Texte intégral
LAURENT NEUMANN
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Laurent NEUMANN.
LAURENT NEUMANN
Merci d'avoir accepté l'invitation de RMC et de BFM TV. Vous êtes ministre de l'Economie, des finances et de la relance. Vous nous direz de quoi il s'agit ; ministre de la Relance, ce n'est pas banal. On va parler évidemment d'économie et de relance, mais d'abord, une question d'actualité, cet incendie de la cathédrale de Nantes. Est-ce que vous nous dites ce matin que l'Etat français est prêt à mettre la main à la poche au portefeuille, quoi qu'il en coûte, comme dirait Emmanuel MACRON, pour panser les blessures de la cathédrale de Nantes, comme on l'a fait d'ailleurs pour la cathédrale Notre-Dame à Paris.
BRUNO LE MAIRE
Oui, l'Etat prendra à sa charge la restauration de la cathédrale de Nantes, d'abord, moi, je veux exprimer mon émotion, il se trouve que j'ai habité 6 mois à Nantes, je connais bien cette cathédrale, j'ai eu l'occasion d'écouter cet orgue absolument magnifique du 17ème siècle, c'est une grande tristesse de voir un orgue de la musique réduit en cendres comme cela, donc l'Etat répondra présent, il était présent dès le jour de l'incendie, puisque le Premier ministre s'est rendu sur place avec le ministre de l'Intérieur et la ministre de la Culture, et il répondra présent financièrement pour financer les travaux de la reconstruction.
LAURENT NEUMANN
Quoi qu'il en coûte ?
BRUNO LE MAIRE
C'est une obligation pour l'Etat, c'est une obligation parce que c'est sa propriété, c'est une obligation, parce que c'est notre culture, donc nous répondrons présents.
LAURENT NEUMANN
L'autre actualité du jour évidemment, c'est cette obligation désormais dans les lieux clos, le port du masque obligatoire, assorti d'une amende de 135 euros, il y a une question que tous les Français se posent, pourquoi ne pas avoir imposé cette obligation dès le 11 mai quand on a déconfiné, pourquoi attendre maintenant, au mois de juillet ?
BRUNO LE MAIRE
Nous tenons compte de l'évolution de la pandémie, la situation sanitaire, moi, je ne suis pas ministre de la Santé, mais j'écoute les informations comme tout le monde, je discute avec le ministre de la Santé, et qu'est-ce que nous voyons ? Le virus circule encore. Et nous sommes tous, Laurent NEUMANN, responsables de notre propre santé et de la santé des autres, et pour que cette santé soit garantie, d'abord, il faut respecter les gestes barrières, j'insiste là-dessus, c'est difficile, je vais vous dire, c'est pénible, on est en été, on aimerait tous pouvoir s'embrasser, faire des accolades, se retrouver dans des bars, sur des plages, nous ne pouvons pas, et nous devons faire attention à nous-mêmes et aux autres, ce sont les gestes barrières, ils sont vitaux au sens propre. Et puis, comme le virus continue de circuler, eh bien, il faut prendre les mesures de protection qui sont les plus adaptées, c'est-à-dire dans les lieux publics clos, porter un masque, là aussi, c'est pénible, et je pense non seulement à nous tous qui portons ces masques, mais surtout à ceux qui travaillent, à ceux qui sont caissières dans une grande surface et qui sont obligées de porter toute la journée un…
LAURENT NEUMANN
Mais tout ce que vous dites, pardonnez-moi, est frappé au coin du bon sens, mais vous auriez pu prononcer exactement les mêmes mots le 11 mai dernier, quand on a dit aux Français : on déconfine…
BRUNO LE MAIRE
Qu'est-ce que nous voyons, Laurent NEUMANN, nous voyons qu'il y a un relâchement dans les comportements, nous voyons que parfois la prise de conscience n'est pas suffisamment forte, donc à un moment donné, il faut dire les choses avec clarté, avec force, il faut respecter les gestes barrières et porter de manière obligatoire un masque dans les lieux publics clos, parce que c'est notre santé qui est en jeu.
LAURENT NEUMANN
Très honnêtement, vous êtes ministre de l'Economie, est-ce que l'économie française pourrait supporter une reprise massive de l'épidémie, voire éventuellement un reconfinement partiel ou total, est-ce qu'on serait prêt à ça ?
BRUNO LE MAIRE
L'enjeu principal, je le redis, c'est notre santé à tous, il n'y a rien de plus précieux que notre santé, donc faisons le nécessaire pour la protéger, le deuxième enjeu, vous avez raison…
LAURENT NEUMANN
Oui, mais les conséquences économiques sont importantes.
BRUNO LE MAIRE
Le deuxième enjeu, c'est les conséquences économiques. On voit bien que la France a été très durement touchée, c'est un des pays qui a été le plus touché de tous les pays européens, nous allons avoir une récession de 11 %, en tout cas, c'est le chiffre que nous avons mis dans le projet de budget en 2020, c'est-à-dire, un effondrement économique comme nous n'avons pas connu depuis des décennies, il faut remonter à la deuxième guerre mondiale ou à la récession de 1929 pour trouver des chiffres comparables, il faut tout faire, Laurent NEUMANN, absolument tout faire pour éviter un nouveau choc économique à la rentrée. Et ça dépend de nous, notre santé dépend de nous. Mais la situation économique, la situation du chômage dans notre pays, la situation industrielle dépend aussi de nous, si nous ne sommes pas responsables, nous risquons à l'automne, parce que c'est là que les choses vont se jouer, en septembre, octobre, novembre, d'avoir à nouveau une épidémie qui redémarre, peut-être pas région, par territoire, peut-être pas sur tout le territoire français, je ne suis pas spécialiste de la santé, mais je sais que la moindre reprise de l'épidémie sur notre territoire aura un impact économique, qui rendra encore plus difficile la sortie de la crise. Alors, vous m'avez interrogé tout à l'heure, moi, je suis ministre de la Relance, je suis là justement pour que notre économie redémarre vite, elle en a toutes les capacités, alors ne prenons pas de risques avec notre économie et avec nos emplois.
LAURENT NEUMANN
Relance, rassurez-moi, ce n'est pas un gadget, parce que, moi, je me souviens sous le précédent quinquennat, il y avait un ministère du Redressement productif, maintenant, on a un ministre de la Relance, ça veut dire quoi concrètement, vous êtes ministre de l'Economie, et un point c'est tout ?
BRUNO LE MAIRE
Sauf si le gadget est à plusieurs centaines de milliards d'euros, ça n'est pas un gadget, parce que la responsabilité, c'est d'engager plusieurs centaines de milliards d'euros là où c'est nécessaire pour que notre économie redémarre et recréer des emplois, puisque la priorité absolue, le Premier ministre a eu l'occasion de le dire plusieurs fois, le président de la République également, c'est l'emploi, l'emploi des jeunes, et l'emploi en général ; donc la relance, c'est simplement savoir où nous affectons les centaines de milliards d'euros que nous avons décidé de mettre avec le président de la République et le Premier ministre pour soutenir notre économie, et je veux insister sur un point, Laurent NEUMANN…
LAURENT NEUMANN
Alors justement, parce que vous dites centaines de…
BRUNO LE MAIRE
Je ne vais pas le faire tout seul, c'est de la concertation, c'est du dialogue avec les parlementaires, avec les partenaires sociaux, je les recevrai tous mercredi prochain pour discuter avec eux de la meilleure façon d'employer ces centaines de milliards d'euros, c'est des discussions avec partenaires européens, notamment allemands…
LAURENT NEUMANN
On va en parler…
BRUNO LE MAIRE
Pour garantir que la relance est rapide, efficace et donne des résultats sur l'emploi des Français…
LAURENT NEUMANN
Alors, déjà, vous dites : centaines de milliards d'euros, franchement, pour les Français, on n'y comprend plus rien, tous ces milliards, à quoi ça va servir, où vont-ils être affectés, je voudrais qu'on soit extrêmement clair, moi, j'ai cru comprendre qu'il y avait un plan de 100 milliards d'euros sur 2 ans affectés à la relance, c'est bien ça, c'est 100 milliards d'euros sur 2 ans ?
BRUNO LE MAIRE
C'est exactement ça, Laurent NEUMANN. C'est exactement cela, c'est 100 milliards d'euros sur 2 ans qui sont prévus qui s'ajoutent, je tiens à le préciser, aux 460 milliards d'euros que nous avons déjà mis sur la table pour soutenir la trésorerie des entreprises, prêts garantis par l'Etat…
LAURENT NEUMANN
Depuis le début de la crise ?
BRUNO LE MAIRE
Pour soutenir les plus petites entreprises, les commerçants, les artisans, les indépendants, c'est le fonds de solidarité, pour reporter les charges, ça représente là aussi des sommes très importantes, ou pour prendre en charge le chômage partiel, 30 milliards d'euros, pour éviter qu'il y ait des licenciements de masse. J'ajoute un point très important, nous adaptons ce dispositif en permanence, prenez l'exemple des reports de charges, il y a beaucoup d'entreprises, PME, TPE, qui m'ont dit : mais vous avez prévu un nouveau report jusqu'en décembre, ce n'est pas assez…
LAURENT NEUMANN
Bruno LE MAIRE, est-ce que ce matin, vous nous confirmez que pour les TPE et les PME, justement, les reports de charges seront étalés sur 3 ans, tous les artisans et les commerçants qui nous regardent ce matin se disent : est-ce qu'on a bien entendu et bien compris…
BRUNO LE MAIRE
Je vous confirme. Ils ont bien entendu, ils ont bien compris, et c'est un sujet absolument majeur pour tous les commerçants, artisans qui nous écoutent, TPE, PME, les charges qui devaient être reportées jusqu'à décembre 2020 seront reportées de 12, 24 ou 36 mois, c'est-à-dire jusqu'à 3 ans en fonction de la situation d'endettement de l'entreprise…
LAURENT NEUMANN
Soyons concrets, je suis artisan, je suis commerçant, je suis patron d'entreprise, de PME, j'appelle la direction des impôts, et je demande…
BRUNO LE MAIRE
Exactement, vous appelez votre DGFIP, dont j'ai désormais la responsabilité, j'ai eu l'occasion d'en parler avec le directeur pour lui dire d'être très attentif aux demandes des TPE, PME, vous dites : écoutez, j'ai un problème de surendettement, je n'y arrive pas, le retour de l'activité n'est pas aussi fort que prévu. Donc j'ai besoin d'étaler encore mes charges de 12 mois, de 24 mois, ou si ça ne va vraiment pas bien, de 36 mois, nous le ferons, et nous le ferons de manière simple et automatique, c'est-à-dire que si votre situation financière le justifie, pas besoin d'apporter des preuves, des garanties, vous êtes en situation financière difficile, vous êtes une TPE ou une PME, à nouveau, nous vous soutenons, nous reportons vos charges de 12, 24 ou 36 mois.
LAURENT NEUMANN
Alors, continuons à être concrets, dans ce plan de 100 milliards sur 2 ans, il y a notamment 40 milliards affectés à l'industrie, et parmi ces 40 milliards, des baisses d'impôts, les fameux impôts de production, là encore, est-ce que ce matin, vous nous confirmez que dès l'année prochaine, c'est 10 milliards d'euros d'impôts en moins pour les entreprises, ça, c'est acté, et si oui, de quels impôts, vous parlez soyons concrets encore ce matin ?
BRUNO LE MAIRE
Exactement, tout à fait. Alors, d'abord, de quoi est-ce que nous parlons, de ces impôts de production, c'est-à-dire des impôts qui touchent les entreprises, en particulier industrielles, avant qu'elles aient fait le moindre euro de bénéfice, les impôts de production sont stupides et inefficaces, c'est bien pour ça que nous voulons les réduire…
LAURENT NEUMANN
C'est quand même 70 ou 75 milliards d'euros de recettes pour l'Etat…
BRUNO LE MAIRE
Non, mais c'est une recette, donc c'est important comme recette pour l'Etat, pour les régions, pour les collectivités locales, mais pour les entreprises, je le maintiens, c'est un impôt qui est stupide, parce qu'il pénalise les entreprises avant même qu'elles aient fait le moindre euro de bénéfice, aujourd'hui, c'est environ 74 milliards d'euros, cinq fois plus qu'en Allemagne, cinq fois plus qu'en Allemagne, donc nous avons décidé de les baisser…
LAURENT NEUMANN
Donc là, vous les baissez de dix milliards…
BRUNO LE MAIRE
De dix milliards…
LAURENT NEUMANN
Cette année et l'année d'après ?
BRUNO LE MAIRE
Dès le 1er janvier 2021, ce sera baissé à nouveau, ce sera toujours ces mêmes dix milliards, en 2022, ça fait au total vingt milliards d'euros pour le budget de l'Etat, parce qu'il faut bien les payer, deux fois dix milliards, et c'est 74 milliards d'euros au total qui deviendront 64 milliards d'euros, c'est une baisse pérenne de ces impôts de production, lesquels, aujourd'hui, notre priorité, elle est sur la cotisation, sur la valeur ajoutée, donc nous poursuivons les discussions avec les régions, parce que c'est une recette pour les régions…
LAURENT NEUMANN
Qui va dans la poche des régions…
BRUNO LE MAIRE
Il peut y avoir d'autres impôts de production qui baissent, jusqu'à ce qu'on arrive à ce quantum de dix milliards d'euros dès le 1er janvier 2021, on est encore en discussion.
LAURENT NEUMANN
Vous vous doutez que les gens qui nous regardent se disent : mais comment ils font, on nous a expliqué qu'il fallait faire attention, la dette, vous promettez 100 milliards d'euros pour relancer, et vous promettez de ne pas augmenter les impôts, vous les baissez même, et comment on fait, qui va payer tout ça ?
BRUNO LE MAIRE
D'abord, je confirme que nous n'augmenterons pas les impôts, et que nous voulons poursuivre la baisse des impôts, c'est ce que nous faisons sur les entreprises…
LAURENT NEUMANN
Tous les impôts ?
BRUNO LE MAIRE
C'est ce que nous avons fait sur les ménages…
LAURENT NEUMANN
Y compris pour les ménages ?
BRUNO LE MAIRE
On a oublié qu'on a baissé de cinq milliards d'euros l'impôt sur le revenu des ménages, ce n'est pas rien, que nous avons supprimé la taxe d'habitation conformément à l'engagement du président de la République, pour 80 % des ménages français, parce que la direction que nous suivons, c'est celle du soutien à l'économie, de la croissance, une croissance qui doit être durable, une croissance qui doit être verte, parce que nous estimons que c'est la meilleure réponse à la crise actuelle, vous savez, pour répondre efficacement à cette crise, il faut une stratégie qui soit lisible. Et notre stratégie, elle est extrêmement lisible, on dépense de l'argent public pour sauver nos entreprises et nos emplois et relancer la croissance ; et nous estimons que c'est la croissance qui permettra effectivement de rembourser la dette, pas que la croissance, il faudra le moment venu faire aussi des efforts sur les dépenses publiques, il faudra rétablir nos finances publiques, mais ça viendra dans un second temps, nous sommes dans le temps, et il faut l'assumer devant les Français, où nous dépensons massivement de l'argent public pour sauver nos emplois, soutenir nos entreprises et relancer l'activité économique.
LAURENT NEUMANN
Donc ce que vous répondez, c'est que c'est la dette qui va financer tout ça, et la dette étalée sur 10 ans, 20 ans, 30 ans ?
BRUNO LE MAIRE
Mais l'argent aujourd'hui, c'est de l'argent qui vient de la dette, bien entendu. Mais cette dette sera remboursée par la croissance que nous aurons retrouvée et par la maîtrise des finances publiques qui devra faire l'objet de toutes nos attentions dans un second temps, mais je dis bien dans un second temps, parce que si je vous dis le même jour : on va relancer l'activité économique, on dépense beaucoup d'argent public, mais on va aussi brider les budgets de tous les ministères et tous les investissements des ministères, ce serait contradictoire. Or, une bonne stratégie économique, elle doit être simple, elle doit être claire, elle doit être lisible, c'est la relance par la dépense publique pour sauver nos emplois, développer nos entreprises et créer de la croissance.
LAURENT NEUMANN
Encore une question concrète, Bruno LE MAIRE, la taxe d'habitation, on a cru comprendre que le président de la République s'interrogeait sur le fait de savoir si la dernière tranche, pour les 20 % Français les plus aisés, si, au fond, on n'allait pas reporter cette taxe d'habitation, finalement, vous la supprimez bel et bien ?
BRUNO LE MAIRE
Nous la supprimons totalement, nous la supprimons sans toucher le calendrier, le président de la République avait ouvert une option, on a examiné cette option, et on a vu que, dans le fond, on pouvait décaler au mieux d'une année, si on suivait la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et qu'il fallait, là aussi, par souci de lisibilité et par souci de justice vis-à-vis des classes moyennes, parce que dans ces 20 % il y a surtout des classes moyennes, maintenir le calendrier de suppression totale de toutes les taxes d'habitation pour tous les ménages, c'est-à-dire pour la dernière tranche, les 20 % restants, 2021, 2022 et 2023, plus de taxe d'habitation pour personne.
LAURENT NEUMANN
Quand on est dans une situation aussi exceptionnelle que ça, on demande des efforts aux Français, à tous les Français, il ne faut pas en demander un peu plus aux plus aisés, on aurait pu imaginer par exemple que cette taxe d'habitation, elle ne soit pas supprimée tout de suite parce que la période est exceptionnelle ; vous ne voulez pas demander un effort aux plus aisés ?
BRUNO LE MAIRE
C'est l'option qu'avait ouverte le président de la République, donc nous l'avons étudiée, mais ces 20 %, ce n'est pas les plus aisés, c'est des classes moyennes, c'est des gens qui travaillent, qui paient déjà beaucoup d'impôts, et je pense que leur demander d'attendre encore un petit peu, ça ne serait ni juste ni efficace. Donc la question a été tranchée en accord avec le président de la République et le Premier ministre. Le calendrier sera respecté, il n'y aura plus de taxe d'habitation pour personne en 2023, et vous savez dans un pays où la charge fiscale est tellement lourde sur les Français, là aussi, avoir le courage de tenir la même direction, qui est celle de la baisse des impôts, plutôt que de systématiquement avoir ce réflexe pavlovien, en disant : on s'est engagé vers une baisse d'impôts, mon Dieu, ré-augmentons-les tout de suite parce que ça fait longtemps qu'on ne l'a pas fait, eh bien, ce serait une erreur profonde.
LAURENT NEUMANN
Pendant qu'on se parle, il y a un marathon qui se joue à Bruxelles, les fameux 100 milliards, il y a une partie d'argent qu'on va aller trouver au niveau européen, ça fait 3 jours que ça dure, les pays dits frugaux, radins, les plus près de leurs sous, sont en train de bloquer cette négociation, les négociations reprennent tout à l'heure, à 16h. Est-ce qu'un accord est possible, on parle de 750 milliards d'euros de plan de relance, avec des prêts et des subventions, est-ce que ça coince pour de bon, ou est-ce qu'il y a une petite étincelle cet après-midi possible ?
BRUNO LE MAIRE
Un accord est possible et un accord est nécessaire, et je veux saluer les efforts qui sont faits par le président de la République, par la chancelière, je suis évidemment les négociations au plus près, comme vous pouvez l'imaginer, le président de la République et la chancelière ne cessent de se battre pour faire comprendre l'enjeu de cette négociation. L'enjeu de la négociation qui se joue aujourd'hui à Bruxelles, c'est la présence de l'Europe parmi les grandes puissances mondiales au 21ème siècle ou non, est-ce qu'entre la Chine et les Etats-Unis, il y a encore au 21ème siècle l'Europe, oui ou non, c'est ce qui se joue, Laurent NEUMANN, à Bruxelles actuellement…
LAURENT NEUMANN
Et ça, les Néerlandais, les Suédois, les Autrichiens, les Danois ne le comprennent pas ?
BRUNO LE MAIRE
Eh bien, je souhaite que ces Etats arrivent à dépasser leurs intérêts nationaux pour comprendre qu'il y a un intérêt général européen, qui est d'avoir nos propres technologies et l'intelligence artificielle face à la Chine et aux Etats-Unis, nos propres technologies pour le véhicule autonome face à la Chine et aux Etats-Unis, et que si nous ne sortons pas plus forts de cette crise économique, en rassemblant nos forces, en ayant ces 500 milliards de subventions européennes, qui vont permettre aux économies de redémarrer, mais dans ce cas-là, nous prendrons un tel retard, Laurent NEUMANN, que nous ne le rattraperons jamais, je le dis avec beaucoup de gravité, c'est l'avenir de l'Europe au 21ème siècle qui se joue dans les heures qui viennent à Bruxelles. Et je veux saluer une nouvelle fois la manière dont France et Allemagne, président de la République et chancelière, se battent sans relâche pour convaincre ces 4 Etats qu'il est temps d'abandonner certaines conceptions qui sont dépassées, étroites, pour servir l'intérêt général européen, c'est-à-dire notre indépendance et notre souveraineté.
LAURENT NEUMANN
Dites-moi, cette semaine, on a appris que la réforme des Retraites était repoussée sine die, que l'application de la réforme de l'assurance chômage était reportée au mieux en janvier, et encore, on ne sait pas, mais alors, attendez, c'est la fin des réformes, les réformes, toutes les réformes promises, on arrête tout ?
BRUNO LE MAIRE
Absolument pas. Et moi, je tiens à ce que la réforme des Retraites se fasse, je pense qu'elle est nécessaire, je pense que la situation des comptes des retraites montre qu'il faut effectivement une réforme des retraites, à la fois, par nécessité financière…
LAURENT NEUMANN
Mais vous confirmez bien qu'elle est reportée pour le moment ?
BRUNO LE MAIRE
Et en même temps, pour plus de justice et plus de simplicité avec la réforme par points. La décision du Premier ministre est une décision sage, dans la situation où nous sommes aujourd'hui, si nous voulons faire face à la crise économique et à ses conséquences, il faut nous rassembler, il faut que le peuple français soit uni, il faut que la nation française soit unie, il y a des incompréhensions…
LAURENT NEUMANN
Je vois bien, pardonnez-moi, Bruno LE MAIRE, je vois bien l'idée d'apaisement, elle est louable, mais apaisement, ça ressemble à une forme de renoncement…
BRUNO LE MAIRE
Laurent NEUMANN, je n'ai pas employé le mot d'apaisement, j'ai employé le mot de rassemblement de la nation française. Il faut dans les semaines qui viennent, dans les mois qui viennent, dans la crise que nous traversons, qui est dure pour des millions de Français, être capable de nous rassembler et éviter des sujets qui peuvent diviser, des frictions qui sont parfois inutiles, mais ça ne veut pas dire abandonner cette réforme, le Premier ministre a été très clair, c'est-à-dire, prendre le temps nécessaire pour voir comment est-ce que nous trouvons les meilleures solutions ensemble, reporter, ça n'est pas abandonner des réformes que je juge nécessaires, sur l'assurance chômage, moi, j'estime que c'est une bonne réforme qui avait été négociée par la précédente ministre du Travail, qui était une réforme qui incitait au retour à l'emploi, mais quand on a des centaines de milliers de chômeurs en plus, ce n'est probablement pas le meilleur moment pour la mettre en application, donc nous avons décidé de la reporter à janvier 2021, et je crois que c'est de la sagesse.
LAURENT NEUMANN
Même question sur les contrats jeunes, moi, je me souviens quand vous êtes arrivé en fonction, tous les contrats aidés qui avaient été faits sous le précédent quinquennat, vous les avez quasiment tous supprimés, et là, tout à coup, 300.000 contrats d'insertion, c'est des contrats aidés qui ne disent pas leur nom, mais j'ai l'impression qu'il y a aussi un changement de pied total ?
BRUNO LE MAIRE
Oui mais vous auriez pu dire aussi, Laurent NEUMANN, que début mars, quand j'ai proposé au président de la République qu'on mette 300 milliards d'euros sur la table pour soutenir la trésorerie des entreprises, qu'elles puissent avoir des prêts immédiats…
LAURENT NEUMANN
Des prêts garantis…
BRUNO LE MAIRE
A des taux très intéressants pour sauver les entreprises, éviter les faillites, c'était une remise en cause complète de la politique que nous avions menée jusque-là, c'est simplement la prise en compte d'une situation économique exceptionnelle et la volonté de protéger nos emplois, de protéger les Français, de protéger nos entreprises, les convictions et notre direction restent exactement les mêmes, ce qui permettra à l'économie française de redémarrer c'est des nouvelles technologies, c'est de l'innovation, c'est de l'investissement, et de l'investissement en particulier dans la croissance durable, ce sera l'axe fort du plan de relance…
LAURENT NEUMANN
Pour vous, ce sera quoi le juge de paix, le juge de paix, la réussite du gouvernement, ce sera quoi ?
BRUNO LE MAIRE
Simplement, pour terminer sur ce point-là, nous, notre responsabilité, c'est d'apporter des résultats très concrets aux Français, et ça justifie de recourir effectivement à des emplois comme ceux que vous avez indiqués.
LAURENT NEUMANN
Oui, mais ce sera quoi le juge de paix, sur quels critères pourra-t-on dire ce gouvernement-là a réussi, au fond, la réforme des Retraites, elle ne va pas s'appliquer tout de suite, celle du chômage, l'assurance chômage, non plus, vous parlez de relance…
BRUNO LE MAIRE
Laurent NEUMANN, ce sera très simple…
LAURENT NEUMANN
Donc c'est quoi, c'est le taux de chômage ?
BRUNO LE MAIRE
Fin 2021, quel est le niveau de croissance, et est-ce que le chômage a amorcé sa décrue, et je peux vous dire que tous les jours, quand je prends les décisions nécessaires sur le plan de relance, qu'est-ce que nous soutenons comme activité, quelles industries, quelles technologies, est-ce qu'on soutient l'hydrogène ou pas, pourquoi est-ce que nous voulons soutenir l'hydrogène, qu'est-ce qu'on fait sur les batteries électriques, qu'est-ce qu'on fait pour les territoires, chaque fois, je pose cette question, est-ce que ça va permettre de créer des emplois, et, est-ce que ça va permettre de relancer la croissance, et je sais parfaitement, j'ai une conscience aiguë de ce que fin 2021, les Français regarderont, est-ce que la croissance stagne à 3, 4 % ou est-ce que la relance a réussi, et on est plutôt à 7, 8 ou 9 %...
LAURENT NEUMANN
C'est votre objectif, c'est ça le juge de paix, c'est un taux de croissance à 7, 8 % à fin 2021 ?
BRUNO LE MAIRE
Mais le juge de paix, c'est que, oui, la France ait retrouvé son dynamisme économique, ce sera ça le juge de paix, et le deuxième juge de paix, il y en a deux, vous voyez, c'est : est-ce que le chômage a amorcé sa décrue, c'est-à-dire, est-ce que notre relance a permis de créer à nouveau des emplois, donc c'est normal, la politique, c'est la responsabilité, ce n'est pas des grands discours, c'est des décisions avec des objectifs stratégiques et des résultats, et les Français sont en droit de nous juger exclusivement à nos résultats, plus que nos paroles.
LAURENT NEUMANN
Une question Elisabeth MORENO, qui est votre collègue au gouvernement, elle est ministre déléguée à l'Egalité femmes hommes, elle a déclaré dans Le Parisien : si monsieur DARMANIN m'a menti, j'en tirerai les conséquences. J'ai deux questions à vous poser, elles sont extrêmement simples, 1°) : est-ce que vous avez parlé avec Gérald DARMANIN de la plainte pour viol dont il fait l'objet, et 2°) : est-ce qu'on peut faire l'objet à la fois d'une instruction judiciaire et être en même temps ministre de l'Intérieur ?
BRUNO LE MAIRE
Je réponds oui aux deux questions, oui, j'en ai parlé avec Gérald DARMANIN, il a été mon collègue au ministère de l'Economie et des finances, c'est quelqu'un que je connais depuis des années, quelqu'un à qui je fais confiance, et sur la deuxième question, la réponse est aussi oui, parce que la présomption d'innocence ne peut pas être un principe à géométrie variable, c'est un principe de droit qui s'applique matin midi et soir, Gérald DARMANIN doit bénéficier de la présomption d'innocence, moi, je peux comprendre qu'il y ait de l'émotion, et il y a aujourd'hui…
LAURENT NEUMANN
C'est un peu plus que de l'émotion…
BRUNO LE MAIRE
Oui, de l'émotion, il peut y avoir de la colère, je peux comprendre ces mouvements-là, je dis simplement qu'en démocratie, dans notre démocratie, et dans notre République, la présomption d'innocence n'est pas un principe à géométrie variable, c'est un principe fondamental du droit qui s'applique matin, midi et soir, qui s'applique à tous les citoyens, qu'ils s'appellent Gérald DARMANIN ou qui que ce soit d'autre.
LAURENT NEUMANN
Merci Bruno LE MAIRE, merci d'être venu répondre à nos questions…
BRUNO LE MAIRE
Merci Laurent NEUMANN.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 juillet 2020