Texte intégral
CHRISTOPHE JAKUBUSZYN
Nous avons une ministre, encore ministre, en tout cas dans son poste de secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances, Agnès PANNIER-RUNACHER, qui va nous parler, Hedwige CHEVRILLON, j'imagine, du plan vert et du plan de soutien aux artisans et aux indépendants.
HEDWIGE CHEVRILLON
Mais aussi des boîtes de nuit qui broient du noir, parce que, justement, Agnès PANNIER-RUNACHER les reçoit demain. Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Hedwige CHEVRILLON.
HEDWIGE CHEVRILLON
Merci d'être là. Beaucoup de question à voir avec vous, on va parler de l'industrie, est-ce que l'industrie est un frein à la transition écologique, on va parler de l'arrêt de Fessenheim, là on est dans la com., on sait que c'est l'un des atouts de l'industrie française quand même, une énergie peu chère. Un petit mot quand même sur le chômage partiel. Vous avez vu, il y a 850 entreprises qui se sont fait taper pour abus de l'utilisation du chômage partiel après des contrôles qui ont été lancés par l'Inspection du travail. Vous êtes surprise ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je savais, parce que nous avons eu des remontées, y compris de salariés qui étaient très gênés aux entournures de voir que leur entreprise faisait du chômage partiel alors qu'eux-mêmes travaillaient, et souvent en télétravail chez eux, et qui nous écrivaient, donc je sais qu'il y a quelques entreprises qui ont profité du chômage partiel. Il faut…
HEDWIGE CHEVRILLON
850.
AGNES PANNIER-RUNACHER
850, sur les premiers contrôles, Muriel PENICAUD…
HEDWIGE CHEVRILLON
…Contrôles, il y a 12.000 en tout, je crois.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Voilà, exactement. Muriel PENICAUD veut lancer 30.000 contrôles cet été. Je crois que c'est important, parce que les entreprises qui ont joué le jeu, les entreprises qui ont travaillé, trouveraient un peu curieux, finalement, indirectement de financer celles qui cumulent le meilleur des deux mondes, leurs salariés payés par l'Etat et quand même du chiffre d'affaires qui rentre.
HEDWIGE CHEVRILLON
Je vois que vous avez mis une chemise verte, il faut dire que tout est peint en vert en ce moment, on a vu le président de la République qui a dit qu'il reprenait l'essentiel, pour ne pas dire la quasi-totalité, des mesures de la Convention citoyenne pour le climat, en excluant donc les 110 km/h et notamment la taxe sur les dividendes. Est-ce que l'industrie – vous vous occupez beaucoup d'industrie – est-ce que l'industrie finalement n'est pas comme un frein à la transition écologique ? On dit que l'économie ne doit pas freiner la transition écologique, mais quand même, on voit qu'il y a des contradictions.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi je ne partage pas du tout ce point de vue. On a tendance à opposer, de manière très paresseuse, l'écologie et l'économie…
HEDWIGE CHEVRILLON
Je vous remercie.
AGNES PANNIER-RUNACHER
En réalité l'industrie c'est la réponse sur l'écologie. Si vous voulez des mobilités vertes, il va falloir les inventer, le train à hydrogène, l'avion décarboné, la voiture électrique, c'est l'industrie qui les ont inventés, et c'est l'industrie qui aujourd'hui travaille sur ces modèles futurs, qui nous permettrons de répondre au défi climatique. Donc l'enjeu c'est de faire pivoter notre industrie. Une industrie qui est sur la matières fossiles elle pollue, très certainement, mais une industrie qui investit dans la recherche et développement, qui invente les nouvelles solutions, que ce soit dans le tri des déchets, dans le recyclage, dans la mobilité décarbonée, c'est une industrie qui est au service de l'écologie, et c'est très exactement notre ambition et notre politique. Lorsqu'on fait le plan aéronautique avec 1,5 milliard d'euros pour à la fois préserver les compétences technologiques dans la R&D des entreprises, à un moment où leurs commandes s'écroulent, et travailler sur l'avion du futur, on fait ce virage écologique.
HEDWIGE CHEVRILLON
En même temps on voit bien l'arrêt de Fessenheim, la centrale nucléaire. L'un des derniers avantages compétitifs de l'industrie française, c'est le fait d'avoir une énergie à très bas coût, notamment par rapport aux Allemands, mais par rapport aussi à d'autres industries européennes. On arrête le nucléaire parce qu'il y a la volonté… on sait que ça passe mal dans l'opinion publique, etc., etc., est-ce que ce n'est pas contradictoire là ? On est vraiment dans la contradiction.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Pas tout à fait parce que… d'abord, la chance de la France c'est d'avoir une énergie décarbonée, donc de ce point de vue là…
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, le nucléaire, ça s'appelle le nucléaire.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Le nucléaire, et l'hydraulique, puisque ça fait à peu près 20 % de notre énergie, et l'enjeu c'est de ne pas mettre nos oeufs dans le même panier, puisque ce que nous faisons c'est que nous arrêtons certaines tranches, de nucléaire, Fessenheim c'est la plus vieille centrale nucléaire de France, en revanche on développe des énergies renouvelables, et pivoter sur les énergies renouvelables c'est aussi un enjeu économique, lorsqu'on fait de l'éolien, lorsqu'on fait du photovoltaïque, on doit avoir toutes les filières derrière…
HEDWIGE CHEVRILLON
Oui, mais ça coûte beaucoup plus cher.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça coûte plus cher parce que c'est nouveau, ça coûte plus cher parce qu'on n'a pas mis au point les technologies complètement, ça coûte plus cher parce qu'on n'a pas le volume qui permet d'amortir ces technologies. Lorsqu'elles seront éprouvées et bien installées, je peux vous assurer qu'on trouvera le modèle économique, mais il faut mettre l'argent dessus, c'est un peu une question de poule et d'oeuf. Si on n'investit pas aujourd'hui, on ne trouvera pas le modèle économique qui permettra d'avoir des énergies renouvelables soutenables et à bon prix.
HEDWIGE CHEVRILLON
Est-ce que ce qui se passe en ce moment, Agnès PANNIER-RUNACHER, enterre les projets de nouveaux EPR ? On sait que c'est ça que souhaite le président d'EDF, Jean-Bernard LEVY, mais les arbitrages ne sont pas définitivement tranchés.
AGNES PANNIER-RUNACHER
En fait, le nucléaire on ne l'exclut pas de notre mix énergétique, loin de là, ce qu'on essaye de faire c'est de pondérer la part des énergies renouvelables et la part du nucléaire, en termes technologique…
HEDWIGE CHEVRILLON
Donc… la construction d'EPR ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
En termes technologique, ce qu'on regarde, ce n'est pas nécessairement des EPR, c'est des centrales qui peuvent être de taille plus modeste, qui répondent à nos besoins d'avoir une base installée, puisque la difficulté avec les énergies renouvelables c'est que c'est plus volatile en termes de production, et d'avoir des technologies, aussi, qui sont plus efficientes. L'EPR, aujourd'hui, a un bilan contrasté pour le moins, en termes économique.
HEDWIGE CHEVRILLON
Et donc ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et donc regardons les nouvelles technologies, et c'est un des sujets sur lequel le président de la République souhaite avoir des réponses dans l'année qui vient.
HEDWIGE CHEVRILLON
Encore deux petites questions industrielles et après on passera au plan que vous avez présenté hier. Impôts de production, enfin les arbitrages, bientôt ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
En tout cas, avec Bruno LE MAIRE…
HEDWIGE CHEVRILLON
Je sais que vous y travaillez, mais ça fait longtemps que vous travaillez.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous, nous portons une réduction des impôts de production, l'enjeu c'est à la fois de rendre plus compétitive notre industrie, vous savez que les impôts de production c'est sur l'ensemble de l'économie, mais ils pèsent particulièrement sur le monde industriel, donc comment on rééquilibre ça. Et puis il y a l'impôt, qui est la C3S, qui est un impôt, donc qualifié par le Conseil d'analyse économique, d'impôt stupide, extraordinairement stupide, parce qu'il se diffuse dans l'ensemble de l'économie…
HEDWIGE CHEVRILLON
Donc ça serait celui-là.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça pourrait être celui-là. Il faut regarder aussi qui sont les redevables et est-ce que nous avons d'autres leviers, par exemple le plafonnement du CET, là je rentre un peu dans la technique mais, qui peut particulièrement être orienté en direction de l'Industrie. Et puis dernier point, donner de la flexibilité aux collectivités locales pour qu'elles puissent elles-mêmes, parce que ce sont les principales bénéficiaires de ces impôts de production, elles-mêmes moduler leur impôt, en particulier pour l'installation de nouveaux sites, et donner des exonérations gagnant-gagnant avec des entreprises, au lieu de baisser leur base fiscale, elles donnent une exonération sur un site futur, et lorsque celui-ci fonctionne bien, elles bénéficient de l'impôt à ce moment-là.
HEDWIGE CHEVRILLON
D'accord, on commence à voir comment ça va se dessiner. AIRBUS, ça va être un plan massif, très massif, gigantesque, vous le savez ? Vous devez en connaître quand même un peu les grandes lignes.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ecoutez, je crois que c'est Guillaume FAURY qui doit faire ces annonces. Ce qui est très clair c'est que, nous, sur l'aéronautique, nous avons pris nos responsabilités, nous avons pris un plan aéronautique qui permet, avec l'accompagnement de chômage de longue durée, partiel, avec un financement de la R&D, je l'ai dit à l'instant, absolument énorme puisque nous multiplions par quatre ce financement de la R&D, ça permet de sauver des emplois, donc moi ce que je demande à Guillaume FAURY c'est d'utiliser tous les leviers de ce plan pour éviter, limiter au maximum, les suppressions d'emplois. Après, l'aéronautique c'est 40 % de commandes en moins aujourd'hui, c'est un fait, ils ne vont pas fabriquer des avions pour les stocker dans un hangar, donc je comprends qu'il y ait un ajustement nécessaire, mais avec un dialogue social le plus responsable possible, et cet objectif de réduire au maximum l'impact, parce que nous, nous avons mis de l'argent dans cette affaire.
HEDWIGE CHEVRILLON
Chacun doit prendre ses responsabilités, vous l'avez prise, vous demandez à Guillaume FAURY de la prendre. Alors, en fait le premier plan social de France ça risque d'être celui des artisans, des indépendants et des commerçants. Vous avez présenté hier un plan de 900 millions pour soutenir très concrètement, avec des exonérations des charges patronales, un crédit trésorerie, vous redoutez c'est un jeu de massacre dans ce secteur-là ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Aujourd'hui, ce que nous disent les petits commerçants et les artisans, souvent des enquêtes qui nous remontent par région, c'est 15 à 30 % d'entre eux ne savent pas s'ils vont terminer l'année, c'est monstrueux, c'est monstrueux, et, quand ils déposeront le bilan, personne n'en entendra parler, ce n'est pas le plan social d'AIRBUS qui fera la Une des journaux peut-être demain. Et l'enjeu qu'a le président de la République sur ce sujet-là, et sur lequel il nous a demandé d'agir, c'est effectivement de mettre en place un plan qui permet de limiter la casse dans ces secteurs. Comment on limite la casse ? En donnant de la trésorerie, on limite la casse aussi en accompagnant, en particulier ceux de ces artisans et commerçants sur les territoires, parce que ce n'est pas la même chose d'être commerçant à Paris que d'être commerçant dans un bourg-centre, avec des centres commerciaux pas très loin, en périphérie, et de voir la rue commerçante se vider progressivement. Donc là on va mettre des foncières pour permettre de redensifier, de redonner de l'attractivité à ces rues commerciales de petits bourgs. Et puis la troisième chose c'est la transformation numérique. On parle beaucoup de e-commerce, on veut parfois empêcher AMAZON de travailler, malheureusement AMAZON c'est l'enseigne préférée des Français, donc c'est le consommateur qui choisit, plutôt que d'empêcher AMAZON de faire du numérique, il faut pousser les commerçants à faire du chiffre d'affaires, grâce aux outils numériques, parce qu'ils peuvent conjuguer les deux, conjuguer la qualité du lien, la qualité de la présence physique et du conseil, et utiliser des outils numériques pour attirer la clientèle. Les rendez-vous en ligne, pour les coiffeurs, que vous prenez à 23h00 dans votre lit, qui vous permet de conforter de prendre ce rendez-vous, c'est de la clientèle en plus pour les coiffeurs. Un petit site, une market-place pour une ville moyenne…
HEDWIGE CHEVRILLON
Il faut s'adapter à l'époque.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Voilà, exactement, et il faut le faire le plus simplement possible. Les commerçants, les artisans, le numérique, pour 80 % d'entre eux, c'est quand même un peu lointain, or il y a plein de petites choses qu'on peut faire qui peuvent leur permettre de gagner 10, 20, 30% de chiffre d'affaires, et donc nous allons les accompagner, les accompagner en faisant une évaluation de leur maturité numérique, ensuite un diagnostic numérique, un accompagnement, et du financement pour passer à l'acte et investir dans le site qui va bien ou dans, je dirais le suivi des réseaux sociaux, ou dans une caisse qui est complètement reliée à la vente en ligne et aux stocks.
HEDWIGE CHEVRILLON
Agnès PANNIER-RUNACHER, décidément vous êtes sur tous les fronts industriels, AIRBUS, les artisans, et aussi les boîtes de nuit, il y a un immense problème, parce qu'elles n'ont pas le droit de rouvrir. Demain soir à 18h00 il y a tous les célèbres DJ français, et Dieu sait qu'on est connu dans cette matière, qui vont jouer pour défendre les boîtes de nuit, et demain, vous, vous rencontrez l'ensemble de la profession pour essayer de leur dire que vous allez rouvrir, avec quelques conditions. C'est une bonne nouvelle que vous leur apportez demain et que vous nous dites aujourd'hui ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je réunis les boîtes de nuit avec Jean-Baptiste… enfin le monde de la nuit d'ailleurs, de manière plus large, avec Jean-Baptiste LEMOYNE, qui a monté, dans le cadre du plan tourisme, un comité spécial pour la nuit. La nuit c'est, ne serait-ce que les discothèques, plus d'1 milliard d'euros de chiffre d'affaires, donc ce n'est pas seulement un sujet de loisir, c'est un vrai sujet économique, c'est des emplois derrière, et particulièrement pendant l'été. Notre enjeu c'est d'abord de leur dire qu'ils vont pouvoir rouvrir, sous forme de bar dans un premier temps, parce qu'ils peuvent basculer dans cette activité-là, bar musical s'ils le souhaitent, ça, ça sera à eux d'adapter, c'est le premier point. Ils bénéficient du plan tourisme, donc ils ont l'accompagnement maximal, que nous avons mis en place, qui va se dérouler jusqu'à la fin de l'année, et puis, surtout, travailler sur les conditions d'une réouverture de ces discothèques notamment, avec des conditions sanitaires, on a vu que l'Italie a réussi à le faire, que l'Allemagne a réussi à le faire, donc il faut qu'on y travaille et qu'on trouve des solutions, à ce secteur d'activité, qui est aussi important que les autres.
HEDWIGE CHEVRILLON
Voilà, et qui en plus… visiblement bonne nouvelle, plutôt bonne nouvelle pour demain. Merci beaucoup - c'est important pour notre moral aussi - merci beaucoup d'avoir été avec nous, Agnès PANNIER-RUNACHER, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie, jusqu'à présent, comme vous l'avez dit Christophe, parce que le remaniement c'est peut-être, a priori, en fin de semaine.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 1er juillet 2020