Texte intégral
ALBA VENTURA
Bonjour Gérald DARMANIN.
GERALD DARMANIN
Bonjour !
ALBA VENTURA
Vous serez tout à l'heure dans la matinée à Mérignac près de Bordeaux pour rendre les honneurs militaires à Mélanie LEMEE, cette jeune gendarme fauchée et tuée par un dealer samedi dernier dans le Lot-et-Garonne. Vous vous étiez d'ailleurs rendu sur place dès votre nomination au poste de ministre de l'Intérieur. Vous avez dit : « je suis venu rassurer les gendarmes et leur dire que nous pensons à eux. » Mais les rassurer sur quoi, Monsieur le ministre ?
GERALD DARMANIN
Les gendarmes, les policiers, les sapeurs-pompiers, ils nous protègent et il me semble que le ministre de l'Intérieur doit protéger ceux qui nous protègent. Et quand on fait un métier aussi difficile, aussi compliqué désormais parfois avec une partie de la population, vous savez, les gendarmes, ils connaissent un refus d'obtempérer toutes les heures dans notre pays, lorsqu'il y a autant d'attaques de l'uniforme, de l'autorité et finalement de la République, il est du rôle du ministre de l'Intérieur de protéger ceux qui nous protègent.
ALBA VENTURA
Il n'y a pas que des attaques contre l'autorité, je pense notamment à ce père de famille, Philippe MONGILLOT, chauffeur de bus tabassé à mort à Bayonne, qu'est-ce que vous allez faire de plus face à cette société qui nous impose toujours plus de violence ? Parce que on les a entendus, tous vos prédécesseurs, pardon, sur un ton martial vouloir rétablir l'ordre républicain et puis on va d'incivilités en actes gratuits de violence et ça n'arrête pas et ça augmente !
GERALD DARMANIN
Ce chauffeur de bus qui a connu cette affreuse attaque, il représentait aussi l'autorité, il est allé voir ces personnes et leur a dit de porter un masque et c'est pour cela que le drame arrive et on ne peut que s'incliner devant le drame de cette famille avec cet homme qui a juste fait son travail. Vous savez moi, je suis élu local dans une ville que certains qualifient de difficile mais je constate que ce n'est pas par des grands discours qu'on arrive à rétablir la paix sociale, à rétablir la sécurité, c'est quotidiennement en étant aux côtés des forces de l'ordre, en faisant un travail social d'une part …
ALBA VENTURA
Mais ils attendent des choses concrètes, j'imagine !
GERALD DARMANIN
Oui et ils ont bien raison.
ALBA VENTURA
Qu'est-ce que vous allez leur proposer ? Vous les avez vus hier.
GERALD DARMANIN
Vous savez, le ministre de l'Intérieur, c'est le premier ministère social de France, c'est le ministère de la protection. On protège les plus faibles. En République lorsque on a de l'argent, on peut s'en aller dans un coin un peu tranquille, on peut protéger sa famille, on se paye parfois sa propre sécurité. On a besoin de la police, de la gendarmerie que lorsqu'on est pauvre, que lorsqu'on est une classe moyenne et populaire lorsqu'on est une femme seule qui va dans la rue et qui rentre tard le soir de travailler en prenant le métro, lorsqu'on est une personne âgée qui a besoin d'aller faire ses courses et qui a peur qu'on lui vole son portefeuille ou qu'on l'agresse, lorsqu'on est des enfants qui allons à l'école, lorsqu'on est des gens qui habitent dans un immeuble et qui n'arrivent pas à dormir parce que les larcins sont quotidiens. Et donc moi, ce que je veux avant tout dire aux forces de police, de gendarmerie c'est qu'ils sont là pour protéger les plus faibles d'entre nous et à ce titre, ils sont les premiers remparts contre les attaques à la République !
ALBA VENTURA
Mais ça, ça leur fait une belle jambe, Gérald DARMANIN !
GERALD DARMANIN
Non, ça ne leur fait pas une belle jambe ! Parce que c'est la vocation qu'ils ont.
ALBA VENTURA
D'autant qu'ils se sont sentis lâchés par votre prédécesseur et qu'ils sont plutôt en colère aujourd'hui, ils ont manifesté, ils ont jeté des menottes sur le bitume !
GERALD DARMANIN
D'abord, ça ne leur fait pas une belle jambe, me semble-t-il, parce que la reconnaissance, c'est important !
ALBA VENTURA
Ça fait des années qu'on leur dit la même chose !
GERALD DARMANIN
La reconnaissance, c'est important et il me semble que la vocation lorsqu'on souhaite être policier, jeune, lorsqu'on souhaite être gendarme jeune, c'est qu'on a envie de protéger les autres. Mon prédécesseur Christophe CASTANER, moi, je veux lui rendre hommage. Il a été le ministre de l'Intérieur des périodes de crise de ce quinquennat : l'incendie de Notre-Dame, les crises sociales qui sont nées des Gilets jaunes, l'attentat terroriste à la préfecture de police de Paris qui nous a tous énormément choqués, la crise du coronavirus. Il a géré ministère de l'Intérieur…
ALBA VENTURA
Ça, ce sont des mots républicains, Gérald DARMANIN !
GERALD DARMANIN
Ce ne sont pas des mots républicains, non je ne partage pas votre opinion parce que lorsqu'on est à la tête du ministère de l'Intérieur, tous les jours, toutes les heures lorsque on ne dort pas ou lorsqu'on est réveillé, on pense qu'il y a quelqu'un sur le terrain qui peut mourir. Et être ministre de l'intérieur, ce n'est pas être patron de n'importe quel ministère !
ALBA VENTURA
Pourquoi vous avez tant voulu ce poste ?
GERALD DARMANIN
Moi, je suis à disposition du président de la République mais il me semble qu'effectivement …
ALBA VENTURA
Il paraît que vous avez dit « c'est Beauvau ou je rentre à Tourcoing » …
GERALD DARMANIN
Non mais bien sûr que non ! D'abord, rentrer à Tourcoing n'est pas une sanction. C'est même un déchirement que de quitter sa ville et ses amis et sa famille et sa population qui vous fait confiance et j'avais 35 ans lorsque le président de la République et Edouard PHILIPPE m'ont proposé d'être ministre des Comptes publics qui est un des plus beaux ministères de ce pays et le président de la République et le Premier ministre m'ont proposé effectivement à la tête du ministère de l'Intérieur d'incarner, me semble-t-il, cette protection et surtout, je voudrais vous dire une nouvelle fois cet avantage qu'offre la République de protéger les plus faibles.
ALBA VENTURA
Quel style de ministre de l'Intérieur serez-vous ? Est-ce que c'est celui qui tolère les manifs malgré l'état d'urgence sanitaire pour cause d'émotion comme Christophe CASTANER ou bien celui qui voulait tout « nettoyer au Karcher « comme Nicolas SARKOZY ?
GERALD DARMANIN
Je ne pense pas qu'il faille se comparer à chaque fois à quelqu'un. On peut s'inspirer des personnes qui nous ont précédés, j'espère que je serai un ministre de l'Intérieur qui, à la fin de l'exercice de sa nomination, les policiers pourront me dire « voilà monsieur le Ministre nous avions peur de mettre notre profession lorsqu'on remplissait le bulletin de correspondance de nos enfants à l'école par peur de représailles, parce qu'on avait honte », j'espère que dans quelques mois, dans quelques années peut-être, ils diront « vous nous avez redonné la fierté d'être policiers. »
ALBA VENTURA
Gérald DARMANIN, est-ce que vous avez eu l'occasion de vous entretenir avec le ministre de la Justice, Eric DUPOND-MORETTI ?
GERALD DARMANIN
Tout à fait !
ALBA VENTURA
Oui et donc avoir un avocat aussi tonique à ce poste vous pensez que ça ne risque pas de faire des étincelles ?
GERALD DARMANIN
Bon d'abord Éric DUPOND-MORETTI est de la même région que moi !
ALBA VENTURA
Oui mais ça ne veut rien dire !
GERALD DARMANIN
Ah, nous avons une culture, semble-t-il, commune. Par ailleurs, c'est un incroyable avocat. Moi, je trouve que c'est une chance pour la République et pour le gouvernement de la République qu'Éric DUPOND-MORETTI ait quitté non pas, je veux dire le quotidien mais vienne dans l'arène politique, il faut avoir du courage pour faire ce qu'il fait, quitter une profession libérale dans laquelle il excellait pour venir dans le débat public qui est rempli bien sûr d'honneurs et de beaucoup d'attaques et de beaucoup de difficultés.
ALBA VENTURA
Mais vous voyez bien ce que je veux dire, lui il se place sur les droits de la défense et l'on sait que les policiers et les gendarmes le vivent parfois comme des entraves à l'enquête !
GERALD DARMANIN
Mais c'est très important les droits de la défense et je rappelle que 95% de nos concitoyens sont des victimes ou des potentielles victimes. Et les policiers, les gendarmes, c'est souvent la première personne que l'on rencontre lorsqu'on est victime et donc évidemment qu'avec Eric DUPOND-MORETTI nous travaillerons pour le bien commun en appliquant probable du président de la République.
ALBA VENTURA
Il s'est présenté comme un « ministre de sang mêlé », vous aussi ?
GERALD DARMANIN
Oui …
ALBA VENTURA
Ça fait très sarkozyste !
GERALD DARMANIN
Mais c'est la République mais la République, c'est Félix EBOUE qui, le premier, rejoint le général de Gaulle, la République c'est Bachaga BOUALAM qui, député d'Algérie, présidait en djellaba l'Assemblée nationale sous Michel DEBRE. Donc « les sangs mêlés », pardon n'ont pas beaucoup d'intérêt si ce n'est pour l'expression et pour montrer qu'il y a du mérite dans ce pays. Ce qui est important, c'est d'être Français et de croire en la France !
ALBA VENTURA
Vous serez aussi le ministre de l'antiracisme et des droits de l'homme ? C'est comme ça aussi qu'il s'est présenté Eric DUPOND-MORETTI.
GERALD DARMANIN
Evidemment que le racisme n'a rien à voir avec les valeurs républicaines mais la quasi intégralité, me semble-t-il, des Français ne connaissent aucun sentiment qui relève du racisme.
ALBA VENTURA
Il y a du racisme dans la police ? Justement, vous vous êtes présenté le jour de la passation de pouvoir comme celui qui défendra ce qui pourra être défendu ?
GERALD DARMANIN
Non mais il y a dans la police comme dans la gendarmerie comme chez les politiques, comme chez les journalistes, comme chez les gardiens de phares, comme chez les boulangers, comme chez les maréchaux-ferrants, il y a des gens qui ne respectent pas les valeurs de la République, ils sont une infime minorité et il faut bien sûr sanctionner ceux qui déconnent mais moi, je suis prêt à me faire engueuler pour tous ceux qui font correctement leur travail à la place d'eux parce que je vais les protéger et je préfère mettre en avant tous ces gens incroyables comme cette gendarme, encore une fois, à qui on va rendre honneur ce matin.
ALBA VENTURA
Mélanie LEMEE.
GERALD DARMANIN
Voilà qui, à 25 ans, n'est plus de ce monde parce qu'elle a protégé les autres.
ALBA VENTURA
Gérald DARMANIN, vous faites l'objet d'une procédure judiciaire sur l'accusation de viol. Est-ce que vous comprenez que certains s'indignent que vous soyez devenu ministre de l'Intérieur ?
GERALD DARMANIN
Moi, je ne commente pas les affaires de justice en général, pas la mienne depuis trois ans en particulier. Je constate simplement qu'il y a eu trois décisions de justice, deux enquêtes préliminaires qui ont été classées sans suite et un non-lieu rendu par deux juges d'instruction, il y a eu trois décisions de justice en trois ans qui me sont favorables. Alors il me semble qu'au bout de 3 décisions de justice, on peut penser que j'ai le droit à la présomption d'innocence. Cependant mais comme tout citoyen de notre pays et peut-être encore plus que n'importe quel citoyen de notre pays, je suis à la disposition des magistrats bien évidemment.
ALBA VENTURA
Sur le fond, vous redites ce matin « je n'ai rien à me reprocher » ?
GERALD DARMANIN
Evidemment, évidemment !
ALBA VENTURA
Et vous garantissez, vous ministre de l'Intérieur, que vous n'interviendrez en aucun cas dans ce dossier ?
GERALD DARMANIN
Bien sûr dès ma prise de fonction, j'ai d'ailleurs écrit une lettre à mon administration – copie en a été adressée évidemment à ceux qui doivent en connaître – pour n'avoir aucune information ni moi-même ni mon cabinet en ce qui me concerne et par ailleurs, quand les policiers interviennent sous l'autorité de magistrats, ils sont sous l'autorité de gens indépendants et qui sont magistrats. Je voudrais d'ailleurs dire que vous savez cette situation, elle n'est pas facile à vivre pour ceux qui sont accusés à tort, votre famille, vos amis, votre réputation, ils s'interrogent et ils s'inquiètent pour vous. Je ne vais pas me plaindre parce que je suis ministre de la République mais le combat politique parfois fait naître de drôles de choses qui sont bien négatives dans la vie personnelle mais je marche la tête haute et encore une fois, il me semble qu'après 3 décisions de justice en trois ans, j'ai le droit à la présomption d'innocence.
ALBA VENTURA
L'Elysée a fait dire « la plainte évolue dans le bon sens » mais comment le savent-ils ? L'Elysée a consulté le juge d'instruction ?
GERALD DARMANIN
Il se trouve … non mais il se trouve que la décision qui a été rendue est une décision de forme, absolument pas de fond, il y a eu un arrêt de la Cour de cassation qui a demandé qu'on puisse accepter l'interjection en appel. C'est une question de forme qui ne remet en aucun cas le fond en question, 3 décisions de justice et encore une fois, si jamais on souhaite de nouveau m'auditionner, je me rendrai à n'importe quelle convocation des magistrats instructeurs.
ALBA VENTURA
Qu'est-ce que vous répondez à ceux qui vous accusent d'être un gouvernement antiféministe ?
GERALD DARMANIN
Je pense que les opinions dans un pays démocratique et républicain doivent s'exprimer et en tant que ministre de l'Intérieur, je serai très favorable évidemment à toute expression même divergente, même celle qui ne me plaît pas parce que je suis aussi ministre des libertés publiques, je suis aussi le ministre qui permet ces libertés parce que lorsqu'il y a l'ordre républicain, il y a l'expression des libertés et je suis très heureux qu'il y ait plein de gens qui ne pensent pas est comme moi ou comme nous dans notre pays.
ALBA VENTURA
Gérald DARMANIN vous avez démissionné de votre mandat de conseiller régional des Hauts-de-France et Tourcoing, alors, vous restez maire ou pas ?
GERALD DARMANIN
Alors ce week-end, je vais réunir sans doute samedi mon équipe municipale à Tourcoing parce que je pense que je vais leur parler, ce qui est bien naturel. Mais il est évident que la sécurité des Français demande un ministre à 100%.
ALBA VENTURA
Donc vous ne serez plus maire de Tourcoing si j'ai bien compris ?
GERALD DARMANIN
Donc j'aurai l'occasion, me semble-t-il, de parler d'abord à ceux qui me font confiance. Le temps que le président de la République et le Premier ministre me font confiance, je veux dire aux Français que je n'ai qu'une obsession : le matin, je pense à eux ; le midi, je pense à eux ; le soir, je pense à eux ; la nuit manifestement, je pense à eux aussi ! J'aime les policiers ; j'aime les gendarmes ; et j'aime la République et je veux leur dire qu'aujourd'hui ils peuvent compter sur nous.
ALBA VENTURA
Merci monsieur le ministre de l'Intérieur …
GERALD DARMANIN
Merci à vous !
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 juillet 2020