Interview de M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, à France Inter le 16 juillet 2020, sur la situation "problématique" en Mayenne et les "signaux faibles de reprise épidémique" en provenance d'hôpitaux parisiens.

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Média : France Inter

Texte intégral

HELENE ROUSSEL
Au lendemain du discours de politique générale du chef du Gouvernement nous accueillons le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier VERAN, bonjour !

OLIVIER VERAN
Bonjour.

HELENE ROUSSEL
Une annonce importante hier, la création d'ici la fin du quinquennat d'une cinquième branche de la Sécurité sociale concernant la dépendance, donc les personnes âgées et/ou en situation de handicap. A quoi et à qui concrètement va servir cette cinquième branche de la Sécu, aux personnels dans les EHPAD par exemple ?

OLIVIER VERAN
Oui, c‘est notre feuille de route avec Brigitte BOURGUIGNON qui est ministre déléguée auprès de moi sur la question de l'autonomie. La cinquième branche, le neuvième risque de la Sécurité sociale, on en parle depuis, allez, 15 ans, 20 ans. Beaucoup de gouvernements s'étaient engagés à le faire, faute de moyens ça n'avait pas été fait et cette fois-ci nous le faisons. C'est important parce que la population française vieillit, les baby-boomers deviennent les papy-boomers et les familles sont de plus en plus nombreuses à être prises au dépourvu avec un proche qui souffre de perte d'autonomie quelles qu'en soient les causes, ça peut être une démence ou une perte d'autonomie physique trop fort avec une admission en établissement spécialisé, un EHPAD, avec un reste à charge qui est important, avec une équipe qui n'est pas suffisamment dotée en moyens humains et matériels pour pouvoir accompagner dans des bonnes conditions les personnes âgées dépendantes. Et puis le sujet du domicile qui est un sujet fondamental pour les Français…

HELENE ROUSSEL
L'aide à domicile oubliée pendant la crise !

OLIVIER VERAN
Qui souhaitent rester chez eux le plus longtemps possible. Les 300.000 aides à domicile qui sont autant de travailleurs pauvres dans notre pays, il faut être capable de le dire, et donc le Gouvernement s'est engagé à pouvoir financer des dépenses nouvelles dans le champ du grand âge et de la perte d'autonomie.

HELENE ROUSSEL
Des revalorisations salariales notamment ?

OLIVIER VERAN
Il y a déjà une grosse partie des revalorisations salariales qui sont actées à travers le Ségur de la santé puisque l'ensemble du personnel dans les établissements type EHPAD quels qu'ils soient vont bénéficier d'une revalorisation minimum de 183 euros nets et puis pour les infirmières, les aides-soignantes c'est déjà au moins 220 euros nets. Ça veut dire que le salaire du personnel va augmenter mais nous allons à travers la loi Autonomie augmenter la quantité de personnels pour pouvoir augmenter le taux d'encadrement pour la bientraitance et l'accompagnement des personnes âgées.

HELENE ROUSSEL
Cette loi Autonomie voit le jour quand ?

OLIVIER VERAN
Cette loi Autonomie est presque prête et donc il faut la concerter, il faut la discuter avec les départements, avec les fédérations, avec les associations d'usagers et présenter un très beau projet de loi. Je dis « très beau » parce que ce sera sans doute la grande réforme sociale de cette fin de quinquennat très attendue par des millions et des millions de familles et beaucoup vous écoutent ce matin, elle sera présentée dans les prochains mois pour qu'elle puisse être pleinement opérationnelle avant la fin du mandat.

HELENE ROUSSEL
Alors que les prévisions tablent sur un déficit de la Sécurité sociale historique, autour de 40 milliards cette année, d'où viendra l'argent, les cotisations vont-elles augmenter, Olivier VERAN ?

OLIVIER VERAN
Dominique SEUX a parlé tout à l'heure de la CRDS qui est un impôt de 0,5 % sur l'ensemble des salaires et des patrimoines qui existe déjà, que nous ne touchons pas en réalité, qui perdurera, alors ça ne nous concerne pas, c'est après 2024. Il y a également des cotisations qui sont déjà payées aujourd'hui par les Français et puis j'ai chargé une personnalité qualifiée de faire ce qu'on appelle une conférence des financeurs pour pouvoir concerter très largement et identifier des sources de financement. Il y a plusieurs pistes pour le très court terme, on pense au fonds de réserve des retraites par exemple, il y a d'autres pistes qui peuvent exister. On sait que les dépenses qui sont devant nous sont massives, d'ici à 2030 un rapport avait montré qu'il fallait rajouter huit milliards d'euros par an, huit milliards d'euros par an aux dépenses actuelles. Donc il faudra une montée en charge progressive mais suffisamment ample pour que les Français puissent voir la différence.

HELENE ROUSSEL
Donc je repose ma question, les cotisations n'augmenteront pas ?

OLIVIER VERAN
Il n'y a pas d'augmentation de cotisations, il n'y a pas d'augmentation d'impôts, c'est un engagement du président de la République et du Premier ministre.

HELENE ROUSSEL
Autre annonce hier, l'Etat va investir six milliards d'euros supplémentaires en plus des huit milliards du Ségur dans le système de santé, est-ce que vous allez lutter contre les déserts médicaux, est-ce qu'il y aura une revalorisation pour les médecins de campagne, de banlieue, un allégement des charges par exemple ?

OLIVIER VERAN
Le plan d'investissement de six milliards ça va être un investissement massif dans les murs des EHPAD, des hôpitaux, des maisons de santé, de ce qu'on appelle les CPTS, les communautés professionnelles, là où les médecins se regroupent avec des infirmiers, des soignants. Il y aura un investissement massif dans le numérique, nous avons pris du retard en matière de numérique.

HELENE ROUSSEL
Téléconsultation…

OLIVIER VERAN
Téléconsultation mais pas que, les moyens de communiquer par le biais du numérique entre la ville et l'hôpital, entre le sanitaire et le médico-social et puis il y aura des projets d'investissement concrets, visibles par les soignants et par les usagers. Six milliards d'euros c'est un plan massif qui s'ajoute à la reprise de dettes de 13 milliards d'euros de l'hôpital. Là, écoutez, à nouveau Dominique SEUX disait tout à l'heure « c'était Noël 365 jours par an », je n'aurai pas la prétention de dire que c'est Noël ! Mais regardez qu'il y a 7,6 milliards d'euros de revalorisation de salaire pour 1,8 million de salariés dans les hôpitaux et les EHPAD, 450 millions d'euros de revalorisation pour les médecins hospitaliers pour augmenter l'attractivité, 200 millions d'euros pour mieux payer les internes et les externes et les étudiants en santé, six milliards d'euros d'investissement pour pouvoir relancer une dynamique de construction, de modernisation, de numérisation et la reprise de dettes pour soulager les hôpitaux et arrêter les fermetures de lits et être capable d'avoir un discours très fort sur la place de l'hôpital demain dans notre système de santé.

HELENE ROUSSEL
Donc une réforme de l'hôpital, la fin de la gestion purement administrative, la fin de la tarification à l'acte par exemple ?

OLIVIER VERAN
Le volet bureaucratie n'est pas le dernier volet du Ségur de la santé, je voudrais faire des annonces la semaine prochaine sur ce sujet.

HELENE ROUSSEL
C'est noté. Faisons un point sur le Covid, Olivier VERAN, combien de clusters sous contrôle ou pas sous contrôle, on pense à la Mayenne notamment qui a dépassé son seuil d'alerte, on s'inquiète ?

OLIVIER VERAN
Toujours, toujours, le jour où on arrêtera de s'inquiéter c'est que le virus aura disparu, moi je reste en permanence vigilant, actif à traquer le virus. La situation en Mayenne est problématique aujourd'hui avec ce qu'on appelle une incidence, c'est-à-dire un taux de patients positifs par rapport à la population qui est supérieur à la moyenne nationale.

HELENE ROUSSEL
Quatre fois plus de cas depuis le mois de juin, 382 recensés au total.

OLIVIER VERAN
Oui, un taux de tests positifs qui est supérieur à la moyenne nationale, des clusters, donc des groupes de patients identifiés, des chaînes de contamination qui sont traquées. La plupart sont dans des lieux clos ou confinés dans lesquels on sait identifier les personnes qui sont malades mais il y a aussi du virus qui circule sur le territoire. C'est pourquoi nous augmentons massivement la capacité de tests sur place massivement, il y a ne serait-ce qu'à Laval quatre drive-tests qui sont accessibles pour toutes les personnes qui souhaitent se faire tester même sans ordonnance. C'est pourquoi nous avons demandé au préfet de Mayenne de mettre en place un certain nombre de mesures comme l'obligation de port du masque dans les lieux publics sans attendre la date du 1er août. J'ai également, Hélène ROUSSEL, des signaux pas inquiétants mais en tout cas des signaux d'attention particulière en provenance de certains hôpitaux parisiens, je le dis, avec un certain nombre d'indicateurs, vous savez nous suivons des batteries d'indicateurs, ce que j'appelle des signaux faibles, de reprise épidémique, les appels à SOS médecins, le nombre d'appels au Samu, le nombre d'admissions à l'hôpital et nous assistons dans certains hôpitaux parisiens à des signaux faibles de reprise épidémique, c'est pourquoi je demande aux Français de rester particulièrement vigilants, actifs, il n'y a pas besoin de décret pour être vigilant, il n'y a pas besoin de décret pour être actif contre le virus.

HELENE ROUSSEL
Vous parlez de la région parisienne et quand on voit à quel point la tension est forte, les files d'attente devant les laboratoires, c'est l'agence de santé qui en parle ce matin, se faire tester c'est la croix et la bannière témoigne même cet habitant dans la matinale du monde, vous allez faire comment pour intensifier, vous allez contraindre quand on voit que 10 % des personnes qui présentent les symptômes sont, qu'il n'y a que 10 % de ces personnes qui se font tester.

OLIVIER VERAN
D'abord il faut rappeler que j'ai envoyé 1,5 millions d'ordonnances de diagnostic chez des gens qui habitent dans la région Ile-de-France. Ensuite qu'il y a un grand nombre de Parisiens, de Franciliens qui souhaitent partir en vacances et qui veulent se faire tester avant de partir, ce qui veut dire qu'il y a un afflux massif de personnes qui veulent accéder au laboratoire depuis quelques jours, pour faire face à cela j'ai autorisé les techniciens de laboratoire à réaliser les prélèvements. On ne manque pas de réactifs, on ne manque pas de cône en plastique, on ne manque pas de plateforme de tests PCR, mais on a besoin de ressources humaines, de bras pour faire autant de PCR qu'il y a de demandes. Les techniciens de laboratoire sont désormais autorisés à réaliser ces prélèvements, ces écouvillonnages et…

HELENE ROUSSEL
Pour éviter l'embouteillage.

OLIVIER VERAN
Nous devons suivre, oui et puis il y a également des tests qui sont faits maintenant dans les aéroports, à Roissy ils sont capables de tester jusqu'à 2000 personnes par jour, ça continue de monter en puissance, on adapte l'offre à la mesure que la demande augmente et puis sur les lieux de vacances des Français, il faut qu'ils le sachent, sur leur lieu de vacances ou qu'ils soient en France il y aura la possibilité d'être testé.

HELENE ROUSSEL
Encore une fois 10 % des personnes qui présentent des symptômes se font tester, ne se font pas tester, est-ce que vous allez les contraindre du coup ?

OLIVIER VERAN
On ne peut pas contraindre à réaliser un examen, par contre on doit convaincre de réaliser un examen, on doit convaincre. Nous comptons sur l'esprit de responsabilité des Français depuis le début, comme dans les aéroports, quand je dis que 2000 personnes peuvent être testées par jour, nous faisons tout pour qu'une personne qui se pose la question de savoir si elle devrait être testée ou si elle pourrait être testée puisse le faire dans les meilleures conditions, sans avance de frais, sans payer quoi que ce soit et avec le minimum de délais possible. nous mettons tout en oeuvre pour cela et nous encourageons les Français, encore une fois l'esprit de responsabilité, c'est sûr que c'est pas simple quand vous avez été confinée pendant des semaines et des semaines et qu'on vous dit, je suis désolé il faut vous restiez chez vous pendant 15 jours, mais il faut que les Français comprennent que plus nous sommes nombreux à appliquer ces règles, moins nous prenons de risques de voir le virus circuler et de voir imposer à l'ensemble de la population ce que nous avons connu, nous ne voulons plus confiner le pays.

HELENE ROUSSEL
Très rapidement, on va vivre avec des tests et des masques pendant encore combien de temps, Olivier VERAN, ça peut durer des mois, des années ?

OLIVIER VERAN
Ça durera au moins des mois. Ça durera au moins des mois, Hélène ROUSSEL, il faut s'habituer au fait que le virus circule. Regardez un certain nombre de pays autour de nous ont été obligés de reconfiner des villes, des départements, des régions…

HELENE ROUSSEL
L'Espagne, l'Italie.

OLIVIER VERAN
Partout autour de vous, la France est désormais l'un des seuls pays de l'Europe occidentale à ne pas avoir eu besoin de confiner ou de reconfiner un certain nombre de territoires, nous devons rester extrêmement citoyens, extrêmement solidaires, extrêmement vigilants.

HELENE ROUSSEL
Le ministre des Solidarités, de la Santé, Olivier VERAN, merci d'avoir été avec nous sur Inter ce matin bonne journée.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 juillet 2020