Extraits d'un entretien de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, à France 24 le 9 juin 2020, sur le tourisme face à l'épidémie de Covid-19.

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  • Jean-Baptiste Lemoyne - Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Média : France 24

Texte intégral

(...) Dans le domaine du tourisme qui est le mien, nous veillons, avec les acteurs concernés, à concilier à la fois la reprise, la relance économique et, en même temps, la sécurité sanitaire. Ce sont des professionnels qui ont travaillé d'arrache-pied, qui ont mis en place des protocoles sanitaires pour rassurer et c'est important de garder à l'esprit le besoin, le moment venu, de faire un retour d'expérience, de voir où il y a eu, peut-être, une fragilisation. Par exemple, vous prenez les chaînes d'approvisionnement, on a bien vu que l'on était trop dépendant, peut-être, d'un seul pays fournisseur. Et ce matin-même, j'étais en réunion des ministres du commerce de l'Union européenne, nous avons tous fait ce constat, et nous avons tous décidé de travailler pour diversifier les approvisionnements, éviter qu'à l'avenir, le continent européen ne se retrouve peut-être, trop dépendant d'une seule zone géographique ou d'un seul pays fournisseur.

Cela fait partie des leçons que nous devons tirer, et cela veut dire aussi, qu'il faut mettre en place la politique industrielle qui va bien pour, peut-être, relocaliser, avoir également une politique de stockage au niveau européen. Donc oui, il faut tirer des leçons, avoir un retour d'expérience mais je me méfie des tribunaux trop hâtivement constitués.

Q - Le débat sur le déconfinement agite l'opinion, certains considèrent qu'il faut encore être prudents, vous le dites vous-même, d'ailleurs, et d'autres, qu'il faut desserrer l'étau, on a entendu le Professeur Delfraissy du conseil scientifique. En ce qui concerne les bars et les restaurants, pourront-ils, d'après vous, supporter encore longtemps les contraintes sanitaires qui leur sont imposées, y compris dans les zones oranges, c'est-à-dire des restaurants qu'en terrasse ? Là, vous l'aurez remarqué, la météo n'est pas très joyeuse, donc il y a peu de gens en terrasse aujourd'hui, il fait froid !

R - Alors, nous sommes aujourd'hui, je crois, le 8 juin. Le 8 juin, Monsieur de la Palice dirait que cela fait 6 jours après le 2 juin.

Q - Nous sommes le 9 juin pour être précis.

R - Le 2 juin, je rappelle que c'était ce moment où nous avons, à la fois élargi la capacité de mobilité, puisque nous avons mis fin à cette barrière des cent kilomètres, et en même temps, nous avons permis la réouverture importante d'une offre touristique, des restaurants dans l'ensemble dans les zones vertes, et dans les zones oranges, des terrasses, dans un premier temps. Je peux vous dire que je continue à travailler avec les restaurateurs mais également avec un certain nombre de professionnels du tourisme qui sont encore entravés, voire même, qui ne sont pas encore rouverts. Je pense au secteur de l'événementiel, au secteur de la nuit par exemple, avec lesquels j'ai tenu des réunions pour que l'on puisse travailler sur des modalités de réouverture, voire comment plaider ces réouvertures. Et je suis justement, au sein du gouvernement, celui qui relaie leurs propositions. Et s'agissant des restaurateurs, il me semble que l'évolution des conditions sanitaires en Ile-de-France, et le recul progressif du virus devraient permettre, je l'espère, peut-être, d'avancer de quelques jours la réouverture des restaurants dans leur ensemble. En tous les cas, ce sont des propositions que nous allons faire avec les professionnels pour que les instances interministérielles puissent se prononcer.

Q - Alors, soyons précis, Jean-Baptiste Lemoyne. Qu'est-ce que vous nous annoncez, une réouverture prochaine de tous les restaurants à conditions égales dans les zones vertes et oranges, c'est bien de cela qu'il s'agit ?

Avant le 22 juin, dans les prochains jours ?

R - Ce que je vous dis, c'est que je suis en train de travailler. Je suis à la tâche, avec les professionnels, pour qu'on puisse justement regarder comment évolue l'épidémie, et si, en fonction de cette évolution, on ne pourrait pas justement plaider une réouverture un peu plus tôt que celle du 22 juin. Mais je suis dans mon rôle de secrétaire d'Etat au tourisme, et après, il y a d'autres considérations qui doivent être regardées et des décisions qui doivent se prendre en interministériel. C'est pour cela que je ne fais pas d'annonce définitive. Je dis que, en tous les cas, nous sommes attentifs à la situation des restaurateurs en Ile-de-France.

Le chef de l'Etat, vous savez, il les avait reçus le 24 avril dernier, et je peux vous dire une chose, c'est qu'il souhaite qu'ils puissent retravailler à nouveau dans les meilleures conditions possible, le plus vite possible. En tous les cas, tout cela mérite d'être examiné notamment avec le ministère de la santé. Mais peut-être, dans quelques jours, pourrons-nous estimer que les conditions sont réunies pour accélérer de ce point de vue-là.

Q - Est-ce que cette décision-là, dans le fond elle n'est, elle ne sera, uniquement avec les cafés les restaurants, ou ça peut être les écoles, on pourra élargir ce protocole qui est un peu trop étouffant ? Est-ce que dans d'autres secteurs, on pourra desserrer cet étau ?

R - Ecoutez, sur les sujets scolaires, je renverrai vraiment vers Jean-Michel Blanquer. Vous savez, ici, dans ce gouvernement, justement, chacun travaille sur son domaine et c'est cela qui fait qu'il y a un travail efficace.

Ce que je peux dire en revanche, c'est que, avec Bruno Le Maire, avec Jean-Yves Le Drian, nous sommes mobilisés pour que l'ensemble de l'économie puisse repartir, je dirais, et remonter en charge très vite parce qu'il faut voir que, pendant deux mois et demi, nous avons finalement mis un peu sous cloche cette économie, avec certes des aides considérables, massives, en matière par exemple d'activité partielle pour préserver les emplois, préserver les talents, faire en sorte que l'on puisse rebondir dès lors que le déconfinement s'opérait.

Et vous savez, je suis également de près les sujets de commerce extérieur, et là, ce matin, nous avons eu les chiffres de l'export du mois d'avril qui montre que nous avons massivement décroché en matière d'export au mois d'avril. Et pour cause : il y avait ce confinement. Et il y a ce besoin de faire repartir notre appareil productif pour pouvoir, aussi, pérenniser les emplois, pérenniser les entreprises. C'est pourquoi nous travaillons effectivement à desserrer l'étau.

Vous avez entendu les propos du professeur Delfraissy, le président du conseil scientifique, très encourageant, disant que l'épidémie était sous contrôle. Et je crois qu'on l'a vu dans un certain nombre de secteurs : le bâtiment, ça y est, c'est reparti. Et qu'on doit amplifier cette reprise pour revenir au plus vite à nos capacités de production d'avant parce que, encore une fois, vous savez, il y a une compétition internationale. Il s'agit naturellement de ne pas prendre de risques, de prendre toutes les précautions sanitaires. Mais on le voit, le redémarrage, il se fait. Il se fait notamment à l'Est, en Asie, et nous devons, je crois, également être présents.

Q - Jean-Baptiste Lemoyne, deux questions. La première très simple. Vous nous dites que c'est en cours de discussion pour les bars et les restaurants. Nous sommes le 9 juin, et vous nous dites "ça pourrait rouvrir avant le 22". Il va quand même falloir vite, si on veut effectivement gagner quelques jours. Donc, première question : cela pourrait être quand ? Après-demain ? Début de semaine prochaine ? C'est la première chose. Et ensuite, les salles de spectacle : il y en a par exemple qui font partie du patrimoine touristique. Les touristes étrangers qui viennent en France, il y en a beaucoup qui vont au Moulin rouge, par exemple. Je prends celui-là, mais il y en a d'autres. Est-ce que là quelque chose est prévue aussi ?

R - Deux semaines nous séparent du 22 juin et donc, en quatorze jours, on voit que, dans les prochains jours...

Q - Deux petites semaines, si vous comptez bien...

R - Exactement, deux petites semaines, on est précis. Voilà, quatorze et huit, vingt-deux, si ma mémoire est bonne. Et donc, cela signifie que si nous prenons des mesures dans quelques jours, elles pourraient s'appliquer par anticipation - je mets tout cela au conditionnel, parce que c'est un travail interministériel. Mais moi, je m'attache, avec les professionnels, en tous les cas, à faciliter cette prise de décision, à montrer que nous avons des professionnels responsables, qui ont mis en place des protocoles sanitaires, qui, on l'a vu, sont justement désireux d'accueillir dans les meilleures conditions le public. Vous savez, ce sont des gens engagés, pour qui faire plaisir aux autres est un plaisir pour eux. Donc, je crois que le travail, je l'espère, pourra déboucher très prochainement, et que nous pourrons à nouveau, effectivement, jouir de ces petits plaisirs du quotidien que sont un bon dîner entre amis...

Q - Au restaurant...

R - En respectant les tablées telles qu'elles sont, effectivement, pas plus de dix...

Q - Et les salles de spectacle ?

R - Mais en tous les cas, qui sont constitutifs de l'âme française. Et s'agissant des salles de spectacle, Franck Riester est à la manoeuvre sur les sujets culturels, mais pour avoir travaillé, avec, justement, le secteur de la nuit, qui comprend certaines de ces salles, il y a naturellement l'envie de pouvoir refaire vivre ces lieux, et là aussi, ils sont en train de me faire des propositions en matière de modalités de réouverture.

Q - Autre question que les Français se posent. C'est d'abord : pourront-ils pour les vacances partir à l'étranger ou préconisez-vous un été français, justement, pour faire redémarrer l'économie du pays ?

R - Alors, je plaide pour un été bleu-blanc-rouge. Effectivement, il est important, je crois, de pouvoir montrer de la solidarité vis-à-vis des professionnels du tourisme qui ont été très durement touchés, qui ont souffert. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il y a tout simplement, je crois, le goût du voyageur, et du voyageur français, de se trouver rassuré. Et il se trouve que les enquêtes d'opinion d'ailleurs montrent que les Français spontanément souhaitent dans un premier temps plutôt rester en France, se retrouver dans un cocon, peut-être, familial, redécouvrir la maison de campagne du grand-père ou de la belle-mère. Et je crois que nous avons cette chance en France d'avoir une diversité des territoires, une diversité des expériences, phénoménale. Vous pouvez faire le tour de France, et en fait vous avez l'impression de faire le tour du monde.

Q - Alors l'Outre-mer par exemple.

R - Il y a un certain nombre de clichés illustrant d'ailleurs... Oui ?

Q - L'Outre-mer, pardonnez-moi, parce que l'on va bientôt terminer, l'Outre-mer, est-ce que l'on pourra s'y rendre ? Et dans quelles conditions ? Parce qu'il y a des mises en quarantaine, il me semble, encore...

R - Tout à fait. L'Outre-mer, le Premier ministre l'a dit très clairement, le 14 mai, nous pourrons partir en vacances en France métropolitaine et Outre-mer. Et donc, Annie Girardin l'a annoncé avant-hier, à partir du 22 juin, il n'y aura plus justement de "motif impérieux" pour se rendre Outre-mer, et puis de la même façon, les avions pourront être... qu'on prenne plus de passagers. Donc, il y aura cette capacité à se rendre Outre-mer. Et nous sommes en train de travailler aussi à un allégement des mesures de quatorzaine. D'ores et déjà, il y a une capacité à faire un test quelques jours avant le départ, puis pendant sept jours à se montrer prudent et à faire un deuxième test. Et je sais qu'Annick Girardin souhaite continuer à travailler avec le conseil scientifique vers un allégement de ces procédures. Il y a un tourisme affinitaire qui est très fort, Outre-mer. Mais au-delà du tourisme affinitaire, je crois que de nombreux Français pourraient avoir l'occasion de découvrir ces beaux territoires qui, aussi, participent de l'attractivité de la destination France.

Q - Juste une dernière question : le plan de relance du tourisme, 18 milliards d'euros. Une réponse courte, s'il vous plaît, c'est bientôt terminé. Est-ce que c'est suffisant ces 18 milliards d'euros, ou il va falloir remettre la main à la poche, pour ce secteur du tourisme ?

R - Avec ces 18 milliards d'euros, on donne de la visibilité aux professionnels jusqu'à la fin de l'année sur l'activité partielle, sur le fonds de solidarité. Cela permet d'éponger les loyers, par exemple. Et surtout, on apporte aussi des réponses à moyen terme, parce que ce sont des investissements avec la banque des territoires, avec la banque publique d'investissements, pour aider aussi ces professionnels à aller vers un tourisme toujours plus digital, toujours plus durable. Et donc, voilà, on a mis le paquet pour eux. La destination France doit rester la première dans le monde.

Q - Merci, Jean-Baptiste Lemoyne.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juin 2020