Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur la lutte contre le terrorisme au Sahel, à Nouakchott le 30 juin 2020.

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Circonstance : Conférence de presse aux côtés du président de la République mauritanienne et du président du gouvernement espagnol

Texte intégral

Merci beaucoup, Monsieur le Président.


Je voudrais, avant toute chose, remercier le Président GHAZOUANI pour son accueil et pour nous avoir permis de nous retrouver ici, à Nouakchott, dans ces temps particulièrement difficiles et éprouvants. Je veux avant toute chose vraiment saluer la remarquable organisation des autorités mauritaniennes de ce sommet, mais aussi de tout le travail de lutte contre la pandémie du Covid-19. Nous avons pu le constater aujourd'hui et chacun d'entre nous, tout est mis en oeuvre pour que la situation soit pleinement maîtrisée.

Je profite de cette occasion pour aussi dire toute la solidarité de la France et du peuple français à l'égard du peuple mauritanien et de tous les peuples du Sahel face à cette pandémie, ses conséquences sanitaires mais aussi ses conséquences économiques et sociales que nous sommes en train de vivre et que nous allons vivre dans les prochains mois. C'est pour cela, vous le savez, que j'ai tenu à ce que l'Europe, puis le G20, se mobilisent aux côtés de l'Afrique pour faire face à ce défi sans précédent dès le début de la crise. Dès le mois de mars, nous avons lancé cette initiative pour l'Afrique permettant d'avoir un volet sanitaire, la lutte contre le Covid, avec en particulier les tests, les traitements dès qu'ils seront disponibles, une mobilisation pour le vaccin quand il sera disponible, mais aussi tout un volet économique, le moratoire que nous avons obtenu pour la première fois dans notre histoire des intérêts et de la dette pour les pays africains et la volonté d'aller vers une annulation de dette partout où c'est utile. Je crois que cette mobilisation doit se poursuivre et nous avons d'ailleurs eu un échange avec l'ensemble de nos collègues sur ce que devait être la solidarité entre l'Europe et plus largement les pays développés et l'Afrique après Covid. Celle-ci doit s'accélérer.

Je crois qu'on a tous ressenti notre propre vulnérabilité pendant cette crise, nous la ressentons encore et nous avons à coeur de montrer cette solidarité. Dans les actions très concrètes que nous avons menées, nous avons aussi pu mesurer la force, la créativité, l'efficacité des solutions mises en place en Afrique. Je veux ici vous dire que la France continuera, sur ce volet comme les autres, d'être aux côtés de la Mauritanie, du Sahel et de l'ensemble du continent africain.

Nous nous sommes retrouvés donc ici à Nouakchott, comme nous en étions convenus à Pau il y a 6 mois, après un sommet qui avait permis de recentrer les choses pour en faire le point. Je dois remercier à nouveau le Président GHAZOUANI, mais l'ensemble des Présidents du G5 Sahel pour leur mobilisation et leur présence, remercier aussi Monsieur Moussa FAKI et l'Union africaine pour sa présence et son engagement à nos côtés, et j'étais heureux que nous ayons la présence physique à nos côtés du Président du gouvernement espagnol, Pedro SANCHEZ. Je pense que c'est très important de manifester ce faisant l'engagement aussi de l'Espagne dans cette coalition, cette lutte contre le terrorisme et pour le développement, et de toute l'Union européenne puisque nous avons eu une visioconférence qui a associé la Chancelière Angela MERKEL, le Président Giuseppe CONTE, le Président Charles MICHEL et le Secrétaire général des Nations unies, Antonio GUTERRES.

Tout ça démontre une chose, s'il était besoin : la coalition que nous avons annoncée à Pau il y a 6 mois est en place. L'Europe, ses institutions comme ses Etats membres, nos partenaires, y compris américains, les pays voisins sont tous au rendez-vous. Ils sont à vos côtés car nous sommes convaincus que la victoire est possible au Sahel et qu'elle est déterminante pour l'équilibre en Afrique et en Europe. Nous sommes en train d'en retrouver le chemin grâce aux efforts qui ont été faits ces 6 derniers mois. Nous avons beaucoup réorganisé les choses.

Nous avons amélioré notre efficacité dans la lutte contre le terrorisme, mieux partagé l'information, réussi le centre unique et de coordination à Niamey et eu des résultats spectaculaires, en particulier dans les dernières semaines. Dans la région des Trois frontières, des zones ont été reprises aux groupes terroristes. Les armées se redéploient. Le rapport de forces a été inversé. Cette dynamique, nous devons maintenant la conforter et l'amplifier avec, dans les semaines qui viennent, les forces européennes qui, au travers de l'initiative Takuba, vont prendre le relai des renforts français que nous avions déployés en janvier, 600 soldats additionnels qui venaient de Côte d'Ivoire. La mission européenne EUTM va reprendre ses actions de formation et étendre son champ géographique avec une implication très forte de l'Espagne et de l'Allemagne, vraiment. De nouveaux équipements financés par l'Union européenne et par d'autres partenaires comme les États-Unis vont être livrés et le terrain que nous avons repris ne sera pas cédé.

Dans ce combat, nous nous devons d'être exemplaires. C'est le sens des engagements forts qui ont été pris aujourd'hui par mes homologues sahéliens. Face aux faits graves qui ont été rapportés, des enquêtes seront menées et la France, comme elle l'a déjà fait, est disposée à appuyer ces enquêtes, qui doivent être menées à leur terme. Nous nous sommes rejoints sur cet impératif : le Sahel ne doit pas plonger dans un cycle de violence et de représailles. C'est précisément ce que cherchent les groupes terroristes et ce qu'ils ont réussi à faire dans le passé.

Les populations Peuls, en particulier, ne sont l'ennemi de personne. Je salue la détermination de mes homologues sahéliens à enrayer tous les amalgames. Cela a été dit très clairement autour de la table. Nous n'avons qu'un ennemi : le terrorisme islamiste dans toute la région. À la lumière de nos échanges et des progrès accomplis depuis 6 mois, la France poursuivra son engagement au Sahel.

De nouvelles étapes, de nouveaux jalons ont été fixés. Notre engagement fera l'objet d'une nouvelle évaluation au début de l'année 2021, qui sera notre prochaine clause de rendez-vous.

D'ici là, les efforts de la coalition que nous avons mise en place vont monter en puissance au-delà de l'effort militaire, c'est le retour de l'Etat, des administrations, des services aux populations que nous allons poursuivre au Sahel et c'est l'enjeu des prochaines semaines et des prochains mois, nous avons eu l'occasion de le souligner dans l'ensemble des Etats concernés, le retour des services publics, le retour de l'administration pour stabiliser les populations. C'est le sens, en particulier, de l'alliance pour le Sahel, dans laquelle l'Espagne a accepté de jouer un rôle leader, et je l'en remercie. Ce sont des préfets, des magistrats, des policiers, des juges qui nous permettront de véritablement renverser la situation. En concertation avec nos partenaires européens qui étaient aujourd'hui présents dans notre échange, c'est cet effort qui sera notre priorité dans les temps à venir.

Enfin, je tenais à dire également que nous avons profité de ce sommet pour aborder la situation politique à Bamako avec le Président Ibrahim Boubacar KEITA. Nous soutenons les efforts entrepris par la CEDEAO, qui ont permis de faire émerger les recommandations pour une sortie de crise. En pleine adéquation avec le Président KEITA, dont je salue une fois encore la détermination et le courage, nous nous sommes tous rejoints sur l'urgence de mettre en oeuvre rapidement les mesures visant à apaiser le climat politique.

Voilà ce que je souhaitais rapporter de nos discussions et vous remercier à nouveau, cher Président, pour votre accueil et la tenue de ce sommet, qui montre que la lutte contre le terrorisme ne s'arrête pas même en période de Covid, mais dire aussi la solidarité qui est la nôtre à l'égard de la Mauritanie et de tout le Sahel en cette période si difficile.


Merci, Président.