Texte intégral
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs,
Comme vient d'indiquer le ministre de l'Economie et des Finances à l'instant, une crise aussi grave appelle nécessairement une réponse forte. Et cette réponse, nous l'apportons ensemble ce matin. Donc merci, cher Bruno, pour ces premiers éléments qui détaillent notre ambition pour le secteur de l'aéronautique.
La particularité de ce secteur aéronautique, c'est que la grande majorité des entreprises est duale. C'est une chance et c'est une fierté d'avoir sur notre sol un tissu industriel à deux visages. Nous pouvons compter sur l'ingéniosité de cette stratégie industrielle tournée à la fois vers le monde civil et vers le monde militaire : lorsqu'on se trouve, comme c'est le cas aujourd'hui, au seuil d'une crise majeure, il n'y a pas l'équipe civile dans un coin et l'équipe militaire dans l'autre. Il n'y a qu'une seule équipe sur le pont : l'équipe France. Ensemble, nous agissons aujourd'hui pour aller plus vite et plus fort. Soutenir l'industrie aéronautique, c'est épauler la remontée en puissance de l'économie française tout entière. Il y va de notre souveraineté, de nos emplois et de notre économie.
Alors, je vais donc maintenant vous présenter le volet défense de ce plan de soutien à l'aéronautique, en commençant par rappeler une chose :
1. Depuis 3 ans, les investissements du ministère des Armées dans le secteur aéronautique sont significativement montés en puissance.
La loi de programmation militaire 2019-2025 a taillé, si je puis dire, la part de lion à l'aéronautique pour renouveler nos avions, nos hélicoptères et nos drones. La part du lion a été pour l'aéronautique. C'est en effet 19 milliards d'euros qui sont consacrés aux programmes de l'aéronautique militaire, auxquels il faut rajouter un montant équivalent pour le maintien en condition opérationnelle.
Les investissements annuels dans les programmes vont passer de 2 milliards en 2019, à 3,5 milliards en 2025, dont 2 milliards d'euros pour l'aviation de combat.
Ces commandes répondent à des besoins impérieux de nos armées. Chacune de ces livraisons, chacun de ces nouveaux équipements a une fin et une destination : nos opérations militaires.
Comme vous le savez, au terme d'une opération menée la semaine dernière au nord du Mali, les militaires de l'opération Barkhane ont neutralisé Abdelmalek Droukdel, le chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique et cette opération n'aurait jamais pu avoir lieu sans nos hélicoptères et nos avions de chasse.
Et c'est un fait : la lutte contre le terrorisme et la protection de nos militaires en opération, passe aussi par l'excellence et la vitalité de notre filière aéronautique. Cette excellence et cette vitalité, elles s'acquièrent naturellement au fil des commandes en équipements.
Chacune de ces commandes, ce sont des emplois français non-délocalisables, ce sont des territoires qui vivent, ce sont des régions fières de leur savoir-faire. Et c'est, au fond, notre souveraineté qui est en jeu. Nous ne dépendons de personne pour produire nos propres équipements. Nous ne dépendons que de nous-mêmes pour préparer l'avenir de nos armées. Notre industrie de défense est aujourd'hui une des plus indépendantes au monde : c'est une fierté et ce n'est pas demain que nous changerons de stratégie.
2. Mais revenons à aujourd'hui. Nous le savons, la crise affecte très durement les entreprises aéronautiques. Et lorsque la situation l'exige, nous agissons, sans aucune hésitation. Très tôt, le ministère des Armées s'est mis en ordre de bataille pour soutenir notre industrie. Car ma mission auprès des Français passe aussi par la défense de leur économie.
Pour commencer, nous avons engagé une cartographie massive et exhaustive de notre industrie et des entreprises en difficultés : j'ai lancé il y a quelques semaines une TaskForce interministérielle sous le pilotage du ministère des Armées. Je parle ici d'une centaine de personnes, qui ont été chargées de quadriller le territoire, de visiter les usines et les bureaux d'études, pour identifier avec les entrepreneurs, les domaines d'activités qui sont à risque. Cette mission a débuté et doit rendre visite à près de 1500 entreprises.
Pour soutenir les entreprises de secteur, le ministère des Armées actionnera deux leviers :
- Le premier, ce sera 600 millions d'euros de commandes militaires que nous avons décidé d'accélérer.
Dans le contexte de cette crise sanitaire inédite, nous avons dégagé des marges de manoeuvre pour avancer des commandes qui étaient prévues ultérieurement dans la programmation militaire.
- Nous procéderons ainsi à l'acquisition de trois avions A330 qui seront transformés postérieurement à la LPM en MRTT, c'est-à-dire des avion ravitailleurs Phoenix au profit de l'armée de l'air. Ces avions remplaceront les A310 et A340 de l'armée de l'air qui sont des appareils vieillissants.
- Nous commanderons 8 hélicoptères Caracal, pour renouveler les hélicoptères Puma de l'armée de l'air, qui en moyenne, ont 40 ans d'âge. Initialement les Puma devaient rester en service jusqu'en 2028, mais nous avons, compte tenu des circonstances, fait le choix de commencer leur remplacement dès 2023. Ceci qui permettra de doter l'armée de l'air de matériels neufs et de faire des économies sur le fonctionnement.
- Enfin, j'ai tenu à ce que l'innovation et les ETI comme les PME soient partie prenante de cet élan que nous redonnons à notre industrie. Plus de 100 millions d'euros seront réservés pour la réalisation d'un avion léger de surveillance et de reconnaissance, et de drones au profit de la Marine nationale, des drones qui seront commandés directement à nos PME.
L'ensemble de ces commandes répond à un besoin opérationnel existant de nos forces armées : nous allons simplement aller plus vite. Cette anticipation nous permettra de sauvegarder plus de 1 200 emplois pendant 3 ans, et cela, partout en France. Ces commandes bénéficieront pour moitié aux sous-traitants des grands industriels.
Je vous parlais il y a quelques instants de la grande équipe que nous formons, l'équipe France, et il va de soi que dans une équipe, chacun a un rôle, chacun a des responsabilités, mais la réussite dépend de tous.
Nous avons pris l'engagement de faciliter et d'accélérer les paiements vers les grands maîtres d'oeuvres. Et j'aimerais donc insister sur un point : chaque euro versé par le ministère des Armées doit être immédiatement répercuté vers la chaîne de sous-traitance.
J'attends également de nos partenaires industriels qu'ils proposent des prix justes. L'heure n'est pas au profit, il est au maintien de l'emploi. Et j'y veillerai.
Je veillerai également à ce que votre engagement en matière de maintien en condition opérationnelle, Mesdames et Messieurs les présidents d'entreprises de défense, perdure. Des progrès ont été faits depuis 2017, mais ils restent trop modestes, et j'attends maintenant une remontée significative du taux de disponibilité de nos appareils. Sans cela, c'est la crédibilité de notre outil de défense qui est en jeu.
Enfin, l'industrie aéronautique est le fleuron de notre économie nationale. C'est une fierté qui séduit bien au-delà de nos frontières. Et malgré la crise que nous traversons, nous ne devons renoncer à nos ambitions en matière d'exportation. Au contraire, il va falloir redoubler d'efforts pour continuer de faire rayonner notre industrie à l'international. Et je compte naturellement, sur chacun d'entre vous.
Nous en avons conscience, ces commandes, que nous avons décidé d'accélérer n'épuisent évidemment pas les besoins industriels. C'est pourquoi nous poursuivrons activement le dialogue avec chacun pour faire évoluer notre planning de commandes. Je pense notamment à Dassault aviation, notre partenaire industriel pour l'aviation de combat. Le Rafale est un avion absolument magnifique, et je me plais à sillonner le monde pour le dire. Monsieur le Président, je suis comme vous, attentive à l'avenir de la chaîne industrielle des Rafale. Et j'aurai dans les semaines qui viennent, des décisions à prendre, et nous en reparlerons.
- Le 2ème levier d'action s'adresse principalement aux PME et aux pépites de la défense, et concerne notre capacité, au ministère des Armées, à prendre des participations au capital des entreprises. Nous travaillons donc au doublement du fonds d'investissement Definvest pour passer de 50 à 100 millions d'euros sur une période de 5 ans. 100 millions d'euros pour sauvegarder des sociétés d'intérêt stratégique pour notre défense par des dotations en capital. Le fonds Definvest agira bien sûr en lien très étroit avec le fond dont la création a été annoncée ce matin même.
Voilà pour l'essentiel sur le volet défense.
Je finirai enfin par vous dire que les armées ont eu à coeur, ces dernières semaines, de se mettre au service des Français, de contribuer à la résilience de la Nation. Ce soutien ne fait que commencer. Nous serons là pour soutenir la filière aéronautique, pour préserver l'emploi et pour protéger notre économie. Là où l'intérêt des Français sera, nous servirons.
Je vous remercie de votre attention.
Source https://www.defense.gouv.fr, le 10 juin 2020