et l'automobile restent des fleurons absolument indispensables de notre industrie française. Donc nous serons aux côtés de ces deux secteurs, avec des mesures très précises qui seront annoncées dans les prochains jours, semaines.

PATRICK ROGER
Alors, c'est ça, ça va être annoncé quand pour l'aéronautique ? Courant fin mai, début juin ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Dans ces eaux-là, tout à fait.

PATRICK ROGER
Dans ces eaux-là. Bon, début juin, vous ne pouvez pas donner de date encore précise. A propos de dates, les soldes…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, parce que nous y travaillons.

PATRICK ROGER
Oui. Non non, mais bien sûr. Les soldes, est-ce que vous êtes favorable à un report des soldes d'été, comme le demandent certains commerçants ? Décaler par exemple mi-juillet, fin juillet, voire plus tard, et sur une période plus longue ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors oui, moi personnellement je suis favorable à un report des soldes, et là aussi il y a une concertation qui est lancée entre les différents acteurs. Avec Bruno LE MAIRE nous leur avons indiqué que s'ils se mettaient d'accord, on rejoindrait leurs propositions, puisqu'on fait confiance aux professionnels du secteur pour finalement avoir une juste évaluation de ce qui est le mieux dans cette situation inédite. De même, nous sommes prêts à considérer un élargissement de la période de soldes, ne serait-ce que pour ménager de meilleures conditions sanitaires et d'accès aux commerçants. La concertation se poursuit et nous trancherons très prochainement pour donner de la visibilité aux commerçants qui ont besoin de s'organiser par rapport à la date de démarrage des soldes.

PATRICK ROGER
Voilà, c'est ça. Bon. Il y a une question qui nous revient là tous les jours, c'est l'ISF. Est-ce qu'il faut le rétablir, Agnès PANNIER-RUNACHER ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, moi je suis frappée du jour d'après, où on a plein de nouvelles idées qui ressemblent furieusement au jour d'avant. L'ISF ça serait de deux milliards d'euros de recettes supplémentaires, puisqu'il n'a pas été supprimé, il a été remplacé par un impôt sur l'immobilier. 2 milliards d'euros de recettes supplémentaires, c'est 50 ans de l'effort, il faudrait 50 ans pour récupérer l'effort que nous avons fait nous, au niveau de l'Etat, en 2 mois. Ce n'est pas du tout à la mesure de la situation. Et par ailleurs, nous avons eu 30 ans d'ISF, je ne crois pas que c'est apporter une quelconque réponse aux problèmes de l'hôpital public, en tout cas je ne le constate pas. Je ne crois pas que c'est à apporter grand-chose à l'économie française et je constate en revanche que depuis 3 ans, le bilan. 2017, 2018 et 2019 de notre économie c'était plus d'investissements, plus d'investissements étrangers en France, et nous étions en réduction forte du chômage. Donc cette politique elle a fonctionné, et je crois qu'il faut éviter d'aller faire de vieilles recettes qui n'ont pas fonctionné, pour réinventer le jour d'après.

PATRICK ROGER
Oui, c'est vrai, mais il y aura la répartition de la richesse, puisqu'on dit que le fossé va se creuser avec peut-être davantage de précarité, et donc il faudra aller chercher l'argent quelque part.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais ça c'est une autre question. C'est une autre question qui est une excellente question, qui est la question de la solidarité, c'est-à-dire comment effectivement on affronte, et notamment on accompagne la situation de personnes qui peuvent perdre leur emploi ou qui risquent de se retrouver en situation de précarité. Travaillons sur ça. Et nous, nous avons pris d'ores et déjà ce virage, c'est-à-dire en renforçant le dispositif de soutien aux plus précaires, en renforçant tout ce qui est autour des banques alimentaires, le plan pauvreté. Ça c'est des mesures concrètes.

PATRICK ROGER
Oui, c'est vrai. Venons-en aux masques, rapidement, Agnès PANNIER-RUNACHER. Ça reste l'un des sujets de préoccupation, de Saint-Etienne à Bordeaux, en passant par Marseille, est-ce qu'on sait combien de masques sont en circulation en fait aujourd'hui, et est-ce que la production nationale va augmenter la répartition ? En deux mots.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, 200 millions de masques sont aujourd'hui, par semaine, sur le territoire français, qui correspond à peu près à 900 millions d'utilisations, puisque vous avez en gros 100 à 150 millions de masques à usage unique, notamment les 100 millions que distribue l'Etat gratuitement, dans le système hospitalier, les EHPAD, et au travers des pharmacies, pour les soignants et pour les malades. Et vous avez des masques à usage unique et des masques textiles, lavables et réutilisables, qui représentent l'équivalent de 750 à 800 millions d'usage unique. Ceux-là sont distribués gratuitement par l'Etat, pour les plus précaires, ils sont également achetables dans les commerces. Oui, la production va augmenter, elle augmente pour les masques chirurgicaux et FFP2, mais ça, ça concerne les soignants. Cette production va aux soignants, et elle augmente aussi sur les masques tissu lavables et réutilisables, qui sont des masques à filtration garantie, dont je recommande l'utilisation, parce qu'ils sont au fond assez pratiques, beaucoup moins chers, plus écologiques…

PATRICK ROGER
Durables.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et c'est de la production française.

PATRICK ROGER
Oui. Allez, le mot de la fin avec Cécile de MENIBUS, Agnès PANNIER-RUNACHER.

CECILE DE MENIBUS
Oui bonjour. Je reviens sur la proposition d'Eric WOERTH qui dit que notamment pour relancer la consommation, il faudra ouvrir le dimanche et travailler plus. Vous en pensez quoi ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je pense qu'il faut déjà voir quelle est la fréquentation chez les commerçants. A ce stade je n'ai pas de remontées du terrain qui me disent : il faut absolument ouvrir les dimanches pour rattraper. Le risque que nous avons, et vous le mentionniez tout à l'heure avec les barèmes de précaution, c'est que les consommateurs ne soient pas nécessairement au rendez-vous dans les magasins. Donc avançons petit à petit, regardons comment se fait la reprise chez les commerçants, et il sera temps d'ajuster les dispositifs. Moi je n'ai pas d'opposition de principes, mais je préfère répondre à des questions qui sont posées, que poser, que faire des propositions qui ne répondent pas à la situation.

CECILE DE MENIBUS
Mais ça veut dire qu'il faudra faire un bilan dans combien de temps ? Dans 15 jours, dans un mois ? Dans combien de temps ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je pense qu'on aura une idée à peu près claire de la situation, quand dans un mois, c'est-à-dire à un moment où, un, on aura une idée sur la circulation du virus dans les zones rouges en particulier. Deux, une idée sur la dynamique liée à la reprise de l'école et à la reprise d'un certain nombre de services. Vous mentionnez les transports, les transports reprendront à 100 % début juin, donc on peut considérer que début juin on aura une vision de la reprise économique en phase de stabilisation. Et sur cette base-là on peut évidemment faire des propositions. Je crois que ce gouvernement a montré ces dernières semaines, sa capacité notamment sur le volet économique, sa capacité à prendre des décisions rapides, en tenant compte du terrain et du contexte.

PATRICK ROGER
Merci Agnès PANNIER-RUNACHER, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie, d'avoir répondu à nos questions ce matin sur Sud Radio.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Merci beaucoup.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 mai 2020