Texte intégral
Madame la Députée,
Vous le savez, le président de la République l'a encore récemment souligné lors de la visite du président tunisien à Paris, la Turquie joue un jeu dangereux.
Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, évoque aussi régulièrement ce sujet dans ses échanges avec les différentes commissions parlementaires, et je le redis ici solennellement, le Gouvernement estime indispensable que l'Union européenne défende sans tabou, sans naïveté, ses propres intérêts car nous en avons les moyens.
Et à cet égard, vous évoquez l'affaire de l'une de nos frégates, la frégate Courbet, qui, alors qu'elle agissait pour le compte de l'OTAN, a fait l'objet d'un acte extrêmement agressif de la part d'une frégate turque qui couvrait une violation de l'embargo sur les armes décidé par le Conseil de sécurité des Nations unies.
Ces agissements sont indignes d'un pays allié, ils sont inacceptables, et le président de la République l'a encore redit hier, aux côtés d'Angela Merkel, lors de sa visite à Meseberg. Ils viennent, ces agissements, renforcer notre besoin de clarification des positions d'Ankara sur plusieurs sujets essentiels : sa relation avec ses alliés dans l'OTAN, sa relation avec l'Union européenne ou encore son action dans les crises régionales.
Effectivement, vous l'avez souligné, il y a eu une réunion ministérielle la semaine dernière de l'OTAN, Florence Parly et Jean-Yves Le Drian ont rappelé à quel point ces agissements généraient une crise de solidarité au sein de l'Alliance. Nous avons reçu le soutien de très nombreux partenaires et le secrétaire général de l'OTAN a donc décidé l'ouverture d'une enquête.
Cela montre également que l'engagement militaire de la Turquie en Libye alimente le conflit et le risque d'escalade, et les interférences turques contreviennent aux engagements pris en Janvier, dans le cadre du processus dit de Berlin, en faveur d'une solution politique qui est la seule solution en Libye.
Cela justifie d'autant plus la mobilisation de l'Union pour contribuer à la désescalade et cela plaide également pour la bonne opération, la bonne entrée en vigueur de cette opération européenne, dite IRINI, que nous avons lancée en avril, pour faire respecter l'embargo à travers des moyens navals, aériens et satellitaires. Nous voulons que cette opération poursuive et renforce son action.
Et, vous l'avez aussi souligné, nous sommes très inquiets de voir des initiatives unilatérales d'Ankara en Méditerranée orientale, en particulier de récentes annonces concernant des forages au large de la Crète, qui viennent renforcer le constat que la Turquie ne souhaite pas s'engager dans le dialogue pourtant nécessaire, plus que jamais aux relations de bon voisinage.
Cela rend donc pour nous essentiel, le maintien d'une position européenne très ferme sur le respect par la Turquie du droit international et notamment du droit de la mer, et une discussion approfondie avec nos partenaires européens sur les perspectives de la relation entre l'Union européenne et Ankara. Nous pensons que la baisse des tensions dans cette zone qui est très fragile est un impératif absolu.
La France continue donc de suivre très attentivement également la situation des libertés et des droits fondamentaux en Turquie, ainsi que les pressions sur la société civile. Et nous restons à cet égard particulièrement préoccupés par le maintien en détention de prisonniers politiques, malgré une loi d'amnistie récemment adoptée par les autorités turques.
Vous pouvez le croire, Madame la Députée, quelles que soient les difficultés, dans un contexte international que nous savons extrêmement marqué par de fortes tensions et une remise en question du multilatéralisme, le Gouvernement français et tous ses ministres, avec le président de la République, entend maintenir avec la Turquie un dialogue lucide et exigeant sur tous ces sujets.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er juillet 2020