Texte intégral
JULIEN SELLIER
Ce matin, nous allons donc partir à sept mille kilomètres de Paris, direction la Guyane, le département français qui préoccupe parce que la situation y semble hors de contrôle et la question se pose désormais clairement : faut-il ou non reconfiner ? Dans un instant, nous allons accueillir notre invitée, la ministre des Outre-mer Annick GIRARDIN qui est sur place mais auparavant nous allons poser le débat et décrire très précisément la situation sanitaire. (…) On l'a compris, la situation est particulièrement inquiétante. C'est pour cette raison que la ministre des Outre-mer est sur place depuis hier et elle est ce matin notre invitée. Bonjour Annick GIRARDIN.
ANNICK GIRARDIN
Bonjour.
JULIEN SELLIER
Merci d'être avec nous ce matin. Est-ce que vous pouvez répondre à la question que tout le monde se pose : allez-vous reconfiner la Guyane ?
ANNICK GIRARDIN
Ecoutez, aujourd'hui on parle effectivement, et c'est en débat, la question du reconfinement ici en Guyane. On est passé à plus de 2 590 cas. En clair, on double chaque semaine le nombre de cas. On est passé de 500 cas il y a 2 semaines à plus de 2 500 cas aujourd'hui. Et donc on a eu un débat sur ces questions, on en a installé un comité de gestion de crise élargi il y a quelques heures qui réunit les élus, les citoyens, scientifiques, associations et Grand conseil coutumier pour prendre une décision partagée.
JULIEN SELLIER
Mais cette décision, quand sera-t-elle prise ? Est-ce qu'il y a déjà cette hypothèse de reconfinement sur la table clairement aujourd'hui ?
ANNICK GIRARDIN
Oui. Il y a une hypothèse clairement aujourd'hui mais en même temps, il faut se rappeler qu'on est en Guyane, que des reconfinements ciblés sont actuellement déjà pratiqués dans certaines communes : Saint-Georges-de-l'Oyapock, Camopi et dans un quartier qu'on appelle Remire-Montjoly. Il y a aussi bien sûr ici un couvre-feu qui est instauré depuis le confinement – le déconfinement, pardon. La plupart des villes guyanaises sont sous couvre-feu de 21 heures à 5 heures du matin et c'est encore plus contraignant à Cayenne et à Kourou. Il faut savoir que la semaine, c'est un confinement généralisé également donc on a des contrôles routiers également. Vous voyez bien que la situation ici, elle est déjà sous contrôle en la matière et les restrictions sont déjà très, très fortes.
JULIEN SELLIER
Si vous allez plus loin, est-ce que ce sera annoncé dans les prochaines heures ? Puisque vous devez parler, là ce soir, à Cayenne.
ANNICK GIRARDIN
Ecoutez, demain je vais à Saint-Laurent-du-Maroni. J'ai échangé et j'ai parlé tout à l'heure à Cayenne en disant que les décisions n'étaient pas prises et je vais à Saint-Laurent-du-Maroni demain. Je rencontrerai d'autres élus et puis avec le gouvernement, avec le ministre de la Santé surtout, nous aurons effectivement à prendre une décision.
JULIEN SELLIER
Comment vous expliquez cette situation qui semble hors de contrôle ? Parce que le Brésil voisin a passé le cap des 50 000 morts, on le sait. On sait aussi que la frontière Guyane-Brésil, c'est plus de 700 kilomètres. C'est la plus grande frontière de la France avec un autre Etat, en pleine jungle donc, plus poreuse. Est-ce que c'est cette proximité aujourd'hui qui explique la hausse des cas ?
ANNICK GIRARDIN
Alors il y a eu deux vagues on va dire ici en Guyane. Il y a eu une première vague avec des arrivées d'Europe, et puis il y a eu effectivement une nouvelle vague, une vague qui effectivement provient principalement des pays limitrophes et notamment du Brésil. Vous avez parlé de la difficulté de ces énormes frontières que nous avons avec le Surinam et le et le Brésil, même si on arrête aujourd'hui ou on refoule aujourd'hui plus de 15 pirogues par jour. Et donc on a ce travail qui est fait, mais cette vague importante et la situation au Brésil a fait qu'on n'a pas résisté effectivement et que cette vague, elle vient très certainement essentiellement du Brésil même s'il y a encore eu quelques arrivées par avion.
JULIEN SELLIER
Est-ce qu'il y a eu une erreur de calendrier dans la gestion de crise ? Parce qu'on entend des critiques parfois sur le plan local d'élus locaux, pas seulement de l'opposition d'ailleurs : un sénateur LREM affirme que la Guyane a été confinée en même temps que la métropole, très tôt, trop tôt alors ça ne se justifiait pas forcément, et en revanche que la Guyane a été ensuite déconfinée il y a un mois alors que la situation était tendue. Qu'est-ce que vous lui répondez ?
ANNICK GIRARDIN
Alors d'abord, je réponds que non : le confinement en Guyane a été en même temps effectivement qu'au plan national, vous avez raison. Cette décision, elle n'était pas précoce puisqu'il y avait déjà des cas en Guyane, je vous l'ai dit, arrivés de Mulhouse. Elle a permis justement de préserver des vies. Elle a permis à ce moment-là d'arrêter effectivement la circulation du virus. Le déconfinement est arrivé et, je vous l'ai dit il y a quelques secondes, à partir du moment où on n'avait plus que dix cas et où on avait maîtrisé les choses. Cette deuxième vague aujourd'hui nous oblige à une deuxième réaction. C'est ce que nous avons fait et c'est ce que nous continuons à faire. Si je peux me permettre de faire un appel…
JULIEN SELLIER
Allez-y.
ANNICK GIRARDIN
C'est de dire qu'ici en Guyane, on a besoin d'aide. On a besoin de personnels de santé : infirmiers, réanimateurs, médecins et c'est un appel que je veux faire parce que nous avons besoin de cette ressource supplémentaire ici en Guyane. On a le nombre de lits, on a les respirateurs, on a tout le matériel, on manque de bras.
JULIEN SELLIER
Restez avec nous Annick GIRARDIN, ministre des Outre-mer. On va justement accueillir au 32 10 une auditrice qui nous appelle de Guyane. Bonjour Céline.
CELINE, AUDITRICE DE GUYANE
Bonsoir… Bonjour !
JULIEN SELLIER
Oui, bonsoir pour vous puisqu'il est tard en Guyane. Vous êtes prof d'anglais à Cayenne. Racontez-nous comment vous vivez cette période.
CELINE
A Remire-Montjoly, c'est une commune qui touche Cayenne.
JULIEN SELLIER
Limitrophe. Comment vous vivez cette période si particulière ? Racontez-nous.
CELINE
Oui, c'est un peu particulier effectivement, surtout quand on voit que la métropole a été confinée et que les cas augmentent de façon exponentielle. Les administrations sont fermées, LA POSTE vient de refermer. C'est un petit peu la psychose. Quand je vais faire les courses, quand je me promène, les gens sont assez respectueux des règles du confinement du week-end ainsi que du couvre-feu le soir. Après je pense que dans tous les quartiers, ce n'est pas respecté et c'est ça qu'il faudrait mettre en place. Plutôt qu'un confinement, à mon avis, qu'un reconfinement, c'est que les gens respectent et comprennent que c'est maintenant qu'il faut agir pour contrôler la situation.
JULIEN SELLIER
Alors vous connaissez la situation sanitaire parce que votre mari dirige un labo d'analyses. Et vous nous dites ce matin que visiblement, il y a des difficultés à avoir accès aux réactifs.
CELINE
C'est quand même la croix et la bannière pour avoir le matériel pour qu'il arrive puisqu'il vient essentiellement de la métropole pour des livraisons. Mais non, le matériel est là et ils peuvent tester sans problème.
JULIEN SELLIER
Mais ils sont débordés.
CELINE
Ils sont débordés.
JULIEN SELLIER
Annick GIRARDIN, je reviens vers vous, vous la ministre des Outre-mer. Comment faire pour subvenir aux besoins en réactifs ? Parce qu'on l'a dit, à Cayenne ça arrive mais il y a quand même quelques difficultés d'approvisionnement et effectivement à Kourou, les labos sont mécontents parce qu'ils ont du mal à obtenir des réactifs. Comment vous expliquez cette situation ? Est-ce qu'on a simplement des difficultés à les envoyer, des difficultés d'approvisionnement notamment sur le tarmac de Roissy ?
ANNICK GIRARDIN
Alors deux choses. D'abord il était dit dans l'intervention qui est faite que le reconfinement pourrait être fait de manière ciblée. Et c'est vrai que le débat qu'on a eu aujourd'hui, c'est entre reconfinement généralisé de l'île et puis reconfinement ciblé. Les choix qui ont été faits jusqu'à aujourd'hui paraissent encore durcis.
JULIEN SELLIER
Oui, parce que le virus ne circule pas partout de la même façon sur le territoire.
ANNICK GIRARDIN
Voilà, et qu'ici la Guyane c'est grand comme le Portugal et que la densité n'est pas élevée. C'est 266 000 habitants. Pour revenir effectivement à l'avitaillement, vous savez pendant longtemps on a largement protégé les territoires d'Outre-mer en limitant les arrivées sur les territoires d'Outre-mer pour les préserver et il n'y avait que très peu de vols sur la Guyane comme dans beaucoup de territoires ultramarins. Des restrictions qu'on a largement levées et qu'on lève au fur et à mesure. Aujourd'hui en Guyane, c'est quatre vols/semaine et puis un avion-cargo qui est arrivé aujourd'hui et qui a pu apporter des réponses justement en nombre de matériels ici sur la Guyane. Oui, il y a eu quelques interruptions d'avitaillement pour les labos, notamment le labo de Kourou, mais je crois que ça rentrera demain dans l'ordre puisqu'on a ce cargo qui vient. Alors oui on travaille avec les compagnies aériennes pour que soit priorisé le matériel sanitaire à destination de la Guyane.
JULIEN SELLIER
Et donc vous nous assurez que dans les prochains jours, il y aura les moyens de tester, ce qui était plus compliqué ces derniers jours. Il y aura des équipements pour les soignants qui là aussi se plaignent ici ou là de tension en gants et en équipements. Ça va se résoudre ?
ANNICK GIRARDIN
Oui, tout à fait. On n'est en pénurie encore.
JULIEN SELLIER
On parle de tension dans les hôpitaux effectivement.
ANNICK GIRARDIN
Tout à fait, voilà. Et donc cette tension, elle ne doit pas persister parce que, oui, les populations sont inquiètes. Il faut que la Guyane sente qu'il y a la solidarité nationale, qu'elle est au rendez-vous. Solidarité régionale aussi puisque les Antilles vont accueillir en évacuation sanitaire des malades de Guyane qui sont touchés par le COVID.
JULIEN SELLIER
Merci beaucoup Annick GIRARDIN, ministre des Outre-mer, d'avoir été avec nous ce matin sur RTL au moment donc où le reconfinement de la Guyane, d'une partie de la Guyane en tout cas, est sur la table puisque la situation sanitaire est très compliquée. Merci beaucoup d'avoir été notre invitée ce matin sur RTL.
ANNICK GIRARDIN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 juin 2020