Interview de M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, à Sud Radio le 20 mai 2020, sur l'immobilier face à l'épidémie de Covid-19.

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Média : Emission La Tribune Le Point Sud Radio - Sud Radio

Texte intégral

PATRICK ROGER
Bonjour Julien DENORMANDIE.

JULIEN DENORMANDIE
Bonjour.

PATRICK ROGER
Les affaires redémarrent dans l'immobilier, nous disent les professionnels, sur la gestion, alors, certains envisagent des assemblées de copropriétaires par Internet, sur le digital, légal ou pas, est-ce que vous l'autorisez ?

JULIEN DENORMANDIE
Jusqu'à présent, ce n'est pas autorisé, jusqu'à présent, et ce matin, je vous annonce qu'on va le rendre possible à partir de début juin, je vais présenter tout à l'heure en Conseil des ministres un bout de texte législatif qui va permettre de rendre possible des assemblées générales de copropriétaires, mais de manière dématérialisée, par visioconférence, par téléphone, en vrai, par tous ces nouveaux moyens de technologie qu'on a tant et tant utilisés pendant la période de confinement. Et donc, on va s'adapter, parce que ce qui s'est passé, c'est que pendant la période de confinement, il y a beaucoup d'AG de copropriétaires qui n'ont pas pu se tenir, énormément, bien évidemment, et que, aujourd'hui, comme on limite le nombre de personnes pouvant se réunir, eh bien, ça ne favorise pas non plus cette reprise. Et donc, à ces situations exceptionnelles, on s'adapte, et on rend possible, à partir de début juin, je vous l'annonce chez vous ce matin, c'est la tenue de ces assemblées générales de manière dématérialisée, c'était attendu depuis longtemps, et moi, je suis très content de pouvoir aujourd'hui le faire et vous l'annoncer.

PATRICK ROGER
Où en est la reprise dans le BTP, parce que vous annonciez, vous espériez, Julien DENORMANDIE, 100% d'ici fin mai ?

JULIEN DENORMANDIE
Les derniers éléments dont on dispose, qui datent du week-end dernier, mais tout évolue très vite, montraient que près de 72% des chantiers avaient repris, il y a une semaine, on était à 50%, et puis, il y a 15 jours, on était à 36%. Et donc, on voit bien que la reprise, elle est là, la reprise, elle se poursuit, j'étais hier en Eure-et-Loir, sur des chantiers de reconstruction, et je peux vous dire que tout le monde a envie de cette reprise, les entreprises, les salariés, les Français qui ont besoin de ces logements, et aujourd'hui, moi, je le constate tous les jours, les chantiers repartent ; et j'en appelle d'ailleurs à tous les Français, il faut faire confiance aux artisans, c'est très important, il y a beaucoup d'artisans qui souffrent en ce moment, il faut leur faire confiance, on a mis en place des normes sanitaires qu'ils appliquent, je l'ai encore vérifié hier, et aujourd'hui, les Français, nous tous, on doit pouvoir refaire travailler les artisans pour les travaux de rénovation, les chantiers, etc, c'est très important.

PATRICK ROGER
Alors, il y a des mesures de sécurité qui coûtent un petit peu plus cher aussi pour ces artisans, pour l'ensemble des entreprises du BTP, certains réclament des aides, les professionnels, comme annulation ou report de charges sociales patronales.

JULIEN DENORMANDIE
Il y a beaucoup d'aides qui ont été d'ores et déjà apportées, et je crois que tout le monde le constate depuis le début de la crise, le gouvernement apporte au fur et à mesure ces aides pour les entreprises et pour les Français. Et sur la question que vous posez, il y a aussi, vous savez, l'intelligence locale, c'est-à-dire la concertation entre le maître d'ouvrage, celui qui fait le chantier, et puis, les entreprises qui construisent le chantier, et dans beaucoup de cas, les parties se mettent autour d'une table, et puis, discutent en disant : eh bien, c'est vrai qu'on a des surcoûts ici parce qu'il faut des matériaux de protection, parce qu'il faut réorganiser l'espace de travail, et je peux vous dire que même si ça peut prendre un peu de temps, eh bien l'intelligence locale, elle permet de trouver des solutions, et c'est ça qui est nécessaire aussi pour faire redémarrer les chantiers, j'étais hier avec le président de la CAPEB, c'est-à-dire le président de tous les artisans, et cette volonté, elle est en effet tout à fait partagée.

PATRICK ROGER
Bon, donc, si on résume, d'ici une dizaine de jours, ça devrait être, peut-être pas à 100 %, mais pas loin ?

JULIEN DENORMANDIE
Eh bien, mon objectif, effectivement, c'est de faire en sorte que ça reprenne le plus vite possible, et j'ai fixé cet objectif ambitieux de la reprise des chantiers d'ici la fin du mois, alors, c'est un objectif qui est ambitieux, mais je crois que dans la vie, il faut vivre avec des objectifs ambitieux…

PATRICK ROGER
Vous craignez des foyers aussi de contaminations possibles justement sur ces chantiers, est-ce qu'il y aura des mesures de prises pour ça, de mise en quarantaine ou pas ?

JULIEN DENORMANDIE
Eh bien, il y a des mesures très stricte qui sont prises, et je salue notamment le travail qu'on a fait avec les fédérations, j'évoquais la Fédération des artisans, mais c'est la même chose avec la Fédération du bâtiment, pour faire en sorte qu'il y ait tout un guide sanitaire, vous savez, cette reprise, elle ne s'improvise pas, cette reprise, elle est organisée, et tous ceux qui travaillent dans ces entreprises et qui nous écoutent le savent bien, et donc, il y a des modalités qui sont extrêmement strictes, un exemple, dans les chantiers aujourd'hui, vous êtes obligé de circuler que dans un sens, tout simplement pour éviter que les ouvriers ne se croisent, ce n'est pas du tout des habitudes dans un chantier, eh bien, c'est des exemples précis d'une réorganisation du travail sur ces sites, pour éviter et protéger au maximum ceux et celles qui y travaillent.

PATRICK ROGER
Oui, mais, Julien DENORMANDIE, concrètement, pour les particuliers, là, aujourd'hui, est-ce qu'il est possible quand même d'aller visiter des maisons, des appartements à plus de 100 kilomètres à vol d'oiseau, parce qu'il y en a certains qui peuvent déménager, il y a des autorisations possibles pour ça ou pas ?

JULIEN DENORMANDIE
Oui, il y a des autorisations possibles lorsque vous devez déménager évidemment, parce que, par exemple, vous avez trouvé un emploi, parce que c'est des raisons familiales, bref, parce que c'est votre projet de vie, oui, évidemment que dans ce cas, vous avez la possibilité d'organiser le déménagement, c'était d'ailleurs un sujet très important, parce qu'on a vu pendant la crise, pendant le confinement, beaucoup de ces projets immobiliers ont été arrêtés, et moi, ce que j'observe depuis la sortie du confinement, c'est que, énormément Français sont retournés dans les agences immobilières, énormément de Français ont repris le chemin de leur projet immobilier avec une certaine conscience d'ailleurs, que je salue, et évidemment, il faut avoir la possibilité d'aller visiter le bien…

PATRICK ROGER
Alors justement, pas de crise dans l'immobilier à redouter, Julien DENORMANDIE ?

JULIEN DENORMANDIE
Un de vos auditeurs le disait vers 07h30 tout à l'heure, sur votre antenne, ce qu'on observe, c'est qu'il y a une véritable envie, une véritable confiance des Français dans leur projet immobilier, en revanche, la question à laquelle je ne sais pas répondre, c'est quel va être l'impact de tout ce qu'on vit en ce moment sur le prix de l'immobilier, ça, je ne sais pas encore vous répondre à cette question, pourquoi, parce qu'on n'a pas encore assez de transactions qui se sont faites depuis la crise sanitaire, pour vous dire, la tendance, elle va être à la baisse ou à la hausse, et cela sera d'ailleurs en fonction des territoires. Donc ça, on n'a pas suffisamment de recul. Ce qui est sûr, c'est qu'il y a une envie, ce qui est sûr aussi, c'est que je suis très vigilant au comportement des banques, il faut que les banques puissent continuer à délivrer les crédits immobiliers, c'est extrêmement important, et nous y sommes très attentifs, et également très attentifs à redonner cette dynamique au secteur qui en a bien besoin.

PATRICK ROGER
Oui, un mot aussi sur les quartiers, là, on le voit, et c'est la Une du journal Le Parisien ce matin, il y a un cauchemar des rodéos motos dans ces quartiers, qu'est-ce que vous pouvez faire, vous êtes ministre de la Ville également, face à cela, qui semblent être véritablement un fléau ?

JULIEN DENORMANDIE
Bien sûr, et d'abord, il faut dire que ceux qui pâtissent de cela, ce sont avant tout les habitants des quartiers…

PATRICK ROGER
Eh bien, oui, évidemment…

JULIEN DENORMANDIE
Qui, trop souvent d'ailleurs, sont assimilés à cette minorité qui ont des comportements non-acceptables. Eh bien, face à ça, il y a le respect des règles de droit, il y a le respect de la loi, il y a les forces de police que nous déployons…

PATRICK ROGER
Elles sont débordées, les forces de police, et elles le disent, elles ne se déplacent pas…

JULIEN DENORMANDIE
Non, non, non, non, je peux vous dire qu'on a renforcé d'ailleurs les forces de police, et que, moi je n'ai pas du tout ce défaitisme-là, après, est-ce que c'est facile ? Non, c'est compliqué, c'est compliqué, et tout le monde sait que ce sont des situations qu'il faut faire avec justement tout le professionnalisme nécessaire, mais ce que je dis, c'est que face à ces comportements, encore une fois, qui sont minoritaires, mais qui sont inacceptables, il faut évidemment avoir un Etat qui soit là et qui sanctionne pour protéger les autres habitants des quartiers, c'est d'ailleurs ça que les habitants des quartiers demandent.

PATRICK ROGER
L'utilisation de drones pour surveiller ces quartiers ?

JULIEN DENORMANDIE
Ah, ça, je ne suis pas, moi, un expert des forces de police, donc je ne saurais pas vous dire quels sont les meilleurs…

PATRICK ROGER
Non, mais en tant que ministre de la Ville ?

JULIEN DENORMANDIE
Non, mais vous savez, il y a eu tout un débat, d'ailleurs, et je l'observais, il y a quelques années, et j'observe aujourd'hui qu'ils sont utilisés, c'est par exemple, parfois, l'utilisation d'hélicoptères, eh bien, les forces de police, elles font leur boulot avec les outils dont elles ont besoin, moi, je ne suis pas un expert des outils policiers, mais bon, il faut qu'elles aient les moyens de leur action…

PATRICK ROGER
Dernière question, dernière question plus politique, Julien DENORMANDIE, puisque vous êtes un proche d'Emmanuel MACRON, après la crise, dissolution de l'Assemblée nationale, remaniement ou alors comme le propose François de RUGY tout à l'heure, un grand référendum ?

JULIEN DENORMANDIE
Vous savez, ce n'est pas parce que je suis proche que j'ai la réponse, ça, c'est précisément une réponse que seul le président de la République a, donc au risque de vous décevoir, je n'ai pas la réponse, et d'ailleurs, je ne connais pas la réponse…

PATRICK ROGER
Alors, qu'est-ce que vous pouvez lui conseiller, vous, puisque vous l'avez conseillé pendant la campagne ?

JULIEN DENORMANDIE
Moi, je peux vous dire qu'aujourd'hui, je suis assez sidéré par le fait qu'on est déjà passé sur la réponse institutionnelle à la crise qu'on traverse, et pour tout vous dire, à titre personnel, je pense que c'est en décalage, aujourd'hui, aujourd'hui, toutes nos forces, toute notre concentration, c'est sur la crise qu'on continue à traverser, parce qu'on reste dans cette crise sanitaire, et moi, vous savez, en tant que ministre du Logement et de la ville, je n'ai qu'une seule obsession, c'est que la crise sanitaire ne se transforme pas en crise sociale, et c'est ça qui est extrêmement important, et pour ça, mon sujet n'est pas de me projeter dans des réponses institutionnelles, mais surtout, de faire en sorte que tout ce qu'on fait, ça marche, je pense à des versements d'aides exceptionnelles qu'on est en train de mettre en place pour beaucoup de familles modestes, à de l'aide alimentaire ; vous vous rendez compte, je ne pensais jamais que j'aurais à faire ça, mais mon ministère finance des tickets alimentaires, parce que certaines familles sont dans une telle détresse qu'on est dans la nécessité de leur fournir des aides alimentaires, eh bien, voilà, c'est ça mon quotidien, et c'est un quotidien qui est très ancré dans le réel et beaucoup plus que dans des questions éventuelles sur des modifications institutionnelles.

PATRICK ROGER
Merci Julien DENORMANDIE, ministre chargé de la Ville et du logement, d'avoir été avec nous en direct ce matin sur Sud Radio.

JULIEN DENORMANDIE
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 mai 2020