Texte intégral
CECILE DE MENIBUS
Ce matin nous recevons pour le petit-déjeuner politique Agnès PANNIER-RUNACHER qui est Secrétaire d'Etat auprès du Ministre de l'Economie.
PATRICK ROGER
Oui. Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour.
PATRICK ROGER
A priori dernier conseil des ministres ce matin du gouvernement sous sa forme actuelle. Est-ce que vous avez reçu, vous, des signes pour bouger, rester ou partir ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, aucun signe à ce stade et c'est bien normal. La feuille de match est définie au tout dernier moment et il faut que le coach se donne le maximum de liberté.
PATRICK ROGER
Oui, c'est vrai. Et le coach donc c'est Emmanuel MACRON en l'occurrence.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.
PATRICK ROGER
Oui. Edouard PHILIPPE, lui, il doit rester ou pas ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois que ce n'est pas ma réponse qui intéresse les Français. C'est la réponse du président de la République. Nous ce qu'on cherche à faire, c'est préparer ce virage de la dernière partie du quinquennat. Dans cette dernière partie du quinquennat, on doit réparer le pays. On est face à des défis considérables et cette équipe qui va être au travail à partir…
PATRICK ROGER
Il dit quand même le chef de l'Etat dans l'interview ce matin : un nouveau chemin, il faut dessiner un nouveau chemin.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait parce qu'on a fait beaucoup de réformes. Certaines réformes ont été faites vite parce qu'on sentait cette urgence.
PATRICK ROGER
Tout n'est pas passé.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout n'est pas arrivé à son terme. Certaines réformes ont pu être vécues comme étant faites contre les Français, le président de la République le dit très bien, et aujourd'hui il faut qu'on se pose. On a trois, quatre enjeux : la santé, la dépendance, les jeunes et il faut qu'on mène ces combats jusqu'au bout et il faut, évidemment, travailler à la relance économique de notre pays. C'est absolument indispensable si on NE veut pas avoir une crise sociale majeure.
PATRICK ROGER
Oui, parce qu'il y a des plans sociaux dit encore Emmanuel MACRON et il y en aura bien sûr. Alors justement AIRBUS, c'est 5 000 suppressions d'emplois dont 3 500 à Toulouse. Etant donné les aides de l'Etat, qu'est-ce que vous demandez au patron d'AIRBUS.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce que je demande au patron d'AIRBUS, c'est de prendre ses responsabilités parce que l'Etat a pris les siennes. L'Etat a déployé un plan pour l'aéronautique qui n'a pas d'égal. Alors ce plan n'est pas juste pour AIRBUS. Il est pour l'ensemble de la filière, il est pour les donneurs d'ordres, il est pour la sous-traitance également. Mais ce plan, il doit permettre de maintenir chez AIRBUS des compétences technologiques puisque nous avons spécifiquement quadruplé les aides au financement de l'innovation et de la R&D. Donc ça doit permettre aux ingénieurs d'AIRBUS de continuer à travailler sur des programmes, et nous avons mis en place un système de chômage partiel de longue durée qui doit permettre de préserver les compétences. Pourquoi ? Parce que quelqu'un que vous formez chez AIRBUS, vous mettez dix ans à le former, vous mettez un jour à le licencier.
PATRICK ROGER
Mais lui, il voudrait que ça aille encore plus loin sur le chômage partiel. On a du mal à comprendre.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non. Je crois qu'il adresse son propos en direction de l'Allemagne qui n'a pas de dispositif de chômage partiel aussi protecteur que le nôtre. Donc j'en déduis que le chômage partiel et le dispositif que nous avons mis en place, qui est effectivement inédit, sans égal, fonctionne bien et est reconnu par les chefs d'entreprise.
PATRICK ROGER
Mais le plan tel qu'il est présenté là, il est inacceptable ou pas pour vous ? Pour le gouvernement ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Le plan, il doit être amélioré par le dialogue social et l'objectif est de viser aucun départ contraint. C'est ça notre objectif. Maintenant le président de la République et Bruno LE MAIRE l'ont très bien dit : on est dans un secteur qui a perdu 40 % de commandes. 40 % de commandes. Qui aujourd'hui fonctionne totalement au ralenti. L'objectif ou en tout cas l'annonce d'AIRBUS, c'est une diminution de ses salariés de 10 %. Donc l'enjeu, c'est de regarder la vérité telle qu'elle est. Ce n'est pas AIRBUS qui a décidé de ne plus fabriquer, c'est tout le secteur qui est aujourd'hui à l'arrêt, de l'aviation commerciale jusqu'à l'aéronautique, et nous devons accompagner cette transformation. Et notre enjeu, c'est de faire en sorte que l'aéronautique redémarre dans deux ans dans les meilleures conditions possibles et sans perdre notre position de leader, que nous avons réussi à construire…
PATRICK ROGER
Parce qu'elle pourrait aller du côté de la Chine notamment.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Parce qu'elle pourrait aller du côté de la Chine et des Etats-Unis. La compétition est aujourd'hui infernale. Les Etats-Unis investissent massivement, la Chine investit massivement, nous investissons massivement pour faire en sorte que notre aéronautique soit encore parmi les meilleures dans trois, quatre, cinq ans.
PATRICK ROGER
Oui. Chez AIR FRANCE, c'est aujourd'hui aussi que va avoir lieu de la présentation officielle du plan de restructuration qui prévoit la suppression de 7 500 postes d'ici 2022. Il y a un plan d'aide à hauteur de 7 milliards ; c'est ça, j'ai cru comprendre. Quelle est la contrepartie de ces aides ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
La contrepartie de ces aides, c'est à la fois effectivement un dialogue social qui soit responsable et exemplaire. La deuxième contrepartie, c'est la transition écologique et énergétique. AIR FRANCE a une trajectoire de réduction de ses émissions carbone. Mais ces aides, elles sont aussi justifiées parce qu'AIR FRANCE est au bord du gouffre. Et comme toutes les grandes compagnies aériennes aujourd'hui, beaucoup ont déposé le bilan au plan mondial. Certaines sont accompagnées par leur gouvernement : KLM, LUFTHANSA et aux Etats-Unis, et l'enjeu c'est de sauver ces compagnies aériennes tout en ne perdant pas de vue le fait que nous devons réduire l'empreinte carbone de l'ensemble de la chaîne aéronautique. Nous le faisons sur l'aviation commerciale avec la suppression des vols qui peuvent être couverts de la manière la plus facile par le train, et nous le faisons dans l'aéronautique en finançant massivement l'avion décarboné du futur.
PATRICK ROGER
Oui. Il y a des marges de manoeuvre possibles, que ce soit chez AIR FRANCE comme chez AIRBUS ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Quand vous commencez une discussion sur un plan social, l'objectif c'est l'améliorer et c'est là où nous serons évidemment…
PATRICK ROGER
Pas de licenciement sec, c'est ça en quelque sorte.
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est là où nous serons aux côtés des organisations syndicales.
PATRICK ROGER
C'est là, la marge de manoeuvre quoi. Elle est là, non, sans doute ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Un plan social réussi, c'est effectivement un plan social où il n'y a pas de départs contraints.
PATRICK ROGER
Oui, voilà. Il y a un autre secteur alors qui cette fois n'est pas symbolisé par une entreprise mais par beaucoup, c'est l'ensemble du secteur de l'artisanat qui risque de souffrir également.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Artisanat et petit commerce.
PATRICK ROGER
Et petit commerce, oui, bien sûr.
AGNES PANNIER-RUNACHER
J'insiste sur ça. Ce que nous disent ces très petites entreprises, c'est que suivant les régions, entre 15 et 3 0% d'entre elles nous disent : je ne suis pas sûr de terminer l'année parce que j'ai arrêté de travailler. Alors ce n'est pas les commerces alimentaires parce qu'évidemment, eux ont continué à travailler, mais les autres commerces et artisans nous disent : je ne suis pas sûr de terminer l'année. Je n'avais pas beaucoup de trésorerie avant d'entrer dans la crise. Je dois payer des loyers. Je n'ai pas forcément trouvé d'accord avec mon bailleur. Je dois faire face à mes charges sociales. Et donc nous devons les accompagner et c'est ce que nous faisons.
PATRICK ROGER
Et comment alors justement ? Parce que sur les charges sociales, souvent ce sont des reports mais pas des exonérations complètes.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors c'est ce que nous avons fait. C'est-à-dire nous avons décidé pour les très petites entreprises de moins d'un million d'euros de chiffre d'affaires et moins de dix employés de faire des exonérations des charges sociales.
PATRICK ROGER
Complètes.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement. Du mois de mars, avril, mai et pour la partie tourisme, café-restauration, c'est-à-dire ceux qui ont été encore plus longtemps fermés, on rajoute le mois de juin et on maintient le fonds de solidarité. On va poursuivre le fonds de solidarité au mois de juin pour toutes ces très petites entreprises et on ira plus loin sur le tourisme, café-restauration. Pourquoi ? Parce que ces entreprises, elles n'ont pas de chiffre d'affaires. Elles ont des charges en face et il faut qu'elles traversent cette crise. Les voir déposer le bilan nous coûtera plus cher in fine et coûtera très cher au lien social et à la vie dans les territoires.
PATRICK ROGER
Oui. Ce qu'il dit, c'est qu'il faut les accompagner au long cours parce que, évidemment, il y a eu ces trois mois difficiles mais ils ne sont pas certains et il n'y a pas de garantie que tout reprenne normalement dans les mois qui viennent.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Aujourd'hui, elles travaillent. Moi ce qui, je dirais, me préoccupe le plus, c'est celles qui ne peuvent toujours pas travailler. J'avais hier une conférence téléphonique avec les grandes entreprises de l'évènementiel qui ne peuvent pas rouvrir. Nous avons réuni mercredi les entreprises du monde de la nuit. On sourit tous sur la discothèque…
PATRICK ROGER
Alors le monde de la nuit, non, non, non, mais c'est quand même…
AGNES PANNIER-RUNACHER
En fait, c'est un vrai secteur d'activité.
PATRICK ROGER
Evidemment.
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est plus d'un milliard d'euros.
PATRICK ROGER
Oui, c'est 100 000 emplois globalement. Alors qu'est-ce que vous… Eux ils disent : on va mourir quoi. Ils ont lancé cet appel de détresse. Si on ne peut pas rouvrir, on va mourir.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce qu'ils nous demandent, c'est effectivement de pouvoir rouvrir, donc on doit les accompagner. En tout cas moi c'est ma conviction.
PATRICK ROGER
Oui, mais pour l'instant il n'y a pas eu de feu vert. Il n'y a pas de feu vert, si ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
On y travaille. Non, il n'y a pas de feu vert. Il n'y a pas de feu vert aujourd'hui, elles ne peuvent pas rouvrir avant le 1er septembre. Or c'est l'été qui est le plus haut de la saison. Evidemment il y a des raisons sanitaires derrière ça. Il y a de la crainte d'avoir des regroupements de personnes qui viennent là sur…
PATRICK ROGER
Mais ça va se faire de façon sauvage.
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est pour ça que je pense, mais ça c'est un avis personnel, qu'il faut vraiment se saisir de ce dossier et qu'il faut définir les conditions d'une réouverture.
PATRICK ROGER
Avant septembre donc, dans les jours qui viennent.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous travaillons sur des conditions de réouverture sous forme de bars, puisqu'aujourd'hui les bars sont autorisés et que vous avez des installations dans les discothèques : l'air est renouvelé très régulièrement, vous avez une sécurité puisque vous avez des agents de sécurité, ils ont une licence 4 donc tout est retenu pour faire des bars lounge où on a des groupes qui se regroupent et pour leur permettre de faire du chiffre d'affaires.
PATRICK ROGER
Et qu'est-ce qu'ils vous répondent, les discothèques ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ils nous répondent : permettez-nous de recommencer à rouvrir et si c'est en mode dégradé, c'est OK pour nous.
PATRICK ROGER
Donc il y a une possibilité.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Il y a un chemin mais il faut s'en saisir et, effectivement, ne pas avoir peur de se saisir du sujet.
PATRICK ROGER
On pourra aller danser sur les Clash et d'autres groupes notamment peut-être. Question avec Cécile de MENIBUS.
CECILE DE MENIBUS
Oui. Plusieurs maires écologistes s'opposent à l'installation d'antennes de 5G dans leur commune pour des raisons de santé publique. Est-ce qu'on peut dire aujourd'hui que la 5G est totalement inoffensive pour la santé ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous n'avez pas une technologie, un médicament, l'air que vous respirez dont vous pouvez dire à 100 % que c'est inoffensif sur la santé. En revanche ce qu'on peut dire, c'est deux choses. La première chose, c'est que dans la feuille de route de déploiement de la 5G, le sujet de la santé a été pris en compte dès le début et que nous avons saisi l'ensemble des autorités sanitaires. L'ANSES d'un côté, la NFR. La NFR, c'est l'autorité qui mesure les émissions, enfin les ondes en fait, de façon à s'assurer qu'il n'y avait pas de dégradation par rapport à la 4G. Je rappelle que personne n'interroge le déploiement de la 4G. Le déploiement de la 4G vous met dans un bain d'ondes permanent, la 5G est une technologie qui a cette spécificité de n'émettre que lorsque vous l'activez, donc elle n'émet pas en permanence. C'est d'ailleurs pour ça qu'elle est aussi moins énergivore notamment. Il y a d'autres raisons parce que c'est un progrès technologique. Elle est moins énergivore que la 4G. La deuxième chose, c'est que nous sommes le dernier pays à déployer. Je ne crois pas que les autorités sanitaires suédoises, allemandes, finlandaises pour prendre des pays qui ont des modèles sur ces thématiques-là, que ce soit l'environnement ou la santé, aient été totalement irresponsable en déployant. La troisième chose, c'est qu'évidemment ce déploiement ne va pas se faire du jour au lendemain. Là on parle d'attribuer des fréquences. Le déploiement va démarrer doucement en fin d'année et donc il y a la place à la concertation, à l'explication. Et nous, on a lancé… Enfin moi j'ai lancé avec Elisabeth BORNE, Olivier VERAN et Bruno LE MAIRE une étude en mobilisant les différentes inspections pour regarder dans le monde entier les meilleures pratiques de mesures d'accompagnement et de limitation des ondes. Mais il faut savoir qu'en France, vous avez une limite, limitation des ondes qui doit être respectée quelle que soit la technologie.
PATRICK ROGER
Merci Agnès PANNIER-RUNACHER, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie. Donc on va suivre ce dossier notamment sur les professionnels de la nuit parce que c'est particulièrement important.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 juillet 2020