Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, en réponse à une question sur la Turquie, au Sénat le 24 juin 2020.

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Circonstance : Question d'actualité au Sénat

Texte intégral

Monsieur le Président Cambon,


Vous étiez lundi soir à l'Elysée lorsque le président de la République recevait le président Saïed, et vous avez pu entendre les propos du président de la République à l'égard de la Turquie, en disant en particulier que la Turquie jouait un jeu extrêmement dangereux.

Je voudrais vous dire ici et dire au Sénat que la France estime indispensable que l'Union européenne ouvre très vite une discussion de fond, sans tabou, sans naïveté, sur les perspectives de la relation future de l'Union européenne avec Ankara, et que l'Union européenne défende fermement ses propres intérêts car elle en a les moyens.

Vous avez, à cet égard, évoqué tout à l'heure l'affaire de la frégate Courbet. Le côté absolument scandaleux réside dans le fait que la frégate Courbet participait à un exercice de l'OTAN, et que la frégate turque qui l'a interpelée, elle, couvrait une violation de l'embargo sur les armes décidé par les Nations unies. C'est un acte grave que nous avons porté au sein des instances de l'OTAN.

Mais plus largement, il faut des clarifications. Il faut des clarifications sur le rôle que la Turquie entend jouer en Libye, où j'estime que nous assistons à une "syrianisation" de la Libye puisque l'intervention militaire de la Turquie se fait par le soutien de supplétifs syriens.

Cela veut dire aussi qu'il faut s'interroger sur la manière dont on va pouvoir pousser la Turquie à aller à la négociation, dite 5+5, parce que le fait que la Turquie renforce son poids en Libye aboutit au fait que les Russes renforcent le leur, et donc une "syrianisation" croissante.

Cela veut dire aussi des explications sur la Méditerranée orientale, sur le fait qu'il faut faire respecter le droit de la mer, le droit maritime international, et donc respecter les territoires de nos propres alliés et des membres de l'Union européenne que sont Chypre et la Grèce.

Cela veut dire, aussi, la même chose sur l'immigration car, au-delà de la compréhension que l'on peut avoir à l'égard de la présence de réfugiés en Turquie, on ne peut pas accepter que les réfugiés servent de moyen de pression ou d'instrumentalisation de la Turquie à notre égard.

Donc, ce débat doit être ouvert. Merci de la question.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 juin 2020