Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, à BFM TV le 12 juin 2020, sur la politique du gouvernement face à la crise économique provoquée par l'épidémie de Covid-19.

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Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Agnès PANNIER-RUNACHER, bonjour.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances. On n'a jamais vu une baisse de l'activité économique aussi forte. La crise économique et sociale a commencé, elle est en train de supplanter - elle a même supplanté - la crise sanitaire. Vous êtes d'accord, Agnès PANNIER-RUNACHER ? Elle a supplanté la crise sanitaire ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
La crise économique, elle est le fruit de la crise sanitaire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, d'accord, mais aujourd'hui ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous sommes rentrés dans la crise sanitaire avec de très bons fondamentaux économiques. Un chômage qui était du côté de 8 %, il n'avait jamais été aussi bas depuis dix ans. Une croissance qui était le double de l'Allemagne et des investissements étrangers qui nous mettaient sur la première marche du podium, y compris sur les sujets industriels, par rapport notamment à l'Allemagne. Donc maintenant, la crise sanitaire a arrêté l'économie mondiale pendant deux mois. L'économie mondiale, si ce n'était que l'économie de la France…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, oui, oui, Agnès PANNIER-RUNACHER. Je sais.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et donc effectivement, le sujet important sur la table c'est la crise économique. C'est comment on fait pour limiter la casse sociale et pour relancer cette économie, et la relancer pas seulement au niveau de la France parce que nous sommes dépendants des autres, pour qu'il y ait du moteur de l'huile, plutôt de l'essence dans le moteur.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors j'ai déjà quelques idées. Le déconfinement doit être accéléré, oui ou non ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Plutôt oui. Je crois qu'aujourd'hui, le 11 mai on a déconfiné, tout le monde était un peu inquiet ; le 12 juin, on est un mois après, les indicateurs sont au vert. On peut accélérer mais il ne faut pas baisser la garde. L'ennemi il est tapi, et les mesures les plus simples, les mesures barrières : le port du masque lorsqu'on ne peut pas respecter la distanciation sociale, il ne faut surtout pas baisser la garde, parce que je ne voudrais pas qu'on tombe de l'autre côté du cheval. On abandonne tout, le virus repart et on refait une partie du match.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il faut accélérer le déconfinement, c'est ce que vous ne dites. Est-ce qu'il faut passer l'Ile-de-France en vert ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça, ça sera en fonction des indicateurs. Les choses ont l'air bien orientées mais si on a une méthode, il faut la suivre. Et la méthode, c'est de regarder factuellement comment le virus circule, combien de tests ont été positifs par rapport aux personnes testées récemment. Si les indicateurs sont au vert, il n'y a pas de raison de ne pas passer l'Ile-de-France au vert.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà. Il faut passer, il n'y a pas de raison de ne pas passer l'Ile-de-France au vert.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Si les indicateurs sont au vert.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais les indicateurs sont bons.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et donc on va regarder ça en Conseil de défense tout à l'heure. Je suis convoquée. Et on parlera de ce sujet.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà. Vous allez parler de ce sujet tout à l'heure et ensuite, si les indicateurs sont bons, vous passerez l'Ile-de-France au vert juste après.

AGNES PANNIER-RUNACHER
On activera. Après, pourquoi on a donné cette date du 15 juin ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Après, c'est-à-dire ce soir ou demain.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Pourquoi on donne cette date du 15 juin ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est le 15 juin donc ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Pardon, pourquoi on donne cette date…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le 15 juin vous m'avez dit. C'est-à-dire que ça va passer au vert le 15 juin.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, ce n'est pas du tout ce que je dis.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ? Je n'ai pas bien compris.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce que je dis, c'est qu'on prend des positions, on prend des décisions et on laisse une semaine aux gens pour s'organiser. Pourquoi on en a donné la date du 22 juin et pourquoi on prend des décisions maintenant ? C'est pour donner aux acteurs économiques le temps de s'organiser. Vous n'ouvrez pas des cinémas comme ça.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais je ne parle pas des cinémas, je parle des hôtels restaurants, des restaurants et des cafés en zone orange aujourd'hui, en zone Ile-de-France. Ces restaurateurs qui attendent impatiemment - ça aussi c'est de la relance économique…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui attendent impatiemment de pouvoir ouvrir leurs salles, de pouvoir ouvrir leur restaurant. Je me mets à leur place : que leur dites-vous ? Quand ils voient qu'il y a des rassemblements ou des manifestations qui sont organisées ici ou là, autorisées ? Pourquoi autorisées ? Sous le coup de l'émotion : c'est ce que disait le ministre de l'Intérieur chez moi mardi matin. Que leur dites-vous à ces restaurateurs ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi je leur dis qu'on est à leurs côtés. Je leur dis qu'ils ont un plan de soutien et d'accompagnement qui est sans égal dans notre pays aujourd'hui. Avec Bruno LE MAIRE, nous sommes à leurs côtés. Nous avons fait en sorte qu'ils passent cette crise avec le Fonds de solidarité. Je rappelle que les commerçants, les artisans, ce sont les premiers bénéficiaires du Fonds de solidarité…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais si vous étiez restaurateur, Agnès PANNIER-RUNACHER, et que vous voyiez des rassemblements ou des manifestations autorisées, que feriez-vous ? Que diriez-vous ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
D'abord je rappelle que, sauf erreur de ma part, je ne suis pas une spécialiste de l'ordre public, la plupart des manifestations n'étaient pas autorisées…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Elles ne sont pas autorisées mais sous le coup de l'émotion, elles sont acceptées, elles sont tolérées.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça, c'est l'application avec discernement de la loi ; ça n'a rien à voir. L'enjeu aujourd'hui qu'on a, c'est d'accompagner les restaurateurs, c'est d'inviter les Français à aller chez les restaurateurs. Moi j'ai fait une terrasse la semaine dernière, je peux vous dire que c'est un plaisir infini d'aller au restaurant en famille.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Sauf qu'ils sont à 10 ou 15 % de leur chiffre d'affaires aujourd'hui, les restaurateurs.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui. Et c'est pour ça que nous sommes à leurs côtés. C'est pour ça qu'ils auront le bénéfice d'un soutien jusqu'à la fin de l'année. C'est pour ça qu'ils ont le bénéfice du chômage partiel jusqu'à la fin de l'année. C'est pour ça aussi que nous ne nous contentons pas de les accompagner financièrement, mais nous les aidons. Nous les aidons à se transformer, nous les aidons à mettre en place de nouvelles façons d'aller chercher du chiffre d'affaires. La livraison à domicile, le fait de pouvoir livrer des repas depuis leur restaurant. Ça, c'est des compléments de chiffre d'affaires, c'est très concret. Nous avons mis à disposition des plateformes numériques pour le faire à des coûts très compétitifs et il faut qu'on continue.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors Agnès PANNIER-RUNACHER, Emmanuel MACRON va s'exprimer dimanche à 20 heures. Quand saura-t-on s'il y a accélération du déconfinement et s'il y a, par exemple, passage de l'Ile-de-France en zone verte ? Quand le saura-t-on ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
On le saura, je pense, dans les prochaines heures.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Aujourd'hui donc.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Dans les prochaines heures.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les prochaines heures, c'est aujourd'hui Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
48, 50 heures, c'est à peu près les prochaines heures.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oh là là, c'est compliqué ! Dimanche matin quoi. Avant l'intervention d'Emmanuel MACRON.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous avons un Conseil de défense aujourd'hui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça j'ai compris.

AGNES PANNIER-RUNACHER
On va prendre des décisions. On les communiquera de la manière la plus appropriée possible parce qu'il faut permettre aux professionnels de s'organiser, et le président de la République prend la parole dimanche…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est lui qui va annoncer cela ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Il prend la parole pour fixer le cap et je crois que c'est important qu'il prenne la parole et on va plus loin.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est lui qui va fixer ces nouvelles règles de déconfinement, c'est lui ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non. On est sur quelle est la prochaine étape de ce quinquennat.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez le faire aujourd'hui si j'ai bien compris. Bon, je regarde les chiffres. L'urgence économique et sociale, on en parlait tout à l'heure. 500 000 emplois détruits au premier trimestre. Vous vous attendez à quoi pour ce deuxième trimestre puisqu'il y en a d'autres derrière ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
On s'attend à une augmentation du chômage, on ne va pas se mentir.

JEAN-JACQUES BOURDIN
500 000 emplois détruits. Ça peut être quoi ? Un million d'emplois détruits ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, je pense que… Muriel PENICAUD a indiqué qu'on pouvait effectivement passer le cap de 10 % de chômage. Maintenant je vais mettre ce chiffre en relation avec les Etats-Unis. Les Etats-Unis, c'est quarante millions –quarante millions ! - de chômeurs.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Moi, je n'aime pas trop qu'on regarde les autres. Regardons ce qu'on fait nous.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, mais comparons aussi. Comparons la manière dont l'Etat s'est impliqué et fait en sorte que justement les Français soient accompagnés dans cette crise. Que justement on ne casse pas brutalement le lien entre les salariés et leur entreprise et qu'on fasse en sorte qu'ils passent cette crise, pas en faisant rien mais justement en les formant, en transformant les entreprises, en leur permettant d'innover dans la technologie. Là où lorsque vous êtes en crise, en règle générale vous coupez tous les budgets de recherche, de développement, d'innovation parce que vous devez passer le cap. Et ce que nous faisons au travers du plan automobile, au travers du plan aéronautique, c'est précisément ça. C'est permettre aux entreprises de se projeter dans le futur et de ne pas casser leur appareil de production.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors on parle beaucoup de l'automobile, on parle beaucoup de l'aéronautique. L'automobile, RENAULT, le prêt de 5 milliards d'euros garanti par l'Etat a été signé. Ça y est ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il a été signé. Bien, il n'y aura pas de licenciements secs, on est bien d'accord ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est l'engagement de Jean-Dominique SENARD.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Un seul site fermé ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça on verra. C'est à RENAULT…

JEAN-JACQUES BOURDIN
On verra. Choisy-le-Roi pour l'instant et RENAULT pourrait fermer d'autres sites ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est à RENAULT de définir et d'entamer la discussion avec les organisations syndicales. Ce n'est pas à nous de nous substituer au travail de RENAULT.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes actionnaire, vous êtes actionnaire.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je suis actionnaire de RENAULT, je regarde ce qu'il propose mais je laisse aussi le dialogue social se mettre en place. Parce que c'est par le dialogue social qu'on va répondre aussi à cette crise, ce n'est pas aux actionnaires…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas au dialogue social qu'on va décider de fermer ou pas un site.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ou de regrouper des sites, ou de donner un avenir à des salariés sur d'autres sites. Attention à ne pas tout mélanger. Nous savons que RENAULT est au bord du gouffre. RENAULT est au bord du gouffre. Alors on peut être dans le déni en leur interdisant de tout faire, ou alors on regarde avec les organisations syndicales, avec les salariés la meilleure façon de franchir cette crise. Et nous, notre boussole elle est très claire. Notre boussole c'est : on veut plus de production en France et on a obtenu des engagements de RENAULT de relocaliser par exemple le moteur électrique à Cléon. Ça c'est très clair, ça c'est précis et ça c'est de l'emploi en plus. On veut un accompagnement des salariés, on veut de l'investissement et on veut qu'ils soient responsables de leurs sous-traitants, des PME et des entreprises de taille intermédiaire qui travaillent pour eux. Pardon mais ça, c'est concret. Et moi je ne vais pas faire à la place de RENAULT son travail. En revanche, je serai extrêmement vigilante sur la qualité du dialogue social et sur la façon dont ils construisent le premier leader de la voiture électrique demain.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, l'intérim. 318 000 emplois détruits. 318 000 emplois détruits ! Les premières victimes aujourd'hui, les premières victimes de la crise économique, ce sont tous ceux qui sont en intérim. Je vais vous prendre un exemple : chez PSA par exemple à Hordain. Vous connaissez le site d'Hordain près de Valenciennes. Il y a des intérimaires qui travaillaient sur ce site…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et qui n'ont pas retrouvé de boulot. Vous savez ce qu'a fait PSA ? Qu'a fait PSA ? Vous ne savez pas ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Si, je le sais.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous le savez ? Alors dites-moi ! Qu'a fait PSA ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
PSA qui a des salariés polonais, des salariés en contrat à durée indéterminée, leur a proposé alors que leur site polonais est fermé de venir travailler sur le site d'Hordain.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pendant que les intérimaires sont sans boulot. Pendant que les intérimaires français sont sans boulot, les salariés polonais de PSA viennent travailler sur le site français. C'est ça ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Les salariés polonais de PSA…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ou espagnols d'ailleurs, de Saragosse.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Pourraient venir travailler sur le site d'Hordain mais je vais faire une précision. De deux choses l'une…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, ils ne vont pas pouvoir : ils viennent travailler.

AGNES PANNIER-RUNACHER
De deux choses l'une, soit c'est effectivement dans le cadre des règles du jeu et c'est extrêmement contrôlé, les travailleurs détachés, et ce sont les salariés de PSA au même titre que les salariés français et c'est OK. Soit c'est une façon détournée d'utiliser du chômage partiel et, comme vous le dites très bien, de ne pas employer d'autres personnes. Et dans ce cas-là ce n'est pas acceptable et Muriel PENICAUD est train de regarder et là aussi, nous serons vigilants mais je ne peux pas…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que PSA a reçu des aides publiques, non ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
PSA a reçu des aides publiques mais PSA est responsable vis-à-vis de ses salariés, qu'ils soient français, polonais, espagnols. PSA est l'employeur de milliers de personnes dans le monde.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous regardez ce qui se passe.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Muriel PENICAUD est sur le sujet en ce moment.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Vous regardez.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire quoi, « regardez » ? Ça veut dit que si ce n'est pas conforme… Mais mettez-vous à la place des intérimaires, mais mettez-vous à la place ! Est-ce que vous pouvez vous mettre à la place de celui qui habite dans le Valenciennois, à côté d'Hordain, qui n'a pas de boulot à cause de la crise sanitaire, qui travaillait chez PSA. On lui dit : il y a un ouvrier qui vient de Pologne, qui vient d'Espagne et qui vient prendre ta place. Que feriez-vous ? Que feriez-vous ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors moi je vais me mettre à la place aussi des salariés de PSA. Si j'étais un salarié français de PSA, si mon site était fermé et si PSA me proposait d'aller sur un site allemand, je serais très content.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais le site n'est pas fermé, Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
En Pologne, si.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais en Pologne, c'est une chose.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, mais c'est les salariés de PSA. Si moi j'étais un salarié français de PSA et si PSA prenait ses responsabilités en me faisant aller sur un autre site, je trouverais ça bien. Et s'il ne me prenait pas en charge et s'il me licenciait, je trouverais ça pas bien. Ce qui serait inadmissible, c'est que PSA profite du chômage partiel d'un côté et fasse venir des salariés de l'autre pour essayer d'équilibrer. Il ne respecte pas les règles de travailleurs détachés, et c'est pour cela que nous sommes en train de regarder et regarder pourquoi ? Pas juste pour regarder, regarder pour arrêter si ce n'est pas conforme à la législation.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Depuis le 17 mars, des millions de salariés sont au chômage partiel. Des millions de salariés. Alors vous avez réduit le chômage partiel au 1er juin et vous allez encore le réduire au 1er juillet. On est d'accord Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous faisons une incitation pour que, effectivement, il y ait une incitation pour les employeurs à refaire reprendre le travail.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que les entreprises paieront plus.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Elles paieront un petit peu plus.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Un petit peu plus.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
De l'ordre de 10 %.

JEAN-JACQUES BOURDIN
10 % de plus le 1er juillet. Et les salariés, eux, toucheront toujours 84 % de leur salaire ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, il y aura également une incitation pour qu'il y ait une reprise du travail.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, une reprise du travail. Incitation ça veut dire quoi ? Comme en Allemagne, 60 % du salaire ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce sont des paramètres qui sont en train d'être réglés avec les organisations syndicales.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que c'est 60 % du salaire comme en Allemagne ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Jean-Jacques BOURDIN, il y a une négociation en cours entre Muriel PENICAUD et les organisations syndicales, et moi je respecte le dialogue social. Et donc ce de ce dialogue social seront issus les paramètres du chômage partiel et je crois qu'il n'y a aucun pays en Europe, aucun pays, aucun pays en Europe qui a mis en place un dispositif de chômage partiel de cette nature. Aucun pays en Europe qui fait en sorte que lorsqu'on est payé le SMIC, on a l'intégralité de son salaire. Aucun pays en Europe qui fait en sorte que lorsqu'on a jusqu'à 4,5 fois le SMIC, on ait ce filet de sécurité. Ne perdons pas de vue ce petit détail qui a toute son importance.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors moins de 84 % dans tous les cas, Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Moins de 84 % pour inciter… Est-il vrai quand même que l'industrie allemande reparte beaucoup plus vite que l'industrie française ? C'est vrai ou c'est faux ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est parfaitement exact.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Parce qu'il y a une reprise plus rapide au mois d'avril. Parce qu'il y a un arrêt qui a été aussi moins net. Parce que je dirais que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous avons trop confiné chez nous ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas une question de confinement puisque rappelez-vous une chose, les industries ne se sont jamais arrêtées. Il n'y a jamais eu d'arrêt réglementaire des industries. Donc ça c'est la résultante du dialogue social si je puis me permettre. Je voudrais quand même rappeler que certains syndicats se sont opposés au redémarrage d'entreprises. Se sont opposés sans mesurer la casse sociale qu'il pouvait y avoir derrière. Qu'il y a eu des tensions entre les syndicats, très fortes. Et moi j'appelle effectivement les entreprises industrielles à accélérer. Nous devons accélérer sinon nous serons déclassés par rapport à d'autres pays comme l'Allemagne qui, eux, ont repris dans un dialogue social constructif.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Justement certains disent : il faut par exemple - je prends un exemple - il faut un moratoire sur l'installation des entrepôts AMAZON en France. Que dites-vous ? Que répondez-vous ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi je réponds deux choses. La première chose, c'est que lorsqu'on a des dossiers qui sont créateurs d'emplois, il faut éviter de se précipiter pour dire : ils ne sont pas bien. Il faut les regarder pour leurs mérites propres. Si on peut prouver que de tels entrepôts détruisent de l'emploi, on peut discuter. Mais pour le moment, je n'ai pas une clarté totale sur ça parce qu'un entrepôt vous pouvez le mettre en France et vous pouvez le mettre en Belgique, vous pouvez le mettre en Allemagne…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes plutôt favorable à ce qu'AMAZON se développe sur le territoire français ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vais être très claire. J'attends lundi une note qui fasse les avantages et les inconvénients de la mise d'un entrepôt sur le territoire français. Mais les entrepôts, ce n'est pas que les entrepôts d'AMAZON. Ça peut être LE BON COIN, ça peut être CDISCOUNT. Donc si vous interdisez à AMAZON, vous interdisez tous les entrepôts. Vous interdisez toute la capacité…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes plutôt favorable à l'installation…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je suis favorable à l'emploi et je suis favorable aux salariés et je suis favorable aussi à l'équilibre du commerce physique et du commerce digital.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc à l'installation de ces entrepôts.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, je suis favorable. Je ne suis pas dans le gimmick et l'idéologie. Je regarde les choses pragmatiquement. Ça crée de l'emploi ? Oui, non. Ça en détruit ? Oui, non. Et c'est beaucoup plus simple que d'avoir des grands slogans, et puis vous avez des régions qui tombent littéralement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors 8 milliards, on est bien d'accord, 8 milliards pour l'automobile, 15 milliards pour l'aéronautique. Combien pour les PME-TPE ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Aujourd'hui, on est… Je vais prendre l'exemple du Fonds de solidarité par exemple, le Fonds de solidarité vous avez à peu près un tiers pour les commerçants et artisans et l'ensemble du Fonds de solidarité, uniquement sur les TPE. Et ça c'est déjà plus de 7 milliards d'euros.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien ça fait ? 7 milliards.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Plus de 7 milliards d'euros. Vous ajoutez à ça le chômage partiel, vous ajoutez à ça les prêts garantis par l'Etat.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le chômage partiel, ça existe partout.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, mais ça concerne aussi les TPE.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça concerne aussi les TPE mais les autres aussi.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Plus de 75 % des sommes, c'est sur les TPE.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous dis ça parce qu'on attend un effort considérable du gouvernement pour les PME et pour les TPE, Agnès PANNIER-RUNACHER.

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est bien pour cela que le président de la République veut un plan sur les indépendants. Pourquoi il veut un plan sur les indépendants ? Parce que vous le dites très bien, les salariés de PSA, on les entend, les salariés de RENAULT, on les entend, quand il y a un plan social, on entend ; quand un indépendant dépose le bilan, on ne l'entend pas, on ne l'entend pas alors que ça peut être le premier plan social français, ça peut être des millions de personnes qui déposent le bilan parce qu'ils ne sont pas capables de redémarrer. Vous avez des chiffres qui sont communiqués et par les fédérations qui disent que 30% des commerçants et des artisans se demandent s'ils sont capables de passer l'année et c'est pour cela que nous devons les accompagner. Nous devons les accompagner avec des mesures fortes, nous l'avons fait, le plan d'urgence a permis de sauver des centaines de milliers d'emplois, des centaines de milliers d'emplois mais maintenant il faut passer à la suite. La suite, c'est comment on accompagne ces commerçants justement pour être capable de résister à AMAZON. C'est de la transformation numérique, il faut à la fois avoir le plaisir d'aller chez le petit commerce, le petit commerçant, d'avoir cette discussion que vous n'aurez jamais avec AMAZON mais également le fait qu'il puisse livrer à domicile, faire du click and collect.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Encore faut-il que le numérique fonctionne partout sur ce territoire, Agnès PANNIER-RUNACHER ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je pense qu'on a fait des gros progrès, Monsieur BOURDIN ! Là encore si ce gouvernement n'avait pas triplé le déploiement du très haut débit et doublé celui de la 4G, on aurait été en grande difficulté au moment du déconfinement, du confinement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais vous parler de la 5G, justement, il y aura pour l'obtention pour l'obtention des fréquences, des enchères, les dates ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est lancement au mois de septembre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les enchères mais quelle date, pendant combien de temps ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ensuite, vous avez un processus qui se déroule.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais combien de temps les enchères, ça va durer combien de temps ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ca, ça dépend de la rapidité avec laquelle le processus est organisé, des réponses, etc. C'est un peu près sur six semaines !

JEAN-JACQUES BOURDIN
10 jours entre le 20 et le 30, non ? C'est ce que j'ai lu !

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, c'est courant septembre et ensuite …

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et attribution quand ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Attribution à l'automne pour permettre d'avoir les premiers déploiements d'ici la fin de l'année.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous serez exigeants ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
On sera exigeant, on a un cahier des charges qui est exigeant, on a un cahier des charges qui est très exigeant sur la couverture du territoire ; on a un cahier des charges qui est très exigeant sur la couverture des zones rurales, on ne refera pas les erreurs de la 4G et la 5G, c'est une technologie mystérieuse, on ne sait pas très bien ce que ça recouvre mais l'enjeu qui est derrière …

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est économique !

AGNES PANNIER-RUNACHER
Il est économique, il est centralement économique. Ce n'est pour regarder des vidéos qu'on fait de la 5G.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr, on est d'accord !

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est pour les industries et nous avons aussi un enjeu, c'est que moi je veux de diminuer l'empreinte environnementale des réseaux de télécommunications et la 5G va nous y aider parce que la 5G, elle est beaucoup moins énergivore que la 4G par exemple.

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une dernière question, la réforme des retraites, simplement reportée ou supprimée ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça, il va falloir arbitrer. Ce n'est pas encore arbitré.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Reportée ou supprimée ? Ce n'est pas arbitré encore ? Vous ne savez pas franchement ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne sais pas !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Regardez-moi, vous ne savez pas ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vous regarde dans les yeux et je ne sais pas !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne savez pas si elle est reportée ou supprimée ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et je vous le dis de manière très à l'aise !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Avant la fin du quinquennat ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous verrons !

JEAN-JACQUES BOURDIN
La décision sera annoncée par Emmanuel MACRON dimanche ou pas ? Vous savez quand même, vous êtes informée ! Vous êtes au gouvernement !

AGNES PANNIER-RUNACHER
Jean-Jacques BOURDIN, la prise de parole du président de la République du 14 juin n'a pas vocation à répondre à toutes les questions qu'on se pose autour de cette table.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais enfin, elle est importante, la réforme des retraites !

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais la prise de parole, elle est importante, elle doit montrer un cap et c'est ça l'enjeu, il faut donner une vision, montrer un cap, faire en sorte que les Français aient envie d'aller de l'avant, on a tous les ressorts pour pouvoir rebondir mais il faut vraiment qu'on se retrousse les manches et le mot clé, c'est « solidarité ».

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, reporter ou supprimer, ce n'est pas arbitré. Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER d'être venue nous voir ce matin.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 juin 2020