Texte intégral
Merci Heiko. Je suis vraiment très, très heureux de reprendre le cours de nos conversations de vive voix, en présentiel, comme on dit maintenant. Mais cette visite s'inscrit dans le droit fil de l'étroite concertation que nous avons conservée pendant toute la crise sanitaire puisque Heiko et moi nous nous téléphonons toutes les fins de semaines pour faire un point de la situation, à la fois la situation sanitaire, mais aussi de la situation des crises et des initiatives communes que nous pouvons prendre. C'est la force de notre relation. Nous l'avons fait pendant toute la durée, trois mois, du confinement.
Nous avons beaucoup fait pendant cette période pour que les contrôles à nos frontières communes soient les plus coordonnés possibles, pour que nos populations soient protégées, pour maintenir autant que faire se peut la circulation des personnes et des biens en particulier dans les bassins de vie transfrontaliers. Et après la levée des restrictions de circulation à nos frontières communes le 15 juin dernier, nous travaillons désormais sur les modalités de la levée progressive des contrôles aux frontières extérieures de l'UE et de l'espace Schengen à compter du 1er juillet comme nous le propose la Commission et comme nous l'avions suggéré l'un et l'autre en fonction, évidemment, des situations sanitaires.
Mais mon déplacement à Berlin intervient par ailleurs peu de temps avant le début de la présidence allemande du Conseil des ministres de l'UE au deuxième semestre 2020. Le couple franco-allemand conserve sa formidable capacité d'entraînement et sa capacité à se renouveler et à se réinventer au service de l'Europe. Et la petite révolution que constitue l'initiative de la chancelière et du président français, le 18 mai dernier, en est la preuve. Et donc assurer Heiko Maas du plein soutien de la France pour la présidence allemande, car je sais que nous partageons un même objectif : que l'Europe surmonte la crise actuelle, afin d'en sortir plus unie, plus forte, plus verte, plus souveraine, plus indépendante dans le respect de nos valeurs fondamentales. Nous travaillons donc à une coopération renforcée entre nos deux pays dans le cadre des priorités que l'Allemagne souhaite mettre en avant au cours du prochain semestre afin de pouvoir créer les conditions d'un accord en juillet sur le plan de relance et le prochain cadre financier pluriannuel mais aussi afin de lancer la conférence sur l'avenir de l'Europe qui est essentielle, car elle doit permettre aux citoyens d'avoir leur mot à dire sur l'Europe du jour d'après.
Les crises dans plusieurs parties du monde n'ont pas connu de répit pendant la crise du Covid-19. Il était donc important que nous puissions coordonner nos efforts et joindre nos forces partout où les intérêts de la France et de l'Allemagne, partout où les intérêts européens, sont en jeu ou sont menacés.
En Libye, nous ne pouvons pas laisser se développer une "syrianisation" du conflit. Nous ne pouvons pas laisser se développer l'ingérence d'acteurs extérieurs et les violations répétées de l'embargo sur les armes. Et nous le savons, il y a aujourd'hui une priorité en Libye : obtenir une trêve immédiate et des négociations sérieuses conduisant rapidement à un cessez-le-feu dans le cadre du 5+5 en application des conclusions de la conférence de Berlin.
Au Sahel où la France et l'Allemagne travaillent de concert pour rendre opérationnelle et efficace la Coalition pour le Sahel dont la première réunion ministérielle - nous étions ensemble - s'est tenue le 12 juin dernier et à laquelle nous avons contribué activement tous les deux.
Au Proche-Orient avec l'arrivée d'un nouveau gouvernement en Israël, - Heiko Maas s'y est rendu il y a quelques jours -, nous savons tout l'enjeu de préserver le processus de paix et la solution des deux Etats. Et nous continuerons donc à travailler étroitement ensemble et avec nos partenaires européens pour tenter d'empêcher l'annexion.
Et nous allons aussi continuer notre étroite coopération sur le dossier iranien et nous aurons dans quelques minutes, tu l'as dit, une réunion avec notre collègue britannique, Dominic Raab, sur ce thème.
Nous avons échangé aussi longuement sur les relations avec la Turquie, au vu des tensions constatées les jours derniers à la fois en Méditerranée orientale et au large de la Libye. Et nous avons aussi eu l'occasion de parler des relations avec la Chine et des relations entre l'UE et la Chine afin de mieux préparer l'agenda qui est devant nous, à la fois le sommet UE-Chine qui va se tenir le 22 juin et puis le sommet de Leipzig qui se tiendra avant la fin de l'année.
Et nous avons finalement aussi travaillé au renforcement de notre coopération dans le cadre des Nations unies puisque, tu l'as rappelé, l'Allemagne assurera en juillet la présidence, après la France qui l'assure en ce moment. Et nous agissons ensemble en permanence pour le renforcement du système multilatéral, notamment à travers l'Alliance pour le multilatéralisme que nous avons lancée ensemble en mars 2019 et dont la prochaine réunion, le 26 juin, portera sur l'architecture mondiale de la santé. C'est un engagement commun très fort que nous voulons poursuivre surtout dans cette période de crise à la fois sanitaire et économique.
Q - J'ai une question pour les deux ministres. Si Israël passe outre votre mise en garde concernant une possibilité d'annexion partielle de la Cisjordanie, travaillez-vous dans cette hypothèse à l'introduction de sanctions communes européennes contre Israël ?
R - Je suis sur la même logique et la même volonté. L'annexion, si elle intervenait, présenterait des risques et serait d'une extrême gravité. D'abord elle remettrait en cause le principe du droit international qui interdit l'acquisition de territoires par la force. Ensuite cela remettrait en cause la solution de deux Etats qui, jusqu'à preuve du contraire, est la seule dans laquelle peut se concevoir, pour les Israéliens comme pour les Palestiniens, un avenir de coexistence pacifique. Et puis enfin, troisièmement, cela renforcerait un foyer d'instabilité au Moyen-Orient qui n'en a vraiment pas besoin, donc notre logique à tous les deux, c'est de dissuader les autorités israéliennes de passer à l'acte et nous le faisons de différentes manières, à la fois au sein de l'UE mais aussi à l'égard de tous ceux qui pourraient pousser dans la même direction. Nous souhaitons que la prise de conscience puisse se faire et que l'état de responsabilité puisse s'imposer.
Q - Une question à vous deux, Messieurs les Ministres, sur l'Iran : aujourd'hui, et à l'initiative de vos deux pays, l'AIEA à Vienne a adopté une résolution très critique à l'égard de l'Iran sur le nucléaire. Ne craignez-vous pas que l'adoption de cette résolution finalement ne précipite la fin totale de l'accord sur le nucléaire avec l'Iran dans lequel les Européens ont joué un rôle important ? Deuxièmement : si l'Iran ne fait pas ce qu'on lui demande, c'est-à-dire ne donne pas accès aux sites nucléaires pour qu'ils soient inspectés, êtes-vous prêts, là encore, à soutenir des sanctions à l'ONU?
R - La décision qui a été prise ce matin, la résolution qui a été prise ce matin, à laquelle vous faites référence dans le cadre de l'AIEA, et le soutien qui est apporté à l'AIEA et à son directeur général par cette résolution, le conseil des gouverneurs, cette résolution, elle a été initiée à notre initiative. D'abord, elle a été adoptée très largement puisque je crois que les deux tiers des membres du Conseil l'ont soutenue et elle affirme le rôle de l'AIEA dans sa vocation de contrôle et de vérification. Et donc, elle apporte son soutien pour que l'AIEA puisse jouer son rôle et nous souhaitons que l'Iran entende ce message et accepte ce rôle de contrôle et de vérification de la communauté internationale que donne l'AIEA. C'est séparé de l'accord de Vienne. C'est un soutien qui est indépendant du processus de discussion du JCPoA qu'Heiko a évoqué. Je n'ai rien à ajouter sur ce qu'il vient de dire sur notre engagement commun pour le respect de l'accord de Vienne. Nous constatons ensemble qu'il y a progressivement des violations qui sont effectuées par l'Iran sur le JCPoA. Nous le regrettons mais nous considérons que le JCPoA reste toujours le cadre permettant d'aboutir à ce que l'Iran se consacre exclusivement au nucléaire civil et exclue toute perspective d'accession à l'arme nucléaire. C'est un enjeu considérable et il était très important que les E3 continuent à discuter ensemble sur leur appréciation de la situation et sur la manière de faire en sorte que l'Iran revienne aux fondamentaux de cet accord.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 juin 2020