Interview de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation à CNews le 13 juillet 2020, sur la rentrée universitaire 2020 qui s'annonce saturée suite au taux record de bacheliers admis.

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Intervenant(s) : 
  • Frédérique Vidal - Ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Média : CNews

Texte intégral

GERARD LECLERC
Bonjour Frédérique VIDAL.

FREDERIQUE VIDAL
Bonjour.

GERARD LECLERC
Près de 96 % de reçus au bac après la première session de rattrapage, c'est un record, 7 points de plus que l'an dernier, et même 98 % pour la filière générale. Alors, le bac a-t-il encore un sens, et puis, comment allez-vous gérer cet afflux d'étudiants, des dizaines de milliers d'étudiants supplémentaires pour les filières supérieures, notamment l'université ?

FREDERIQUE VIDAL
Eh bien, c'est là qu'on a vu toute la robustesse de Parcoursup, parce que l'ensemble des lycéens y était inscrit avant le baccalauréat, et aujourd'hui, après les résultats du baccalauréat, c'est presque 88 % des lycéens en général qui ont déjà une proposition, et sur les bacheliers généraux, on est à 95 % de bacheliers généraux avec une proposition. Donc on travaille évidemment pour que chacun ait une solution, avec des créations de places notamment sur les filières les plus demandées, les BTS, les formations paramédicales, et nous sommes en train de créer de nouvelles places avec les établissements pour pouvoir accueillir ces jeunes, avec la mise en place, à la rentrée, dans de très nombreux établissements, de périodes d'accueil qui vont être renforcées, parce qu'on sait qu'on a à faire à des jeunes qui sortent d'une période où ils ont eu, finalement, très peu de contacts avec leurs enseignants, même s'ils ont pu continuer à suivre des cours, et que le passage dans le supérieur est déjà un moment compliqué, et il sera probablement un petit peu plus compliqué pour cette génération, mais on s'en occupe.

GERARD LECLERC
Mais concrètement, comment vous allez faire, parce que donc, on le dit, c'est combien, 40.000, 50.000, certains disent 100.000 étudiants de plus, comment vous faites, vous agrandissez, vous élargissez les murs, vous créez de nouveaux enseignements ?

FREDERIQUE VIDAL
Alors, on crée de nouvelles places, soit dans des enseignements qui existent déjà, soit on a certaines filières notamment qui donnent des compétences sur une année complémentaire, ce qu'on appelle les filières de compétences d'intérêt local, notamment pour les bacheliers professionnels qui ont vocation pour certains d'entre eux à aller sur le marché du travail, et dont on sait que ce sera compliqué pour eux de le faire, donc des années qui leur permettent d'avoir des compétences supplémentaires de manière à rentrer sur le marché du travail de manière un peu plus échelonnée et pas tout le monde en septembre, puisque, on le sait, la crise que nous avons traversée et que nous allons avoir d'un point de vue économique notamment, fait que le marché de l'emploi va être très tendu à la rentrée.

GERARD LECLERC
Vous avez dit 88 %, c'est ça, ont déjà eu des propositions…

FREDERIQUE VIDAL
88 % des lycéens des propositions ont déjà des propositions et 95 % des bacheliers généraux.

GERARD LECLERC
Et qu'est-ce qui va se passer pour les 12 % restants ?

FREDERIQUE VIDAL
Eh bien, justement c'est là tout le travail, c'est pour ça qu'on crée des places, on a déjà…

GERARD LECLERC
Et à l'arrivée, tout le monde aura une place à la rentrée ?

FREDERIQUE VIDAL
Oui, c'est vraiment l'engagement qui a été pris, on ne peut pas laisser de jeunes sans solution, c'est déjà vrai sur les années classiques, si je puis dire, et on y sera encore plus attentif cette année qui a été totalement exceptionnelle.

GERARD LECLERC
Alors exceptionnelle également la rentrée, puisqu'on sera toujours…, il y aura toujours la réalité ou la menace du Covid-19, alors quelles dispositions particulières pour cette rentrée universitaire, et puis, qu'est-ce qui se passera si malheureusement, comme certains l'annoncent, il y a un rebond de l'épidémie ?

FREDERIQUE VIDAL
Alors on travaille avec les établissements pour regarder qu'est-ce qui est possible pour la rentrée, il y a eu une première circulaire début juin qui prévoyait des conditions sanitaires très drastiques, si je puis dire, et qui est imposait de la distanciation, on est en train de travailler sur une deuxième circulaire qui permettra d'accueillir les étudiants et quand on ne peut pas respecter la distanciation avec des masques. Et donc on prépare ça avec les établissements, nous avons ouvert un appel à projets de 30 millions d'euros pour que les établissements puissent aussi se préparer à créer des cours, à avoir de la formation à distance, parce qu'on sait, notamment pour les étudiants internationaux, selon la provenance de ces étudiants, ce sera peut-être compliqué de se déplacer physiquement, donc qu'ils puissent démarrer leur formation à distance et rejoindre les établissements un peu plus tard dans l'année.

GERARD LECLERC
Il y aura davantage de cours, de formations à distance que les années… que jusqu'à maintenant ?

FREDERIQUE VIDAL
Probablement à cause des étudiants internationaux, et du coup, au cas où nous aurions de nouveau des difficultés, évidemment, ces formations à distance pourront servir, mais le présentiel est essentiel à l'enseignement, on peut évidemment avoir un une substitution par des formations à distance, mais il faut essayer de privilégier le présentiel, c'est….

GERARD LECLERC
Et avec des masques donc pour tout le monde, pour étudiants et enseignants ?

FREDERIQUE VIDAL
Absolument, oui, c'est ce qui est en train d'être préparé dans la nouvelle circulaire.

GERARD LECLERC
Alors vous êtes ministre de la Recherche, et la recherche, on pense tout de suite au coronavirus pour les traitements, pour les vaccins, où en est la France ?

FREDERIQUE VIDAL
Alors, la France a été extrêmement active durant cette période, nous avons actuellement 4 procédures de vaccins qui sont en cours de préparation et de tests, nous avons aussi beaucoup travaillé sur la question de trouver des molécules qui soient spécifiquement dédiées au traitement du coronavirus, et là, ce qui est très intéressant, c'est qu'on a vraiment de la pluridisciplinarité avec des molécules qui sont testées par modélisation, si je puis dire, avant d'être synthétisées et d'être testées, d'abord sur des modèles cellulaires. Donc, voilà, une énorme contribution de la recherche, et de toute la recherche, puisqu'on a aussi beaucoup travaillé avec les sciences humaines et sociales, notamment pour essayer de comprendre quel va être l'impact de cette période de confinement, de ces nouvelles règles de vie que nous allons devoir garder probablement encore de nombreux mois.

GERARD LECLERC
Et donc, il y a bien l'espoir que la France participe à cette découverte ?

FREDERIQUE VIDAL
Bien sûr.

GERARD LECLERC
Le gouvernement travaille – on le sait – sur le plan de relance de l'économie, une économie qui a été très touchée, durement frappée par le Covid-19, la ministre de la Recherche, est-elle concernée par ce plan de relance, est-ce que vous avez un rôle à jouer ?

FREDERIQUE VIDAL
Bien sûr, un rôle essentiel, notamment pour soutenir toutes les actions de recherche et de développement, on sait que de nombreuses entreprises vont avoir des difficultés, elles risquent de négliger la part d'investissement en recherche et développement, et nous, évidemment, notre mission au gouvernement, c'est de faire en sorte qu'on ne perde pas cette capacité à innover, c'est elle qui nous permettra de relancer aussi l'économie, l'industrialisation de notre pays par l'innovation, donc voilà, on est en train de travailler sur un certain nombre de dispositifs pour soutenir notamment les partenariats avec les laboratoires de recherche publics que peuvent avoir certaines entreprises. Et puis, il y aura aussi d'autres aspects, puisque le parc immobilier du ministère de l'Enseignement supérieur de la recherche est le deuxième parc immobilier de l'Etat, donc aussi beaucoup de choses en ce qui concerne la réhabilitation thermique notamment des bâtiments…

GERARD LECLERC
La rénovation thermique des bâtiments universitaires. Vous présentez mercredi au Conseil des ministres la loi Recherche avec l'idée de mettre la science au coeur de la société, et d'attirer de nouveaux talents vers la recherche ; concrètement, comment on fait ?

FREDERIQUE VIDAL
Alors, concrètement, d'abord, on travaille sur une revalorisation de l'ensemble des métiers de la recherche, d'un point de vue salarial, parce qu'on a aujourd'hui des jeunes qui sont au minimum diplômés à bac plus 8 et qui sont recrutés aux alentours de 1,4 Smic, donc déjà, nous faisons en sorte que plus personne ne soit recruté en dessous de 2 Smic, et ce sont des revalorisations qui vont concerner l'ensemble des personnels de la recherche. Ensuite, ce qu'on fait, c'est qu'on essaie de simplifier, les chercheurs nous disent qu'ils passent maintenant presque autant de temps à de la gestion administrative, du temps qu'ils pourraient consacrer beaucoup plus utilement à la recherche, et puis, pour faire le lien entre la science et la société, reconnaître et valoriser tous les aspects de la recherche, y compris ce qui vise à transmettre la culture scientifique et technologique, ce qui vise à aller dans les écoles à expliquer ce que sont les disciplines scientifiques, de manière à pouvoir aussi attirer des jeunes, et puis, quelques mesures spécifiques, pour pouvoir accueillir plus facilement des diplômés qui peuvent avoir eu leur doctorat en France ou à l'étranger, qui sont partis travailler à l'étranger, qui ont démarré leur carrière là-bas, un dispositif qui permet de les faire revenir, ce qu'on appelle des chaires de professeurs juniors, qui permet, pour des personnes qui sont au milieu de leur carrière, trop âgées, avec trop d'expérience, pour être recrutées sur les premiers corps de la recherche, pas encore avec assez d'expérience pour être professeurs ou directeurs de recherche, c'est une voie intermédiaire.

GERARD LECLERC
C'est un vrai sujet, c'est un vrai problème pour la France, ça, d'une part, de recruter des chercheurs, et deuxièmement, les empêcher de partir à l'étranger ?

FREDERIQUE VIDAL
Eh bien, c'est-à-dire qu'on a dans certaines disciplines des recrutements de nos doctorants qui se font avant même la soutenance de leur doctorat, et ça, effectivement, oui, c'est une difficulté pour laquelle il faut absolument qu'on trouve une solution, vous le savez, la France est première mondiale en mathématiques notamment ; les mathématiques, c'est tout ce qui va ensuite irriguer l'intelligence artificielle, tout un certain nombre de domaines liés aux technologies.

GERARD LECLERC
Et beaucoup partent à l'étranger…

FREDERIQUE VIDAL
Et beaucoup sont recrutés avant même la fin de leur doctorat, il faut absolument qu'on puisse garder toutes ces compétences au service de la France et de l'Europe.

GERARD LECLERC
Donc les retenir en France ?

FREDERIQUE VIDAL
Leur donner les bonnes conditions pour travailler.

GERARD LECLERC
Vous êtes ministre de la Recherche depuis le premier gouvernement PHILIPPE, vous êtes l'une des plus anciennes ministres de ce gouvernement, je crois qu'il n'y en a que 8. Qu'est-ce qui change avec le gouvernement CASTEX, le nouveau chemin, c'est quoi ?

FREDERIQUE VIDAL
Eh bien, c'est un gouvernement qui a été constitué pour répondre à la crise dans laquelle nous sommes, donc à la fois avec une continuité sur un certain nombre de politiques qui commencent à porter leurs fruits, et qui sont des politiques de long terme, et puis, voilà, notre objectif, c'est : nous sortons tout juste d'une très grosse crise sanitaire, nous y sommes encore d'ailleurs, et j'incite vraiment tout le monde à bien y penser, à bien respecter les gestes barrières, le virus circule toujours. Et nous allons affronter l'une des pires crises économiques et donc sociales de ces 50 dernières années. Donc il faut un gouvernement qui soit combatif, au travail et qui a devant lui 600 jours pour redresser la France.

GERARD LECLERC
Merci Frédérique Vidal.

FREDERIQUE VIDAL
Merci à vous.

GERARD LECLERC
Bonne journée, bonne semaine.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 juillet 2020