Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, à LCI le 11 juin 2020, sur la politique du gouvernement pour relancer l'économie.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Elizabeth MARTICHOUX.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être avec nous ce matin sur LCI. Vous avez présenté hier le troisième budget rectificatif depuis le début de la crise, on va y revenir, il y a des chiffres évidemment qui sont marquants, mais d'abord, Emmanuel MACRON, on l'a appris hier, qui s'exprime dimanche soir, il lancera une nouvelle étape du déconfinement ou il lancera l'acte 3 du quinquennat ?

BRUNO LE MAIRE
Ça, on le verra bien dimanche soir. Mais je pense que c'est le bon moment pour le président de la République de s'exprimer. Nous avons connu une période de crise sanitaire très violente qui nous a tous bouleversés, on l'a oublié, mais on a eu des personnes malades autour de soi, parfois des décès, l'impact sur l'activité économique a été terrible, d'une violence comme nous ne l'avions pas connue depuis la Deuxième Guerre mondiale, maintenant, nous sortons de cette période-là, nous sortons de confinement, l'activité économique reprend, même si je pense qu'elle doit reprendre plus vite. Et nous entrons dans une nouvelle période, celle où il faut reconstruire économiquement le pays, retourner à la vie normale en faisant attention, parce que le virus continuer à circuler, mais retourner à la vie normale, accélérer le retour au travail de tous les Français, je pense que c'est important que le président de la République prenne la parole à ce moment-là pour tracer les perspectives et dire où va la nation française.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais dans un premier temps, vous venez de dire, plus vite, la reprise, vous venez de dire, accélération, vous attendez qu'Emmanuel MACRON, dimanche soir, clairement, donne un signal de reprise économique plus rapide, comme le demande d'ailleurs par exemple…

BRUNO LE MAIRE
Chacun connaît mes convictions de ministre de l'Economie et des finances, je souhaite que l'activité reprenne plus rapidement, je souhaite que le retour au travail soit plus massif. Je souhaite que la croissance reprenne le plus rapidement possible, parce qu'il en va tout simplement de notre vie quotidienne, il en va de la prospérité des Français, il en va aussi de la puissance de la nation française parmi les nations européennes et sur la scène internationale, donc, oui, je souhaite que l'activité économique reprenne plus rapidement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais si vous voulez, c'est un peu le chaud et le froid, parce qu'on a aussi le froid, on a aussi par exemple le couple Olivier VERAN et Edouard PHILIPPE qui sont plutôt sur les freins, parce qu'eux disent attention, donc si vous voulez, tout ça, ça freine aussi les esprits, les Français le disent : on a peur…

BRUNO LE MAIRE
Mais rien ne serait, Elizabeth MARTICHOUX, plus dommageable que de ne pas avoir dans ces périodes-là un débat et un échange sur l'équilibre entre les considérations sanitaires, parce que le virus continue à circuler, et les considérations économiques et sociales, je suis ministre de l'Economie et des finances, ces considérations économiques et sociales pour moi sont vitales, je vis au rythme des annonces de faillites, de licenciements, je pense à tous les Français, et en particulier aux plus fragiles et aux plus modestes, ceux qui ont pas de qualification, ceux qui démarrent dans la vie, ceux qui sont apprentis, ceux qui ont 52 ou 53 ans qui sont dans des régions sinistrées économiquement, eh bien, moi je veux qu'ils aient une activité, je veux qu'ils aient une perspective, je veux qu'ils se disent : oui, ça va redémarrer, notre économie va me donner une place à moi dans la société par mon travail ; c'est pour ça que je me bats, et je pense qu'il faut bien peser dans cet équilibre entre économie et santé le coût que peut avoir la crise économique pour les plus fragiles, pour ceux qui n'ont pas d'emploi.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc on a vu qu'Emmanuel MACRON savait presser le pas du gouvernement, il l'a fait pour le 11 mai, vous vous rappelez, bon, c'est peut-être ça qu'on attend le dimanche soir, c'est ce que vous attendez ?

BRUNO LE MAIRE
Mais c'est lui et lui seul qui a la légitimité pour décider, donc il décidera. Et je voudrais simplement vous dire, et pas avec des chiffres, pas avec des statistiques, je voudrais simplement vous dire avec mon coeur ce que je ressens depuis des mois que je traite cette crise économique, c'est que, derrière les chiffres vertigineux qu'on a donnés, il y a des vies qui sont cassées, il y a des vies qui sont arrêtées, il y a des vies qui ne démarrent pas, celles de jeunes qui ont fait 2 ans, 3 ans, 4 ans d'études et qui se retrouvent sur le marché du travail où on ne va rien leur proposer, alors, on apporte des solutions, avec Muriel PENICAUD, on se bat pour apporter des solutions, mais il y a aussi tous ceux qui sont par exemple dans le secteur de l'habillement, qui est un secteur très sinistré, qui ont petit commerce, qui ont un restaurant, qui ont bâti toute leur vie là-dessus, et ils ont 50, 52, 53 ans et tout d'un coup, tout s'effondre, eh bien, je pense qu'il faut penser tous les jours à ces personnes-là et se dire que l'activité économique doit redémarrer.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il y a un chiffre, 497.400 emplois détruits au premier trimestre, et encore, premier trimestre, ça ne concerne pas pour l'essentiel la crise, vous avez dit : 800.000 chômeurs, c'est un chiffre qui pourra être peut-être dépassé, la BANQUE DE FRANCE dit que c'est l'année 2021 qui sera la pire en termes d'emplois. La lutte contre le chômage, Bruno LE MAIRE, est-ce que ça doit être la priorité absolue d'ici la présidentielle dans le fond ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, oui, c'est la priorité absolue, nous avons bâti ce quinquennat sur le travail, sur la reconnaissance du travail, sur la valorisation du travail, et nous avions réussi, je le rappelle, au bout de 3 ans d'un quinquennat, avec le Premier ministre et le président de la République, à avoir une meilleure croissance de la zone euro, un taux de chômage qui approchait les 8 % qui allait vers les 7 %, qui était notre objectif…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous auriez pu atteindre les 7 % ?

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, bien sûr, c'était tout à fait à portée de main, et je vais vous dire ma conviction profonde, la France va y arriver, elle va se redresser, elle va retrouver la croissance, on peut arriver à faire baisser…

ELIZABETH MARTICHOUX
Pas avant 2022 ?

BRUNO LE MAIRE
Mais on peut dès 2021 marquer un rebond fort si on se retrousse les manches, si nous nous remettons tous au travail et si nous accélérons la reprise économique, parce que les fondamentaux de l'économie française, la qualité de ses salariés, la formation, la qualité du tissu industriel, la qualité des services, des infrastructures, fait que nous restons une grande nation économique qui a tout pour se redresser, mais pour ça, il y a des conditions…

ELIZABETH MARTICHOUX
On a vu les failles aussi…

BRUNO LE MAIRE
Se remettre au travail, se remettre au travail, accélérer la reprise économique, et puis, fixer une direction, qui est celle d'une économie compétitive et décarbonée.

ELIZABETH MARTICHOUX
A combien tourne l'industrie française en ce moment, vous le savez ?

BRUNO LE MAIRE
Elle tourne aux alentours, enfin, les derniers chiffres qu'on a eus remontent à déjà 15 jours, donc j'espère qu'ils sont meilleurs, mais on est aux alentours de 60 à 65% quand on prend l'ensemble des secteurs, on n'est pas encore à 100%, dans le bâtiment et les travaux publics, on est quasiment à 100%, donc là, ça a bien redémarré après un arrêt brutal. Mais les chiffres d'il y a 15 jours, je n'ai pas encore les derniers chiffres, on était à 60, 65%, ce n'est pas 100%, et il faut qu'on retrouve ces 100%.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et c'est vrai qu'il y a des tas de secteurs, même tous ceux, qui sont soumis à des protocoles sanitaires qui entraînent des coûts, est-ce que l'Etat…c'est Geoffroy ROUX DE BEZIEUX, dans les Echos, hier matin, qui disait : il faut que l'Etat compense ces coûts, ce n'est pas aux entreprises qui subissent la crise de le faire…

BRUNO LE MAIRE
On va regarder par exemple sur le bâtiment et les travaux publics, il y a des surcoûts qui sont de l'ordre de 25 à 30%, la base vie ne fonctionne plus de la même façon, on ne rentre pas sur le chantier de la même façon, on ne travaille pas sur les coffrages avec beaucoup d'ouvriers autour, donc tout ça aboutit à un surcoût de l'ordre de 25 à 30% sur les chantiers. Donc nous allons dans l'examen de la loi de finances, cet été, regarder comment est-ce que nous pouvons prendre en charge ces surcoûts, comment est-ce que l'Etat…

ELIZABETH MARTICHOUX
Tout ou partie ?

BRUNO LE MAIRE
Tout ou partie, on a un certain nombre de propositions, elles ne sont pas encore tout à fait abouties, mais il faut que nous prenions en charge ces surcoûts…

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous vous engagez à compenser…

BRUNO LE MAIRE
Il faut aussi regarder comment est-ce qu'on peut simplifier un certain nombre de règles qui à l'usage peuvent paraître soit, inutiles, soit, trop contraignantes…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous pensez à quoi ?

BRUNO LE MAIRE
On a fixé un cadre, qui est un cadre très strict, est-ce que ici ou là, certaines règles peuvent être assouplies, je pense que ça mérite au moins d'être regardé.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous avez dit 60, 65%, ça date d'il y a 15 jours, mais enfin, c'est quand même encore bas, vous pensez qu'on arrive à 100% quand, et votre objectif, c'est quoi…

BRUNO LE MAIRE
Mais le plus tôt sera le mieux…

ELIZABETH MARTICHOUX
Bien sûr, mais ça peut être avant la fin de l'été, ou même dès la fin de ce mois, il faut accélérer…

BRUNO LE MAIRE
Mon objectif, c'est que l'activité économique retourne à la normale dès cet été et qu'on puisse se dire que dans tous les secteurs, à quelques exceptions près, parce qu'il peut y avoir des règles du confinement particulières, à quelques exceptions près, nous soyons retournés à la normale cet été, et que l'économie française puisse retrouver ce qu'elle est, c'est-à-dire une grande économie puissante, technologiquement avancée et décarbonée.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, la restauration, vous avez entendu Philippe ETCHEBEST, que vous connaissez, vous l'avez rencontré, le grand chef, attend l'arme aux pieds que les règles soient allégées, surtout en Ile-de-France, la zone verte, enfin, elle doit passer en zone verte, l'Ile-de-France ?

BRUNO LE MAIRE
Vous savez, on ne prend pas ces décisions-là à la légère parce que chacun sait que le virus peut redémarrer, qu'il peut y avoir un cluster qui réapparaît ici ou là, donc nous prendrons cette décision, c'est le président de la République et le Premier ministre, demain, en Conseil de défense, sur la base de données sanitaires précises, et à la suite d'un échange entre les ministres concernés, donc on respecte une méthode qui est rigoureuse, c'est la seule façon de prendre des bonnes décisions qui soient explicables aux Français et qui soient crédibles.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et pour les aider, les restaurateurs, il faut que les Français aillent au restaurant.

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, mais je pense que les Français, ils ont hâte d'aller au restaurant, quand je vois les terrasses de café, c'est mon seul point de divergence avec Philippe ETCHEBEST, et il peut pleuvoir et il peut faire froid, il y a quand même des gens aux terrasses de café, tellement on a envie tout simplement de se retrouver et de retrouver notre culture.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, encore faut-il payer. Vous aviez un projet qui a abouti ou pas, c'était de pouvoir déplafonner le montant des Tickets-Restaurant, justement, pour aller au restaurant…

BRUNO LE MAIRE
Oui, je pense que ça, c'est une aide très concrète, et on a multiplié les aides très concrètes pour un certain nombre de secteurs, là, c'est une aide très concrètes que nous allons apporter dès aujourd'hui aux restaurateurs, le Ticket-Restaurant était plafonné à 19 euros, il va être déplafonné à 38 euros, il n'était utilisable que dans la semaine et pas les jours fériés, il sera utilisable toute la semaine, y compris le week-end, y compris les jours de congés, donc ça incitera les Français à utiliser leurs Tickets-Restaurant dans les restaurants, le week-end, avec leur famille ; je pense que c'est une façon de soutenir de manière très concrète les restaurateurs…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça, c'est dès aujourd'hui ?

BRUNO LE MAIRE
C'est dès aujourd'hui…

ELIZABETH MARTICHOUX
A partir d'aujourd'hui…

BRUNO LE MAIRE
Si vous avez des Tickets-Restaurant, c'est déplafonné de 19 à 38 euros, et si ce week-end surtout, vous voulez aller au restaurant, et vous payez votre restaurant avec votre Ticket-Restaurant, vous pouvez le faire, faites-le, ça aidera les restaurateurs.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous répétez depuis le début que les impôts ne doivent pas augmenter pour soutenir la consommation, etc., vous ne serez pas le ministre de l'Economie qui augmente les impôts ?

BRUNO LE MAIRE
Non, parce que je pense que ça n'est pas la bonne stratégie, nous avons aujourd'hui une économie qui a connu un choc d'une brutalité extrême, pour amortir ce choc, nous nous endettons, et cette dette, effectivement, il faudra un jour la rembourser.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous avez emprunté 360 milliards sauf erreur…

BRUNO LE MAIRE
Nous avons mis sur la table au total 460 milliards d'euros…

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais vous avez emprunté…

BRUNO LE MAIRE
C'est-à-dire 20% de la richesse nationale, c'est absolument considérable, mais ça a sauvé des centaines de milliers d'emplois, ça a sauvé des entreprises, ça a sauvé les usines, et ça nous permet de redémarrer sans avoir détruit, parce que c'est ça le risque, du capital humain, c'est-à-dire des salariés et les compétences ou du capital physique, c'est-à-dire des usines et des entreprises, donc c'était le seul choix responsable. Mais pour rembourser cette dette, je fais le pari de la croissance, c'est-à-dire du retour de l'activité, et pas celui des impôts, parce que si je commence à dire aux Français, « attendez, je vais juste augmenter tel impôt et tel autre, mais pas celui-là », tous les Français vont se dire « ça y est, ils ont commencé à ouvrir la boîte des impôts, demain nous serons taxés, donc nos économies on les garde pour nous par précaution ». Or, les économies que les Français ont fait, moi je veux qu'ils les injectent dans l'économie française, dans nos entreprises, pas dans les impôts.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et vous serez - si vous êtes toujours ministre, pardon, excusez-moi, on verra bien – le ministre qui baisserait les impôts de production, vous aviez pour projet de le faire avant la crise, vous allez le faire ?

BRUNO LE MAIRE
Mais tout le monde a compris que, et je pense que c'est une prise de conscience formidable qui s'est passée pendant cette crise, toutes les crises ont des vertus, nous avons trop délocalisé, et nous avons saccagé le tissu industriel français, en délocalisant, en abandonnant des compétences, en allant nous fournir à des dizaines de milliers de kilomètres, ou des milliers de kilomètres de la France. Les Français aspirent à une relocalisation de leur industrie, ils ont raison. Relocalisation, ça veut dire surtout reconquérir le territoire industriel, ouvrir de nouvelles usines, avec des produits qui ont de la valeur, de la technologie, c'est ce que nous faisons, mais si nous voulons le faire, il faut être compétitif, il faut être attractif, et il faut que nos usines puissent être rentables. Les impôts de production sont 3 fois plus élevés en France qu'en Allemagne. Quand un industriel a un choix à faire, il se dit « je vais plutôt m'installer en Allemagne plutôt qu'en France, ou m'installer encore plus loin en dehors de l'Europe, plutôt qu'en France, parce que mon usine me coûte trop cher. » Moi je veux que demain on se dise, quand on a une production avec une forte valeur, par exemple les batteries électriques ou les voitures électriques, qu'on a les compétences et les formations parce qu'on a les meilleurs salariés et les meilleurs ouvriers au monde, et que, on a en plus un territoire qui est attractif parce que les impôts de production ont baissé, je fais le choix de la France.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors ma question c'est quand, c'est quand, est-ce que vous allez attendre début 2021 ou est-ce que ça pourrait intervenir avant ?

BRUNO LE MAIRE
Pour les impôts de production c'est nécessairement en année pleine, à partir de 2021, nous aurons le débat à la rentrée, mais chacun connaît mes convictions, que je défends avec constance depuis 3 ans, il faut baisser les impôts de production en France si nous voulons relocaliser l'industrie dans notre pays, et j'ai toujours tenu des langages qui sont des langages, Elizabeth MARTICHOUX, de vérité. Je ne fais pas croire aux Français qu'on peut tout faire dans un claquement de doigts, ou par un coup de baguette magique, je ne suis pas Gérard MAJAX, qui va faire apparaître des usines en gardant la même fiscalité et les mêmes défauts économiques français.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'autant que c'est un discours qui a été beaucoup tenu par le passé et jamais…

BRUNO LE MAIRE
Nous, nous avions tenu parole, nous avions recréé, pour la première fois depuis 10 ans, des emplois industriels dans notre pays. Et quand je dis relocalisation, que nous annonçons le plan industriel automobile, avec le président de la République, RENAULT annonce que son moteur électrique il ne va pas le produire en Chine, il va le produire à Cléon, PEUGEOT annonce que sa 3008 ils vont la produire à Sochaux, c'est ça la relocalisation, c'est des choses très concrètes, mais ça suppose des décisions politiques et économiques radicales.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pas avant début 2021 en tout cas. Comment aider les Français qui se sont appauvris, il y en a qui ont beaucoup provisionné, on a vu, 60 milliards d'épargne, tant mieux pour eux…

BRUNO LE MAIRE
Sans doute 100 d'ici la fin de l'année, 100 milliards d'euros d'épargne.

ELIZABETH MARTICHOUX
Sans doute 100 milliards d'euros d'épargne ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, nous notre prévision c'est que les Français auront épargné, d'ici la fin de l'année, 100 milliards d'euros.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et comment on encourage à sortir… ?

BRUNO LE MAIRE
On encourage par des soutiens à la demande, comme nous l'avons fait sur…

ELIZABETH MARTICHOUX
Dans un monde dont on sait maintenant, on commence à comprendre qu'il va être très très rude.

BRUNO LE MAIRE
Oui, mais regardez les méthodes que nous retenons, les choix que nous faisons sont efficaces. Prenez le bonus sur les véhicules électriques, ou la prime à la conversion, aujourd'hui, dans les concessions, les retours que nous avons c'est que les voitures se vendent, et que nous allons retrouver en juin le même niveau de ventes qu'en juin 2019, alors qu'en avril 2020 on était à 10 % de ventes par rapport à avril 2019, donc on est en train de revenir à la normale, je suis même persuadé que le mois de juin et le mois de juillet seront bons pour l'industrie automobile, bons pour les ventes de véhicules.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il y a aussi les Français qui sont appauvris, vous l'avez évoqué tout à l'heure, comment on les aide, un chèque d'aide, comme par exemple Yannick JADOT le disait à votre place mardi matin, un revenu de base temporaire, ça revient dans le débat, vous êtes pour ?

BRUNO LE MAIRE
D'abord, c'est eux qu'il faut aider en priorité, c'est-à-dire plutôt qu'une mesure très très générale, qui toucherait tous les Français, comme par exemple ceux qui me disent « il faut baisser la TVA », très bien, je ne pense pas que ce soit une solution parce que vous donnez beaucoup d'argent à tout le monde, alors qu'effectivement beaucoup de Français ont pu épargner, et tant mieux, pendant cette crise, mais il va y avoir une partie des Français, qui eux effectivement vont être très fragilisés, ceux qui perdent l'emploi, ceux qui ont peu de qualifications, ceux qui sont à la fin de leur carrière et qu'auront du mal à se reclasser, ceux qui sont au RSA, c'est eux qu'il faut aider en priorité, et là je suis ouvert à toutes les solutions. Tout ce qui, d'abord, peut encourager le retour à l'emploi. Prenez les jeunes, on va augmenter la prime sur les apprentis, on a des propositions qui viennent des Républicains sur la baisse des charges pour l'embauche des plus jeunes, je trouve qu'il faut examiner cette proposition-là, on a des propositions de soutien aux étudiants, et nous avons apporté un soutien de 200 euros, en juin, aux étudiants les plus précaires, donc nous sommes totalement ouverts à tout ce qui permettra de soutenir ceux qui sont les plus fragilisés par la crise. Et les idées de chèque, mais les chèques d'aide, je ne suis pas fermé cette idée-là, un chèque d'aide qui irait vers ceux qui ne peuvent pas partir en vacances, et qui doivent partir en vacances, et qui voudraient partir en vacances, mais qui n'ont pas les moyens de se le payer, moi je trouve que dans cette période de crise c'est des choses qui sont légitimes. Donc, ce n'est pas parce que je défends une politique de l'offre, de la compétitivité, des technologies les plus avancées dans notre industrie, que pour autant je refuse des chèques pour les plus démunis, au contraire, je pense que ça peut être parfaitement complémentaire.

ELIZABETH MARTICHOUX
Question précise, réponse brève si c'est possible, il y a l'Association des maires de France, l'AMF, hier, qui réclame une compensation intégrale des pertes liées au Covid, elle sonne la charge, « pour que les mairies participent à la relance », dit-elle, « il faut compenser les pertes de charges, et notamment par une nationalisation de ces pertes », vous y êtes favorable ou pas ?

BRUNO LE MAIRE
D'abord je voudrais comprendre exactement ce que c'est que cette nationalisation des pertes, donc je vais en discuter avec le président de l'AMF…

ELIZABETH MARTICHOUX
François BAROIN.

BRUNO LE MAIRE
Ensuite le point sur lequel je rejoins l'AMF c'est que la relance elle doit être verte, c'est l'objectif, et vous avez vu que dans tous les plans de relance il y a à chaque fois une orientation très volontariste pour la décarbonation de notre économie, et elle doit se faire avec les territoires, la relance ne marchera que si nous associons très étroitement les territoires à nos décisions. Donc, je le fais avec les régions…

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors là ils vous disent « on est partants, mais pas si… »

BRUNO LE MAIRE
Je le fais d'abord avec les régions parce que c'est elles qui ont la compétence économique, et j'ai vu à plusieurs reprises les régions, et nous travaillons bien avec l'Association des régions de France dirigée par Renaud MUSELIER, et je continuerai à les associer très étroitement. Je souhaite le faire aussi avec les communes, et avec les mairies. Donc je recevrai, dès que ce sera possible pour lui, le président l'AMF, nous discuterons de cela, j'essaierai de comprendre ce que c'est que cette nationalisation des pertes…

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour l'instant vous ne voyez pas très bien.

BRUNO LE MAIRE
Pour l'instant je ne vois pas très bien, mais en tout cas la relance doit passer par les territoires.

ELIZABETH MARTICHOUX
Bruno LE MAIRE, vous avez expliqué chez nos confrères de RTL mardi soir au micro de Thomas SOTTO « Matignon ne m'intéresse pas. » D'abord, un, si ça vous intéressait, franchement, est-ce que vous nous le diriez, et deux, même si ça ne vous intéresse pas, si on vous le demande, est-ce que vous allez vous dérober ?

BRUNO LE MAIRE
Vous savez, je suis un garçon franc, donc, si ça m'intéressait je vous dirai ça m'intéresse. Quand j'ai été candidat à la présidence d'un parti j'ai dit « ça m'intéresse », quand il y a eu une primaire, elle ne m'a pas très bien réussi, mais je n'ai jamais caché que ça m'intéressait, donc j'y suis allé, je ne suis pas dissimulé, j'aime les choses claires.

ELIZABETH MARTICHOUX
Non, mais parce qu'on dit beaucoup que vous…

BRUNO LE MAIRE
Oui, mais on dit beaucoup de choses…

ELIZABETH MARTICHOUX
A Matignon.

BRUNO LE MAIRE
On dit beaucoup de choses fausses. Mais je suis, Elizabeth MARTICHOUX, je suis un garçon droit.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous êtes un homme de devoir, Bruno LE MAIRE, si on vous le demandait.

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr et mon devoir précisément, Elizabeth MARTICHOUX, c'est de redresser l'économie française.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et si on vous le demandait ?

BRUNO LE MAIRE
La mission que m'a confiée le président de la République, c'est de transformer l'économie française, c'est ce qui a été conclu entre le président de la République et moi quand j'ai accepté de m'engager derrière lui.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il y avait un pacte ?

BRUNO LE MAIRE
Ce n'est pas un pacte, c'est un engagement. Un engagement moral et un engagement politique qui est de dire, oui j'envie de transformer avec vous Monsieur le Président l'économie française. Au moment où la crise touche des millions de Français et abat tout ce qu'on a construit pendant 3 ans, ma seule envie et ma seule mission, c'est de poursuivre ce redressement économique et de remettre la France sur les bons rails et croyez-moi je ne compte pas changer d'avis.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc si on vous le demandait, vous diriez non ?

BRUNO LE MAIRE
Je vous dis que je ne compte pas changer d'avis et que je ne suis pas intéressé par Matignon et que ma réponse est ferme, définitive, tout simplement parce que l'engagement que j'ai pris vis-à-vis du président de la République il y a 3 ans, qui est un engagement moral et politique, c'est de m'engager pour l'économie française et pour que notre pays reste une grande nation économique au XXIème siècle. Je tiendrai cet engagement, s'il le souhaite et s'il le décide.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et s'il changeait de cap, j'ai regardé dans le dictionnaire ce matin, se réinventer. Se réinventer, ça veut pas dire changer de cap, ça veut dire donner une nouvelle dimension à quelque chose qui existe déjà.

BRUNO LE MAIRE
Je n'ai jamais eu depuis 3 ans, ni depuis 3 jours, ni depuis 3 semaines, le sentiment que le président de la République avait envie de changer d'orientation économique, jamais et croyez-moi comme les institutions fonctionnent, que le courant passe entre le président de la République et son ministre de l'Economie et des Finances et que nous discutons très souvent des décisions qui sont à prendre, bien entendu que la ligne économique qu'il a fixé me convient et correspond aux convictions que je défends, ce qui fait que les choses se passent, je crois qu'on le voit depuis 3 mois, de manière fluide et surtout efficace pour les Français.

ELIZABETH MARTICHOUX
Le président de groupe, Gilles LEGENDRE vous voie lui à Matignon malgré votre manque de charisme, dit-il, nobody is perfect, monsieur.

BRUNO LE MAIRE
Oui, vous savez Nicolas SARKOZY disait que de avait le charisme d'une huître, Gilles LEGENDRE que j'ai peu de charisme, donc peut-être que d'ici 10 ans, on me reconnaîtra un petit peu de charisme.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous soignez ça.

BRUNO LE MAIRE
Les choses s'améliorent.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est pénible ces moments charnières où on attend de savoir ce que le président va décider.

BRUNO LE MAIRE
Non, pas du tout.

ELIZABETH MARTICHOUX
Quand même, le temps est suspendu…

BRUNO LE MAIRE
Je vais vous dire, je vis pleinement avec gravité mais aussi avec fierté ces moments, c'est des moments qui sont historiques. La France est confrontée à la plus grave crise économique depuis 1929, c'est comparable à ce qui s'est passé en période de guerre et il se trouve que le président de la République m'a confié la mission de redresser cette économie. C'est une chance, c'est un honneur dont je mesure la charge tous les jours.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc on a compris que vous vouliez le poursuivre. Juste un mot, la lutte contre le racisme, c'est un sujet grave, Emmanuel MACRON en parlera sans doute dimanche soir, est-ce que déboulonner, c'est réparer ? Je vous parle de ça parce que il y a un débat autour de la volonté de certains militants antiracistes de déboulonner, une statue, c'est toujours un hommage et les statues des personnes qui ont été des agents actifs du racisme. On pense à par exemple COLBERT qui a sa statue dans l'Assemblée nationale, qui par ailleurs a oeuvré pour la France, mais qui a été le rédacteur du Code noir.

BRUNO LE MAIRE
Je vais vous donner quelques convictions sur ce sujet qui est majeur.

ELIZABETH MARTICHOUX
Rapidement malheureusement.

BRUNO LE MAIRE
Un, il faut toujours regarder son histoire en face, les heures lumineuses comme les heures sombres. Deux, il vaut mieux discuter que déboulonner. Trois, je suis stupéfait de cette confusion entre l'histoire des Etats-Unis d'Amérique et l'histoire de France. L'histoire de France, c'est elle qu'il faut regarder et ne confondons pas comme on est en train de le faire de manière parfois intéressée et biaisée l'histoire des Etats-Unis d'Amérique et l'histoire de France, ça n'est pas la même et elles ne doivent pas être comparées.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup Bruno LE MAIRE d'avoir été ce matin sur le plateau de LCI.

BRUNO LE MAIRE
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 juin 2020