Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, à BFM TV le 25 mai 2020, sur l'action du gouvernement pour relancer l'économie.

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Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invité, Bruno LE MAIRE, bonjour !

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ministre de l'Economie. Merci d'être là en plateau. Vous êtes le premier du gouvernement à…

BRUNO LE MAIRE
C'est un bonheur…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes le premier du gouvernement…

BRUNO LE MAIRE
C'est un bonheur d'être présent physiquement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi aussi, c'est un bonheur de vous savoir là, parce qu'au moins, 30% de questions en plus. Bruno LE MAIRE, nouvelle phase de déconfinement, décision annoncée cette semaine ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, dans la semaine…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mercredi, jeudi ?

BRUNO LE MAIRE
La décision sera prise dans la semaine, nous aurons une série de réunions avec le président de la République et le Premier ministre dans le milieu de la semaine, pour être tout à fait précis, et j'espère que nous pourrons apporter des précisions en fonction de la situation sanitaire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Avant la fin de la semaine ?

BRUNO LE MAIRE
Avant la fin de la semaine, oui…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Avant la fin de la semaine, nous connaîtrons la suite…

BRUNO LE MAIRE
Nous connaîtrons la suite…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous êtes favorable à la réouverture très vite, début juin, des restaurants, cafés, bars, théâtres, salles de sport en zone verte ?

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr. Bien sûr que personnellement, j'aimerais que les cafés, les bars, les restaurants puissent rouvrir, mais la décision, elle sera prise en fonction d'un seul et unique critère, la sécurité sanitaire des Français…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est bien parti, non ?

BRUNO LE MAIRE
Alors, on est dans la bonne direction puisqu'il y a de bonnes nouvelles, que le déconfinement a été réussi, je pense qu'on peut le porter au crédit du Premier ministre, du président de la République et de tout le gouvernement, de tous ceux qui ont travaillé sur ce sujet, mais je pense qu'il faut continuer à regarder la situation, et prendre des décisions d'ici la fin de la semaine, mais à titre personnel, oui, moi, j'ai hâte de pouvoir retourner dans un restaurant ou dans un bar.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le rouge freine la reprise économique, franchement ?

BRUNO LE MAIRE
Ce qui freine la reprise économique, c‘est la confiance qui doit se reconstruire, on le voit sur la consommation, on le voit sur un certain nombre d'activités économiques, mais aujourd'hui, il y a une reprise qui s'est amorcée, une reprise économique plus solide de jour en jour, on le voit dans beaucoup de secteurs, le bâtiment, les travaux publics, la sidérurgie, tout ça redémarre bien, et puis, c'est plus contrasté sur le commerce, soyons clairs, notamment sur le commerce de vêtements, c'est plus contrasté, et il y a de grandes différences entre les grandes métropoles et les villes moyennes. Donc on n'y est pas encore, on va poursuivre cette relance de l'activité économique, et tous les plans sectoriels sur lesquels j'ai travaillé, que le président de la République va annoncer, s'agissant de l'automobile, tout le plan de relance sur lequel je travaille également, doit nous permettre d'accélérer la reprise économique.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais vous parler de l'automobile, je vais vous parler de l'aéronautique, mais puisque vous parliez des commerces, question tout de suite qui me vient à l'esprit, est-ce que les soldes vont être reportés, c'est ce que demandent les commerçants ?

BRUNO LE MAIRE
J'ai beaucoup discuté avec les commerçants, il faut bien voir qu'ils ont perdu des semaines de trésorerie, rideaux fermés, pas un euro qui rentre dans les caisses, donc ils ont besoin de refaire leur trésorerie, donc je suis favorable à un report des soldes de quelques semaines, ils devaient démarrer le 24 juin…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ?

BRUNO LE MAIRE
Je pense qu'on peut les reporter de 3 à 4 semaines, nous allons continuer à en discuter avec les fédérations…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire, les soldes à partir du 15 juillet ?

BRUNO LE MAIRE
Par exemple, je n'ai pas encore de date définitive, mais en tout cas, oui, je suis favorable à un report pour que les commerçants puissent refaire leur trésorerie, enfin, il faut imaginer ce que c'est quand on a une boutique de vêtements, de chaussures ou autres, qu'on n'a rien vendu pendant 3 mois, il faut pouvoir refaire sa trésorerie, et donc accepter que les soldes soient décalés de quelques semaines.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bruno LE MAIRE, parlons d'automobile, vous avez préparé le plan de soutien de la filière automobile qui sera présenté demain par Emmanuel MACRON, donc s'il est présenté demain par Emmanuel MACRON, je sais ce que vous allez me répondre, vous allez me dire : mais non, je laisse la primeur des annonces au président de la République…

BRUNO LE MAIRE
C'est normal, bien sûr…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, mais beaucoup de fuites dans la presse sur les aides notamment pour l'achat d'un véhicule électrique, d'un véhicule hybride, il y aura des aides, on ne va pas rentrer dans les détails, mais il y aura de nouvelles aides ?

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, mais on peut très bien expliquer quelle est la philosophie de ce plan, d'abord, je pense que c'est un geste important qu'il soit annoncé par le président de la République, c'est une façon de dire : l'industrie automobile, elle est stratégique pour la France, et puis, elle appartient à notre culture, CITROËN, PEUGEOT, RENAULT, ça appartient à notre culture industrielle. Le plan doit reposer sur trois grandes orientations, la première, c'est effectivement relancer la demande, et en particulier, la demande de véhicules propres, ceux qui émettent le moins de CO2, on doit en profiter pour renouveler le parc automobile français, et qu'ils émettent moins de CO2, et puis, donner un vrai coup de pouce au véhicule électrique qui va occuper une place de plus en plus importante dans la voiture. La deuxième orientation qui nous paraît très importante, c'est de soutenir les PME, leur permettre de se digitaliser, de se robotiser, puisqu'il y a tout un tissu de PME, de sous-traitants qui sont absolument vitaux et qui doivent être respectés par les grands donneurs d'ordres. Et puis, la troisième orientation, c'est les engagements que prendront les constructeurs automobiles, il n'est pas question pour nous de faire un plan pour l'industrie automobile sans que les deux grands constructeurs, PSA et RENAULT, ne prennent des engagements de localisation de leurs véhicules nouveaux, c'est-à-dire les véhicules électriques, en France, pour qu'il y ait de l'activité en France et de la production technologiquement avancée, en particulier, les véhicules hybrides, les véhicules électriques, et peut-être, demain, les véhicules à hydrogène sur notre territoire. Le plan de relance doit être l'occasion, aussi bien au niveau sectoriel qu'au niveau global, de changer la donne en matière de choix de politique industrielle.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, Bruno LE MAIRE, je ne vais pas entrer encore une fois dans le détail du montant des aides, mais…

BRUNO LE MAIRE
Mais vous en brûlez…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais j'y arrive…

BRUNO LE MAIRE
Mais vous verrez le président de la République annoncera des choses fortes demain, je peux vous le garantir…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vraiment sur les aides ?

BRUNO LE MAIRE
Sur tout, sur tous les éléments que j'ai indiqués, que ce soit les engagements des constructeurs ou sur les soutiens à la demande, le président de la République demain fera des annonces fortes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, alors, Bruno LE MAIRE, tout de même, très bien, les aides, mais il y a 400.000 véhicules en stock actuellement, des véhicules qui n'ont pas été vendus, est-ce que vous allez… comment faire, comment faire pour que ces 400.000 véhicules soient vendus ?

BRUNO LE MAIRE
Je connais votre art à tirer les vers du nez de votre interlocuteur, je ne vous donnerai pas de chiffre, d'abord, parce que nous continuons…

JEAN-JACQUES BOURDIN
… Les aides, pour aider les concessionnaires…

BRUNO LE MAIRE
Mais il y a un instrument pour déstocker qui est très efficace, c'est la prime à la conversion, pourquoi c'est efficace ? Parce que ça touche les ménages les plus modestes, et ensuite, parce que ça permet de renouveler le parc automobile, pour un parc qui émet le moins de CO2…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, est-ce qu'elle sera augmentée cette prime à la conversion ?

BRUNO LE MAIRE
Vous le verrez demain, il n'y a que 24h à attendre, mais je vous ai déjà indiqué…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais j'ai bien compris qu'elle serait augmentée…

BRUNO LE MAIRE
Je vous ai déjà indiqué que ça pouvait être une orientation intéressante pour déstocker des véhicules, relancer la machine économique, mais toujours avec la même exigence, décarboner notre économie, et que ce soit sur l'aéronautique, sur le véhicule automobile, sur la tech, sur l'ensemble des secteurs sur lesquels nous travaillons, il y a un fil rouge, la décarbonation de l'économie française.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, Bruno LE MAIRE, très bien, sur l'électrique, il va falloir multiplier les bornes de rechargement, c'est un gros problème, et notamment sur les autoroutes, et aujourd'hui, ça coûte de plus en plus cher maintenant de recharger, ça aussi, là aussi, il y aura des annonces ?

BRUNO LE MAIRE
Il y aura de quoi équiper son véhicule, je connais les inquiétudes parfaitement légitimes du consommateur qui dit : j'aimerais bien acheter un véhicule électrique, mais est-ce que je vais pouvoir sortir de chez moi, faire 300, 400 bornes, est-ce que je trouverai de quoi recharger, il y aura, là aussi, des réponses, il faut – je le redis – que les constructeurs s'engagent. Il y a un engagement que doit prendre RENAULT, par exemple, c'est d'être actionnaire de l'alliance pour les batteries électriques, vous savez que nous avons créé…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous demandez à RENAULT d'être actionnaire de l'alliance pour les batteries électriques ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, je demande, ça fait partie des sujets qui sont encore en discussion jusqu'à demain, nous avons créé une alliance pour les batteries électriques pour qu'on arrête de s'équiper en batteries produites en Chine ou en Corée du Sud, alors que la batterie va représenter de 30 à 40% de la valeur du véhicule, il faut rapatrier la production de valeur en France, et donc rapatrier la production de batteries en France, nous l'avons fait avec cette alliance des batteries électriques qui est franco-allemande, dedans, vous avez qui, vous avez PEUGEOT, vous avez TOTAL, et vous avez ce grand producteur de batteries qui est SAFT, mais il n'y a pas RENAULT, il n'y a pas le deuxième constructeur, eh bien, nous, nous voulons que le deuxième constructeur soit actionnaire et participe à cette alliance.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, 5 milliards d'euros de prêt, est-ce que c'est signé ?

BRUNO LE MAIRE
Non, ce n'est toujours pas signé, puisque, vous voyez, comme je vous l'indique, qu'il reste des choses en négociation…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ce n'est pas toujours pas signé…

BRUNO LE MAIRE
Ce n'est toujours pas signé…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce prêt de 5 milliards d'euros…

BRUNO LE MAIRE
Mais j'espère pouvoir le signer prochainement en fonction des engagements que prendra RENAULT…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il va prendre ces engagements demain quand même…

BRUNO LE MAIRE
Mais vous savez, demain, c'est dans une éternité…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, d'accord, oui. Bon, pas de fermeture de site ? Est-ce que vous allez exiger de RENAULT de garder ouverts tous ses sites industriels ?

BRUNO LE MAIRE
Non.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ?

BRUNO LE MAIRE
Non…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il y aura des fermetures de sites…

BRUNO LE MAIRE
Vous savez, ça, c'est la politique, Jean-Jacques BOURDIN, qui a échoué, celle qui consiste à faire de grandes proclamations sur les micros le matin en disant j'exige de RENAULT qu'il ne fasse aucune fermeture de site et qu'il ne se sépare d'aucun salarié. Et puis, RENAULT sera toujours moins compétitif et RENAULT continuera à être en péril, et dans 2 ou 3 ans ou dans 4 ans, il y aura un ministre de l'Economie qui malheureusement sera obligé de dire que : voilà, on met la clé sous la porte de RENAULT parce qu'on n'a pas permis à RENAULT de se renouveler, de se moderniser et de rester dans la course mondiale de l'industrie automobile, qui est féroce, eh bien, nous, nous ne voulons pas faire ça, donc bien sûr que nous serons attentifs à chaque emploi, bien sûr que nous serons attentifs à chaque salarié…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura fermetures de sites ?

BRUNO LE MAIRE
Mais nous voulons laisser la possibilité à RENAULT d'adapter son outil de production, de l'adapter en faisant attention à certains choix, j'ai dit que Flins ne devrait pas fermer, puisqu'il n'y a pas de raison pour nous, quand on regarde attentivement, que Flins ferme, et je vous le dis comme actionnaire de RENAULT, mais il peut y avoir d'autres choix qui sont nécessaires et qui permettront au bout du compte à RENAULT de produire de nouveaux véhicules sur notre territoire, de rapatrier la production de véhicules électriques et de prendre des engagements chiffrés sur la production de véhicules électriques qui sont créateurs de valeurs, et donc d'emplois, c'est ça la politique du 21ème siècle pas les vieilles déclarations du 20ème…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'on peut s'engager ce matin, est-ce que vous pouvez dire, ce matin : il n'y aura pas de suppressions de postes ?

BRUNO LE MAIRE
Non, je ne peux pas vous le dire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne pouvez pas me le dire…

BRUNO LE MAIRE
Et je pense que ce ne serait pas responsable de le dire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Raisonnable ni responsable…

BRUNO LE MAIRE
Que c'est comme cela qu'on a désindustrialisé le pays en disant : il faut absolument relocaliser, il faut absolument préserver tous les emplois, mais sans expliquer comment on fait, moi, je vais vous expliquer comment est-ce qu'on va réussir la reconquête industrielle de notre pays que nous avions commencée à réussir, puisque nous avions commencé à créer de nouveaux emplois, la première condition, c'est : innover, investir dans les nouvelles technologies, c'est tout ce que nous avons fait et tout ce que nous allons continuer à faire, la deuxième condition c'est permettre d'être sur ces technologies nouvelles que sont le véhicule électrique. La troisième, c'est être compétitif et être actif, continuer à baisser les impôts qui pèsent sur les entreprises industrielles, je pense en particulier aux impôts de production, je pense à la C3S, à moment donné, il faut alléger la charge fiscale sur nos entreprises industrielles pour qu'on puisse recréer des emplois industriels, relocaliser, réouvrir des usines, et c'est ça le choix que nous faisons, celui de l'innovation, celui de la compétitivité fiscale et celui de la formation et de la qualification des salariés…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est donc la poursuite de la politique économique d'avant avec un nouveau modèle d'après, qui, j'ai horreur de ces « avant, après », je vous le dis tout de suite, mais tout de même…

BRUNO LE MAIRE
Dans le fond, Jean-Jacques BOURDIN, vous résumez mieux la politique du gouvernement que je ne le fais…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais pas du tout…

BRUNO LE MAIRE
Vous feriez un très bon ministre de l'Economie et des finances…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas du tout, je suis nul en économie…

BRUNO LE MAIRE
Mais c'est exactement cela, c'est-à-dire, poursuivre une politique qui avait donné des résultats mais en lui donnant un nouveau cap stratégique, celui d'une économie décarbonée, qui émet moins de CO2 et qui protège plus notre environnement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, question directe, est-ce que l'Etat va renforcer sa participation dans l'entreprise RENAULT ?

BRUNO LE MAIRE
Ce n'est pas à l'ordre du jour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, bon, et AIR FRANCE ?

BRUNO LE MAIRE
AIR FRANCE, la logique est exactement la même, innover, renouveler la flotte pour qu'elle soit moins émettrice de CO2, supprimer des lignes sur lesquelles le train est aussi compétitif et émet évidemment moins de CO2. Donc nous aidons…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors donc là, ce sera la suppression…

BRUNO LE MAIRE
Lorsque nous apportons des aides, c'est effectivement à certaines conditions de politique industrielle et de décarbonation…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, pour AIR FRANCE, la condition, c'est plus de vol lorsque la distance est inférieure à 2h30…

BRUNO LE MAIRE
Exactement, c'est une règle, elle s'appliquera…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Plus de vol, elle s'appliquera cette règle, quand, quand ?

BRUNO LE MAIRE
Sauf, pour être tout à fait précis, quand les vols dans lesquels il faut une liaison avec un hub qui vous permette de rejoindre un vol international, mais nous sommes en discussion avec AIR FRANCE pour voir dans quel calendrier nous le faisons, avec la ministre des Transports, Elisabeth BORNE…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Dès 2021 ?

BRUNO LE MAIRE
Mais le calendrier n'est pas encore fixé, mais la règle a été fixée, et la règle sera respectée, il n'y a pas de raison de prendre un avion lorsqu'il y a un train qui vous permet de faire la même distance en moins de 2h30.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, le chômage partiel, réduction de la prise en charge du chômage partiel, c'est indispensable ?

BRUNO LE MAIRE
Pour les pour les employeurs, il nous semble bon à un moment donné de dire : écoutez, nous vous avons soutenu pendant 3 mois, l'Etat a payé l'intégralité des salaires, vous allez maintenant prendre à votre charge une partie de ce chômage partiel, une partie qui restera très modérée, très limitée, mais à compter du 1er juin, oui, il y aura une évolution des règles, nous ferons…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Une partie, c'est-à-dire, on est à 100% aujourd'hui…

BRUNO LE MAIRE
Ça veut dire qu'on sera à moins de 100%, mais ne vous inquiétez pas, on ne va pas…

JEAN-JACQUES BOURDIN
80 % ?

BRUNO LE MAIRE
On ne va pas passer à 60 ou 50%, ce sera raisonnable, ce sera progressif…

JEAN-JACQUES BOURDIN
80% ?

BRUNO LE MAIRE
Ce sera annoncé le 1er juin. La deuxième chose sur laquelle je veux insister, c'est qu'au 1er juin, les salariés eux ne perdront rien, c'est les employeurs qui vont devoir payer un peu plus. La troisième chose qui est vitale, c'est que pour les secteurs qui restent fermés, et puis, eux, ils n'ont pas le choix, ils font du chômage partiel parce qu'ils ne peuvent pas reprendre leur activité, l'intégralité du chômage partiel sera maintenue, et nous ferons toutes les propositions chiffrées avec Muriel PENICAUD dans les prochains jours.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, Bruno LE MAIRE, combien ont coûté à l'Etat, depuis mars, les aides, les aides publiques, les aides de l'Etat, combien ça a coûté ?

BRUNO LE MAIRE
Si on prend l'intégralité de ce qui a été fait en budgétaire et en soutien de trésorerie, c'est 450 milliards d'euros 20 % de la richesse nationale, qui ont été mis sur la table…

JEAN-JACQUES BOURDIN
450 milliards d'euros…

BRUNO LE MAIRE
450 milliards d'euros, je mets là-dedans les 315 milliards d'euros de prêts garantis par l'Etat, donc ce n'est pas de la trésorerie directe, mais si jamais une entreprise à qui nous avons prêté 3 milliards ou 4 milliards fait faillite, et qu'il y a une garantie de l'Etat à 90 %, il faut être clair, ça veut dire que l'Etat perdra 2, 3, 4 milliards d'euros, donc je le mets dans ces dépenses qui ont été mises sur la table, 20% du PNB français a été mis sur la table…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien, oui, mais Bruno LE MAIRE, l'Etat est si riche que cela ?

BRUNO LE MAIRE
Pour sauver notre économie et sauver nos entreprises…

JEAN-JACQUES BOURDIN
20 %. Mais l'Etat est si riche que cela, il va falloir rembourser quand même !

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui va rembourser nos enfants, qui ?

BRUNO LE MAIRE
D'abord, disons-le clairement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et comment ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, il faudra rembourser, il n'y a pas de dette perpétuelle, c'est une invention qui est intellectuellement séduisante, mais politiquement pas praticable, parce que sinon, les investisseurs ne s'intéresseront jamais à la dette française. La première question qu'il faut , c'est quand est-ce qu'il faut rembourser, pas maintenant, et je pense qu'il ne faut pas commettre à nouveau l'erreur que nous avions commise en 2009, qui était de relancer l'économie, et dans le même temps appuyer sur le frein en commençant à réduire les dépenses publiques, ça, c'est une politique qui vous met dans le décor, donc je ne crois pas à cette politique ; aujourd'hui, il y a eu un premier temps, le soutien immédiat, 450 millions d'euros mis sur la table. Le deuxième temps, c'est tous des plans de relance sur lesquels je travaille, l'automobile, l'aéronautique, le soutien à la tech, le tourisme, les librairies, tous ces secteurs vont être soutenus. Le troisième temps sera celui…

JEAN-JACQUES BOURDIN
La culture…

BRUNO LE MAIRE
La culture… celui de la relance globale et stratégique pour les prochaines années qui sera une relance nationale et européenne, j'y ai travaillé à la demande du président de la République et du Premier ministre, je m'y suis engagé totalement, nous multiplions les consultations, ça, c'est pour la rentrée prochaine de septembre, et puis, viendra le temps où il faudra effectivement rembourser cette dette, ce n'est pas maintenant, et ça se fera par un seul moyen, la croissance, pas par les impôts, pas, par les taxes…

JEAN-JACQUES BOURDIN
En espérant qu'elle revienne !

BRUNO LE MAIRE
Mais c'est tout le choix stratégique que nous faisons, c'est relancer l'activité économique, développer tous ces secteurs, les moderniser, franchir un cap technologique pour que notre économie soit une des plus performantes de la planète, et à partir de là, retrouver des marges de manoeuvre qui nous permettront de rembourser notre dette, voilà la stratégie économique et financière du gouvernement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, donc les recettes viendront de la croissance en très grande partie, il y a aussi la taxation des GAFA par exemple, ça a rapporté combien ?

BRUNO LE MAIRE
Ça a rapporté à l'heure où je vous parle 350 millions d'euros, donc ça veut dire que c'est une somme qui n'est pas négligeable, et ça veut dire qu'effectivement, la fiscalité qui va être rentable au 21ème siècle et sur laquelle nous voulons nous battre et qui est objectivement plus difficile que de dire qu'on va rétablir l'ISF, parce que ça, c'est très simple à faire, mais je pense que ça rapporte peu, et que ça n'est pas la bonne politique pour le pays, en revanche, taxer les géants du numérique, qui sortent très renforcés de cette crise économique…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et très enrichis…

BRUNO LE MAIRE
Très enrichis…

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai vu la fortune de Jeff BEZOS par exemple, personnelle, oui.

BRUNO LE MAIRE
Oui, ça c'est des fortunes personnelles. Je dis juste que les GAFA – GOOGLE, AMAZON, FACEBOOK, APPLE et MICROSOFT - leur capitalisation représente quatre fois la capitalisation de toutes les plus grandes entreprises françaises du CAC 40. C'est pour vous dire ce que ça peut représenter. Mettre en place une taxation des gens du numérique, nous l'avons fait et quoi qu'il arrive en 2020, ils paieront une taxe. Se battre pour avoir une taxation minimale à l'impôt sur les sociétés pour qu'une multinationale ne puisse pas faire de l'optimisation fiscale en se mettant dans un pays où l'IS est à 2 ou 3 %, ça, ça rapporte beaucoup de milliards d'euros au Trésor public français et au Trésor public européen. C'est un deuxième combat que nous continuerons à livrer et j'ai bon espoir que cette taxation minimale se mette en place rapidement. Troisième combat fiscal vital, c'est la taxation carbone aux frontières. On ne va pas relocaliser des industries et des entreprises qui émettent peu de CO2 en France pour importer de l'étranger des produits pleins de CO2.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc taxation carbone aux frontières.

BRUNO LE MAIRE
Mais c'est indispensable, Jean-Jacques BOURDIN, c'est une priorité absolue du président de la République et une priorité absolue du gouvernement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ségur de la santé qui commence cet après-midi. Est-ce que le personnel soignant sera augmenté ?

BRUNO LE MAIRE
Je le souhaite.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous le souhaitez, vous n'êtes pas le seul, mais le sera-t-il ?

BRUNO LE MAIRE
Olivier VERAN, ministre de la Santé, va engager des discussions. Je crois que le président de la République et le Premier ministre ont été clairs sur ce sujet. Ils ont beaucoup donné, ils méritent d'être récompensés.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Ils le seront donc. Gérald DARMANIN veut peser vous voulez peser. Vous voulez peser, vous ? Est-ce que vous voulez peser sur la vie politique ? Je ne sais pas moi, je n'ai pas compris. Comment avez-vous compris cette…

BRUNO LE MAIRE
Moi je veux être utile, Jean-Jacques BOURDIN. Je veux être utile. Utile à mon pays, utile dans les fonctions que j'occupe de ministre de l'Economie et des Finances avec une feuille de route qui m'a été donnée qui est celle de transformer l'économie française. En trois ans, nous avons accompli avec mes équipes un travail considérable. Aujourd'hui on est confronté à la crise économique la plus grave que la France ait jamais connue dans son histoire contemporaine. Je poursuis cette feuille de route, celle la transformation de l'économie française qui nous permettra de passer ce cap de la crise et d'en sortir plus forts, plus prospères.

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai été frappé par ce qu'a dit DARMANIN, Gérald DARMANIN : il faut une politique pour le peuple ; ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous ne faites pas une politique pour le peuple actuellement ? Depuis qu'Emmanuel MACRON est à la présidence ?

BRUNO LE MAIRE
Je pense que nous avons fait depuis maintenant un peu plus de trois ans une politique pour le peuple français, pour tout le peuple français.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il n'en faut pas une.

BRUNO LE MAIRE
Je pense que nous avons permis de baisser le chômage, c'est pour tout le peuple français. Je pense que nous avons amélioré le pouvoir d'achat notamment des plus modestes, c'est pour tout le peuple français. Je pense que nous avons permis d'amorcer cette reconquête industrielle, c'est pour tout le peuple français. Et j'entends bien, dans la mission qui m'a été confiée par le président de la République en 2017, qui était transformer l'économie française, lui permet de faire valoir tous ses atouts, continuer à porter ce message de transformation et de succès. Nous sommes une grande puissance économique mondiale, nous devons le rester. Il y a des conditions pour ça que j'ai énumérées. La technologie, l'innovation, la formation, la qualification, la décarbonation. On va y arriver et j'entends le faire au poste que j'occupe.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Etre maire et ministre en même temps, n'est-ce pas contraire à la règle ? Vous vous êtes toujours élevé contre le cumul des mandats. Toujours.

BRUNO LE MAIRE
Gérald DARMANIN a parfaitement expliqué que c'étaient des circonstances particulières donc je tiens compte et nous tenons tous compte des circonstances particulières mais ma conviction n'a jamais changé. Je suis opposé au cumul des mandats et je reste opposé au cumul des mandats. J'ai toujours indiqué qu'un haut fonctionnaire, s'il voulait faire de la politique il pouvait, mais qu'il fallait qu'il démissionne de la Haute Fonction publique et j'ai démissionné de la Haute Fonction publique pour mettre en accord mes convictions avec mes actes. Mes convictions, vous l'aurez noté ce matin, elles changent assez peu.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Bruno LE MAIRE d'être venu nous voir.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 mai 2020