Interview de M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance, à CNews le 4 juin 2020, sur la pénurie des produits anesthésiants dans les hôpitaux et l'avancée des recherches pour trouver un traitement contre le covid-19.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Adrien Taquet - Secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance

Média : CNews

Texte intégral

GÉRARD LECLERC  
Bonjour Adrien TAQUET. 

ADRIEN TAQUET 
Bonjour. 

GERARD LECLERC 
Des milliers d'interventions chirurgicales qui sont reportées depuis 3 mois, parce qu'il y a une pénurie d'anesthésiants, alors, après les masques, après les tests, c'est une nouvelle défaillance ; qu'est-ce qui se passe, comment est-ce possible, comment on en est arrivé-là, et puis, surtout qu'est-ce qu'on fait, ce que c'est dangereux des interventions qui ne peuvent pas avoir lieu ? 

ADRIEN TAQUET 
Alors, bien au contraire, ce n'est pas une défaillance, c'était une nécessité pour que notre système de santé puisse faire face à l'épidémie de Covid et que nous puissions nous organiser pour prendre en charge ces patients qui arrivaient en masse… 

GERARD LECLERC 
Oui, mais résultat, c'est que les opérations qui doivent être… 

ADRIEN TAQUET 
Alors, vous avez raison, il a fallu déprogrammer pour cela un certain nombre d'opérations importantes, aujourd'hui, il n'y a pas de pénurie, il y a une tension effectivement sur un certain nombre de produits anesthésiants importants en réanimation, alors qu'est-ce que nous avons fait, qu'est-ce que nous allons faire, ce que nous avons fait, d'une part, nous avons une gestion plus rigoureuse, c'est-à-dire que le ministre de la Santé a fait en sorte que nous puissions mobiliser ces produits dans les hôpitaux où il y avait des stocks, et que nous puissions les réallouer dans ceux qui étaient en tension justement. Par ailleurs, le ministre des Solidarités de la santé, Olivier VERAN, a appelé tous les grands industriels pour s'assurer, pour leur assurer du volume, et s'assurer que la France serait bien approvisionnée, réapprovisionnée dans ces volumes pour ces produits-là, et, puis, par ailleurs, nous avons aussi une stratégie européenne avec nos partenaires, parce qu'en réalité, la situation que nous connaissons en France, elle est dans le monde entier, il y a eu des demandes de plus de 2.000 % sur un certain nombre de ces produits-là face à la Covid, donc nous avons une stratégie européenne pour aussi garantir des volumes et du réapprovisionnement… 

GERARD LECLERC 
Ça va durer combien de temps ? 

ADRIEN TAQUET 
Alors, nous estimons que la reprise normale de l'activité aura lieu cet été, en fait, nous partons véritablement de la situation des territoires, dans chacun des hôpitaux, nous avons demandé aux Agences Régionales de Santé de se rapprocher des établissements pour voir quel pouvait être le programme de reprise progressif… 

GERARD LECLERC 
Et s'il y a des opérations importantes, nécessaires qu'il faut faire ? 

ADRIEN TAQUET 
Les opérations urgentes, d'urgence, sont bien évidemment faites, et pour tout ce qui est interventions programmées, dirons-nous, il va y avoir une reprise progressive d'ici l'été, au plus près des réalités du territoire. 

GERARD LECLERC 
Alors le déconfinement se passe bien, les jours heureux, dit le président de la République, en est en train de retrouver une vie normale, au point qu'on se pose la question : où est passé le virus, est-ce qu'il existe encore, est-ce qu'on ne peut pas aller plus vite dans le déconfinement, comme en Italie par exemple ? 

ADRIEN TAQUET 
Ecoutez, le virus existe encore, vous avez vu les chiffres, la tendance, bonne tendance, je confirme, moins de patients contaminés, moins de patients hospitalisés, moins de morts chaque jour, pour autant, toujours des personnes en réanimation et toujours des décès parmi nos concitoyens, donc il faut garder la plus grande prudence, vous l'avez dit, le déconfinement progressif se passe bien, c'est la stratégie du gouvernement d'y aller progressivement… 

GERARD LECLERC
 Et on n'accélère pas ? 

ADRIEN TAQUET 
On se donne rendez-vous toutes les 3 semaines, puisque vous savez que c'est ça le délai qui nous permet d'appréhender un peu quels sont les effets des mesures que nous avons prises, nous avons rendez-vous le 21 juin prochain, ça va arriver assez vite. Effectivement, les Français ont retrouvé notamment les terrasses de leurs cafés, et cette convivialité qui nous est chère et qui nous manquait, et dans certains domaines, je pense aux EHPAD notamment… 

GERARD LECLERC 
Voilà, il y a des assouplissements dans les conditions de visite… 

ADRIEN TAQUET 
Absolument. C'est important, on sait que la question… 

GERARD LECLERC 
Ce n'est pas dangereux même temps ? 

ADRIEN TAQUET 
Non, ce n'est pas dangereux, pour une raison très simple, qui est que la main reste toujours au directeur d'établissement, nous avons fixé des règles qui vont être mises en oeuvre à partir de vendredi, qui permettent d'aller rendre visite à ses aînés à plus de deux, que les mineurs, les petits-enfants puissent aller voir leurs grands-parents, on sait à quel point ça peut être important pour les uns, comme pour les autres, mais en dernier ressort, c'est toujours le directeur d'établissement, en fonction de la situation au sein de l'EHPAD, qui peut décider éventuellement de restreindre ces conditions de visite, s'il y a par exemple encore un patient qui serait atteint du virus dans un EHPAD. 

GERARD LECLERC 
La marche arrière de l'OMS sur l'hydroxychloroquine, on peut reprendre les essais cliniques après que la revue Lancet ait émis elle-même des réserves, ça veut dire qu'en France, on peut de nouveau prescrire l'hydroxychloroquine ? 

ADRIEN TAQUET 
Alors, il y a bien deux choses différentes, il y a les essais cliniques d'une part et le fait de prescrire de la chloroquine, et c'est toujours interdit. Ecoutez, le ministre de la Santé, Olivier VERAN, avait appelé dès la fin de la semaine dernière, en réalité, The Lancet, pour partager un certain nombre de questionnements qu'il avait lui-même, vous l'avez dit, la revue a émis un certain nombre de réserves, a demandé à ce qu'on aille un peu plus loin… 

GERARD LECLERC 
Le professeur RAOULT avait raison alors sur ce point-là… 

ADRIEN TAQUET 
Non, non, il y a un certain nombre… Vous savez, l'étude qui a été publiée dans The Lancet n'est pas la seule étude qui a émis un certain nombre de doutes et de warnings sur les effets que pouvait avoir la chloroquine, les agences sanitaires en France se sont basées sur leurs avis qu'ils ont émis, et sur lesquels nous basons nos décisions, sur d'autres études, pas uniquement sur celle du Lancet, sur aussi d'autres études qui disaient de prendre garde, c'est toujours notre position… 

GERARD LECLERC 
Alors, aujourd'hui, en France, très clairement, on en est où, est-ce qu'on change… ? 

ADRIEN TAQUET 
Pour l'instant, on ne change pas, on reste… 

GERARD LECLERC 
On ne change rien ? 

ADRIEN TAQUET  
Pour l'instant, on reste sur la même position… 

GERARD LECLERC 
Même si l'OMS dit qu'on peut reprendre les essais… 

ADRIEN TAQUET 
L'ANSM, l'Agence de la sécurité des médicaments, ne s'est pas encore prononcée suite aux dernières décisions, et notamment de l'OMS, nous attendons ces avis-là, nous sommes en discussion, en échange permanent avec les autorités sanitaires, de sécurité sanitaire, de notre pays, pour fonder nos décisions, c'est ce que nous avons fait jusqu'à présent, c'est ce que nous continuons à faire aujourd'hui. 

GERARD LECLERC 
Alors la mission parlementaire sur le coronavirus a déjà recensé de sérieuses faiblesses, sur les masques, sur l'hôpital, sur les agences régionales de santé, elle va se transformer en commission d'enquête. Est-ce que ça ne vous inquiète pas, est-ce que le gouvernement ne va pas être sur la sellette ? 

ADRIEN TAQUET 
Alors, écoutez, d'une part, c'est une mission parlementaire, vous l'avez dit, qui a partagé hier un premier rapport d'étape, attendons déjà le rapport définitif pour tirer des conclusions définitives… 

GERARD LECLERC 
Enfin, là, il y a quand même des choses… 

ADRIEN TAQUET 
Oui, mais ce qui est intéressant, je trouve, dans l'approche qui a été celle de la mission, c'est de pointer effectivement les difficultés qu'a pu avoir notre pays et pas spécifiquement ce gouvernement, parce qu'on a bien compris qu'en réalité, la situation dans laquelle nous avons été confrontés et nous sommes confrontés remonte à des décisions ou à des non-décisions qui impliquent différents gouvernements, et surtout, qui remontent à plusieurs années, et c'est cette approche-là qu'a eue la mission, qui me semble intéressante, parce qu'elle a été s'attaquer, en tout cas, rechercher peut-être les racines profondes de la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui avec une approche, un peu comme ça, globale, systémique, et je pense que pour trouver des solutions pour l'avenir, il faut qu'on ait cette approche-là. J'espère que la commission d'enquête demain aura aussi cette clairvoyance. 

GERARD LECLERC 
Parmi les conséquences du confinement, il y a malheureusement la maltraitance des enfants, c'est votre sujet, est-ce que vous avez des données, et qu'est-ce que vous allez en faire ? 

ADRIEN TAQUET 
J'étais très inquiet, moi, au début du confinement, vous savez, 80 % des violences faites aux enfants dans notre pays ont lieu dans un cercle familial, donc quand on a décidé le confinement et de renvoyer un certain nombre d'enfants chez eux, on savait que ça pouvait les mettre en difficulté, donc on a mené des campagnes de sensibilisation, de communication assez fortes en direction des Français, pour faire en sorte que chacun des Français devienne la vigie de la sécurité de nos enfants, et c'est ce qui s'est passé… 

GERARD LECLERC 
Alors est-ce qu'on a des données assez précises, et qu'est-ce qu'on en fait ? 

ADRIEN TAQUET 
Alors, on a des données, à ce stade, parce qu'il est un peu tôt encore pour tirer des conclusions définitives, mais à ce stade, on a des données sur les appels au 119, vous savez, le 119, c'est le numéro de l'enfance en danger, numéro gratuit, anonyme, je me permets de le rappeler, disponible 24 heures sur 24. Les appels au 119 ont augmenté de plus de 56 % durant toute la période, quand vous avez fait des campagnes de communication, c'était plus de 100 % d'appels, donc ça traduit une augmentation des maltraitances, très probablement, on le sait, mais ça traduit aussi, et je veux y voir aussi une vigilance accrue des Français, parce que vous avez plus de 60 % d'appels de voisins qui ont augmenté, l'appel des camarades aussi qui sentent, via leurs échanges, sur les réseaux sociaux, etc., que leurs petits copains sont en difficulté, ont appelé aussi à plus de 80 % par rapport aux périodes normales. Donc si vous voulez, on a créé, je pense, un réflexe 119 chez les Français, avant le confinement, un Français qui était confronté à une suspicion de violence, vous savez, ces cris qu'on entend de l'autre côté de la paroi dans l'appartement, il y avait juste 1 Français sur 4 qui appelait le 119, je pense que ça, c'est en train de changer et il faut qu'on capitalise là-dessus, il faut que chaque Français ait conscience qu'il est responsable, le gouvernement ne peut pas tout, chacun de nous est responsable de la sécurité de nos enfants ; on parle des êtres les plus vulnérables parmi les plus vulnérables, oui, on peut aller frapper à la porte de chez le voisin, ça a beau être sa sphère privée, ça a beau être la famille, il faut aller frapper à la porte pour savoir ce qui se passe quand on entend des cris, il faut appeler le 17, c'est-à-dire les forces de l'ordre, quand on pense qu'il y a un enfant qui est véritablement en danger ; voilà, c'est la raison pour laquelle, c'est une des raisons pour laquelle, nous allons organiser à la rentrée des états généraux sur les violences faites aux enfants. Nous avons déjà proposé un certain nombre de choses en novembre dernier, il faut aller plus loin, plus fort encore, comme pour l'hôpital, et ça sera l'occasion de faire un peu un bilan à la rentrée, et de prendre de nouvelles mesures avec l'ensemble des acteurs… 

GERARD LECLERC 
Avec ces états généraux. 20.000 manifestants avant hier à Paris contre les violences policières, l'affaire TRAORE, quelle lecture vous en faites ? 

ADRIEN TAQUET 
Eh bien, déjà, moi, je me souviens de l'émotion que j'avais ressentie en 2016, parce que mourir à 24 ans dans des circonstances comme ça, enfin, on est un enfant encore à 24 ans, et on ne peut pas admettre ça. Ecoutez, moi, je pense que les propos du ministre de l'Intérieur ont été très clairs hier, à chaque incident, il faut qu'il y ait une enquête, et à chaque fois qu'il y a eu une faute, il faut qu'il y ait une sanction, voilà, c'est cette intransigeance-là que nous devons à nos concitoyens, évidemment, qu'ils aient confiance dans leurs forces de l'ordre, et moi, j'ai pleinement confiance dans nos forces de l'ordre. Les parallèles avec ce qui se passe aux Etats-Unis, à mon avis, on n'a pas le temps de développer, n'ont pas de sens réel, c'est une intransigeance qu'on doit vis-à-vis de nos valeurs, et puis, vis-à-vis aussi des forces de l'ordre, voilà. 

GERARD LECLERC 
Les municipales, il faut rappeler que vous êtes un des fondateurs de la République En Marche, c'est un échec au premier tour, et puis, surtout, confusion, glissement à droite, avec des accords avec des listes Les Républicains, face aux listes de gauche, et face aux écologistes, au moment même où le président dit que l'écologie, c'est un impératif, c'est une urgence… 

ADRIEN TAQUET 
Alors, si je me permets, c'est une vision un peu partielle des choses, puisque, en réalité, depuis le début, vous le savez, c'est, je pense, une des raisons pour lesquelles les Français nous ont élus, c'est ce dépassement des clivages, et c'est ce que nous avons fait aussi aux municipales… 

GERARD LECLERC 
Oui, sauf que là, vous vous alliez à la droite… 

ADRIEN TAQUET 
Au premier tour comme au second tour, et plus encore pour les élections locales, où, vous le savez très bien, vu l'expérience qui est la vôtre, les étiquettes politiques ont quand même un peu moins de sens, on s'allie sur des projets en fait, voilà, on a fermé la porte à la droite à Lyon, on a fermé la porte à droite à Colombes, que je connais bien, voyez, et on va plutôt être en soutien des écologistes, pour le coup, parce que la droite, la vieille droite RPR des Hauts-de-Seine, eh bien, ce n'est pas vraiment celle que l'on veut, je pense qu'il y a une vraie fracture entre la droite française aujourd'hui, que la poutre bouge encore, comme dirait l'autre… 

GERARD LECLERC 
Mais la droite à Strasbourg, la droite à Bordeaux, la droite à Tours, ça ne vous dérange pas ? 

ADRIEN TAQUET 
Vous savez, en gros, on a regardé un petit peu, on soutient effectivement à peu près deux tiers de maires de droite, mais en gros, deux tiers des maires sortants sont de droite, donc il n'y a pas véritablement de décalage à cet égard, vous savez, à Strasbourg, c'est la droite qui nous rejoint derrière Alain FONTANEL, qui est un formidable candidat et qui sera un formidable… 

GERARD LECLERC 
Oui, mais ailleurs, c'est vous qui rejoignez la droite… 

ADRIEN TAQUET 
Et qui sera un formidable maire de Strasbourg. A Bordeaux, on rejoint nos alliés du MoDem, pas totalement délirant… 

GERARD LECLERC 
Donc pas de glissement à droite… 

ADRIEN TAQUET 
Et dans d'autres endroits, à Ris-Orangis, avec Olivier KLEIN, à Clichy-sous-Bois, nous serons avec la gauche et avec les forces progressistes, c'est en fonction des projets locaux, vous savez… 

GERARD LECLERC 
Pas de glissement à droite selon vous de La République En Marche… 

ADRIEN TAQUET 
Pas de glissement à droite, toujours le dépassement des clivages… 

GERARD LECLERC 
Et quand même des élections sans doute décevantes à l'arrivée pour vous. On termine avec le couple exécutif qui interroge, il y a des dissensions qui sont apparues, et puis, il y a le Premier ministre qui s'emballe dans les sondages, quand le président stagne à 40 %. 

ADRIEN TAQUET 
Ecoutez, moi, je ne suis pas, je ne regarde pas trop les sondages, vous m'en excuserez, je vous laisse les commenter, vous êtes dans votre rôle, moi, ce que je regarde, c'est les faits, moi, je fréquente beaucoup l'un et l'autre, beaucoup l'un avec l'autre, et je me contente des faits… 

GERARD LECLERC 
Et ça se passe… c'est l'idylle ? 

ADRIEN TAQUET 
Et ce que je vois, c'est une complémentarité dans l'action, et je pense que les Français s'en rendent compte, que dans la tempête, on a un couple de l'exécutif uni avec le gouvernement, aussi, je me permets de nous inclure dedans, et c'est ça qui fait que la France va réussir à traverser cette crise sanitaire, et puis, la crise économique et sociale qui est devant nous, ne l'oublions pas. 

GERARD LECLERC 
Merci Adrien TAQUET. 

ADRIEN TAQUET 
Merci à vous. 

GERARD LECLERC    
Bonne journée. 


Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 juin 2020